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vembre 1825, les chambres civile et de police correctionnelle réunies rendirent un arrêt par lequel il fut déclaré que le ministère public était recevable à poursuivre d'office la diffamation qui aurait été commise contre des membres du conseil municipal de Limoges pris isolément, si cette diffamation était commise à raison de leur qualité ou de leurs fonctions, et sous ce rapport le jugement de prémière instance fut réformé.

Mais ensuite, s'appuyant sur le motif, d'une part, que ce n'était ni à raison de leur qualité, ni à raison de leurs fonctions légalement exercées, que plusieurs membres du conseil municipal avaient été attaqués par Descoutures, et que, ces circonstances n'existant point, Descoutures n'avait pu, à l'occasion de l'écrit qu'il avait fait imprimer à leur sujet, être poursuivi d'office par le ministère public, aux termes de l'art. 17 de la loi du 25 mars 1822; et que, d'une autre part, ces individus n'avaient pas porté plainte comme particuliers;

Relativement au rapporteur de la commission, que, bien qu'il fût régulièrement nommé (c'est-à-dire, d'après l'ensemble des autres motifs, dans une assemblée composée des deux tiers au moins des membres composant le conseil municipal), il avait fait son rapport dans une séance où les mem bres du conseil n'étaient pas en nombre suffisant pour que ce corps pût délibérer; que dès lors ce rapporteur ne pouvait être considéré comme ayant agi alors dans l'exercice légal de ses fonctions:

En conséquence, et sous ce rapport, le ministère public fut déclaré non recevable dans la partie de sa plainte relative aux membres du conseil municipal de la ville de Limoges et au rapporteur de la commission.

La cour royale de Limoges déclara, par le même arrêt, qu'il n'y avait pas lieu de s'occuper de la partie de la plainte relative au premier adjoint de la mairie de Limoges, parce qu'elle n'avait pas été reproduite sur l'appel; et, d'après l'appréciation des faits, en ce qui concerne le maire de Limoges, les circonstances excluant toute idée de culpabilité de la part de Descoutures, elle relaxa ce dernier de la plainte portée contre lui.

C'est dans cet état que l'affaire a été portée devant la cour de cassation, sur le pourvoi du procureur-général près la

cour royale de Limoges. Cette notice sommaire est suffisante pour la pleine intelligence de l'arrêt dont la teneur suit.

Du 28 avril 1826, ARRÊT de la section criminelle, M. Portalis président, M. Brière rapporteur, M. Nicod avocat, par lequel:

«LA COUR, Sur les conclusions de M. Fréteau, avocat général; Après en avoir délibéré en la chambre du conseil, en conformité de l'arrêt du 22 de ce mois ; Vu le mémoire du procureur-général près la cour

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royale de Limoges, à l'appui de son pourvoi;· Vu le mémoire en défense déposé au greffe de la cour, pour le sieur Louis-Michel Descoutures; « Sur le premier moyen de nullité présenté dans le mémoire du procureur-général ; Attendu qu'en fait, le défendeur était prévenu de diffamation envers un corps constitué, dans un écrit imprimé dirigé contre des délibérations émanées du conseil municipal de la ville de Limoges; que, dès lors, la cour royale avait à juger 1o s'il y avait eu diffamation par la voie de la presse, 2o s'il y avait eu diffamation d'un corps constitué; → Qu'en recherchant si les actes critiqués émanaient véritablement du conseil municipal de Limoges, la cour royale séant en cette ville n'a point excédé ses pouvoirs, puisqu'elle ne s'est point immiscée dans l'appréciation, intrinsèque de ces actes, et n'en a ni infirmé, ni confirmé, ni interprété les dispositions, et qu'elle s'est, sous ce rapport, bornée à examiner s'ils étaient l'ouvrage d'une réunion ou d'un corps reconnu comme constitué par la loi ;

« Sur le deuxième moyen de nullité, attendu que la cour royale de Limoges, en déclarant le ministère public non recevable dans son appel en ce qui concernait le conseil municipal et le rapporteur de la commis- " sion dudit conseil, a suffisamment statué sur la question subsidiaire à celle de la compétence, et qui consistait à savoir si le conseil municipal de Limoges formait un corps constitué lors de ses délibérations des 21 février, 17 et 25 mai 1824, et que sa décision sur ce point est suffisamment motivée ;

