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Le second moyen n'était pas moins bien fondé.

La cause offrait des faits d'où résultaient des présomptions ou des indices assez graves pour déterminer l'admission de la preuve demandée. Les langes de l'enfant étaient marqués des initiales D. et D. G. — Un notaire avait été envoyé à l'hospice par la dame Vidal Gravier,-Elle avait fait un testament dont le legs le plus important était en faveur de Zéphirine. La tutelle de cet enfant avait été acceptée par le sieur Caillot-Tassy, qui l'avait placée chez un instituteur, comme sa parente. Elle avait constamment porté le nom de nièce du sieur Caillot-Tassy. - De tous ces faits naissaient les présomptions les plus graves qu'elle était la fille de la dame David, et la preuve testimoniale ne pouvait que compléter, dans les termes de la loi, la démonstration de cette vérité.

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Quant à l'objection tirée de ce que les faits dont elle demandait à faire la preuve tendaient à établir une filiation adultérine, preuve prohibée par l'art. 335 du Cod. civ., elle répondait qu'il n'était pas permis de diviser sa demande. Elle ne demandait pas simplement à prouver sa maternité, elle demandait aussi à jouir de tous les résultats que la loi lui assurait, cette maternité une fois acquise: c'était d'avoir pour père le mari de sa mère. Lorsqu'elle exposait le fait particulier de l'accouchement de sa mère chez une sagefemme, elle ajoutait que c'était parce que les douleurs de l'enfantement la surprirent dans une salle de spectacle; elle affirmait enfin que la grossesse de sa mère n'avait point été

cachée.

Au surplus, il n'y avait jamais lieu aux demandes en réclamation d'état que parce que dans ces sortes de causes les circonstances étaient toujours entourées de quelque mystère. « Ce qu'il y a de certain, disait Lenormant dans la cause de Ja demoiselle de Choiseul, c'est que le mystère ne fut jamais une raison déterminante contre l'état; autrement nulle sorte. de réclamation d'état ne serait admise en justice. Y eut-il, en effet, une question d'état sans mystère? Quand il n'y a point de mystère, il n'y a point de procès. » (Brillon, tom. 6. pag. 530.)

La réponse à tous ces moyens se trouve dans les motifs mêmes de l'arrêt qui les rejette.

Du 22 décembre 1825, ARRET de la Cour royale d'Aix,

première chambre, M. Desèze premier président, MM. Perrin et Chassan avocats, par lequel:

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« LA COUR, Sur les conclusions de M. Dufour, avocat-général ; — At· tendu, dans la forme, qu'il n'appartient à personne de donner aux parties des juges que la loi ne leur donne pas; · Attendu qu'aucun règlement d'organisation judiciaire n'a attribué aux tribunaux de première instance, divisés en sections, d'en réunir plusieurs pour prononcer sur les contestations qui leur sont soumises, de quelque nature et de quelque importance qu'elles soient; Attendu que procéder ainsi, et suivre une marche les cours que souveraines seules sont autorisées à prendre dans des cas déterminés par les règlements des 30 mars 1808 et 6 juillet 1810, c'est évidemment méconaître les règles que la loi a tracées pour la distribution de la justice, et pour la formation des jugements rendus en première instance; Attendu la violation de ces règles entraîne une nullité d'ordre public, sur laquelle il pcut être statué, soit d'office, soit sur la réquisition du ministère public, et nonobstant le silence des parties intéressées au procès;

que

« Au fond, attendu, dans le droit, qu'aux termes de l'art. 323 du Cod. civ., en matière de réclamation d'état d'enfant légitime, à défaut de titre et de possession, la preuve de la filiation ne peut être admise qu'autant qu'il y a un commencement de preuve par écrit, ou, tout au moins, des présomptions ou des indices résultant de faits des lors constants, assez graves pour déterminer l'admission; — Attendu que la loi a pris le soin dans l'art. 324 du même Code de définir elle-même ce qu'elle entend par commencement de preuve par écrit, en déclarant qu'il devait résulter des titres de famille, des papiers domestiques du père ou de la mère, des actes publics ou privés émanés d'une personne engagée dans la contestation ou qui y aurait intérêt si elle était vivante : d'où il suit que, hors de ces termes, il n'y a point de commencement de preuve par écrit ;

