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= entièrement détruits par un incendie qui endommagea aussi le bâtiment servant à l'habitation du locataire.

Le sieur Godfrin obtint d'une compagnie d'assurance une indemnité qui, à ce qu'il paraît, ne couvrit point toutes les pertes, parce que l'assurance ne s'étendait pas sur toutes les constructions détruites par l'incendie. Le sieur Godfrin assigna alors le sieur Ausmont, son locataire, devant le tribunal de la Seine, pour se voir condamner à réparer le dommage souffert, attendu que le sinistre était arrivé par sa faute.

Le sieur Ausmont soutint que l'incendie était survenu par cas fortuit, et il conclut, à son tour, à ce que le sieur Godfrin fût tenu de rétablir les lieux en leur état primitif, attendu qu'aux termes de l'art. 1719 du Cod. civ., le bailleur est obligé d'entretenir la chose louée en état de servir à l'usage auquel elle est destinée par le bail. — En vain opposeraiton, disait le sieur Ausmont, que cette règle souffre exception lorsque la chose louée a péri en partie par incendie, et invoquerait-on l'art. 1722, qui, dans ce cas, autorise seulepreneur à demander une diminution du prix ou la résiliation du bail.

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Cet article n'est point applicable au cas qui nous occupe. Il suffit, pour s'en convaincre, de rechercher le motif de sa disposition. Si, d'après l'art. 1722, le propriétaire n'est pas tenu de rétablir la chose louée dans son état primitif, lorsqu'elle a été détruite en partie, c'est qu'on suppose qu'il n'est pas en position de faire les dépenses qu'entraînerait une reconstruction même partielle. Mais lorsque, comme dans l'espèce, le propriétaire a été indemnisé par une compagnie d'assurance, et qu'il peut, par suite, reconstruire l'immeuble loné, le motif qui a dicté l'art. 1722 n'existant plus, cet article cesse d'être applicable, et la règle générale établie par l'art. 1719 reprend toute sa force. L'équité vient à l'appui de cette interprétation: car il ne serait pas juste de priver le preneur des avantages que lui offre son bail, lorsque le propriétaire peut facilement lui en conserver la jouissance. Jugement qui, adoptant ces conclusions, statue dans les termes suivants : « Attendu qu'un incendie arrivé par cas fortait a détruit en partie les lieux dont Ausmónt est principal locataire, rue Saint-Maur, no 106, suivant acte sous seing privé, enregistré, fait double le 5 février 1822, pour deux

années, qui ont commencé à courir le 1er juillet de la même année, moyennant 700 fr. par an; attendu que tout proprié taire doit tenir son locataire clos et couvert; ordonne que, dans le jour de la signification du présent jugement, le sieur Godfrin sera tenu de rétablir les lieux dont s'agit dans leur état primitif, si mieux il n'aime céder au défendeur ses droits et actions sur la compagnie d'assurance contre l'incendie, ce que le sieur Godfrin sera tenu d'opter dans la huitaine de la signification du présent jugement à personne ou domicile; sinon, et faute par lui de ce faire, autorise le demandeur à faire rétablir les lieux loués, pour être remboursé par le sieur Godfrin, etc. »

Appel de la part du sieur Godfrin. Il a soutenu qu'il ne pouvait être tenu de reconstruire les bâtiments brûlés, ni d'abandonner au locataire l'indemnité payée par la compagagnie d'assurance, puisque, aux termes de l'art. 1722, le preneur est seulement fondé à réclamer une réduction du prix ou la résiliation du bail, sans aucun dédommagement. L'intimé reproduisait le système accueilli en première in

stance.

