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« LA COUR, Sur les conclusions de M. Joubert, avocat-général; Vu l'art. 733 du Cod. de proc., portant : « Les moyens de nullité contre la « procédure qui précède l'adjudication préparatoire ne pourront être proa posés après ladite adjudication; ils seront jugés avant ladite adjudication, «<et si les moyens de nullité sont rejetés, l'adjudication préparatoire sera << prononcée par le même jugement. »;

« Considérant qu'il est reconnu en fait, par l'arrêt attaqué, que l'’adjudication préparatoire n'avait point encore eu lieu lorsque les moyens de nullité contre la procédure ont été proposés; qu'au surplus, le motif évident de la loi est que l'adjudicataire soit certain qu'aucune nullité ne sera admissible contre son titre provisoire, postérieurement à l'adjudication; qu'ainsi l'arrêt de la cour de Bastia a violé formellement le texte et l'esprit de l'art. 733, en repoussant par une fin de non recevoir les moyens de nullité proposés en temps utile;

<< Par ces motifs, donnant défaut contre Cristiani, non comparant, CASSE ct ANNULÉ l'arrêt de la cour de Bastia du 20 janvier 1824, etc. »

B.

COUR DE CASSATION.

L'ordonnance du 27 février 1822 a-t-elle enlevé aux avoués exerçant près les tribunaux de première instance séant aux chefs-lieux de département le droit de plaider les causes sommaires, que leur accordait l'art. 5 du décret du 2 juillet 1812? (Rés. aff.)

LES AVOCATS DE LAON, C. LES Avoués.

MM. les avocats de Laon ont contesté aux avoués exerçant près le tribunal civil de ce chef-lieu de département le droit de plaider les causes sommaires. Ils ont prétendu que l'ordonnance du 27 février 1822 avait dérogé à l'art. 3 du décret du 2 juillet 1812 qui leur accordait cette prérogative, et qu'anjourd'hui toutes les causes, à l'exception des incidents de procédure, devaient être plaidées par des avocats.

Cette défense, accueillie d'abord par le tribunal civil, fut écartée, sur l'appel, par arrêt de la cour royale d'Amiens, du 24 avril 1825,-- « Considérant, porte l'arrêt, que le décret du 2 juillet 1812 a distingué les avoués en trois classes: celle des avoués près les cours royales, celle des avoués des tribunaux de première instance des chefs- lieux de département où il y a des cours d'assises, et celle des avoués des autres tribunaux de première instance; qu'en faveur de chacune de ces trois classes, il a fait une exception particulière au prin

cipe, consacré par le décret du 14 décembre 1810, que le droit de plaider appartient aux avocats; qu'en effet le décret du 2 juillet 1812 a, par son article 2, permis aux avoués près les cours royales de plaider les demandes incidentes de nature à être jugées sommairement, et tous les incidents relatifs à la procédure; son art. 3 a attribué le même droit aux avoués des tribunaux des chefs-lieux de département où il y a des cours d'assises, et leur a en outre conféré celui de plaider les causes sommaires; enfin ce même article a autorisé les avoués des autres tribunaux de première instance à plaider toute espèce de causes dans lesquelles ils occuperont; - Considérant que le préambule de l'ordonnance du 27 février 1822, après avoir rappelé qu'au principe que les avocats ont le droit exclusif de défendre les causes devant les cours et tribu- · naux, il existe une exception en faveur des avoués licenciés dans l'intervalle de ventôse an 12 au 2 juillet 1812, ajoute qu'il en existe une autre qui concerne des avoués, même non licenciés, qui postulent devant plusieurs tribunaux de première instance et à qui les règlements permettent de plaider toute espèce de causes dans lesquelles ils occupent, dernière disposition de l'art. 3 du décret dụ 2 juillet 1812; — Considérant que les seuls avoués des tribunaux de première instance autres que ceux des chefs-lieux des départements où il y a des cours d'assises sont rangés dans la dernière disposition de l'art. 3 du décret du 3 juillet 1812; que les avoués des tribunaux desdits chefs lieux de département sont compris dans une précédente disposition dudit article; que l'exception créée en leur faveur est moins étendue que celle accordée aux avoués placés dans ladite dernière disposition et véritablement abrogée par l'ordonnance du 27 février 1822; mais que celle relative aux avoués des tribunaux desdits chefs-lieux de département et concernant la plaidoirie des causes sommaires ne l'est point, puisque l'ordonnance susdatée ne parle ni d'elle, ni de ces avoués, soit dans son préambule, soit dans ses articles: d'où il suit que cette ordonnance n'est point applicable à ces avoués, et qu'on ne peut la leur opposer, pour leur enlever le droit que l'art. 3 du décret du 2 juillet 1812 leur a accordé;

