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COUR DE CASSATION.

Le mot FRAPPER, employé dans l'art. 228 du Cod. pen., n'est-il que DEMONSTRATIF, et les violences dont parlent les articles suivants doivent-elles étre assimilées aux COUPS? (Rés. aff.) Cod. pén., art. 228, 230, 231 et 232.

MINISTÈRE PUBLIC, C. CHEVALLIEr.

Par jugement rendu par le tribunal de police correctionnelle de Guingamp, le 20 avril dernier, Chevallier avait été condamné à cinq ans d'emprisonnement, à 16 fr. d'amende, à cinq ans de surveillance, et à fournir un cautionnement de 150 fr., par application de l'art. 13 de la loi du 20 avril 1825, et des art. 261, 222, 228, 57 et 44 du Cod. pén., comme coupable 1° d'avoir, le 19 mars précédent (dimanche des Rameaux), interrompu les exercices du culte en interpellant à haute voix le desservant de la commune de Saint-Clet au milieu de l'instruction qu'il faisait à ses paroissiens, et 2o de violences exercées envers le maire de ladite commune, à l'occasion de l'exercice de ses fonctions.

Sur l'appel de ce jugement par Chevallier, le tribunal de Saint-Brieuc, chef-lieu du département des Côtes-du-Nord, le réforma par le motif que, quelque répréhensibles que fussent les violences exercées sur la personne du maire de SaintClet, elles ne rentraient en aucune manière dans l'application de l'art. 228 du Cod. pén., puisque cet article se sert du mot frapper, et que, dans l'espèce, le maire n'avait pas été frappé. Mais, considérant qu'il est prouvé que l'appelant a interrompu les exercices du culte en causant du trouble dans l'église de Saint-Clet, et, de plus, qu'il a déjà subi une peine de huit années de fers, le tribunal de SaintBrieuc, appliquant à Chevallier les art. 261, 57 et 52 du Cod. pén., ne le condamna qu'à six mois d'emprisonne

ment.

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Le procureur du Roi près le tribunal de Saint-Brieuc s'est pourvu contre ce jugement, dont la cassation a été prononcée

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Du 29 juillet 1826, ARRÊT de la section criminelle, M. de Cardonnel rapporteur, M. Garnier avocat, par lequel ;

« LA COUR, — Sur les conclusions de M. Laplagne-Barris, avocatgénéral; Vu les art. 228, 230, 231 et 232 du Cod. pén, ainsi conçus : « Art. 228. Tout individu qui, même sans armes, et sans qu'il en soit « résulté de blessures, aura frappé un magistrat dans l'exercice de ses « fonctions, ou à l'occasion de cet exercice, sera puni d'un emprisonne« ment de deux à cinq ans. — Art. 230. Les violences de l'espèce expri«mée en l'art. 228, dirigées contre un officier ministériel, un agent de la « force publique ou un citoyen chargé d'un ministère de service public, « si elles ont eu lieu pendant qu'ils exerçaient leur ministère, ou à cette « occasion, seront punies d'un emprisonnement d'un mois à six mois. — « Art. 231. Si les violences exercées contre les fonctionnaires et agents dé« signés aux art. 228 et 230 ont été la cause d'effusion de sang, blessures « ou maladie, la peine sera la réclusion, etc.— Art. 232, Dans le cas même a où ces violences n'auraient pas causé d'effusion de sang, blessures ou « maladie, les coups seront punis de la réclusion, s'ils ont été portés avec a préméditation ou guet-apens. »;

