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meubles aux autres : c'est l'avis de M. de Maleville; et cette opinion est conforme à l'esprit du Code, qui, en permettant aux père et mère de faire la distribution et le partage de leurs biens entre leurs enfants, n'a point établi de règles particulières pour ce partage. Or ce n'est que lorsqu'il est possible de le faire commodément qu'on est obligé de faire entrer dans chaque lot la même quantité de meubles et d'immeubles (art. 832 et 827). »

Cette opinion de M. Toullier semble, au premier aspect, en contradiction avec le principe que vient de consacrer la cour suprême dans l'arrêt ci-dessus rapporté. Mais en pesant ses termes et en ne perdant pas de vue l'hypothèse dans laquelle M. Toullier se place, on aperçoit aisément que ce jurisconsulte raisonne uniquement pour le cas où les biens ne sont pas susceptibles d'être commodément divisés, et qu'il n'a point entendu établir comme un point de doctrine que les partages des ascendants sont affranchis dans tous les cas des règles prescrites par les art. 826, 827 et 832 du Cod. civ., puisqu'au contraire il renvoie lui-même à ces articles.

B.

COUR DE CASSATION,

L'état, pendant la durée des lois sur l'émigration, a-t-il été, non pas héritier des parents d'émigrés, mais simple détenteur, à titre de confiscation, des portions héréditaires de ceux-ci dans les successions qui s'ouvraient à leur profit? (Rés. aff.)

En conséquence, la confusion qui, par suite de la confiscation des biens, s'opérait momentanément dans la personne de l'état, qui réunissait souvent les qualités de créancier et de débiteur, de garanti et de garant, n'a-t-elle pu étendre ses effets au-delà de la durée de la mainmise nationale? (Rés. aff.)

DE MEYVIÈRES, C. CHADAP AUD.

Par un testament du 1er septembre 1771, l'abbé Nauche institua Jean-Baptiste de Meyvières son légataire universel et laissa l'usufruit des biens compris dans l'institution à Étienne de Meyvières, père de Jean-Baptiste, jusqu'à la

majorité de ce dernier. Le testateur est décédé peu de temps après.

Le 14 mai 1788, le sieur de Meyvières père, qui avait pris possession des biens, vendit au sieur Chadapaud le domaine de Laborie, dépendant de la succession Nauche, bien qu'il n'en eût que l'usufruit temporaire, aux termes du testament

de 1771.

Quoi qu'il en soit, la révolution survint. Jean-Baptiste de Meyvières périt révolutionnairement le 26 messidor an 2. Ses biens furent d'abord confisqués, et ensuite rendus à sa famille en vertu de la loi du 21 prairial an 3.

Mais au nombre de ses héritiers se trouvaient deux frères, Pierre et Joseph, qui étaient alors émigrés et représentés par l'état, en sorte que le domaine était appelé à la succession avec deux sœurs du défunt, les dames de Lagaudie et de Vitrac, qui étaient restées en France.

Le sieur de Meyvières, père commun, mourut lui-même en` l'an 4. L'état se présenta, comme exerçant les droits des deux émigrés, pour recueillir sa succession concurremment avec les deux filles restées en France. Ce partage eut lieu sans qu'il y fût fait mention du domaine de Laborie; mais ensuite les dames de Lagaudie et de Vitrac, trouvant la succession mauvaise et usant du droit que leur laissait la jurisprudence locale de se jouer de leur qualité pendant trente ans, décla-` rèrent répudier l'hérédité, sous la réserve de leurs droits et reprises comme créancières.

A l'époque de la restauration, Pierre de Meyvières rentra en France et renonça pareillement à la succession de son père. Il paraît que Joseph était mort en émigration.

En 1817, Pierre de Meyvières et les dames de Lagaudie et de Vitrac se réunirent pour former, en qualité d'héritiers de Jean-Baptiste leur frère, une demande en revendication du domaine de Laborie, que Chadapaud avait indûment acquis de leur père en 1788: celui-ci, simple usufruitier, n'avait pu, selon eux, disposer de la propriété du domaine en question, et Chadapaud, en traitant avec lui, avait acquis a non do

mino.

Chadapaud opposait aux demandeurs une fin de non recevoir résultante de ce que, l'action en revendication et l'exception de garantie s'étant trouvées réunies dans les mains de

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l'état, soit par suite de l'exécution de Jean-Baptiste, soit à cause de l'émigration de Pierre et de Joseph, toutes deux s'étaient éteintes par la confusion.

