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ditions; que le sieur Trombert, dont on rapportait une quittance, n'était point l'agent de la compagnie pour le département du Haut-Rhin, où se trouvait située la maison incendiée, mais bien un sieur Molinot, ayant, seul, mandat de ladite compagnie pour assurer dans ce département; qu'à la vérité Trombert était sous-agent, mais qu'il ne participait point au mandat de l'agent en cette partie, et qu'il n'avait pu par conséquent lier la compagnie envers les sieurs Wolff et Schmitt. La réponse de ceux-ci à la défense de la compagnie présentait les moyens qui furent adoptés par le tribunal dans le jugement qu'il rendit le 30 juillet 1824. Nous nous dispenserons de les analyser. Ce jugement condamna la compagnie à leur payer la somme de 3,000 fr. Ses motifs sont ainsi conçus: — « Attendu que la compagnie est forcée de convenir qu'à l'époque de la délivrance de la quittance aux demandeurs, Trombert était sous-agent de la compagnie; Que c'est en vain qu'elle prétend que son employé n'a pu la lier que pour des objets prévus par son mandat; que, le sieur Molinot (l'agent du département) ayant eu, à cette époque, seul, pouvoir d'assurer contre l'incendie les bâtiments et le mobilier, il s'ensuivait que Trombert était sans qualité; - Que les clauses et conditions d'un mandat ne sont connues qu'entre le mandataire et le mandant; qu'ainsi le mandat ne peut point être opposé à des tiers; - Que le sieur Trombert était, de notoriété publique, agent de la compagnie, pour cet arrondissement, à l'époque du 7 août 1823, date de la quittance; que, s'il a excédé ses pouvoirs en touchant des demandeurs la somme de 8 fr. 85 cent. pour assurer leurs maison et mobilier, la compagnie doit s'imputer d'avoir si mal placé sa confiance; qu'aux termes de l'art. 1384 du Cod. civ., la compagnie est responsable du fait de ses préposés ; qu'elle a si bien reconnu l'exactitude de ce principe, qu'elle a déjà payé aux demandeurs un à-compte sur leur sinistre; - Que, le sieur Trombert ayant délivré aux demandeurs une quittance constatant le paiement de la prime d'assurance de la première année, cette pièce remplace provisoirement la police; que, si la quittance ne désigne pas la quotité de la somme pour laquelle les bâtiments et mobiliers sont assurés, c'est la faute du préposé, dont la compagnie est responsable; et celui-ci ne s'étant pas mieux expliqué, c'est

le cas d'admettre la déclaration des demandeurs, d'autaṇ = plus qu'elle cadre avec les assurances reconnues par

pagnie. »

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Il y eut appel de ce jugement devant la cour de Colmar où il intervint, le 2 mars 1825, un arrêt qui le confirme par les motifs suivants :

«< Considérant que, par les statuts organiques, la compagnie a déclaré qu'elle serait représentée dans les départements par des agents auxquels était délégué le pouvoir de l'engager ; qu'un des signes patents du mandat déféré par la compagnie est la remise qu'elle fait à ses agents des plaques d'assurance; -Qu'au cas particulier, non seulement le sieur Trombert était publiquement annoncé et connu comme agent de la compagnie dans l'arrondissement de Saverne, mais qu'il était dépositaire des plaques, et qu'il en a délivré une aux intimés contre le paiement de la prime convenue, et en leur donnant une simple quittance, aux lieu et place de la police d'assurance; Que, si cet agent n'était pas commissionné directement par l'administration, le public, qui contractait avec lui et recevait les plaques contre le paiement, devait ignorer ce défaut de qualité; enfin, que le désaveu de la compagnie ne peut entraîner à son profit qu'un recours en garantie contre son agent reconnu; Que, sous un autre rapport, la compagnie est contrevenue elle-même à la disposition précise de l'art. 13 de ses statuts, puisque, d'après cet article, elle devait délivrer la police d'assurance contre le paiement de la prime convenue, par conséquent au moment même où le paiement s'effectuait, ce qui entraînait nécessairement la remise en blanc de polices et conférait aux agents le pouvoir de les signer eux-mêmes, parce que les assurés ne pouvaient courir les chances d'un sinistre dans l'intervalle du paiement jusqu'à la délivrance de la police, qui pouvait être arbitrairement retardée par la compagnie, »

