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Toutes les formalités en pareil cas voulues par la loi furent remplies; et, le 17 novembre suivant, ordonnance du juge-commissaire, qui fixe les jour et heure où les partics comparaîtraient devant lui, pour convenir des pièces de comparaison. En vertu de cette ordonnance, fut significe à l'avoué des héritiers d'Étienne Delaquerrière la sommation exigée par l'art. 199 du Code de procédure; mais ils ne se présentèrent point; le juge-commissaire donna défaut contre eux, et rendit, le 20 dudit mois de novembre, une seconde ordonnance, par laquelle il déclara tenir pour reconnue l'obligation dont s'agit, et renvoya les parties à la prochaine audience du tribunal, à laquelle il ferait son rapport, sans qu'il fût besoin d'acte à venir plaider. Le même jour, et deux heures après celle qui avait été indiquée pour la comparution des parties, l'un des hoirs Delaquerrière, assisté de son avoué, se présenta au greffe du tribunal; il prétendit que des circonstances graves et de force majeure avaient occasioné son retard; il demanda acte de sa présentation, et de la déclaration qu'il faisait d'être prêt à convenir, tant pour lui que pour ses coïntéressés, des pièces de comparaison pour la vérification ordonnée; le greffier l'informa de ce qui avait été fait par le juge-commissaire, et du renvoi de la cause à l'audience du lendemain; et il fut du tout dressé un procès verbal.

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Le lendemain, les héritiers Delaquerrière, ni leur avoué, ne se présentèrent point à l'audience pour proposer leurs moyens d'excuses; le juge-commissaire fit son rapport; et il fut rendu contre eux un jugement par défaut, qui tint pour reconnue la signature d'Etienne Delaquerrière. Mais ils formèrent opposition à ce jugement et à l'ordonnance du jugecommissaire, en date du 20 novembre. Ils prétendirent, d'une part, qu'à raison de l'éloignement de leur domicile, ils n'avaient pu être informés que tardivement de la somination faite à leur avoué, ce qui avait été cause de leur comparution tardive, malgré la diligence qu'ils y avaient apportée; et, d'autre part, que le juge-commissaire avait excédé ses pouvoirs en tenant l'obligation pour reconnue: d'où ils concluaient que son ordonnance devait être rétractée, ainsi que le jugement qui en avait été la suite.

Ces moyens ne furent point accueillis; et, le 6 février 1824,

jugement contradictoire qui déclara les héritiers non recevables et mal fondés dans leur opposition à l'ordonnance du juge-commissaire; les reçut opposants pour la forme au jugement contre eux prononcé par défaut, dont fut ordonnée l'exécution et simple, par les motifs pure « Que ce jugement avait été rendu sur le rapport du juge-commissaire, et conformément à l'art. 199 du Cod. de proc. civ.; - Qu'ils ne pouvaient alléguer qu'ils eussent été informés tardivement de la sommation qui leur avait été faite, puisque l'un d'eux s'était présenté sur ladite sommation, le jour indiqué, mais seulement après l'heure fixée par le juge-commissaire, et après l'opération de ce magistrat ; -Et qu'en supposant que ce juge-commissaire n'eût pas la faculté de tenir pour reconnue la signature à vérifier, cette reconnaissance avait été consacrée par le tribunal, par son précédent jugement ».