« Attendu, dans le fait, qu'Augustine-Aménaïde-Zéphirine, épouse S..., ne produit aucun document de ce genre; que c'est en vain qu'elle excipe du testament de la veuve Gravier, à cause de la libéralité qu'il contient en sa faveur, puisque cet acte, bien loin de justifier sa réclamation, ou même de donner lieu à des conjectures dont elle puisse se prévaloir, repousse, au contraire, toute idée qu'elle appartienne à la famille à laquelle elle veut aujourd'hui se rattacher, la testatrice, dans sa disposition bienfaisante, ne l'ayant qualifiée que de fille de l'hospice de l'Hôtel-Dieu de la ville, et ne l'ayant appelée que des noms que lui donne son acte de naissance;

« Attendu que, si le testament de la veuve Gravier ne peut pas servir à l'épouse S... de commencement de preuve par écrit, il ne saurait non plus être considéré comme une présomption ou un indice assez grave pour autoriser l'admission de la preuve testimoniale qu'elle offre, parce qu'un sentiment de pure générosité à l'égard d'une malheureuse enfant abandonnée peut très bien avoir déterminé la disposition faite à son profit, et que la raison, comme la loi, enseignent que le legs, en pareille circonstance, est

censé fait potius pietatis causa, quam filiationis, lorsqu'il n'y a pas un fait antérieur, convenu au procès, dont on puisse induire que c'est un devoir de conscience que la testatrice a voulu remplir;

< Attendu que tous les autres faits reconnus pour constants par les premiers juges, analysés qu'ils soient, n'ont aucune importance, et qu'il n'est pos- . sible d'en tirer aucune conséquence favorable à la réclamation de l'épouse S...., le fait positif de la grossesse et de l'acouchement de la femme David de Gavedel n'étant pas, d'hors et déjà, constant et établi ;

« Attendu, d'ailleurs, que les faits articulés par Zéphirine, et dont elle demande à faire la preuve, tendent bien plutôt à justifier une filiation naturelle qu'une filiation légitime, et ne pourraient par conséquent, prouvés qu'ils fussent, produire qu'un ́résultat contraire aux dispositions des arţ. 324 et 335 du Cod. civ.;- ANNULE le jugement du 22 mai 1824, prononcé déclare par le tribunal de Marseille, sections réunies ; et statuant au fond, Augustine-Aménaïde-Zéphirine non recevable dans sa demande, etc. »> A. M. C.

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COUR DE CASSATION.

Le maraudage commis avec des sacs et des tabliers est-il un délit de la compétence du tribunal correctionnel? (Rés. aff.)

Les caractères généraux de la complicité, définis par les art. 59 et suiv. du Cod. pén., s'appliquent-ils aux contraventions de police? (Rés. nég. )

La condamnation solidaire aux frais du procès peut-elle étre prononcée contre le prévenu qui n'a été déclaré ni auteur ni complice du fait qui iui était imputé ? ( Rés. nég.) Le tribunal de police peut-il prononcer une confiscation sans citer le texte de la loi qui l'autorise ? (Rés. nég. )

INTÉRÊT DE LA LOI. AFFAIRE BEAUFILS.

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M. le procureur-général expose les faits suivants.- Un procès verbal dressé par le commissaire de police de Mortagne constate que, la veille, vers quatre heures de l'après-midi, deux femmes, la veuve Beaufils et sa fille, ont été trouvées chargées chacune d'un fagot de genêts dans lesquels étaient cachés trois tabliers et un bissac remplis de fruits de différentes espèces qu'elles reconnurent avoir pris à divers particuliers.

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Une visite ayant été faite au domicile de Marie Hérode, tante de la fille Beaufils, on y découvrit environ un demi

hectolitre de pommes: cette femme avoua que c'était sa nièce qui les lui avait apportées.

Les témoins déposèrent à l'audience que, depuis longtemps, la femme et la fille Beaufils enlevaient des pommes dans les taillis. Ces deux femmes réitérèrent l'aveu qu'effectivement elles avaient pris des pommes, mais sans savoir à qui elles appartenaient.