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En première instance cette fin de non recevoir fut rejetée sans distinction, et l'acquéreur condamné au délaissement par un jugement du tribunal de Brives, rendu le 16 mars 1822.

Sur l'appel, la cour royale de Limoges a rendu le 23 décembre suivant un arrêt qui, infirmant à l'égard de Pierrę de Meyvières, l'a considéré comme représenté par l'état et déclaré non recevable dans sa demande; et qui, tout en confirmant à l'égard des dames de Vitrac et de Lagaudie, ne leur a néanmoins adjugé que la moitié de l'immeuble revendiqué. Pourvoi en cassation pour violation des lois des 17 nivôse an 2 et 21 prairial an 3, et pour fausse application de l'art. 1er de celle du 5 décembre 1814. Les demandeurs ont d'abord soutenu que la confusion qui s'était opérée par la confiscation n'avait pu étendre ses effets au-delà de la durée de la mainmise nationale; que d'ailleurs la confusion n'avait lieu qu'en faveur de l'état, et que par conséquent elle ne pouvait être invoquée par les particuliers entre eux; que telle était la jurisprudence constante de la cour. (1)

Les dames de Lagaudie et de Vitrac ajoutaient, dans leur intérêt particulier, qu'en supposant que Pierre de Meyvières fût sans qualité, elles se trouveraient seules héritières de JeanBaptiste, et qu'à ce titre la cour royale ne pouvait se dispenser de leur adjuger la totalité du domaine qu'elles revendiquaient.

Le sieur Chadapaud ne s'est point présenté pour défendre l'arrêt qu'il avait obtenu.

Du 14 août 1826, 'ARRÊT de la section civile, M. Brisson président, M. Quequet rapporteur, M. Lassis avocat, par lequel:

«LA COUR, Sur les conclusions conformes de M. Cahier, avocat-général; Vu l'art. 9 de la loi du 17 nivôse an 2,- L'art. 1er du sénatus

(1) Arrêts des 24 mars 1817 et 6 mai 1818. Voy. nouv. édit., tom. 19 et 20; et pour l'anc. coll., tom. 3 de 1817, pag. 388, et tom. 1er de 1819, pag. 498.

--

consulte du 6 floréal an 10,- Le décret du 30 thermidor an 12, — Les art. 1er et 2 de l'ordonnance royale du 21 août 1814, et les art. 1er et 2 de la loi du 5 décembre suivant;

et

« Considérant que, sur la demande en revendication du domaine de LaBorie, collectivement formée contre Chadapaud par Pierre de Meyvières par les dames de Vitrac et de Lagaudie ses sœurs, la cour royale de Limoges a, par l'arrêt attaqué, 1o déclaré Pierre de Meyvières non recevable; 2o condamné Chadapaud à délaisser aux dames Vitrac et de Lagaudie la moitié seulement dudit domaine, en se fondant « 1° sur ce que, «l'état ayant, du chef de Pierre et de Joseph, émigrés, hérité de Jean« Baptiste, en l'an 2, et d'Etienne, en l'an 4, l'action qui lui appar<< tenait contre Chadapaud, du chef de Jean-Baptiste, se serait trouvée « neutralisée par celle que Chadapaud avait eu lui-même le droit d'exer<< cer contre l'état, représentant Etienne, et conséquemment que cette << action se serait trouvée éteinte pour moitié, par voie de confusion; 2o sur « ce que, la loi du 5 décembre 1814 n'étant qu'une disposition de libéra<< lité en faveur des émigrés, on ne peut pas supposer que, par la remise << de leurs biens invendus, l'état ait voulu leur accorder des droits qui <«< eussent pu lui devenir onéreux à lui-même » : d'où l'arrêt attaqué a conclu que Pierre de Meyvières était non recevable à exercer contre Chadapaud une éviction dont l'état serait garant, et qu'il n'y avait lieu d'adjuger aux dames de Lagaudie et de Vitrac que la moitié de l'immeuble revendiqué;