Du 5 mai 1826, ARRÊT de la cour royale de Paris, 1 re chambre civile, M. Seguier premier président, MM. Parquin et Delangle avocats, par lequel:

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<< LA COUR, Considérant que la chose louée à Ausmont a péri dans sa majeure partie par cas fortuit, et qu'il y a lieu d'ordonner, aux termes du Code, la réduction du prix de location, si mieux n'aime le locataire demander la résiliation du bail, A MIs et MET l'appellation et ce dont est appel au néant; émendant, etc.; au principal, ordonne que le prix de location sera réduit à l'amiable, si faire se peut, entre les parties, sinon évalué sur ce qui reste de la chose louée, d'après l'estimation qui sera faite par Méry-Vincent, expert que la cour nomme d'office à cet effet, si mieux n'aime le locataire opter pour la résiliation du bail, ce qu'il sera tenu de faire dans le mois, à compter de ce jour, etc. » S.

COUR D'APPEL DE PARIS.

L'héritier qui, après une acceptation bénéficiaire, hypothèque en faveur de ses propres créanciers, sous la simple qualité d'HÉRITIER, sans addition quelconque, sa part indivise et éventuelle dans les immeubles de la succession, est-il censé, par cela méme, renoncer au bénéfice

d'inventaire, et accepter l'hérédité purement et simplement? (Rés. nég.) Cod. de proc., art. 988 et 989. L'acceptation bénéficiaire d'une succession entraîne-t-elle DE PLEIN DROIT, même en faveur des créanciers du défunt, la séparation des patrimoines, en sorte qu'ils soient affranchis, même à l'égard des créanciers personnels de l'héritier, de toutes inscriptions et formalité's prescrites par la loi? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 802, 878, 2111 et 2146.

LES HÉRITIERS ET CRÉANCIERS DELAHOUSSAYE.

Déjà la cour d'appel de Paris avait décidé, par arrêt du 8 janvier 1808, que, lorsqu'un héritier auquel la qualité de bénéficiaire était dévolue par l'acceptation qu'il avait régulièrement faite de la succession sous bénéfice d'inventaire avait ensuite fait des actes où il était seulement qualifié héritier, sans l'addition de la seconde qualité modificative de la première, cette qualification devait s'entendre selon celle déjà fixée sur sa tête, et que ces actes ne l'obligeaient point comme héritier pur et simple. (Voy. ce Journal, 1o semestre de 1808, pag. 150, et nouv. édit., tom. 9, pag. 26.) La seconde question avait reçu de la même cour une solution semblable, par arrêt du 20 juillet 1811. (Voy. 2o sem. de 1811, pag. 518, et nouv. édit., tom. 12, pag. 582.) M. Grenier, qui rapporte cet arrêt dans son traité des Hypothèques, tom. 2, pag. 293 et 455, en fait la base de son opinion, conforme à la jurisprudence qui y est consacrée, et que confirme celui que nous recueillons aujourd'hui. Cet habile jurisconsulte donne un certain développement aux motifs. de l'arrêt qui établissent que les créanciers d'une succession acceptée sous bénéfice d'inventaire sont dispensés de former la demande en séparation des patrimoines, et de prendre sur les immeubles du défunt l'inscription que l'art. 2111 du Cod. civ. leur prescrit l'obligation de requérir dans ce dernier cas. Tout en reconnaissant que les arrêts de la cour de Paris sont conformes aux véritables principes de la matière, et en adoptant à cet égard le sentiment de M. Grenier, nous inclinons à penser que la dispense de l'inscription exigée par l'art. 2111 pour la conservation des droits des créanciers de la succession n'est pas démontrée d'une manière absolue par doctrine de cet auteur, et les doutes que nous nous formous

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sur ce point sont fortifiés par l'opinion de M. Malpel, professeur distingué à la faculté de droit de Toulouse, à qui la question résolue pour la première fois par l'arrêt du 20 juillet 1811 donne lieu d'examiner un cas qui peut se présenter souvent, et dont l'événement possible semble rendre l'inscription nécessaire. « Qu'arrivera-t-il, dit M. Malpel, en son Traité élémentaire des successions ab intestat, pag. 485, no 240, si une succession acceptée d'abord sous bénéfice d'inventaire était acceptée ensuite par le même héritier purement et simplement, ou d'une manière expresse, ou d'une manière tacite? Comment éluder alors l'application du prineipe que l'effet de l'acceptation remonte au jour de l'ouverture de la succession? comment faire jouir les créanciers du défunt d'un privilége pour la conservation duquel ils n'auraient rempli aucune formalité?... C'est pour ce motif du moins que les créanciers d'une succession acceptée même sous bénéfice d'inventaire doivent se conformer aux dispositions de l'art. 211 du Cod. civ. »

Après la mort de la dame Delahoussaye, ses héritiers, qui avaient accepté sa succession sous bénéfice d'inventaire, hypothéquèrent à leurs créanciers personnels leurs parts indivises dans les immeubles de ladite succession, sans énoncer leur qualité d'héritiers bénéficiaires.