« Considérant qu'il est de principe que la contrariété formelle de la disposition des lois peut seule faire présumer l'ab

rogation implicite de la plus ancienne, et donner lieu à l'application de la maxime Posteriora derogant prioribus ;Qu'il n'existe pas de contrariété formelle entre la disposition de l'art. 5 de l'ordonnance du 27 février 1822, qui porte qu'il n'est pas dérogé aux droits qu'ont les avoués de plaider, dans les affaires où ils occupent devant les cours et tribunaux, les demandes incidentes de nature à être jugées sommairement, et tous les incidents relatifs à la procédure, et la disposition de l'art. 3 du décret du 2 juillet 1812, qui, outre ce droit à eux attribué, de même qu'il l'avait été, par l'art. 2, aux avoués des cours royales, a donné aux avoués des tribunaux des chefs-lieux de département celui de plaider les causes sommaires, puisque avoir conservé à ces divers avoués un droit qui leur était commun n'est pas avoir prononcé sur un autre droit particulier aux avoués desdits tribunaux de chefslieux de département, non nommés soit dans le préambule, soit dans l'ordonnance du 27 février 1822, et avoir implicitement dérogé à la disposition spéciale de laquelle ce droit particulier résulte en leur faveur; - Considérant qu'il n'a pas non plus été dérogé par l'ordonnance du 27 février 1822 à l'art. 6 du décret contenant le tarif des frais, qui, à l'égard des causes sommaires, dispose qu'il ne sera alloué aucun honoraire aux avocats dans ces sortes d'affaires d'où il suit qu'une partie est légalement autorisée à se contenter du ministère de son avoué, et n'est pas tenue, dans lesdites causes, de payer à un avocat un honoraire qu'elle n'aurait pas le droit, en cas de succès, de répéter contre sa partie adverse ».

Les avocats de Laon ont déféré cet arrêt à la censure de la cour suprême, et lui ont reproché de s'être mis en opposition avec l'ordonnance du 27 février 1822, et d'avoir faussement appliqué à l'espèce l'art. 3 du décret du 2 juillet 1812, auquel cette ordonnance avait dérogé de la manière la plus expresse.

Le décret du 14 décembre 1810, ont dit les demandeurs, a commencé par reconnaître et proclamer le principe coustant que la profession d'avocat est incompatible avec les fonctions d'avoué. Ainsi, la conséquence forcée de cette incompatibilité de profession était l'interdiction pour les avoués de la faculté de plaider: car avoir le droit de plaider pour autrui, c'est être avocat. Toutefois il fallait coordonner l'application de ce principe avec certain droit acquis et avec la

loi impérieuse de la nécessité. Ainsi, d'une part, les avoués qui étaient en possession, d'après les lois antérieures, du droit de plaider, devaient être, maintenus dans ce droit; d'autre part, il ne suffisait pas d'avoir rétabli les écoles de droit et reconstitué l'ordre des avocats, pour que tous les barreaux pussent suffire à l'instant même aux besoins de la justice. La conscription, qui venait annuellement moissonner une partie de la jeunesse vouée à l'étude des lois, devait ajourner longtemps encore l'époque où les avocats pourraient suffire partout aux devoirs de leur profession: de là le décret du 2 juillet 1812, qui vint concilier et le principe général, et les droits acquis, et la nécessité des temps.

