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d'inventaire pouvait être assimilée dans ses effets à la demande en séparation des patrimoines, les tiers qui auraient prêté à l'héritier bénéficiaire dans l'ignorance de sa qualité et en l'absence de toute inscription de la part des créanciers de la succession sur les biens de l'hérédité, pour la conservation du privilége attaché à la séparation des patrimoines, seraient nécessairement victimes de leur bonne foi, etc........

Les appelants ont dit, à l'appui du second moyen, que, l'héritier bénéficiaire n'étant qu'un simple administrateur des biens de l'hérédité, il ne pouvait, sans s'exposer à perdre sa qualité et à devenir héritier pur et simple, faire aucune espèce d'actes de propriété; que ceux d'administration étaient les seuls qui lui fussent permis, et qu'il ne pouvait aucunement aliéner, si ce n'est dans les cas et suivant les formes déterminées par la loi; que la dation d'hypothèque constituait une véritable aliénation, aux termes du droit: d'où ils tiraient la conséquence que les héritiers de la dame Delahoussaye avaient encouru la déchéance de leur qualité d'héritiers bénéficiaires en grevant d'hypothèques leurs parts indivises des biens de la succession, et qu'ils avaient d'ailleurs renoncé eux-mêmes à cette qualité, en ne la prenant pas dans les obligations qu'ils avaient consenties avec affectation hypothécaire.

Les créanciers de la succession ont répondu que, la demande en séparation des patrimoines n'ayant, comme l'acceptation d'une succession sous bénéfice d'inventaire, d'autre objet que celui d'éviter la confusion des biens de l'hérédité avec ceux de l'héritier, il devenait superflu de former cette demande lorsque, par la force même des choses, dans le bénéfice d'inventaire, cette confusion devenait impossible; qu'il était absurde de prétendre que la distinction des patrimoines, existant dès lors à l'égard de l'héritier bénéficiaire, ne doive pas exister à l'égard des créanciers, et de vouloir soumettre ceux-ci à de nouvelles formalités, qui n'auraient que les mêmes résultats; que l'accomplissement de ces formalités n'était exigé par les art. 878 et 2111 du Cod. civ., de la part des créanciers, que lorsqu'il s'agissait d'une succession acceptée purement et simplement, et non dans le cas où elle avait lieu sous bénéfice d'inventaire, ce qui est d'autant plus certain qu'on trouverait dans l'art. 2146 un obstacle à ce qu'elles pus

sent être remplies, puisque cet article ne permet pas de prendre inscription sur les biens de la succession dans ce dernier cas; - Que les moyens sur lesquels les appelants fondaient la prétendue déchéance du bénéfice d'inventaire encourue, selon eux, par les héritiers Delahoussaye, trouvaient leur réponse dans le texte même de la loi; qu'aux termes des art. 988 et 989 du Cod. de procéd., ce n'était que lorsqu'il avait vendu les immeubles, le mobilier et les rentes, dépendant de la succession, sans y observer les formalités prescrites, que l'héritier bénéficiaire devait être réputé héritier pur et simple; que le même effet n'était point attaché à une simple dation d'hypothèque, de laquelle il ne résultait aucun préjudice possible, parce que les créanciers de la succession pouvaient toujours réclamer leur privilége dans l'ordre, et écarter les créanciers personnels des héritiers, surtout si, comme dans l'espèce, on considère que cette dation d'hypothèque ne constitue qu'un droit purement conditionnel, soumis à l'événement du partage des biens de la succession; qu'une déchéance était une véritable peine, dont l'application devait être restreinte aux seuls cas déterminés par la loi; - Et de ce que les héritiers bénéficiaires Delahoussaye n'avaient point énoncé cette qualité dans les obligations par eux consenties, il ne s'ensuivait pas qu'ils y eussent renoncé, surtout lorsqu'ils sont qualifiés et reconnus tels dans toutes les pièces du procès, et dans les divers jugements rendus avec eux.