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Les héritiers Delaquerrière se sont pourvus en cassation du jugement du 6 février 1824. Ils ont prétendu, en premier lieu, que le juge-commissaire avait excédé ses pouvoirs, et violé l'art. 199 du Cod. de proc., en prononçant un jugement par lequel il déclarait tenir la pièce pour reconnue, tandis qu'il devait se borner à dresser procès verbal de ce qui se passait devant lui, et à renvoyer la cause et les parties à la prochaine audience du tribunal, pour y être statué sur son rapport; En second lieu, que ce juge-commissaire n'avait pu, après avoir déjà jugé lui-même, concourir ensuite au jugement que le tribunal avait rendu à la suite de son rapport; En troisième lieu, que le tribunal avait faussement interprété l'art. 199, lorsqu'il avait cru que cet article n'admettait la voie de l'opposition que contre le jugement, et non contre l'ordonnance du juge-commissaire, et en déclarant par suite les demandeurs non recevables dans leur opposition envers cette ordonnance; qu'elle pouvait être attaquée par cette voie, puisqu'elle était par défaut, et qu'il n'existait dans l'article cité aucune disposition qui pût y faire obstacle; - Que le jugement attaqué avait, en outre, violé cet article, en déclarant qu'il recevait les demandeurs opposants pour la forme, et en ne s'occupant pas du fond de leur opposition; que le tribunal aurait dû apprécier les causes d'empêchement qu'ils avaient proposées pour justifier le retard qu'ils avaient mis à se présenter, ce qu'il n'avait pas

fait; que l'éloignement de leur domicile au lieu où devait se faire la vérification, et la difficulté des communications pour leur faire parvenir l'avis du jour fixé pour leur comparution, étaient, à cet égard, un motif d'excuse bien suffisant sans doute; que ce tribunal avait méconnu le vœu de l'art. 199, en tenant pour reconnue la pièce en question, laquelle ne pouvait être déclarée telle, aux termes dudit article, qu'autant que le défendeur ne se présentait pas; qu'ici ils s'étaient présentés le jour indiqué, plus tard à la vérité qu'à l'heure fixée, mais pour une cause qui rendait le retard excusable; que les juges auraient au moins dû faire connaître les motifs de leur refus d'admettre cette cause, pour satisfaire au vœu de l'art. 141 du Cod. de proc., et que l'absence des motifs sur ce point constituait une contravention manifeste à cet article.

Le défendeur a répondu que le premier moyen proposé par les demandeurs trouvait sa réponse dans les termes même de l'art. 199 du Cod. de proc., où on lisait que « le juge pourra tenir la pièce pour reconnue », disposition qui se rapporte évideinment au juge-commissaire, duquel seul il est question dans cette première partie dudit article, et non au tribunal, qui n'occupait point la pensée du législateur; qu'au surplus, en supposant que ce magistrat cût excédé ses pouvoirs en faisant ce qu'il n'aurait pas eu le droit de faire, la procédure aurait été régularisée par le jugement émané du `tribunal, qui avait à son tour tenu aussi la pièce pour reconnue; -- Que le second moyen n'était pas mieux fondé que le premier, parce que le rapporteur d'une affaire est nécessairement juge de cette affaire; et que non sculement il n'existait dans le Code de procédure civile aucune disposition propre à justifier l'emploi de ce moyen, mais encore qu'il était contraire au texte et à l'esprit des lois qui règlent ce qui est relatif à la confection des jugements. Enfin il a dit, sur le troisième moyen, que les précautions que l'art. 199 rendait obligatoires pour s'assurer que la sommation qui y est exigée serait remise avec exactitude et íidélité, et pour ôter à la partie citée tout prétexte de se dispenser de comparaître, annonçaient suffisamment qu'il n'avait pas été dans la volonté du législateur que ce qui serait fait devant le juge-commissaire, dans le cas de non-compa

rution de cette partie, pût être attaqué par la voie de l'opposition; que cette induction toute naturelle était, d'ailleurs, confirmée par la disposition finale du même article, qui n'autorise l'opposition que contre le jugement, sans faire aucune, mention de l'opération préalable du juge-commissaire; et qu'on ne saurait étendre cette disposition à un acte antérieur au jugement, sans ajouter à la loi ; - Que mal à propos on soutenait que le tribunal n'avait pas apprécié les excuses proposées par les héritiers Delaquerrière pour justifier le retard de leur comparution, ce qui se trouvait démenti par le jugement lui-même, où on lit que ces derniers « ne pouvaient valablement alléguer qu'ils eussent été informés tardivement de la sommation qui leur avait été faite, etc.....»;-Qu'il était donc peu exact de dire que le tribunal n'eût donné aucun motif à cet égard; et que, cette partie du jugement ayant pour objet un simple point de fait, elle n'était point susceptible d'être revisée par la cour;Qu'il y avait donc lieu, sous tous les rapports, de maintenir le jugement, et de rejeter le pourvoi.