« Considérant que le tribunal d'appel de Saint-Brieuc n'a point contesté, et qu'il a même reconnu constants les faits qui avaient déterminé, de Ja part du tribunal correctionnel de Guingamp, la condamnation de Chevallier à cinq années d'emprisonnement, par application de l'art. 228 du Cod, pén.; - Que, dans le rapport qui a précédé le jugement de SaintBrieuc et qui se trouve inséré dans ledit jugement, il est formellement énoncé, comme fait positif et non contredit, que Chevalier saisit au cou le maire de la commune de Saint-Clet, qui était alors dans l'exercice de ses fonctions; qu'il passa ses deux mains dans la cravate du maire, qu'il tirait à lui de toutes ses forces; que deux particuliers, Conen et Legrotec, fureut obligés d'employer la force pour faire lácher M. le maire, et que ce ne fut qu'avec l'aide de ces deux hommes qu'on parvint à l'arracher des maius du prévenu; que ces faits ainsi constatés et convenus rentrent dans les dispositions de l'art, 228 du Cod. pén,, et constituent le délit prévu par cet article; Que cette conséquence se déduit nécessairement de la combinaison des art. 228, 230, 231 et 232 du Cod. pén.; que le sens que l'on doit attacher au mot frapper, qui se trouve employé dans l'art. 228, est suflisamment déterminé par les expressions de violences dont il est parlé aux art. 230 et 231; et qu'il résulte notamment de l'art. 232 qu'il y a assimilation parfaite entre les violences et les coups portés, et que ces violences et ces coups rentrent dans les dispositions dudit art. 228 et dans l'acception du mot frappé, qui n'est que démonstratif, et déterminent la signification du mot frappé qui est employé dans cet article; — Que, d'après la combinaison de ces articles, il est impossible de se refuser à la conviction que les violences exercées par Chevallier contre le maire de la commune de Saint-Clet, agissant dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, ont constitué le délit prévu par l'art. 228 du Cod. pén.;

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« Et attendu que cependant le tribunal de Saint-Brieuc a déclaré que des violences graves de Chevallier on ne pouvait pas conclure que le maire

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de Saint-Clet eût été frappé, et qu'en conséquence il a violé les dispositions de l'art. 228; Par ces motifs, recevant l'intervention de Chevallier, et y statuant ainsi que sur le pourvoi, CASSE et ANNULE le jugement rendu par le tribunal d'appèl de Saint-Brieuc, le 5 juin dernier.>>

COUR D'APPEL DE PARIS.

La recherche de la maternité est-elle admise contre l'enfant, en ce sens que des héritiers collatéraux, privés de la succession par un legs universel, soient recevables à prouver que le légataire est enfant naturel de la testatrice ? (Non rés. expl.)

En supposant l'affirmative, les collatéraux ne pourraient-. ils étre admis à cette recherche qu'en rapportant d'abord · la preuve écrite de l'accouchement de la prétendue mère, et ensuite un commencement de preuve par écrit de l'identité du légataire avec l'enfant dont elle serait accouchée ?) (Rés. aff.) Cod. civ., art. 325 et 341.

LES HÉRITIERS DE M...., C. LE MINEUR ARNOult.

....

La demoiselle de M........ faisait élever chez elle le mineur Arnoult et donnait à son éducation les plus tendres soins. Par un testament du 12 juillet 1817, elle l'institua son légataire universel. Il paraît que les père et mère du jeune Arnoult étaient absolument inconnus car la testatrice le désigne comme un orphelin né dans le courant de décembre 1813 et présenté peu de jours après à la mairie du huitième arrondissement de Paris, sans aucune désignation des parents.

Quoi qu'il en soit, la demoiselle de M.... meurt le 2 avril 1821; et, sur la demande du tuteur, le mineur Arnoult est. mis en possession de tous les biens de la défunte, en confor-、 mité du testament. Mais bientôt il est troublé dans cette possession par les frères et sœurs de la testatrice, ses héritiers légitimes; ils avancent et offrent de prouver que le légataire est fils naturel de leur parente, d'où ils concluent que le legs est sujet à réduction.

Mais le tuteur répond d'abord que la recherche de la materuité n'a été introduite par l'art. 341 du Cod. civ. qu'en faveur de l'enfant, et nullement contre lui: d'où la conséquence que la preuve offerte est non recevable. Il ajoute en

suite que, dans l'hypothèse même où des héritiers collatéraux, uniquement poussés par un vil intérêt, pourraient être admis à une pareille recherche, ce ne serait toujours que sous la double condition prescrite à l'enfant lui-même par l'article précité du Code, celle de prouver, par un acte en bonne forme, l'accouchement de la mère à une époque correspondante à la naissance de l'enfant, et en outre celle de rapporter un commencement de preuve par écrit de l'identité de cet enfant avec celui dont la prétendue mère serait accouchée; que, les faits articulés et les actes produits par les héritiers n'offrant point le concours de ces deux conditions essentielles, leur demande ne présentait qu'une injare gratuite faite à la mémoire de leur parente, qu'une pure chicane dont les tribunaux feront justice.