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L'art. 1er proclame et consacre le droit exclusif des avocats devant les cours royales. L'art. 2 porte que les demandes. incidentes de nature à être jugées sommairement et les incidents de procédure pourront être plaidés par les avoués près ces cours. L'art. 3, qui est le siége de la difficulté, ajoute qu'il en sera de même dans les tribunaux de première in→ stance séant aux chefs-lieux des cours royales, des cours d'assises et de département; que les avoués pourront y plaider. dans toutes les causes sommaires; que dans les autres tribunaux de première instance ils pourront plaider toute espèce de causes dans lesquelles ils occuperont ».— Enfin l'art. 9 maintient le droit acquis, en vertu de la loi du 22 ventôse de l'an 12, à ceux des avoués licenciés qui sont en possession

de plaider.

De ces diverses modifications apportées par le décret au droit exclusif des avocats, une seule, celle relative au droit acquis par les avoués porteurs de licence, était susceptible d'être permanente et invariable. Les autres, notamment celles de la faculté illimitée de plaider, pour les avoués des tribunaux de première instance, et du droit pour les avoués des chefs-licux de département, de plaider les causes sommaires, dérivaient des circonstances, et devaient s'évanouir avec elles.

C'est dans cet état de choses que fut portée l'ordonnance du 27 février 1822. Il faut en rechercher l'esprit et le but dans sou préambule. « Il importe, y est-il dit, de proclamer et de consacrer de nouveau le principe que les officiers ministériels ne sont préposés qu'à l'instruction des procès, et que le

droit de les défendre devant les cours et tribunaux appartient exclusivement aux avocats. Ainsi le but de l'ordonnance, son principe générateur en quelque sorte, c'est de ramener les deux professions à leurs attributions constitutives. »

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Il existe cependant, ajoute le préambule, deux exceptions à ce principe: l'une en faveur des avoués qui ont obtenu des lettres de licence, de ventôse an 12 à juillet 1812; la deuxième exception concerne des avoués, même non licenciés, qui postulent dans plusieurs tribunaux de première instance, et à qui les règlements permettent de plaider toute espèce de causes dans lesquelles ils occupent. (Dernière dis position du décret du 2 juillet 1812.) On voit que, dans ce préambule, il n'est question que de deux exceptions, celle des droits acquis, celle de l'insuffisance du nombre d'avocats. Il n'est rien dit ni de la faculté laissée à tous les avoués de plaider les incidents de procédure, ni du droit qu'on voudrait faire résulter, pour les avoués des chefs-lieux de département, de l'incise contenue dans la première disposition de l'art. 3 ils pourront plaider toutes les affaires sommaires. Ce silence s'explique, à l'égard de la faculté de porter la parole sur les incidents de procédure, par la considération que cette faculté se rattache plutôt à l'instruction qu'à la plaidoirie. Mais une pareille explication ne peut être admise à l'égard du droit de plaider les affaires sommaires. Ces affaires ne diffèrent souvent des affaires ordinaires que par l'urgence. Leur instruction est simplifiée sans doute; mais par cette raison même le débat oral, c'est-à-dire la plaidoirie, y acquiert plus d'importance que dans toute autre cause: cela est manifeste, par exemple, pour les enquêtes qui, dans ces sortes d'affaires, ont lieu à l'audience et devant le tribunal même. Le droit de plaider dans les affaires sommaires, attribué aux avoués, serait done, on ne peut se le dissimuler, une modi-fication grave, une exception importante au principe de l'incompatibilité des deux professions, et au droit exclusif des avocats à toute plaidoirie; et, ce qui le prouve de plus en plus, c'est que, même dans le système du décret, ce droit était attribué à certains avoués, et non à tous.

Or, de cela seul que l'ordonnance, dans son préambule, ne reconnaît, au principe qu'elle juge important de consa

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