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Les art. 80 du règlement du sénat et 37 du règlement de la chambre permettent à l'auteur d'une proposition de la retirer même quand la discussion est ouverte. La jurisprudence parlementaire permet même à l'auteur de la proposition de la retirer quand tous les articles sont votés et qu'il va être procédé au vote sur l'ensemble. Mais une chambre demeure saisie de toutes les propositions tant qu'elles n'ont pas été retirées par leurs auteurs, alors même que ceux-ci soient morts ou démissionnaires.

Chaque chambre peut toujours décider qu'une proposition sera renvoyée à l'examen du conseil d'Etat (L. 24 mai 1872, art. 8, no 1). Les chambres (et on doit le regretter) usent très rarement de cette possibilité. Si elles en usaient plus souvent, les lois seraient peutêtre mieux rédigées.

Sur l'initiative, cons. Pierre, Droit politique et parlement., 2 édit., 1902, p. 63 et suiv.; Supplément, 1906, p. 17 et suiv. ; Michon, L'initiative parlementaire et la réforme du travail législatif, 1898; Larcher, L'initiative parlementaire, 1896; Moreau, L'initiative parlementaire, Revue du droit public, 1901, I, p. 251296.

125. Les bureaux et les commissions.

- Déjà les états généraux et les assemblées des notables de l'ancien régime se divisaient en bureaux pour l'étude des questions avant qu'elles ne vinssent en assemblée générale. Dès le 7 juin 1789, le tiers-état arrêtait qu'il serait formé des bureaux où « tous les objets intéressants seraient discutés avant d'être soumis à délibération ». Ni la Convention, ni les conseils législatifs de la constitution de l'an III, ni le tribunat, ni le corps législatif du consulat et de l'empire ne furent divisés en bureaux. Mais l'art. 45 de la Charte de 1814 porte : «La chambre se parlage en bureaux pour discuter les projets qui lui sont présentés de la part du roi ». Depuis toutes nos assemblées législatives ont été divisées en bureaux.

Aujourd'hui le sénat est divisé en neuf bureaux, et la chambre en dix. Ils sont renouvelés chaque mois par voie de tirage au sort Règl. sénat, art. 11; chambre. art. 3, § 2 et 12). Après leur formation les bureaux sont convoqués par décision de la chambre sur la proposition du président. Chaque bureau nomme un président et un secrétaire. Chaque président peut convoquer son bureau.

Le rôle des bureaux pour l'étude des projets et propositions de loi est actuellement bien restreint; cette étude est faite par les commissions. Leur rôle consiste essentiellement dans la nomination des commissions. Chaque bureau nomme un, deux ou trois commissaires

au scrutin secret (Règl. sénat, art. 14; chambre, art. 15 et 17).

A la chambre, un tirage spécial des bureaux doit avoir lieu chaque année pour la nomination des membres de la commission du budget. Le tirage au sort de ces bureaux ne doit précéder que de deux heures leur réunion (Résolution du 24 avril 1894, devenue le § 3 de l'art. 12 du règlement).

On a souvent critiqué ce mode de nomination des commissions, et parfois les chambres ont décidé que telle commission serait nommée au scrutin de liste par la chambre. On a surtout dit que par suite du tirage au sort des bureaux pouvait se produire ce résultat inadmissible que la majorité d'une commission ne correspondit pas à la majorité de la chambre. Ce résultat assurément peut se produire, et en fait il s'est produit quelquefois. Mais il est rare et n'a pas un bien sérieux iuconvénient. La nomination des commissions par les bureaux présente trois avantages qui, à notre avis, la doivent faire maintenir. D'abord elle évite à la chambre une grande perte de temps. En second lieu la nomination des commissions peut être précédée d'une discussion dans chaque bureau et ainsi la clarté des idées et la netteté des situations y gagnent. Enfin, et c'est là le principal avantage, par ce système la minorité de la chambre est presque toujours représentée dans les commissions. Si les commissions étaient nommées au scrutin de liste par la chambre, il serait à craindre que la majorité, quelle qu'elle soit, facilement oppressive, n'écarte des commissions importantes complètement les membres de la minorité. La chose n'est point sans exemple. Il importe donc de maintenir le mode actuel de recrutement des commissions. A la chambre des députés (Règl. art. 17, § 1) il peut être décidé que la nomination des commissions sera faite en assemblée générale par scrutin de liste. Heureusement la chambre use rarement de cette faculté. Dans la séance du 26 juin 1906, la chambre a repoussé diverses propositions tendant à modifier le mode de nomination des commissions permanentes, et notamment une proposition de M. G. Berry tendant à la comination de toutes les commissions au scrutin de liste.

