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tous sans réserves; que le fait de l'indivision qui existait alors est annoncé de la manière la plus expresse dans d'autres parties du titre constitutif de l'hypothèque, où il est dit que la moitié de ladite maison appartenait au sieur Daudrez, comme ayant fait construire la totalité à frais communs avec le sieur Peron, et au moyen de l'acquisition qu'il a faite aussi de la moitié, avec le sieur Peron, du terrain sur lequel elle est bâtie et des constructions qui y existaient déjà ; — Que les inscriptions des héritiers Gobault, prises, conformément aux titres constitutifs de l'hypothèque, sur la moitié appartenant au sieur Daudrez', dans la maison rue de la Paix, et dans lesquels d'ailleurs la date et la nature desdits titres sont indiquées, ont suffisamment fait connaître aux tiers la nature indivise des droits hypothécaires, et l'intention des créanciers et du débiteur qu'ils soient grevés sans réserves; qu'ainsi les tiers ont su ou dû savoir, conformément à ce qui a été établi ci-dessus, que l'hypothèque, entièrement subordonnée au partage ou à la licitation pouvait être réduite à rien, ou s'étendre sur la totalité de la maison hypothéquée ;- Que c'est donc à tort que les héritiers Gobault ont été colloqués sur une moitié du prix seulement dans le règlement provisoire; qu'ils auraient dû l'être sur la totalité du prix, Jeur hypothèque grevant réellement la maison entière; - Le tribunal réforme le règlement provisoire, en ce que les héritiers Gobault n'ont été colloqués que sur une moitié du prix à distribuer. En conséquence, ordonne, etc. »

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Appel de la part du sieur Brunnement. Mais, le 26 jan. vier 1824, arrêt de la cour royale de Paris qui, adoptant les motifs des premiers juges, confirme purement et simplement leur décision.

Le sieur Brunnement a fait proposer contre cet arrêt deux principaux moyens de cassation.

Le premier moyen était pris d'une fausse application de l'art. 883 du Cod. civ. Que le partage, disait-on pour le demandeur, soit déclaratif, et non attributif de propriété ; que l'on étende ce principe, qui n'est établi positivement que pour les partages, non seulement aux licitations entre cohéritiers, mais encore à celles qui ont lieu entre étrangers pour un objet indivis, c'est ce que l'on veut bien accorder aux adversaires, afin de se placer de suite sur le terrain qu'ils ont eux-mêmes

choisi pour le combat. Seulement il nous sera permis d'examiner ce que signifie cet axiome tant rebattu: car, bien qu'il soit d'une application générale, encore faut-il la faire avec discernement, et ne pas l'étendre outre mesure.

Quel est donc le but de l'art. 883? C'est de simplifier les opérations du partage, en prévenant toutes les actions en recours que les cohéritiers auraient à exercer l'un contre l'autre, si le partage était attributif de propriété. En effet, si les créanciers d'un cohéritier pouvaient agir contre les autres par cela seul qu'ils sont détenteurs de biens sur lesquels a pu frapper leur hypothèque, pendant l'indivision, que de frais, que de lenteurs! D'un autre côté, chaque cohéritier poursuivi hypothécairement par tous les créanciers de ses divers cohéritiers exercerait ensuite contre ceux-ci des recours qui consumeraient en frais de justice la part qu'il aurait recueillie; et cette involution de procédure, d'actions récursoires, n'aboutirait qu'à détruire le gage des uns et le patrimoine des autres. Tel était l'inconvénient que présentait la loi romaine (1) en maintenant, malgré le partage ou la licitation, les hypothèques que les cohéritiers avaient pu créer sur le fonds commun, pendant l'indivision, en sorte qu'un cohéritier dissipateur pouvait nuire aux intérêts de ses cohéritiers, embarrasser les opérations du partage, et, comme le disait Lebrun, infecter les lots de ses cohéritiers de charges et d'hypothèques auxquelles ils n'avaient pas consenti. Notre législation française a rejeté ce système défectueux, et c'est pour faciliter les partages que fut introduit le principe consacré par l'art. 883 du Code. Mais si la sécurité des partages exige que le créancier d'un cohéritier n'ait d'action que sur les biens de son débiteur, elle n'exige certainement pas ni qu'il prime les autres créanciers de ce même débiteur, ni qu'ii se laisse primer par eux.