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La compagnie d'assurance du Phénix s'est pourvue en cassation de cet arrêt, pour violation des art. 1102, 1315, 1325, 1998 et 1999 du Cod. civ.; de l'art. 352 du Cod. de comm., et des art. 8 et 13 de ses statuts, approuvés par l'ordonnance royale du 1er septembre 1819. Elle a soutenu qu'on n'avait pu admettre l'existence du contrat d'assurance entre elle et les sieurs Wolff et Schmitt sur de simples inductions, et en

l'absence d'une preuve positive; que ce contrat, étant bilatéral, aurait dû être rédigé par écrit, pour assurer l'exécution des obligations réciproques des parties; que les dispositions particulières du Code de commerce par lesquelles il est régi sont d'accord à cet égard avec les principes généraux consacrés par le Code civil; qu'il ne pouvait être suppléé à la preuve écrite, exigée par le droit, par une simple quittance et par la délivrance de la plaque de la compagnie ;

Qu'au surplus, et en supposant qu'on pût tirer de ces faits la présomption qui a été admise par l'arrêt de la Cour de Colmar, il faudrait encore que celui à qui ils sont attribués fût un agent de la compagnie, pour qu'elle pût se trouver liée envers les prétendus assurés; qu'il n'aurait pu être traité en/ son nom par le sieur Trombert qu'autant que celui-ci aurait eu mandat à cet effet; qu'elle niait qu'elle lui en eût jamais donné, et qu'on ne saurait, en l'absence de ce mandat, l'obliger à exécuter des engagements qu'elle n'avait pas donné pouvoir de contracter;- Que, ses statuts, revêtus de la sanction royale, étant d'ailleurs la seule règle qui dût être consultée en matière d'assurances, et les art. 8 et 13 déterminant la forme qui doit y être employée, elle ne pouvait être tenue d'aucune obligation qu'autant que cette forme y aurait été observée; que, l'assurance et les conditions auxquelles elle est consentie devant être constatées par une police, les risques ne devant être à sa charge que du moment où la police a été remise à l'assuré, et les sieurs Wolff et Schmitt ne représentant pas de police, il en résultait qu'ils devaient être déclarés sans droit et sans action contre elle, et qu'en jugeant le contraire, l'arrêt attaqué avait violé le pacte qui devait faire la loi des parties.

Le 15 février 1826, ARRÊT de la cour de cassation, section des requêtes, M. Henrion de Pensey président, M. Pardessus rapporteur, M. Delagrange avocat, par lequel:

« LA COUR, Sur les conclusions de M. Joubert, avocat-général ; Attendu que la compagnie du Phénix n'a point dénié que Trombert ne fùt son agent, et que, d'ailleurs, l'appréciation de ce fait, déclaré constant par l'arrêt dénoncé, n'appartient point à la cour de cassation; Attendu que, la quittance donnée par Trombert étant au moins un commencement de preuve par écrit d'une convention d'assurance intervenue entre lui, agissant pour la compagnie du Phénix, et les défendeurs éven

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tuels, la cour de Colmar était autorisée à se décider par des présomptions graves, précises et concordantes, si elle en trouvait de suffisantes dans les éléments de la procédure; Attendu que cette cour, juge exclusif de la force et de la coïncidence de ces présomptions, a déclaré que celles qui se groupaient autour de la quittance produite remplissaient le vœeu de la loi ;

« Attendu que l'approbation donnée par le Roi à des conventions particulières n'en change pas la nature; que les statuts d'une société anonyme, quoique publiés et insérés au Bulletin des lois, comme annexe à l'ordonnance d'autorisation, ne peuvent être considérés comme des lois générales, dont la violation puisse donner lieu à la cassation des arrêts ou jugements en dernier ressort ; · REJETTE. » J. L. C.

COUR DE CASSATION.

Les greffiers de justice de paix et les huissiers ont-ils qualité pour procéder, concurremment avec les notaires, aux ventes publiques de grains non coupés, d'arbres non abattus et de fruits non détachés? (Rés. nég.)

