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sements ou départements auxquels il s'applique, et fixe le temps de sa durée. A l'expiration de ce temps l'état de siège cesse de plein droit, à moins qu'une loi nouvelle n'en prolonge les effets (L. 1878, art. 1, § 2). Ces dispositions très restrictives ont été inspirées au législateur de 1878 par le désir d'éviter le retour des abus commis par les gouvernements antérieurs, et notamment par le gouvernement du 16 mai. Cf. § 76.

Il y a certains autres actes pour lesquels le législateur a expressément exigé l'intervention du parlement et qui paraissent bien être des actes de nature matérielle administrative, mais qui présentent une importance exceptionnelle et surtout qui touchent, au moins indirectement, à la propriété des citoyens dont ils peuvent augmenter les charges. C'est en premier lieu la déclaration d'utilité publique, acte très important, puisque c'est la condition indispensable d'une expropriation.

Aux termes de la loi du 27 juillet 1870, tous grands travaux publics, roules nationales, canaux, chemins de fer, etc., entrepris par l'Etat ou par un concessionnaire ne peuvent être autorisés que par une loi après une enquête administrative. Les travaux de moindre importance, comme les rectifications et lacunes de routes, les embranchements de moins de 20 kilomètres, peuvent être déclarés d'utilité publique par un décret en la forme de règlement d'administration publique. La déclaration d'utilité publique des chemins de fer d'intérêt local ne peut jamais résulter que d'une loi (L. 11 juin 1880, art. 2, § 5).

Le parlement vote les emprunts d'Etat et les conversions. II statue sur certaines modifications apportées aux circonscriptions administratives (L. 5 avril 1884, art. 6), sur l'aliénation des forêts de l'Etat et des immeubles domaniaux dont la valeur dépasse un million (L. 22 novembre-1er décembre 1790; L. 1er juin 1864). Avant les lois des 12 juillet 1898 et 7 avril 1902. les conseils généraux et les conseils municipaux ne pouvaient voter certaines contributions extraordinaires et certains emprunts qu'avec l'autorisation donnée par le parlement en forme de loi. Aujourd'hui cette autorisation est donnée par un décret en conseil d'Etat. Mais ni la loi du 10 août 1871 sur les conseils généraux, ni la loi du 5 avril 1884 sur les conseils municipaux, ni les lois qui les modifient ne s'appliquent au département de la Seine et à la ville de Paris. L'autorisation du parlement reste donc nécessaire pour les emprunts

et les contributions extraordinaires intéressant ces deux unités administratives.

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131. Attributions financières. On désigne sous ce nom des attributions qui ont, au point de vue matériel, un caractère complexe et variable, mais qui ont toutes ce caractère commun qu'elles se rapportent au patrimoine financier et qu'elles sont, parmi les attributions des chambres, particulièrement impor

tantes.

C'est surtout le besoin de protéger les contribuables contre les exactions financières des chefs d'Etat qui a donné naissance aux parlements modernes. De bonne heure dans l'ancienne France s'était introduite la règle que les nouveaux impôts ne pouvaient être créés que du consentement des états généraux. Elle avait été très nettement affirmée aux états de Paris de 1355 el 1356; et elle fut constamment invoquée dans toutes les réunions du xvre si^cle. On peut même dire qu'elle ne fut véritablement violée qu'au XVIe siècle. Mais jamais les états généraux n'oblinrent la périodicité si souvent demandée. Aussi ne purent-ils jamais exercer un véritable contrôle sur les finances royales.