Entendu sainement, le principe que le partage est déclaratif ne sera qu'une règle pleine de justice et de sagesse; mais s'en servir pour étendre au-delà de ses limites une hypothèque conventionnelle, pour favoriser, parmi deux créanciers d'un copartageant, celui qui a une hypothèque spéciale et par

(1) Loi 6, ff., § 8, de communi dividundo.

conséquent circonscrite, aux dépens de celui qui à une hypothèque générale et par conséquent illimitée de sa nature; donner à l'un un gage sur lequel il n'a jamais compté, pour l'enlever à l'autre, qui a pu n'avoir d'espérance que dans les biens à venir, c'est tout déplacer et tout confondre; c'est évidemment tirer des conséquences outrées d'une disposition utile; c'est abuser, sans motifs, sans prétextes, et même au mépris de toute idée de justice, d'un principe ou d'une règle dont tous les effets doivent être salutaires.

En dernière analyse, l'art. 883 est applicable aux cohéritiers entre eux; il l'est aussi aux créanciers d'un cohéritier vis-à-vis les créanciers d'un autre; mais il ne règle en rien les. droits ou les causes de préférence entre les créanciers d'un même cohéritier. Ce point n'est pas de son domaine. Il a donc été tout à la fois mal interprété et faussement appliqué dans Phypothèse par l'arrêt de la Cour royale de Paris.

, Le second moyen de cassation était fondé sur la violation des art. 2129, 2130 et 2134 du Cod. civ.

Notre système hypothécaire, poursuivait le demandeur, est fondé sur la publicité, et la publicité s'allie naturellement avec la spécialité. Les hypothèques générales résultant de la loi ou des jugements sont de véritables dérogations à ce système, dérogations qui ne sont admises que parce qu'il était impossible d'en accorder de spéciales pour les cas où elles sont établies: il est donc certain que, hors ces cas, et toutes les fois qu'il y a hypothèque conventionelle, elle doit être énoncée positivement, et dans l'acte qui en contient la stipulation, et dans le bordereau qui en assure l'existence. Il peut bien arriver qu'un débiteur, en reconnaissant l'insuffisance de l'hypothèque qu'il donne actuellement, consente à ce que ses biens à venir y soient subsidiairement affectés; mais il faut que le consentement soit exprès. Il faut de plus que le créancier prenne inscription au fur et à mesure des acquisitions; et son droit ne date pas de l'acte qui lui accorde l'hypothèque, mais bien de la diligence qu'il a faite pour en réclamer l'exercice; sans l'inscription, toutes les stipulations possibles seraient pour lui sans effet. ( Grenier Traité des hypothèques, tom. 1er, pag. 133.)

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Cette double circonstance existe-t-elle dans l'espèce? Non. D'abord il n'y a point eu de stipulation, à cause de l'insuffi

sance, ni inscription nouvelle, après l'acquisition faite par le débiteur commun; mais il y a plus: car, loin que les adversaires puissent invoquer le moyen banal tiré du silence de l'acte sur ce point, les termes du contrat repousseraient une pareille prétention. On y voit l'hypothèque conférée, sur quoi? Sur la moitié de la maison. Et comment l'inscription est-elle prise? Elle est prise, conformément au contrat, toujours sur la moitié de l'immeuble, sur la moitié appartenant au sieur Daudrez dans la maison rue de la Paix, no 22.

Qu'importe maintenant que l'arrêt attaqué présente la licitation comme déclarative, et non translative de propriété ? Il restera toujours démontré que ce principe ou cette fiction, qui sont vrais et même incontestables, pris d'une manière générale, ne peuvent avoir aucune conséquence rigoureuse à l'égard des créanciers de l'adjudicataire, dont les droits se règlent toujours par la nature de l'hypothèque et la date de l'inscription. Au surplus, admettons encore qu'au regard du créancier, porteur d'hypothèque spéciale, Daudrez, adjudicataire, soit censé avoir toujours été propriétaire de la maison rue de la Paix: que s'ensuivra-t-il ? C'est que ce même Daudrez, propriétaire ab initio de la totalité, n'a cependant hypothéqué, dans le temps, à son créancier Gobault, que la moitié de l'immeuble, et que celui-ci n'a pris également inscription que sur cette moitié. Il en résultera que, d'après les principes et les lois de la matière, Gobault n'avait aucun droit à exercer sur l'autre moitié acquise ultérieurement, et qu'en étendant à la totalité de l'immeuble l'effet de l'hypothèque spéciale, qui ne frappait que sur une moitié, l'arrêt attaqué a violé tout à la fois l'art. 2129 sur la spécialité de l'hypothèque conventionnelle, et l'art. 2154 sur le rang des hypothèques entre elles.