Le 25 juillet 1825, jugement du tribunal civil de la Seine qui déclare les héritiers de M..... non recevables dans toutes leurs demandes, — « Attendu qu'en admettant même que les héritiers de la testatrice soient recevables à rechercher la maternité, ils ne peuvent l'être qu'en remplissant les conditions prescrites par l'art. 541 du Cod. civ; qu'autrement ce serait faire tourner contre l'enfant une disposition qui a principalement son intérêt pour but; que d'ailleurs il n'existe aucun motif de dispenser les héritiers des conditions imposées à l'enfant; - Qu'en fait il n'est pas prouvé que la dame de M... soit accouchée à l'époque de la naissance du mineur Arnoult, et que les pièces produites par les héritiers ne peuvent pas être considérées comme des commencements de preuve par écrit de la maternité qu'ils attribuent à leur parente ». Les héritiers ont déféré ce jugement à la censure de la cour royale; ils disaient : Les droits de l'enfant naturel sur les biens de ses père et mère sont réglés par l'art. 757 du Cod. civ., et, dans l'économie de l'art. 908, il ne peut recevoir, même indirectement, rien au delà de ce qui lui est attribué au titre des Successions. Cette disposition est irritante, absolue; impossible de l'enfreindre impunément, puisque autrement l'enfant naturel serait traité, dans bien des cas, avec plus de faveur que l'enfant légitime. Cependant, s'il suffisait à la mère de dérober le secret de son accouchement ou de faire' inscrire l'enfant sous de faux noms pour se ménager la faculté de lui laisser tous ses biens, rien ne serait plus facile que d'é

luder la prohibition légale, et c'est précisément ce que le législateur a voulu empêcher par l'art. 908 du Code. Il faut donc, pour assurer l'exécution de cet article, que les héritiers soient admis à prouver que celui qui se présente comme un simple légataire est un enfant naturel qui, par une violence faite à la loi, a reçu plus qu'il n'était permis de lui donner. On sait bien qu'à l'égard du père la preuve offerte serait interdite; mais pourquoi? Parce que la paternité est un fait incertain et que l'art. 340 en prohibe la recherche d'une manière absolue. Au contraire, rien n'est plus certain que la maternité : aussi l'art. 341 est-il conçu eu termes positifs. La recherche de la maternité est admise: telles sont les expressions de la loi; point de distinction, point d'exception; si les héritiers ne sont pas nommés, ils ne sont pas exclus de cette recherche; cela suffit.

Qu'on ne vienne donc pas dire qu'elle a été introduite dans le seul intérêt de l'enfant : un pareil système est insoutenable; l'héritier est toujours recevable à vérifier la capacité du légataire, et si, quand il s'agit de la filiation légitime, l'action est ouverte à tous les intéressés, il impliquerait qu'il en fût autrement à l'égard des enfants naturels. Quant au genre de preuve, il est tracé dans l'art. 523: c'est la preuve par témoins, pourvu qu'il existe des présomptions assez graves pour la faire admettre (1). Et ici, les soins donnés à l'enfant depuis sa naissance par la testatrice, la circonstance qu'elle l'a logé, nourri, entretenu chez elle, et qu'enfin elle a pourvu à son éducation avec une tendresse toute maternelle, forment autant de présomptions graves de la maternité et des indices suffisants pour faire admettre la preuve. Inutilement vienton opposer aux héritiers l'art. 341, qui exige, comme condition préliminaire, la preuve de l'accouchement et un commencement de preuve par écrit de l'identité. Cette double

(1) Ce système a été proscrit par un arrêt de la cour de cassation, du 21 mai 1810, qui juge que ce n'est que dans le cas de filiation légitime que l'art. 323 perinet de recevoir la preuve par témoins, lorsque les présomptions sont assez graves pour en déterminer l'admission; mais qu'aucun article du Code n'étend cette faculté au cas de la filiation naturelle. Voyez notre nouvelle édition, tom. 11, pag. 490, et l'ancienne collection, 2a semestre de 1810, pag. 321.

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