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porteur d'un bordereau, n'est plus exposé désormais à une nouvelle procédure. On a donc violé l'autorité de la chose jugée, lorsqu'on a refusé au bordereau de collocation des époux Corblin l'exécution qui lui était due.

3. Fausse application et violation de l'art. 1653 du Cod. civ. -La cour de Rouen n'a pas cité cet article dans son arrêt; mais elle en a fait évidemment l'application. Or que porte cet article?

1° Que l'acquéreur ne peut se refuser au paiement de son prix, lorsqu'il a été stipulé qu'il paierait, nonobstant le trouble: c'est ce qui a lieu dans l'espèce. La cour royale objecte que les époux Corblin ne sont pas de simples créanciers; qu'ils sont les représentants du vendeur originaire, et tenus à ce titre de garantir éventuellement l'adjudicataire; mais cette objection n'a rien de solide. De ce que les époux Corblin représentent l'ancien vendeur, il ne s'ensuit pas qu'ils ne soient pas créanciers du prix de la vente. Ils le sont même avec une qualité spéciale, résultant du privilége de vendeur. Ces deux qualités, loin de se détruire, acquièrent, par leur union, une force nouvelle, et c'est comme créanciers privilégiés qu'ils ont été colloqués dans l'ordre. Le créancier poursuivant leur a fait toutes les significations, comme aux autres créanciers, et la clause qu'il a insérée dans le cahier des charges leur est commune à tous. Cette clause devient dès lors une stipulation propre aux époux Corblin, et son effet est de lier l'adjudicataire à leur égard, comme à l'égard des autres créanciers, en ce qui concerne la dépossession éventuelle prévue par la clause du cahier des charges.

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2o Le même article n'autorise l'acquéreur à suspendre le paiement de son prix que lorsqu'il est troublé, ou lorsqu'il a juste sujet de craindre qu'il le sera. Mais, dans l'espèce, il n'existait aucun trouble actuel. Il n'existait même pas de crainte fondée d'un trouble à venir. La procédure en expropriation forcée de la terre vendue avait eu pour effet de la purger, indépendamment de la transcription des priviléges et hypothèques qui pouvaient la grever. C'est ce qui a été jugé par arrêt de la cour de cassation du 21 novembre 1821. (1)

(1) Voy, anc. coll. tom, 1er de 1822, p. 529; nouv. édit., tom. 3, p. 685.

3. Enfin le même article déclare que le vendeur, en donnant caution, pouvait contraindre l'acquéreur à payer. Il ne reste plus qu'à déterminer l'étendue de cette caution. Elle sera, dit la cour royale, de tout le capital de la rente grevant originairement l'immeuble vendu par les héritiers Thibault à Levavasseur; c'est-à-dire que les époux Corblin, qui réclament le paiement d'une somme de 5,800 fr. pour prix de l'une des portions de l'immeuble dont il s'agit, devront grever leurs propriétés d'une somme de 20,000 fr.: véritable abus des principes en matière de garantie, injuste application de la loi qui ne saurait échapper à la censure de la cour de cassation. Les époux Corblin offrent la seule caution à à laquelle ils soient réellement tenus: c'est une hypothèque sur leurs biens égale à la somme de 5,800 fr., pour laquelle ils sont colloqués. En exigeant d'eux des garanties supérieures, on les soumet évidemment à des obligations qui n'existent nulle part.

Du 22 novembre 1826, ARRÊT de la section civile, M. Brisson président, M. Bonnet rapporteur, MM. Garnier et Mandaroux-Vertamy avocats, par lequel :

« LA COUR, Sur les conclusions de M. Joubert, premier avocatgénéral; -Vu l'art. 1653 du Cod. civ., portant : « Si l'acheteur est troublé <ou a juste sujet de craindre d'être troublé par une action soit hypothé< caire, soit en revendication, il peut suspendre le paiement du prix, jus« qu'à ce que le vendeur ait fait cesser le trouble, si mieux n'aime celui-ci << donner caution, ou à moins qu'il n'ait été stipulé que, nonobstant le trou<ble, l'acheteur paiera. »;