« Sur le cinquième moyen de nullité, attendu que la cour royale de Limoges a déclaré qu'en ce qui concernait le maire de cette ville, les circonstances de la cause excluaient toute idée de culpabilité de la part de Descoutures dans l'écrit imprimé qui était l'objet de la poursuite du ministère public; Que cette déclaration n'est pas fondée uniquement sur une théorie de droit relative aux effets de la provocation et des excuses légales, mais sur l'appréciation de divers faits dont plusieurs sont étrangers aux faits de provocation et d'excuses légales, et que, dès lors, cette déclaration en fait est irréfragable; Attendu que la cour royale de Limoges a pu légalement déclarer qu'il n'y avait lieu de s'occuper de la partie de la plainte relative an premier adjoint du maire de Limoges, par le motif qu'elle n'avait point été reproduite sur l'appel; que d'ailleurs l'ar

rêt, en ce chef, n'est l'objet d'aucune critiqué dans le mémoire da procureur-général, REJETTE ces trois moyens ;

« Sur les troisième et quatrième moyens de nullité, attendu que, si la cour royale de Limoges était compétente pour décider si l'assemblée ou la réunion qui avait pris les délibérations dont il s'agissait au procès était en effet le conseil municipal de cette ville, et par conséquent un véritable corps constitué, dans le sens de l'art. 5 de la loi du 25 mars 1822, il ne s'ensuivait pas qu'elle le fût pour rechercher si le conseil municipal était composé d'un nombre suffisant de membres présents lors de la délibération 'ou si la présence des membres délibérants avait été suffisamment constatée; Qu'une telle recherche excède le pouvoir des tribunaux, qui ne peuvent ni réformer ni annuler les actes des corps administratifs, ni s'immiscer dans leur examen d'une manière quelconque ; Que, d'ailleurs, elle scrait contraire aux dispositions de la loi du 25 mars 1822, qui ont pour objet de protéger la dignité et la liberté des corps constitués; — Que ces corps doivent être réputés et considérés comme tels, non seulement dans l'exercice de leurs fonctions, lorsqu'ils sont légalement réunis au nombre de trente fixé par la loi pour qu'ils puissent délibérer, mais encore en tout temps, à cause de la qualité de leurs membres et des fonctions qui leur sont confiées en vertu des lois, et par la délégation, l'institution ou la nomination du Roi, et indépendamment de la régularité ou de la valeur intrinsèque de leurs actes; Qu'une offense qui leur est faite ne blesse pas moins l'ordre public lorsqu'elle à lieu à l'occasion d'un acte émané d'eux et susceptible d'annulation et de réformation que lorsqu'elle leur est faite à l'occasion d'un acte inattaquable en la forme et au fond; Que, de plus, on ne reconnaît point en France de nullités de plein droit, et que les actes d'un corps constitué subsistent dans leur entier, quels que puissent être les vices qu'ils renferment, jusqu'à ce que l'annulation en ait été prononcée par l'autorité supérieure compétente;

« Qu'en jugeant, en droit, dans l'espèce, que les délibérations des 21 février, 17 et 25 mai 1824 n'émanaient pas d'un corps constitué, quoiqu'elles fussent émanées du conseil municipal de Limoges dûment autorise à s'assembler, convoqué et réuni dans le lieu ordinaire de ses séances, parce qu'elles n'avaient pas été prises par un nombre suffisant de conseillers mu ́nicipaux, et que, dès lors, l'art. 5 de la loi du 25 mars 1822 était inapplicable en droit, et en déclarant, par ce motif, le ministère public non recevable, la cour royale de Limoges, après avoir excédé ses pouvoirs, a expressément violé ledit article ; Que, dans toutes les suppositions, le rapporteur du conseil municipal, nommé régulièrement pour faire son rapport dans la séance du 21 février 1824, était incontestablement un fonctionnaire public, et que les injures qui lui auraient été adressées l'auraient été à l'occasion de son rapport, c'est-à-dire à l'occasion de ses fonctions et de sa qualité; Qu'aux termes de l'art. 6 de la loi précitée du 25 mars 1822, l'outrage fait publiquement, d'une manière quelconque, à raison de ses fonctions ou de sa qualité, à un fonctionnaire public, est un délit,

et qu'en refusant de faire à l'espèce présente l'application, en droit, des dispositions dudit article, la cour royale de Limoges l'a expressément violé; - En conséquence, et d'après les motifs ci-dessus, vidant le délibéré, et statuant sur le pourvoi du procureur-général près la cour royale de Liimoges, contre l'arrêt rendu, le 19 novembre 1825, par ladite cour, entre le ministère public, appelant, et Louis-Michel Descoutures, aux chefs dudit arrêt relatifs au maire et au premier adjoint du maire de Limoges, REJETTE le pourvoi; - CASSE et ANNULE ledit arrêt au chef relatif au conseil municipal de ladite ville et au rapporteur de la commission dudit conscil. >>

COUR DE CASSATION.