Le 20 décembre 1826, ARRÊT de la cour de cassation, section civile, M. Brisson président, M. Bonnet rapporteur, MM. Jousselin et Nicod avocats, par lequel:

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« LA COUR, Sur les conclusions de M. Joubert, avocat-général ; Considérant, sur le premier moyen, que, d'après l'art. 199 du Cod. de proc., le juge-commissaire a la faculté de tenir la pièce pour reconnue ;

« Sur le deuxième moyen, que le juge-rapporteur est nécessairement juge dans l'affaire qu'il rapporte;

« Sur le troisième moyen, que le tribunal a reçu les demandeurs opposants au jugement par défaut du 21 novembre 1823, et a motivé suffisamment le rejet des moyens qui étaient proposés à l'appui de l'opposition; et qu'il a ensuite, par le dispositif, déclaré les demandeurs non seulement non recevables, mais encore mal fondés, en quoi il a statué sur la recevabilité et aussi sur le fond de l'opposition; - REJETTE. » J. L. C.

COUR DE CASSATION.

Un tribunal saisi d'une plainte en diffamation, par la voie de la presse, envers un corps constitué, excède-t-il ses pouvoirs en recherchant si les actes critiqués émanent véritablement de ce corps, s'ils sont l'ouvrage d'une réu

nion ou d'un corps reconnu comme constitué par la loi ? (Rés. nég.)

Mais est-il INCOMPÉTENT pour rechercher si un corps constitué (tel qu'un conseil municipal) dont on attaque les actes était composé d'un nombre suffisant de membres présents, ou si la présence de ces membres a été suffisamment constatée ? (Rés. aff.)

L'outrage fait dans un écrit au rapporteur d'un conseil municipal, relativement à son rapport, doit-il être réputé ontrage envers un fonctionnaire public, encore bien que, le jour où le rapport a été fait, le conseil municipal n'ait pas été composé du nombre des membres exigé par la loi? (Rés. aff.)

En France, les actes d'un corps constitué subsistent-ils tant que l'annulation n'en a pas été prononcée par l'autorité compétente? (Rés. aff.)

LE MINISTÈRE PUBLIC, C. Me DESCOUTURES.

Le 18 juillet 1824, le préfet de la Haute-Vienne dénonça au procureur du Roi près le tribunal de première instance de Limoges un écrit imprimé et publié ayant pour titre : Réponse de M. Descoutures, notaire royal et membre du conseil municipal de Limoges, à M. le baron de La Bastide, maire de cette ville. Il prétendait que cet écrit contenait plusieurs passages diffamatoires et injurieux contre le maire de Limoges, son premier adjoint, les membres du conseil municipal pris en corps ou individuellement, le rapporteur d'une commission nommée par ce conseil, et il requit des poursuites contre le sieur Descoutures, en conformité des lois des 17 mai 1819 et 25 mars 1822.

L'action fut intentée par le procureur du Roi. Après divers incidents qu'il est inutile de faire connaître, le tribunal rendit, le 31 août 1824, un jugement définitif par lequel il déclara la plainte du procureur du Roi contre le sieur Descoutures non recevable en ce qui concernait le conseil municipal pris en corps ou considéré par fraction, ainsi que le rapporteur de la commission; quant à la partie de la plainte relative au maire et au premier adjoint, il relaxa le sieur Descoutures des conclusions prises contre lui.

Le procureur du Roi appela de ce jugement; et, le 19 no

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