« Considérant que la Cour royale de Rouen n'avait pas à statuer sur la garantie en cas d'éviction consommée, mais sur le cas où il y a seulement crainte d'éviction; que, dans ce dernier cas, si la disposition de l'art. 1653 du Code a donné à l'acheteur le droit de suspendre le paiement de son prix jusqu'à ce que le vendeur ait fait cesser le trouble, il a donné dans ce même cas au vendeur le droit d'exiger le paiement en donnant caution; - Que la caution à donner par le vendeur, ou par les représentants du vendeur originaire, ne peut s'entendre que d'une caution équivalente au prix, dont autrement l'acheteur pourrait suspendre le paiement, et non d'une caution égale à des sommes plus fortes qui pourraient être dues à d'anciens vendeurs d'immeubles plus considérables dont celui vendu ne serait qu'une partie ;

« Considérant que, dans l'espèce, et même en regardant les époux Corblin et consorts non comme créanciers, mais comme représentants d'un

précédent vendeur, l'arrêt ne pourrait condamner les demandeurs en cassation à donner caution pour toucher le prix que jusqu'à concurrence du prix dont l'acquéreur pourrait avoir eu le droit de suspendre le paiement; qu'en condamnant lesdits demandeurs à donner caution jusqu'à concurrence d'une somme beaucoup plus forte que le prix de la vente, la Cour de Rouen a méconnu le sens de la loi et violé l'art. 1653 du Cod. civ.; CASSE.>> A. M. C.

COUR DE CASSATION.

La cour d'assises doit-elle, à peine de nullité, motiver l'arrét par lequel elle rejette la demande de l'accusé, tendant à ce que la question soumise au jury ne soit pas littéralement conforme au résumé de l'acte d'accusation, lorsque la position de la question dans cet acte préjuge la culpabilité ? (Rés. aff.)

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FOURGEOT, C. le Ministère public.

Du 14 avril 1826, ARRÊT de la section criminelle, M. Portalis président, M. Gaillard rapporteur, M. Berton avocat, par lequel :

«<< LA COUR,

Sur les conclusions de M. Fréteau de Pény, avocat

général; - Attendu, sur le moyen résultant de ce que l'arrêt rendu par la cour d'assises, sur l'opposition de l'accusé à ce que les questions soumises au jury ne fussent pas littéralement conformes au résumé de l'acte d'accusation, n'est point motivé; que cette opposition était fondée sur l'intérêt qu'avait l'accusé à ce que la question qui serait posée le mît à portée de soutenir qu'à l'époque de leur émission, les pièces fausses qu'il était accusé d'avoir émises n'auraient point eu de cours légal en France, si elles avaient été vraies; que la position de la question préjugeait donc en partie la question de culpabilité; que l'arrêt rendu sur cette position devait donc, sous peine de nullité, aux termes des art. 7 et 17 de la loi du 20 avril 1810, contenir les motifs de la détermination des juges qui l'ont rendu; - Et attendu que l'arrêt dont il s'agit ne présente aucun motif, CASSE et ANNULE cet arrêt; casse, par suite, les questions soumises au jury et tout ce qui s'en est suivi, notamment l'arrêt de condamnation prononcé par la cour d'assises du Jura, le 9 mars dernier. »

COUR DE CASSATION.

L'hypothèque consentie par un débiteur sur la moitié d'une maison indivise entre lui et un tiers s'étend-elle de plein droit, et sans qu'il soit besoin d'une nouvelle convention, sur la totalité de l'immeuble, lorsque, par l'effet de la licitation, le débiteur en devient ultérieurement seul propriétaire? (Rés. nég.) Cod. civ., art. 883, 1408, 1472, 2129 et 2154.

BRUNNEMENT,

C. LES HÉRITIERS GOBAULT. Les sieurs Peron et Daudrez étaient propriétaires par indivis d'une maison située à Paris, rue de la Paix. Daudrez hypothéqua la moitié qui lui appartenait au sieur François Gobault, qui prit inscription sur cette moitié.