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« Considérant, dans le fait, que, Pierre de Meyvières ayant, ainsi que ses sœurs, renoncé à la succession d'Etienne, père commun, leur action comme héritiers de Jean-Baptiste, en revendication du domaine indûment vendu par Etienne à Chadapaud, ne peut être atténuée par aucune obligation de garantie d'éviction due par Etienne; Considérant, dans le droit, en ce qui concerne Pierre de Meyvières, que l'arrêt attaqué a fait une fausse application de la loi du 5 décembre 1814, laquelle n'a trait qu'à la remise à faire aux émigrés de leurs biens immeubles non vendus à l'époque de cette loi et alors existant dans le domaine de l'état; que ce n'est pas en vertu de cette loi que Pierre de Meyvières exerce contre Chadapaud l'action revendicatoire dont il s'agit, mais en vertu d'un droit propre et successoral, comme héritier de Jean-Baptiste son frère, à la succession duquel lui et ses sœurs ont été appelés par la loi du 17 nivôse an 2, chacun pour un quart, portion qui s'est ensuite élevée au tiers par le décès de Joseph, leur cohéritier dans la succession de Jean-Baptiste; que, si ce droit successoral de Pierre, comme celui de Joseph, a été momentanément suspendu par l'inscription de l'un et de l'autre sur la liste des émigrés, il a, sauf les droits qui pouvaient être acquis à des tiers, repris toute son énergie, soit par le sénatus-consulte du 6 floréal an 10, soit par l'ordonnance du Roi du 21 août 1814; que, l'arrêt attaqué n'alléguant aucune décision administrative, aucun acte quelconque par lequel l'Etat aurait, pendant le temps de la mainmise nationale sur les biens de Pierre et de

Joseph, porté atteinte, au profit de Chadapaud, à l'action que la succession de Jean-Baptiste avait droit d'exercer contre lui, il s'ensuit que cette action est demeurée entière, et que Pierre de Meyvières, restitué à ses droits civils, a été fondé à s'en saisir et à l'exercer jusqu'à concurrence de sa portion héréditaire; que l'état, pendant la durée des lois sur l'émigration, n'a pas été proprement héritier des parents d'émigrés, mais simple détenteur, à titre de confiscation, des portions héréditaires de ceux-ci dans les successions de leurs parents; qu'ainsi aucune extinction de l'action dont il s'agit n'a pu s'opérer par voie de confusion résultant de la qualité d'héritier dans la personne de l'état, qui d'ailleurs n'a pu rien recueillir de la succession d'Etienne de Meyvières, mort insolvable; que, dans tous les cas, et d'après les termes formels du décret du 30 thermidor an 12, la confusion n'aurait pu avoir lieu qu'en faveur de l'état, et n'a pas pu étendre ses effets au-delà de la durée de la mainmise nationale: d'où il suit que l'arrêt attaqué a faussement appliqué la loi du 5 décembre 1814, violé la loi du 17 nivôse an 2, le sénatus-consulte du 6 floréal an 10, l'ordonnance royale du 21 août 1814 et le décret du 30 thermidor an 12;

< En ce qui concerne les dames de Vitrac et de Lagaudie, que, d'après les solutions qui précèdent et d'après la disposition formelle de l'art. 9 de la loi du 17 nivôse an 2, leur droit héréditaire dans la succession de JeanBaptiste étant, au moyen du décès de Joseph, d'un tiers pour chacune d'elles, l'arrêt attaqué, en ne leur attribuant que moitié pour elles deux, c'est-à-dire un quart pour chacune, dans le domaine revendiqué, a formellement violé ledit article 9 de la loi du 17 nivôse an 2; DONNE défaut contre Chadapaud, non comparant, et, pour le profit, Casse et ANNULE l'arrêt rendu par la cour royale de Limoges, le 23 décembre 1822. »

B.

COUR D'APPEL DE PARIS.

Lorsque, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en partie par cas fortuit, le preneur, qui, aux termes de l'art. 1722 du Cod. civ., est autorisé à demander une diminution du prix ou la résiliation du bail, peut-il obliger le propriétaire à reconstruire, sous prétexte que celui-ci a été indemnisé par une compagnie d'assurance du préjudice qu'il a souffert? (Rés. nég.) Cod. civ., art. 1722.

GODFRIN, C. AUSMONT.

Le sieur Godfrin avait loué au sieur Ausmont, marchand de fourrages, un hangar, une écurie et un petit bâtiment d'habitation. En août 1825, le hangar et l'écurie furent

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