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Les biens de l'hérédité ayant été vendus, un ordre fut ouvert, et le prix en fut distribué entre les créanciers hypothécaires, qui furent divisés en trois classes, savoir: ceux de la succession qui avaient fait inscrire leurs créances avant le décès de la dame Delahoussaye, ceux qui n'avaient pris inscription qu'après sa mort, et les créanciers personnels des héritiers. Il résultait de cette opération une séparation de patrimoines qui fut attaquée par ces derniers. Ils prétendirent que cette séparation ne pouvait être ordonnée, termes de l'art. 878 du Cod. civ., qu'autant qu'elle aurait été demandée par les créanciers du défunt; que ses effets étaient, d'ailleurs, subordonnés à l'inscription que ces creaneiers étaient tenus de requérir sur les biens de la succession, dans les six mois à dater de son ouverture, conformément à F'art. 2111; que le privilége résultant de ces deux articles, en leur faveur, n'était donc évidemment accordé qu'à ceux qui eu avaient formé la demande, et qu'autant qu'ils l'auraient

rendu public par la formalité de l'inscription, et qu'il n'avait pu, dans l'espèce et en l'absence de ces deux conditions, être attribué d'office aux créanciers de la succession de la dame Delahoussaye, au préjudice des créanciers personnels de ses héritiers.

Mais ce contredit ne fut point accueilli par le tribunal civil de première instance de la Seine; il fut rejeté par jugement du 11 août 1825, et l'état de collocation provisoire qui avait été arrêté par le juge commissaire fut maintenu, par ce motif particulier que « la succession de la dame Delahousssaye n'ayant été acceptée que sous bénéfice d'inventaire, elle n'avait pu dès lors être confondue avec les biens de ses héritiers, et que les droits des créanciers de cette succession avaient été déterminés d'une manière invariable ».

Les créanciers des héritiers Delahoussaye ont appelé de ce jugement. Ils ont soutenu, en premier lieu, qu'on y avait méconnu le vœu de l'art. 878 du Cod. civ., en décidant que la séparation des patrimoines avait lieu de plein droit, et par le seul fait de l'acceptation sous bénéfice d'inventaire; En second lieu, que les héritiers Delahoussaye avaient encouru la déchéance de ce bénéfice en hypothéquant leurs parts indivises des biens de la succession.

Ils ont reproduit à l'appui du premier moyen les raisons qu'ils avaient fait valoir en première instance; ils ont ajouté que, le droit résultant de l'acceptation sous bénéfice d'inventaire n'ayant été introduit qu'en faveur de l'héritier bénéfi¬ ciaire, lui seul pouvait en profiter, et que les créanciers de la succession n'étaient point recevables à en exciper, parce que la loi ne les avait point eus en vue, et qu'elle n'avait disposé que dans l'intérêt de cet héritier personnellement; Que le privilége résultant de la séparation des patrimoines, et celui attaché à l'acceptation sous bénéfice d'inventaire, étaient distincts, indépendants l'un de l'autre, et régis par des règles qui leur étaient particulières; que l'exercice de l'un et de l'autre était soumis à des formalités qui sont propres à chacun d'eux, et qui n'ont rien de commun entre elles; que leur effet est différent, considéré sous le rapport des personnes en faveur desquelles ils ont été établis, et qu'on ne saurait les confondre sans qu'il en résultât de graves inconvénients; Que, s'il en était autrement, et si l'acceptation sous bénéfice

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