Postérieurement à l'inscription du sieur Gobault, un autre créancier, le sieur Brunnement, acquit sur tous les biens de Daudrez une hypothèque judiciaire, et la fit inscrire le 19 novembre 1817 sur divers immeubles de son débiteur, notamment sur la maison située rue de la Paix.

En 1818, cette maison fut licitée, et Daudrez s'en rendit adjudicataire. Il la revendit aux sieurs Grandjean et Delisle. Sur la transcription et la notification faite aux créanciers, s'ouvrit un ordre. Les héritiers de François Gobault, lors décédé, et le sieur Brunnement, s'y présentèrent; et c'est là que prit naissance la question posée en tête de cette notice.

Les héritiers Gobault prétendaient qu'étant inscrits spécialement et les premiers sur la maison, ils avaient droit à la totalité du prix en provenant.

Le sieur Brunnement leur répondait que, d'après la nature de leur hypothèque, les termes du titre qui la leur conférait, et ceux de l'inscription prise, ils n'avaient de droit hypothécaire à exercer que sur la moitié de l'immeuble, et par conséquent sur la moitié du prix; que l'autre moitié devait lui revenir, à lui Brunnement, par l'effet de son hypothèque générale, inscrite au moment où leur débiteur commun s'était rendu adjudicataire.

Ce système de défense, accueilli d'abord par le juge commissaire, fut définitivement écarté par le tribunal civil de Tome Ier de 1827. Feuille 11.

la Seine, qui ordonna que les héritiers Gobault seraient col loqués à la date de l'inscription prise par leur auteur sur la totalité du prix, et de préférence au sieur Brunnement, don l'inscription avait une date postérieure. Le jugement rendu par ce tribunal est conçu en ces termes: « Attendu que c principe, que le partage ou la vente sur licitation faite à l'un des copartageants est déclaratif, et non attributif de droits, est fondé sur la nature de l'indivision, et non sur sa cause; que, dans l'ancien droit, ce principe était indistinctement appliqué, soit que le partage ou la vente sur licitation intervînt entre des héritiers, soit que les actes intervinssent entre simples copropriétaires indivis même d'un seul immeuble; que le même principe, solennellement consacré entre cohéritiers par l'art. 885 du Cod. civ., a été étendu, par l'art. 1408 du même Code, à l'acquisition faite, pendant le mariage, d'un immeuble dont l'époux, commun en bien, était propriétaire par indivis, acquisition que ledit article déclare ne point former un conquêt; que l'art. 1476 a encore étendu ledit principe au partage de la communauté entre mari et femme; que, par l'art. 1472, il a été étendu aux partages entre associés qui peuvent n'être associés que relativement à l'acquisition faite en commun d'un seul immeuble; qu'enfin l'art. 2109 assimile au cohéritier le copartageant, à quelque titre que ce soit, pour la conservation du privilége, pour la soulte, ou pour le prix de la licitation; qu'ainsi le Cod. civ., loin d'avoir dérogé au droit ancien, d'après lequel la vente faite à un copropriétaire indivis même d'un seul immeuble par son copropriétaire, était assimilée au partage, était déclara tive, et non attributive de droit, l'a, au contraire, formellement confirmé; qu'il suit de là que Daudrez, qui, par la licitation poursuivie entre lui et le sieur Peron, s'est rendu adjudicataire de la maison rue de la Paix, no 22, qu'ils avaient fait construire à frais communs sur un terrain achete de moitié, est censé avoir toujours été propriétaire de cette maison en totalité, particulièrement à l'époque où il s'est obligé envers les héritiers Gobault, et a pu ainsi la lenr affec ter en entier;

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Qu'en leur affectant la moitié à lui appartenant, il a suf fisamment indiqué par ses expressions que ses droits dan cette maison étaient indivis, et qu'il entendait les affecte

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