Au XVIe siècle, le parlement de Paris voulut se poser en représentant de la nation, soutenant que les étals généraux n'étant plus convoqués, c'était à lui d'exercer un contrôle sur les édits fiscaux. Ce fut la cause de conflits nombreux entre le parlement de Paris et le gouvernement du roi. Corps essentiellement aristocratique, le parlement n'offrait pas de garantie suffisante, et, quand l'opinion publique put se manifester au moment de la rédaction des cahiers pour les élections de 1789, elle demanda unanimement l'établissement et la répartition des impôts et le contrôle des dépenses par une assemblée élue. Dans le cahier du tiers état de Paris on lit : « La nation peut seule concéder les subsides; elle a le droit d'en déterminer la quotité, d'en limiter la durée, d'en faire la répartition, d'en assigner l'emploi, d'en demander le comple, d'en exiger la publication ». La même demande se retrouve dans tous les cahiers du tiers et dans beaucoup de cahiers de la noblesse et du clergé. Dans son rapport du 27 juillet 1789 à l'Assemblée, « contenant le résumé des cahiers en ce qui concerne la constitution », Clermont-Tonnerre peut indiquer ce point comme un de ceux sur lesquels existe l'unanimité des cahiers. Aussi, dès le 17 juin 1789, l'assemblée nationale portait le décret suivant : « Considérant que les contributions telles qu'elles se perçoivent actuellement n'ayant pas été consenties par la nation sont toutes illégales et par conséquent nulles dans leur création... déclare consentir provisoirement pour la nation que les impôts et contributions, quoique illégalement établis et perçus, continuent d'être levés de la même manière jusqu'au jour

de la séparation de la présente assemblée, passé lequel jour, l'assemblée nationale entend et décrète que toute levée d'impôts et contributions de toute nature, qui n'aurait pas été... accordée par l'assemblée, cessera entièrement dans toutes les provinces du royaume ».

Les revendications formulées dans les cahiers allaient être consacrées d'une manière expresse par la Déclaration des droits de 1789 et la constitution de 1791; ces règles sont, depuis cette époque, des principes essentiels de notre droit public.

Les principes de notre droit public actuel sont les suivants: 1° l'impôt ne peut être voté que par la nation ou ses représentants (Décl. des droits de 1789, art. 13 et 14; Const. 1791, tit. III, chap. III, sect. 1, art. 1, no 3); 2o l'impôt ne peut être voté que pour un an (Const. 1791, tit. V, art. 1; an III, art. 302; 1848, art. 17); 3° aucunes dépenses publiques ne peuvent être faites sans le consentement des représentants de la nation (Const. 1791, tit. III, chap. II, sect. 1, art. 1, n° 2); 4o chaque année avec le concours du gouvernement, les représentants de la nation doivent établir pour l'année qui commence un état des dépenses permises et des recettes autorisées; c'est le budget annuel dont le mot ne se trouve pas dans la constitution de 1791, mais dont le principe est formulé par l'art. 7 de la section iv du chapitre II, et par l'art. 1 de la section I du chapitre II du titre III de la const. de 1791; 5° les représentants de la nation ont le droit de vérifier l'emploi, par les ministres, des deniers de l'Etat et d'exiger que ceux-ci en rendent compte (Const. 1791, tit. III, chap. II, sect. iv, art. 7; chap. III, sect. I, art. 1, no 4 et tit. V, art. 3); 6o les corps administratifs locaux décentralisés ne peuvent établir des contributions extraordinaires locales que sous le contrôle des représentants de la nation (Const. 1791, tit. V, art. 4).

Ces diverses règles ont été reproduites dans la plupart de nos constitutions. Elles ne l'ont point été dans nos lois const. de 1875, qui, on le sait, ne contiennent aucune disposition de principe. Elles n'en existent pas moins encore aujourd'hui, et avec le caractère constitutionnel, soit qu'on admette que la Déclaration des droits de 1789 est encore aujourd'hui en vigueur et qu'elles y sont expressé30

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ment ou implicitement contenues, soit qu'on y voie des règles constitutionnelles coutumières. Le parlement qui voterait un impôt pour plus d'un an, ou le budget des dépenses ou simplement une partie des dépenses pour une durée supérieure à un an, ferait un acte inconstitutionnel. Il ne peut pas y avoir de doute sur ce point.

Plusieurs textes non constitutionnels formulent d'ailleurs expressément le principe du vote et de l'annalité de l'impôt et des dépenses. Les dispositions de l'art. 135 de la loi du 25 mars 1817, qui est reproduite chaque année dans le dernier article de la loi des finances, portent que nul impôt, nulle taxe ne peuvent être perçus que s'ils ont été établis par la loi. A l'art. 9, § 1 de la loi du 15 mars 1852, il est dit : « Aucune dépense ne pourra être ordonnée ni liquidée sans qu'un crédit préalable ait été ouvert par une loi ». Eufin l'art. 1 de la loi du 14 décembre 1879 porle : « Il ne peut être accordé de crédit qu'en vertu d'une loi ».

