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condition n'est imposée qu'à l'enfant; elle ne l'est point aux héritiers. La raison de décider est sensible à leur égard : ils dénoncent une fraude, et dans ce cas tous les genres de preuves sont recevables, pourvu qu'il existe des indices de la fraude dont il se plaignent.

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Les adversaires, a-t-on répondu pour le mineur, sont tout à la fois non recevables et mal fondés dans leur demande, et le jugement qui le décide ainsi n'a fait à l'hypothèse qu'une juste application de la loi. En effet l'art. 341 ne parle que de l'enfant, et nullement des héritiers. L'enfant qui réclamera sa mère sera tenu de prouver, etc. Cet article n'est d'ailleurs qu'une exception à la prohibition générale posée dans l'art. 340, et les exceptions ne peuvent être étendues. On conçoit au surplus la différence qu'a dû faire le législateur entre l'enfant qui recherche sa mère et des héritiers qui ne cherchent que de l'argent. La maternité est toujours certaine ; elle impose des devoirs auxquels on ne peut se soustraire. Il était donc naturel que l'enfant pût rechercher la mère qui se dérobait à ses regards, et réclamer d'elle les aliments qu'elle lui devait tel est le but de l'art. 341. Encore ce droit n'est-il consacré que sous la double condition de prouver d'abord l'accouchement et de rapporter en outre un commencement de preuve par écrit de l'identité. La même sollicitude ne militait pas à l'égard des héritiers, et surtout des collatéraux, qui, n'étant mus que par un vil intérêt, ne méritaient pas même faveur que l'enfant. De leur part la recherche de la maternité serait un scandale gratuit, un véritable désordre, puisqu'elle aurait pour résultat d'imposer une mère à l'enfant aussi ne sont-ils pas nommés dans l'art. 541, ce qui suffit pour les exclure du droit exorbitant que cet article a consacré. Enfin, quand on voudrait supposer, contre l'évidence, que la recherche de la maternité est permise aux collatéraux, toujours est-il certain qu'ils ne pourraient se placer dans une catégorie plus favorable que l'enfant, et qu'ils devraient, comme lui, prouver d'abord l'accouchement, et produire en outre un commencement de preuve par écrit de l'identité. Aucune de ces conditions n'a été remplie par les adversaires; ils se sont bornés à articuler des faits vagues, à faire valoir des présomptions insignifiantes. Le jugement qui a proscrit leur demande est donc à l'abri de toute critique.

la

Du 31 mars 1826, ARRÊT de la Cour d'appel de Paris, première chambre, M. le baron Séguier premier président, MM. Crousse et Dupin l'aîné avocats, par lequel :

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<< LA COUR, Sur les conclusions de M. de Broé, avocat-général; Considérant que la demande des héritiers ne serait recevable qu'en rapportant par eux un commencement de preuve par écrit; Adoptant au surplus les motifs des premiers juges, A MIs et MET l'appellation au néant; ordonne que ce dont est appel sortira son plein et entier effet, etc. »

Nota. C'est une grave question que de savoir si la recherche de la maternité, autorisée en faveur de l'enfant par l'art. 341 du Cod. civ., peut également être admise contre lui. Ce qu'il y a de surprenant, c'est que les commentateurs qui ont plus particulièrement traité cette matière n'aient pas même prévu la difficulté. M. Loiseau, dans son Traité des Enfants naturels, n'en dit pas un mot; même silence de la part de M. de Maleville, dans son Analyse raisonnée du Code civil. Cependant la question valait bien la peine d'être examinée, et de fortes raisons semblent militer contre la recherche de la maternité de la part des collatéraux. D'abord le texte de la loi paraît les repousser. L'enfant qui réclamera sa mère sera tenu de prouver, etc. La réclamation d'état n'est donc autorisée qu'en faveur de l'enfant, qui en effet a le plus grand intérêt de connaître sa mère. Mais ni l'art. 341, ni aucune autre disposition du Code, ne parle de la recherche que pourraient faire des personnes étrangères à l'enfant d'où la conséquence que cette faculté leur a été interdite. De puissantes considérations viennent fortifier ce raisonnement. C'est un vrai scandale que de voir des héritiers flétrir la mémoire d'une parente, pour s'emparer de ses biens dont elle a librement disposé; et ce n'est pas un moindre inconvénient que de voir des étrangers, soulevant indiscrètement le voile qui couvre l'état d'un enfant, vouloir lui imposer une mère malgré lui, quand lui seul a le droit de la rechercher.