Les défendeurs n'ont fait que reproduire et développer le système consacré par les jugements de première instance et d'appel. Inutile par conséquent d'insister sur cette partie de la discussion.

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Du 6 décembre 1826, ARRÊT de la section civile, M. Brisson président, M. Rupérou rapporteur, MM. MandarouxVertamy, Lassis et Delagrange avocats, par lequel :

« LA COUR,

Sur les conclusions de M. Joubert, avocat-général;

Et après qu'il en a été délibéré dans la chambre du conscil; - Vu les

art. 883, 2129 et 2134 du Cod. civ., ainsi conçus : « Art. 883. Chaque a cohéritier est censé avoit succédé seul et immédiatement à tous les effets. a compris dans son lot ou à lui échus sur licitation, et n'avoir jamais eu « la propriété des autres effets de la succession. — Art. 2129. Il n'y ad'hy< pothèque conventionnelle valable que celle qui, soit dans le titre au«thentique constitutif de la créance, soit dans nn acte authentique pos«térieur, déclare spécialement la nature et la situation de chacun des « immeubles actuellement appartenant au débiteur, sur lesquels il consent « l'hypothèque de la créance. Chacun de tous ses biens présents peut être << nominativement soumis à l'hypothèque. — Art. 2134. Entre les créana ciers, l'hypothèque, soit légale, soit judiciaire, soit conventionnelle, « n'a de rang que du jour de l'inscription prise par le créancier sur les « registres du conservateur, dans la forme et de la manière prescrites < par la loi, sauf les exceptions portées dans l'article suivant. »;

« Attendu que, si le copropriétaire d'un immeuble indivis, qui, aux termes de l'art. 883 du Cod. civ., a un droit éventuel sur la totalité de cet immeuble, peut, en vertu de ce droit, hypothéquer éventuellement cette totalité, rien néanmoins ne s'oppose à ce qu'il borne et restreigne l'hypothèque qu'il consent à la seule portion qu'il possède dans l'immeuble au moment de son obligation, que cette faculté rentre méme naturellement dans le système de la spécialité des hypothèques, qui est une des bases les plus essentielles du nouveau régime hypothécaire;

« Attendu, en fait, que, d'après les termes mêmes des obligations des 15 et 17 février 1817, tels qu'ils sont énoncés dans les qualités de l'arrêt, Daudrez n'a littéralement affecté que la moitié de la maison dont il était copropriétaire par indivis, et que les inscriptions prises par les héritiers et représentants Gobault ne portent non plus dans leur texte littéral que sur cette moitié;

« Attendu que la circonstance de l'énonciation, dans les titres constitutifs de l'hypothèque, du fait de l'indivision de l'immeuble entre Daudrez et Peron, faisait seulement connaître aux tiers le droit qu'aurait eu Daudrez d'affecter éventuellement la totalité de cet immeuble, mais ne prouvait pas qu'il eût entendu épuiser à cet égard l'intégrité de ses droits en hypothéquant en effet cette totalité, alors surtout que la lettre des actes, par lesquels la moitié seulement était expressément hypothéquée, repoussait cette présomption; Qu'en relevant cette circonstance pour en induire et pour déclarer que l'intention des créanciers et du débiteur avait été que la totalité de l'immeuble fût grevée sans réserve, l'arrêt attaqué a commis une erreur de droit, en ce que 1o il a fait prévaloir une présomption sur les énonciations précises d'inscriptions, qui sont, à l'égard des tiers, des titres inattaquables; en ce que 2o il résulterait de cet arrêt que l'hypothèque donnée et inscrite sur un bien déclaré indivis s'étend toujours, quelle que soit l'énonciation des actes, à la totalité de l'immeuble, si, par suite de la licitation, celui qui a conféré l'hypothèque devient. propriétaire exclusif de cet immeuble;

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