Le vote d'une loi établissant et réglementant un impôt ne soulève aucune difficulté particulière. Il faut appliquer les règles générales s'appliquant à toutes les lois, sauf bien entendu cette réserve expliquée § 124 que cette loi doit être discutée en premier lieu à la chambre, et que l'initiative n'en peut pas venir du sénat (L. 24 février 1875, art. 8, § 2).

Rien de particulier à dire non plus du vote des lois ouvrant un crédit isolé ou autorisant un emprunt, une conversion d'emprunt, auxquelles s'applique encore la règle de l'initiative et de la priorité réservées à la chambre (cf. § 124). Les lois ouvrant des crédits isolés et les lois d'emprunt sont des lois simplement formelles et non des lois matérielles. Cf. § 34.

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Le budget. On désigne par ce mot un acte très complexe, et qui, depuis quelques années surtout, contient des dispositions de nature et d'ordre très divers. L'art. 5 du décret du 31 mai 1862 sur la comptabilité définit le budget : « l'acte par lequel sont prévues et autorisées les recettes et les dépenses annuelles de l'Etat ou des autres services que les lois assujettissent aux mêmes règles ». Le budget est en principe cela; mais le budget de l'Etat comprend en fait bien d'autres choses.

Le mot budget vient de la langue politique de l'Angleterre, qui ellemême l'avait emprunté au vieux français boudgette signifiant pelite

bourse. Il prit en Angleterre le sens spécial de bourse du roi, de trésor royal. En France, il figure pour la première fois, comme signifiant l'ensemble des recettes et des dépenses de l'Etat, dans le Rapport au roi sur la situation des finances au 1er avril 1814 et sur le budget des années 1814 et 1815 (Littré, Dictionnaire, vo Budget).

Tout budget comprend essentiellement deux parties l'une où sont énumérés les impôts et revenus autorisés, et l'autre où sont fixés les dépenses que le gouvernement est autorisé à faire, ou, sous une autre forme, les crédits qui lui sont ouverts. Impôts et revenus autorisés. Chaque année ils doivent être indiqués d'une façon particulière; s'ils ne l'étaient pas, ils ne pourraient pas être perçus ; cela en vertu du principe déjà indiqué de l'annalité de l'impôt.

Ce principe est d'ailleurs formulé chaque année dans le dernier article de la loi des finances qui est la reproduction de l'art. 135 de la loi des finances du 25 mars 1817 et qui est ainsi conçu : « Toutes contributions directes et indirectes autres que celles qui sont autorisées par la loi des finances de l'exercice de..., à quelque titre ou sous quelque dénomination qu'elles se perçoivent, sont formellement interdites, à peine contre les autorités qui les ordonneraient, contre les employés qui confectionneraient les rôles et tarifs et ceux qui en feraient le recouvrement, d'être poursuivis comme concussionnaires, sans préjudice de l'action en répétition pendant trois années contre tous receveurs, percepteurs ou individus qui en auraient fait la perception ».

Rationnellement c'est la même loi des finances qui devrait fixer le montant des contributions directes, l'évaluation des contributions indirectes et autoriser la perception des unes et des autres. Mais depuis quelques années le parlement a pris l'habitude de voter une loi des finances distincte pour les contributions directes, sous le titre de loi relative aux contributions directes et aux taxes assimilées. La loi des contributions directes pour l'exercice de 1907 a été promulguée le 19 juillet 1906 et la loi générale du budget pour le même exercice sera promulguée au plus tôt à la fin de décembre 1906 (cf. infra). Cette loi spéciale des contributions directes a élé rendue nécessaire par l'habitude qu'a prise le parlement de voter le budget seulement pendant sa session extraordinaire des mois d'octobre, novembre et décembre et même souvent seulement pendant l'année de l'exercice dont s'agit, comme en 1905 et en 1906. Or c'est à leur session du mois d'août que les conseils généraux doivent faire la répartition des contributions de répartition entre les arrondissements de leur département (L. 10 août 1871, art. 37, § 1). C'est à la même session que les conseils généraux votent les centimes extraordinai

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