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En vain dit-on qu'avec ce système la mère, en dissimulant sa qualité, pourra se ménager le droit d'avantager son enfant naturel au delà des bornes fixées par la loi, car la même ohjection s'applique au père qui ne fait point de reconnaissance; et cependant, on ne serait point recevable, d'après l'art. 340, à rechercher la paternité, pour évincer l'enfant

du legs que lui aurait fait son prétendu père, ce qui prouve que l'art. 341, en admettant la recherche de la maternité, a en un tout autre motif, et ce motif est puisé dans la nature. La mère étant toujours certaine, le législateur a pensé qu'elle ne pouvait se soustraire aux devoirs que ce titre lui impose, soit en dissimulant son état, soit en faisant inscrire l'enfant sous un nom supposé. De là l'art. 541, qui admet ce dernier à rechercher sa mère et à lui demander les secours dont il a besoin. Mais ces motifs sont étrangers aux collatéraux, qui, n'étant dirigés que par un vil intérêt, n'ont ni les mêmes droits ni la même faveur. C'est au surplus ce qui a été jugé par un arrêt de la cour royale d'Amiens, rendu le 9 août 1821 (1). Celui de la cour de Paris ne nous paraît pas avoir tranché la question. Il résulte seulement de l'unique motif qu'il contient, combiné avec ceux des premiers juges, que la cour déclare adopter, que, dans l'hypothèse même où des héritiers pourraient être admis à rechercher la maternité, les appelants ne seraient point recevables à faire cette recherche, en ce qu'ils n'ont point le commencement de preuve par écrit voulu par la loi.

Mais à quoi doit se rapporter le commencement de preuve par écrit dont parle l'arrêt? C'est ce que n'exprime pas son désespérant laconisme. Est-ce tout à la fois à l'accouchement et à l'identité? Non: ce serait une erreur que de l'entendre ainsi, car, dit M. Toullier, « c'est l'identité seulement que l'art. 341 permet de prouver par témoins, sous la condition d'un commencement de preuve écrite; mais l'accouchement de la mère doit être prouvé par écrit ». Quelle est, dit M. Merlin, la preuve à laquelle l'enfant ne peut être admis par témoins que lorsqu'il aura un commencement de preuve par écrit ? Ce n'est pas la preuve de l'accouchement de la femme qu'il réclame pour sa mère c'est la preuve de son identité avec l'enfant dont sa prétendue mère est accouchée. La loi ne s'occupe pas de la preuve de l'accouchement; et pourquoi ? C'est sans doute parce qu'elle la suppose toute faite au moment où s'élève la question de maternité. Mais comment cette preuve a-t-elle pu se faire dans l'esprit de l'ar

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(1) Voy. cet arrêt et celui de cassation rendu à la suite, tom. 1er de 1823, pag. 405, et tom. 3 de la même année, pag. 161.

Tome Ier de 1827.

Feuille 8.

ticle 341? Elle a pu, elle a dû se faire d'après les règles générales sur la preuve des accouchements (1).......... » Ainsi, il est évident que l'enfant, et à bien plus forte raison les tiers, ne pourraient être admis à la recherche de la maternité qu'en rapportant l'acte de l'état civil qui constate l'accouchement de la prétendue mère, et en outre un commencement de preuve par écrit de l'identité de l'enfant avec celui dont elle serait accouchée. C'est ainsi que paraît l'expliquer le jugement de première instance dont la cour royale de Paris déelare adopter les motifs.

COUR D'APPEL DE PARIS.

B.