Les commissions parlementaires. De tout temps les assemblées politiques ont désigné quelques-uns de leurs membres pour faire une étude préliminaire des questions et leur présenter un texte devant servir de base à la discussion en séance publique.

Jusqu'à la résolution votée par la chambre des députés le 17 novembre 1902, devenue l'art. 11 bis de son règlement, dans nos deux assemblées les commissions étaient en principe spéciales et temporaires. Elles

étaient spéciales, c'est-à-dire qu'elles étaient nommées en vue de l'étude d'un ou plusieurs points déterminés, et qu'elles ne pouvaient s'occuper que de la question en vue de laquelle elles avaient été nommées. Elles étaient temporaires, c'est-à-dire qu'elles disparaissaient du moment où la question en vue de laquelle elles avaient été nommées était résolue, du moment où le projet, la proposition en vue desquels elles avaient été constituées, étaient votés ou repoussés.

Ce système des commissions temporaires et spéciales était la règle de notre droit parlementaire depuis. la const. de l'an III (art. 67). Il avait pour but d'éviter que des commissions permanentes ne prissent trop d'influence, n'empiétassent sur le domaine du gouvernement et ne portassent atteinte à sa liberté d'action. On voulait éviter le retour des abus et de la tyrannie des comités de la Convention et de la Constituante.

L'Assemblée nationale de 1789 confia à des comités l'examen préalable de toutes les affaires. Quelques-uns de ces comités devinrent très puissants et annihilèrent complètement l'autorite du gouvernement dans l'ordre des affaires rentrant dans la délégation à eux donnée par l'Assemblée nationale. Le système des comités se continua sous la Législative. De 1792 à 1795 ce sont les comités de la Convention qui sont les véritables détenteurs du pouvoir. Au moins jusqu'au 9 thermidor le Comité de sûreté génerale créé le 1er janvier 1793 et le Comité de salut public créé le 7 avril 1793 sont beaucoup plus puissants que la Convention dont la majorité tremble devant eux. Après le 9 thermidor une loi du 7 fructidor an II créa dans la Convention 16 comités généraux. Mais la Convention comprit elle-même le grave danger des comités permanents, et elle inscrivit dans la const. de l'an III l'art. 67 qui formulait aussi nettement que possible la règle des commissions spéciales et temporaires, règle qui a subsisté, sauf quelques interruptions, dans notre droit parlementaire jusqu'à la résolution precitée de la chambre du 17 novembre 1902.

Sous le consulat et l'empire l'organisation du pouvoir législatif rendait complètement inutile la nomination de commissions; le projet de loi était complètement préparé par le conseil d'Etat; le rôle du tribunat, d'abord assez actif, devint très réduit après le sénatusconsulte du 28 floréal de l'an XII, jusqu'à sa suppression par le sénatusconsulte du 19 août 1807. L'Assemblée nationale de 1848, assemblée constituante, réunissant tous les pouvoirs, revint

au système des comités permanents; elle se divisa en 15 comités permanents comprenant chacun 60 représentants.

Actuellement le sénat est resté fidèle au système des commissions temporaires et spéciales. Il ne fait exception que pour la commission des finances depuis 1888.

Le 10 juillet 1888 le sénat a voté la résolution suivante qui forme les art. 20 et 21 de son règlement : « Une commission de 18 membres est chargée de l'examen de la loi des recettes et des dépenses. Cette commission, nommée par les bureaux après la distribution de l'exposé des motifs du budget de chaque exercice, demeure en fonctions jusqu'à la nomination de la commission suivante. Sont renvoyés à cette commission, à moins de renvoi à une commission spéciale 1o tout projet de loi portant demande de crédits supplémentaires ou extraordinaires afférents aux exercices clos ou périmés; 2o tout projet de loi ou proposition qui peut avoir pour effet de modifier la situation du trésor ». Rapp. art. 22. Cette commission est ainsi annuelle et générale puisqu'elle reçoit tous les projets d'ordre financier qui sont présentés au sénat dans le courant de l'année.