Le 8 avril 1826, ARRÊT de la cour d'appel de Paris, 3e chambre, M. Lepoitevin, conseiller, faisant les fonctions de président, MM. Frédéric, Coffinières, Lavau, Mollot et Leroy avocats, par lequel :

« LA COUR, Sur les conclusions conformes de M. Bérard-Desgla. ̧* jeux, substitut de M. le procureur-général; — Considérant qu'il est constant, en fait, que la succession de la dame Delahoussaye a été acceptée sous bénéfice d'inventaire par ses héritiers ; Que ceux-ci n'ont ni renoncé ni voulu renoncer à ce bénéfice, en s'annonçant héritiers de leur mère, sans addition quelconque, dans des actes postérieurs, et en hypothéquant leurs parts indivises et purement éventuelles dans les immeubles dépendant de la succession de leur mère; que le contraire résulte de tous les jugements, arrêts et pièces qui sont au procès, et dans lesquels il n'ont cessé d'être qualifiés et reconnus héritiers bénéficiaires;

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<< Considérant, en principe, que l'acceptation d'une succession sous bénéfice d'inventaire entraîne de plein droit la séparation des patrimoines du défunt et de l'héritier, puisqu'elle en empêche la confusion; Que, la séparation des patrimoines une fois opérée, il n'est plus au pouvoir de l'héritier bénéficiaire ni de ses créanciers personnels d'enlever aux créanciers de la succession des droits qui leur sont irrévocablement acquis; qu'alors ces derniers exercent seuls leurs droits, quels qu'en soient les titres hypothécaires ou chirographaires, sur les biens de l'hérédité, qui sont leur gage spécial, et que ce n'est qu'après qu'ils sont entièrement satisfaits, que les créanciers de l'héritier peuvent agir sur le reste des mêmes biens, s'il y en MET les appellations au néant; ordonné que ce dont est appel sortira son plein et entier effet.... J. L C.

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COUR D'APPEL D'ORLÉANS.

La femme qui s'oblige solidairement avec son mari, et qui, pour sûreté de l'obligation, affecte des biens grevés de son hypothèque légale, consent-elle par là méme une subrogation réelle dans l'effet de cette hypothèque en faveur du créancier ? (Rés. aff.)

Faut-il que la subrogation à l'hypothèque légale de la femme soit rendue publique par l'inscription, pour qu'elle puisse étre opposée aux créanciers postérieurs qui se seraient fait également subroger, et qui auraient fait inscrire leur subrogation? (Rés. nég.)

LA DAME DE LAMOIGNON, C. Bertrand et autres. Les opinions et la jurisprudence paraissent aujourd'hui fixées sur la première question. On s'accorde généralement à reconnaître que la femme qui s'oblige solidairement avec son mari, et affecte à la garantie de l'obligation des biens frappés de son hypothèque légale, consent par là même une subrogation, au moins tacite, dans l'effet de cette hypothèque, en faveur du créancier, et que les subrogations même les plus expresses qu'elle ferait ultérieurement ne peuvent nuire à celle-ci (1).

La seconde question est plus controversée. La cour d'appel d'Orléans, et, avant elle, celle de Paris, ont jugé, il est vrai, que la subrogation n'avait pas besoin d'être rendue publique par la formalité de l'inscription, pour assurer au subrogé la

(1) Voy. le tom. 2 de 1823, pag. 14.

préférence sur les créanciers postérieurs (1); mais ce système est fortement combattu par M. Grenier dans son Traité des Hypothèques, tom. 1er, pag. 548. Ce profond jurisconsulte pense que la thèse contraire est sans difficulté, et que la première subrogation doit être inscrite, pour conserver au créancier la préférence, toutes les fois qu'il existe d'autres créanciers postérieurs du mari, qui se sont également fait subroger à l'hypothèque légale de la femme, et qui se sont inscrits tant en vertu de l'obligation principale qu'en vertu de leur subrogation; et il faut en convenir, les raisons les plus solides militent en faveur de cette doctrine. On peut consulter les observations que nous avons faites à ce sujet, tom. 2 de 1824, pag. 404, en rapportant un arrêt de la cour de Metz qui paraît consacrer l'opinion de M. Grenier.