Le jugement d'adjudication préparatoire doit-il, alors même qu'il ne statue pas sur des moyens de nullité contre la procédure qui précède cette adjudication, étre signifié, à peine de nullité? (Rés. aff.) Cod. de proc. civ., art. 147, 753 et 754.

RESTOUT, C. CHANCEREL.

Une expropriation forcée avait été poursuivie par Chancerel contre Restout. Des moyens de nullité ayant été proposés par le saisi, ils furent admis par un premier jugement du tribunal civil de Vire, en date du 8 avril 1823; mais la cour royale de Caen les rejeta le 29 septembre suivant.

Le 14 octobre même année, un jugement par défaut fixa au 14 novembre l'adjudication préparatoire. Cette adjudication fut en effet prononcée au jour indiqué; mais le jugement n'en fut pas signifié à Restout. Enfin, le 16 janvier 1824, l'adjudication définitive eut lieu au profit de Chancerel, créancier poursuivant.

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Appel de ces deux derniers jugements de la part de Restout. Son principal moyen reposait sur le défaut de signification du premier de ces jugements, et sur la nullité de tous les actes qui s'en étaient ensuivis, notamment de l'adjudication définitive; mais la cour royale de Caen, après avoir renvoyé la cause, attendu sa gravité, en audience solennelle, déclara, par son arrêt du 27 août 1824, cet appel mal fondé, et confirma le jugement.

« Considérant qu'il ne s'agit point d'une adjudication préparatoire prononcée par le même jugement qui rejette

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les nullités proposées par le saisi; que, dans le fait particulier, au contraire, les nullités proposées par Restout avaient été accueillies ; mais que, le jugement qui les avait admises ayant été réformé par la cour royale, le tribunal se déclara ressaisi par jugement du 24 octobre 1823, et fixa l'adjudication provisoire au 14 novembre suivant, fixation qui fut connue de Restout par la signification qui lui fut faite de ce jugement le 50 octobre ; que, dans cet état de choses, il ne s'agissait plus, à l'audience du 14 novembre, que de procéder à à l'adjudication provisoire, ce qui eut lieu et ce qui fit naître la question de savoir si l'accomplissement de cette formalité abstraite et isolée de toute contestation et de touté décision judiciaire doit être, à peine de nullité, signifié au saisi;

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Considérant que la disposition de l'art. 734 du Cod. de proc., qui suppose, saus la prescrire, la signification du jugement, dans le cas prévu par l'art. 753, ne s'applique pas nécessairement au cas très différent où l'adjudication a été prononcée par un acte postérieur au jugement qui a fait droit sur les nullités; que la pensée du législateur, au contraire, paraît, par la rédaction de l'art. 754, n'avoir été fixée que sur la partie du jugement qui statue sur les nullités; que c'est cette seule partie qu'il énonce, et que c'est l'appel de cette partie qu'il a principalement en vue; que c'est donc beaucoup se prévaloir de l'autorité des mots que d'induire de ce que la signification est nécessaire lorsque le jugement statue sur les nullités et prononce l'adjudication qu'elle est également nécessaire lorsque le tribunal ne s'est occupé que du dernier objet, parce que l'obligation de signifier dans le premier cas peut être uniquement déterminée par la nature d'un des objets que le jugement embrasse, et ne l'être pas par la nature de l'objet unique du jugement, dans le second cas : d'où il suit que ce n'est point dans les art. 733 et 754 qu'il fant chercher la solution de la question, mais bien dans la nature même de l'acte judiciaire dont il s'agit, et dans l'esprit qui a présidé à la rédaction de la loi sur les expropriations; —Qu'il faut reconnaître une distinction essentielle entre les actes ordinaires des poursuites en expropriation et les incidents imprévus qui peuvent y survenir, tels que les nullités proposées, les demandes en distraction, etc.; que ces divers incidents, extérieurs à la marche commune de la procédure,

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