Dans cet état des faits, le juge de paix se proposa les questions suivantes : « Les femme et fille Beaufils sont-elles convaincues d'avoir causé volontairement des dommages aux propriétés mobilières des sieur Brou et Geslain, en enlevant et cueillant sur des arbres à eux appartenant environ deux hectolitres de pommes ?· La fille Hérode est-elle convaincue d'avoir sciemment reçu chez elle les pommes appartenant à autrui? — En droit, devons-nous faire l'application, contre les prévenues, des art. 479 et 480 du Cod. pén.? — La fille Hérode doit-elle supporter l'amende ? »

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Puis, « considérant qu'il résulte du procès verbal dressé par M. le commissaire de police et de l'audition des témoins que la femme Beaufils et sa fille ont été trouvées, le 10-septembre, au lieu de la Jarretière, chargées d'environ deux hectolitres de pommes de différents solages, enveloppées dans trois tabliers et un bissac, lesquels étaient cachés avec des genêts et qu'elles portaient sur leur dos, que, d'après leur aveu, ces pommes avaient été prises sur les propriétés des sieurs Brou et Geslain; - Considérant qu'étant convaincues d'avoir causé volontairement du dommage aux propriétés mobilières des sieurs Brou et Geslain, c'est là le cas d'appliquer l'art. 479 et l'art. 480 du Cod. pén. ; — Qu'en ce qui concerne la fille Hérode, si elle s'est rendue coupable d'avoir recélé des pommes dont elle n'a pas prouvé d'où elles provenaient, on ne peut que la condamner à être solidaire avec lesdites femme et fille Beaufils pour le paiement des frais de la présente procédure; - Considérant enfin qu'en ce qui concerne les tabliers, bissac, faucilles et pommes, il y a lieu à la confiscation des trois premiers objets; et comme les pommes sont reconnues appartenir aux sieurs Brou et Geslain, elles devront leur être remises; Par tous ces motifs, le tribunal condamne lesdites femme et fille Beaufils chacune à 11 franes d'amende, en tous les frais et dépens de l'instance,

conjointement avec la fille Hérode en ce qui concerne les dépens seulement....; condamne en outre les femme et fille Beaufils en 48 heures de prison, en la confiscation des tabliers, bissac et faucilles.....; ordonne que les pommes serout remises aux sieurs Brou et Geslain, conformément aux art. 479 et 480 du Cod. pén. et à l'art. 34 de la loi du 28 septembre 1791. »

Tel est le jugement que l'exposant est chargé de dénoncer à la cour. D'un côté, il résultait de l'audition des témoins et de l'aveu des prévenus que le maraudage avait été commis avec des sacs et tabliers, et que les pommes avaient été cueillies sur des arbres, et non ramassées à terre. D'un autre côté, le dommage, et conséquemment l'amende à l'évaluation de laquelle il sert de base, étaient indéterminés. Le tribunal de simple police était donc incompétent, soit d'après l'art. 55 du tit. 2 du Cod. rur., qui punit le maraudage exécuté à l'aide de sacs d'une amende égale au dédommagement, et même d'un emprisonnement qui peut s'étendre à trois mois; soit d'après l'art. 13 de la loi du 25 juin 1824, qui punit le même fait des peines portées en l'art 401 du Cod. pén.

A part l'incompétence, le jugement au fond est entaché de plusieurs vices. 1o Le tribunal invoque deux dispositions de loi qui s'excluent mutuellement, savoir, celle de l'art. 34 du tit. 2 du Cod. rur., spécialement relative au maraudage, et celle de l'art. 479 du Cod. pén., qui s'applique d'une manière générale à tous les cas qui ne sont pas prévus par une disposition spéciale. Il condamne en outre les prévenues à l'emprisonnement en vertu de l'art. 480, qui n'a aucun rapport à l'espèce.

2o Le juge de paix se demande si la fille Hérode doit être condamnée comme complice de la contravention, pour avoir recélé sciemment les fruits volés.

Il oublie que les caractères généraux de la complicité, définis par les art. 59 et suiv. du Cod. pén., ne s'appliquent qu'aux crimes et délits, et nullement aux contraventions. 3o Le juge de paix reconnaît implicitement que la fille Hérode n'est pas complice, puisqu'il ne lui applique aucune peine; cependant il la condamne solidairement aux frais, avec les auteurs de la contravention. Il devait appliquer une

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