Quoi qu'il en soit, ces questions se sont élevées de nouveau dans l'ordre du prix des biens vendus sur les sieur et dame Garnier-du-Bourgneuf. Au nombre des créanciers qui poursuivaient leur collocation et qui se disputaient la préférence, se trouvaient les dames Recamier et Desquelberg, le sieur Bertrand et la dame de Lamoignon.

Les dames Recamier et Desquelberg produisaient des titres plus anciens; mais elles n'avaient que l'obligation solidaire des époux Garnier Dubourgneuf, et en outre une affectation hypothécaire sur des biens frappés de l'hypothèque légale de la femme.

Venait ensuite le sieur Bertrand, armé d'une subrogation expresse à l'hypothèque légale de la dame Garnier, subrogation qu'il n'avait pas rendue publique par la formalité de l'inscription.

Enfin se présentait en troisième ligne la dame de Lamoignon, qui avait aussi, comme Bertrand, une subrogation expresse à l'hypothèque légale de leur débitrice commune, mais qui joignait à cet avantage celui d'avoir pris inscription tant en vertu de son obligation principale qu'en vertu de sa subrogation.

A ce double titre, la dame de Lamoignon prétendait écarter les autres créanciers et obtenir la préférence.

(1) Voy. l'arrêt de Paris, tom. 1er de 1818, pag. 278, anc. coll. ; et tom. 19, pag. 968, nouv. édit.

Elle disait aux dames Recamier et Desquelberg : « Vous n'avez point de subrogation à l'hypothèque légale de la dame Garnier. Vous n'avez que son obligation solidaire; et, si vous le voulez encore, son consentement à ce que les biens grevés de son hypothèque légale soient affectés à votre garantie. Mais tout cela ne peut pas remplacer la subrogation, qui doit être expresse, et qui ne se présume jamais. La femme qui s'oblige solidairement ne fait point un acte qui frappe son hypothèque d'indisponibilité; et ceux avec lesquels elle a contracté ultérieurement, à qui elle a cédé un droit qui était encore libre dans ses mains, ne sont pas obligés d'aller rechercher péniblement, dans les clauses d'un contrat plus ou moins obscures, une subrogation qui ne s'y trouve pas exprimée, ni l'abandon tacite d'une hypothèque que la femme est présumée avoir entendu conserver, par cela seul qu'elle ne l'a point cédée. En droit, il n'y a point de subrogation tacite. Il faut, dans l'intérêt de la femme, et plus encore dans celui des tiers, une convention formelle, positive, qui établisse que l'une des parties a demandé et l'autre expressément consenti la subrogation à l'hypothèque. »

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La dame de Lamoignon disait au sieur Bertrand : « Vous avez, il est vrai, une subrogation à l'hypothèque légale de la dame Garnier; mais cette subrogation, pour être opposée aux tiers, aurait dû être inscrite au bureau des hypothèques. En ne remplissant point cette formalité, vous m'avez induite en erreur. Si j'avais connu par l'inscription la subrogation qui vous avait été consentie, je n'aurais contracté `ni avec la dame Garnier ni avec son mari. Sans doute l'hypothèque accordée à la femme sur les biens de l'autre époux est affranchie de la formalité de l'inscription quand elle la conserve et qu'elle l'exerce dans son intérêt exclusif; mais ce droit, en passant en d'autres mains, perd nécessairement sa faveur première. On rentre alors dans les termes du droit commun, qui font dépendre le rang de l'hypothèque de la date de l'inscription, en sorte que, dans le concours de plusieurs créanciers successivement subrogés à l'hypothèque légale de la femme, la préférence est toujours due à celui qui le premier a fait inscrire sa subrogation. »

Cette seconde partie de la défense n'était pas dépourvue de force et de solidité. Cependant elle a été écartée aussi

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