Le sénat nomme en outre quatre commissions mensuelles et qui en un sens sont des commissions générales: 1o une commission d'initiative pour éludier les propositions au point de vue de la prise en considération (cf. supra. § 124); 2° une commission chargée de l'examen des projets de loi d'intérêt local; 3° une commission chargée de l'examen des pétitions; 4o une commission chargée de l'examen des demandes de congé (Règl. art. 17).

Jusqu'en 1902, la chambre des députés suivait un système identique. Mais depuis longtemps ce système des commissions spéciales et temporaires était très critiqué. On reprochait à ces commissions leur inaction et leur lenteur; on disait que des propositions ou projets absolument connexes étaient confiés à l'examen de commissions différentes, d'où un défaut de coordination dans le travail, un véritable gaspillage de temps et d'efforts.

MM. Siegfried et Bourgeois écrivaient déjà en 1889: « Ces multiples commissions spéciales nommées au hasard de la composition des bureaux, n'ayant aucune tradition, ne pouvant se livrer à aucune étude suivie dans un ordre d'idées déterminées et dont les membres seront à bref délai disséminés dans d'autres commissions, ayant un objet absolument différent, présentent l'image d'un mécanisme très compliqué dont les rouages et les divers organes s'enchevêtrent les uns les autres et qui, pour une grande dépense de forces et de mouvements, ne donnent que des résultats

insuffisants» (Exposé des motifs d'une proposition, 19 novembre 1889). Depuis 1889 de nombreuses propositions ont été faites à la chambre tendant à modifier le règlement et à créer de grandes commissions permanentes. En 1894, MM. H. Maret et G. Graux demandaient qu'au début de chaque session ordinaire la chambre se partageât en dix commissions correspondant aux divers ministères et comprenant chacune 50 à 60 députés. En 1898 ́le 29 novembre), sur le rapport de M. Graux, la chambre créait un certain nombre de commissions permanentes.

Le 17 novembre 1902, par une résolution qui est devenue l'art. 11 bis de son règlement, la chambre a décidé la création de seize grandes commissions permanentes. Elles doivent être nommées au début de chaque législature; leur création n'empêche pas la chambre de décider la constitution, si elle le juge à propos. d'autres commissions spéciales ou permanentes. Les commissions se composent chacune de trente-trcis membres. Elles sont nommées par les bureaux. Chaque bureau nomme trois commissaires (Règl. chambre, art. 11 bis, 11 ter, 11 quater). Chaque commission permanente doit déposer, au début de chaque session, sur le bureau de la chambre, un résumé sommaire de l'état de ses travaux qui doit être inséré au Journal off. (Règl. chambre, art. 25, § 4, voté le 16 juin 1903).

Les seize grandes commissions permanentes ont reçu les dénominations suivantes: 1° Douanes; 2o Travail; 3° Assurance et prévoyance sociales; 4o Agriculture; 5o Travaux publics, chemins de fer et voies de communication; 6o Réforme judiciaire, législation civile et commerciale; 7° Armée; 8° Marine; 9o Affaires extérieures; 10° Enseignement et beaux arts; 11° Administration générale, départementale et communale et cultes; 12o Commerce et industrie; 13o Législation fiscale; 14° Hygiène publique; 150 Postes et télégraphes; 16° Commission des économies. Ces commissions, constituées au début de chaque législature, restent en fonctions pendant toute la législature. Elles sont véritablement des commissions permanentes; à elles sont renvoyés tous les projets, toutes les propositions portant sur des matières rentrant dans leur objet. Voilà pourquoi le système du renvoi à la commission d'initiative est à peu près tombé en désuétude (Cf. § 124).

En 1902, le point le plus discuté fut le mode de recrutement de ces commissions. Certains députés demandaient qu'elles fussent nommées au scrutin de liste par la chambre entière. Finalement il fut décidé que chacune de ces grandes commissions se composerait

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