Ces objets sont-ils immeubles de leur nature, et le droit de ·les vendre publiquement appartient-il exclusivement aux notaires? (Rés, aff.)

sens,

BRICOT ET MAISNIÈRES, C. LES NOTAIRES D'ABBEVILLE. On se rappelle l'arrêt de la cour d'Amiens qui a décidé ces questions dans le même et que nous avons rapporté dans ce Journal, tom. 3 de 1823, pag. 432, avec les circonstances de la cause et les moyens invoqués respectivement. On s'est pourvu contre cet arrêt, en puisant les ouvertures de cassation dans les arguments invoqués pour soutenir le système contraire à celui qui a été consacré. Mais le pourvoi a été rejeté par l'arrêt suivant, dont nous n'offrons à nos lecteurs que le texte, parce que toute discussion serait inutile et une répétition qui ne les intéresserait pas.

Du 18 juillet 1826, ARRÊT de la section des requêtes, M. Henrion président, M. Mousnier-Buisson rapporteur, M. Marchand-Dubreuil avocat, par lequel:

-

« LA COUR, Sur les conclusions de M. Joubert, avocat-général; Attendu que les lois et ordonnances relatives aux prisées de meubles et ventes publiques aux enchères d'objets mobiliers forment une législation spéciale et de pure exception; que le droit et les pouvoirs qu'elle confère

sont clairement déterminés; que la loi du 27 ventôse an 9, en rétablissant pour Paris des commissaires-priseurs, dont les fonctions et les attributions avaient été supprimées par la loi du 26 juillet 1790, les créa sous le nom et la qualification de vendeurs de meubles, et ne leur attribua, en conformité de cette dénomination, que les prisées des meubles et les ventes publiques aux enchères des effets mobiliers; - 'Que l'ordonnance royale du 26 juin 1816, qui établit des commissaires-priseurs dans plusieurs autres villes du royaume, ne donna à ces nouveaux commissaires, d'après l'art. 89 de la loi du 28 avril 1816, que les mêmes attributions qui avaient été conférées à ceux établis à Paris par la loi du 27 ventôse an 9, c'est-à-dire le droit de faire les prisées des meubles et les ventes publiques aux enchères d'objets mobiliers ;

« Attendu que, ies notaires, greffiers et huissiers n'étant appelés, par les lois organiques des commissaires-priseurs, qu'à une simple concurrence, et seulement pour les opérations qui se font hors du chef-lieu de l'établissement des commissaires-priseurs, c'est d'après ces mêmes lois que les droits des officiers ministériels admis à la concurrence doivent être déterminés pour tout ce qui a trait aux prisées de meubles et aux ventes aux enchères d'effets mobiliers; -Que, les notaires étant investis, par la nature de leurs fonctions, du droit de vendre les objets immobiliers, à l'exclusion de tous officiers ministériels, la question de la cause actuelle, en ce qui touchait le greffier et l'huissier du canton de Rue, se réduisit à décider, en droit, si des ventes de bois, fraits et récoltes sur pied étaient des choses mobilières, dont la vente fût attribuée aux commissaires-priseurs par les lois et ordonnances de 1801 et 1816, et en concurrence avec lesdits commissaires-priseurs hors du chef-lieu de l'établissement de ceux-ci, aux greffiers et aux huissiers ;

<< Attendu qu'en décidant, en droit, que des ventes de bois, fruits et récoltes sur pied, n'étaient pas des ventes de meubles dans le sens de ces lois et ordonnances, puisque les bois, fruits et récoltes sur pied sont déclarés immeubles par les art. 520 et 521 du Cod. civ., et en tirant de ces deux articles la conséquence que le greffier de la justice de paix de Rue et un huissier du même canton, qui n'avaient qu'un droit de concurrence avec le commissaire - priseur de leur arrondissement, ne pouvaient pas procéder à ces sortes de ventes, la Cour d'Amiens a fait une application d'autant plus juste de ces articles du Code civil que le droit qu'il s'agissait de fixer avait pris sa source dans la loi du 28 avril et dans l'ordonnance du 26 juin 1816, et que cette loi et cette ordonnance, en déterminant quels seraient les officiers ministériels qui feraient les prisées et ventes aux enchères de meubles et de tous effets mobiliers, n'ont ni changé ni modifié les définitions qui sont données par la loi générale sur les diverses natures de biens; que l'arrêt dénoncé a interprété et appliqué ce principe ainsi et de la même manière que l'avait fait l'arrêt solennel de la Cour, du 1er juin 1822; Attendu que ces motifs, tirés du principe général appliquable à la matière, répondent suffisamment aux deux moyens de casTome Ier de 1826.. Feuille 10.

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