Sous l'empire de la coutume de Normandie, une somme d'argent prétée par une belle-mère à son gendre, depuis le mariage, avec la clause que, si elle n'en exige pas le remboursement, cette somme sera PROPRE A SA FILLE ET A SES ENFANTS, peut-elle étre considérée comme PROPRE DOTAL? En conséquence, les dispositions de l'art. 121 des Placités en vertu desquelles LES HÉRITAGES DES DÉBITEURS DE LA FEMME, POUR RAISON DE SA DOT, DOIVENT LUI ÊTRE ATTRIBUÉS A DUE ESTIMATION D'EXPERTS, etc., lui sontelles applicables? (Rég. nég.) Cod. civ., art. 1039 et 2093. DUJARDIN FRÈRES, C. PICARD.

Le 3 avril 1787, vente par la dame Lemonnier veuve Tardif, de plusieurs héritages, pour la somme de 9,000 fr. Par le même acte, elle délègue ce prix, à titre de prêt, au sieur Littée son gendre. On détermine l'emploi que devra en faire ce dernier; et une disposition finale porte « que ladite somme de 9,000 fr., ainsi mise à la disposition du sieur Littée, sera, dans le cas où la dame Tardif n'en exigerait pas le remboursement de son vivant, considérée comme propre à la dame Littée et à ses enfants Le 15 octobre 1793, décès de la dame Littée laissant trois enfants.-Le 23 octobre 1806, décès de la veuve Tardif sa mère. Enfin, le sieur

Littée décède lui-même le 23 octobre 1810, après s'être remarié, et laissant trois autres enfants de son second mariage.

(1) Voy. les Questions de droit, vo Maternité, et le Droit civil français, tom. 2, pag. 231, no 942.

Les trois enfants du premier lit acceptent sous bénéfice d'inventaire la succession de leur père, et cèdent à un sieur Picard leurs droits à la créance de 9,000 fr. due par cette succession, et à eux échue dans la succession de leur aïeule, -Deux des enfants du second lit renoncent à la succession de leur père, et le troisième, la demoiselle Aimée Littée, femme Guy, l'accepte purement et simplement.

Cette qualité prise par la demoiselle Aimée Littée donne à Picard l'idée de diriger contre elle seule toutes ses poursuites. -- Il croit voir dans la créance qui lui a été cédée par les enfants du premier lit un propre dotal constitué par la dame Tardif leur aïeule, sur la tête de la dame Littée leur mère, et dont était débitrice la successsion du sieur Littée. - Eu conséquence, il assigne les sieur et dame Bousselaire, cotuteurs de cette dernière, alors mineure, pour voir dire qu'attendu que la dame Littée a accepté purement et simplement la succcession de son père, il sera ordonné, qu'aux termes de l'art. 121 des Placités de Normandie, « tout ou partie des biens affectés et hypothéqués au paiement de la créance de 9,000 fr. lui seront baillés à dire d'experts, comme étaut susceptibles de l'action hypothécaire et de l'envoi en possession, pour remplacement de biens dotqux, etc. ».

Ces conclusions sont accueillies par un premier jugement du tribunal d'Évreux, qui ordonne, avant faire droit, la visite et l'estimation des biens dont il s'agit. Le 30 mars 1817, second jugement de ce tribunal, qui entérine le rapport des experts, et envoie Picard en possession de plusieurs pièces de terre et de parties de rente; il condamne en outre Aimée Littée à payer 677 fr. 6 cent., pour complément des intérêts dus à Picard sur la créance primitive de 9,000 fr. Aimée Littée, devenue majeure, cède ses droits dans la succession de la dame Tardif son aïeule aux frères Dujardin, qui interjettent appel des deux jugements du tribunal d'Évreux; mais, le 28 décembre 1821, arrêt de la Cour royale de Rouen, qui confirme en ces termes : « Attendu que la somme de 9,000 fr. fournie par Marie Lemonnier à Michel Littée a été déclarée propre à Catherine Tardif et à ses enfants par le contrat du 3 avril 1787; que Picard, cessionnaire des droits desdits enfants, n'est pas même rempli de la totalité des sommes dues; que rien ne prouve le concert qu'on sup

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