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sont de véritables contestations judiciaires, que le législateur a pu laisser dans le droit commun; que les décisions qui y font droit sont des jugements ordinaires, naturellement assujettis à la disposition de l'art. 147 du Cod. de proc., si le législateur, par une disposition spéciale, ne les en a pas affranchis; que, quant aux actes ordinaires de poursuite en expropriation, on ne peut, sans s'aveugler, ne pas voir une pensée dominante dans le législateur, celle que ces divers actes de procé dure ne forment chacun qu'une partie intégrante d'une longue formalité dont il a voulu environner le contrat judiciaire où la justice stipule pour l'exproprié; que cette formalité embrasse tous les actes de la procédure, depuis le commandement, qui en est le principe, jusqu'à l'adjudication définitive, qui én est le complément; qu'aucun de ces actes n'est un tout parfait et isolé, et n'a de consistance réelle que dans son rapport avec le contrat judiciaire, dont il contribue à constituer la formalité: d'où il suit qu'il peut avoir des règles et des exceptions particulières, déterminées par la nature du contrat dont il fait partie, et que l'on s'exposerait à s'égarer si l'on prétendait juger de la validité de chacun de ces actes par les règles admises dans le droit commun;

« Considérant qu'en effet, ce qui prouve que le législateur a voulu mettre hors des règles communes la procédure en expropriation, c'est que 1o par aucune disposition il ne prescrit que le saisi soit assigné, mais qu'il se contente d'ordonner, dans les art. 681 et 687, de simples notifications par lesquelles le saisi est instruit des poursuites et de l'époque de la première publication, sans qu'il soit formé contre lui aucune demande, ni provoqué aucune décision judiciaire; 2o que le législateur suppose qu'instruit du jour de la première publication, il est suffisamment instruit de ceux, où auront lieu les publications subséquentes dont la loi, qu'il doit connaître, détermine les délais; 5o que le jugement qui accorde acte de ces publications ne doit pas être signifié, ce qui résulte du silence du Code à cet égard et de l'art. 110 du décret du 16 février 1807; 4° que, lorsque ces publications sont remises, non seulement le jugement ou acte de remise ne doit pas être siguifié, mais que cette signification est même défendue par l'art. 111 du même décret, sur le fondement que les parties intéressées peuvent se présenter à la première

publication, et être ainsi instruites des jours où les publications subséquentes auront lieu, soit qu'il y ait remise, soit qu'il n'y en ait pas; 5o que c'est sur le même fondement et sur le motif que le saisi est suffisamment instruit, par l'affiche des placards, du jour de l'adjudication préparatoire, que nulle disposition ne prescrit de lui en faire la dénonciation, ni de l'assigner pour y soutenir ses intérêts; 6o que, si, après l'adjudication préparatoire, le saisi propose des nullités, et qu'elles soient rejetées, quoiqu'il s'agisse alors d'un incident qui semble appartenir aux règles de la procédure ordinaire, cependant il résulte de l'art. 736 que le jugement ne doit pas être signifié, puisque cet article fait courir le délai de l'appel du jour de la prononciation, observation d'autant plus importante que le législateur ne dispense pas explicitement de cette signification, mais qu'il suppose que la dispense dérive de la nature des choses; Qu'une preuve que le législateur — ne voit, dans les divers actes communs de la procédure, qu'un seul tout, composé de diverses parties, c'est que, suivant l'art. 699, lesdites publications et adjudications, au lieu d'être portées sur le plumitif ou la feuille d'audience, doivent être mises sur le cahier des charges, à la suite de la mise à prix, comme faisant suite et partie de la même opération, dont le saisi peut à chaque instant prendre communication, à laquelle il est toujours réputé présent et à portée de s'apercevoir et de plaindre des irrégularités qui blessent ses intérêts : d'où il suit que, la loi spéciale qui a réglé cette matière ne prescrivant pas la signification partielle de ces divers actes, il n'y a pas plus de nécessité de la faire qu'il n'y en a à signifier les renvois d'une audience à l'autre d'un plaidoyer ou d'un rapport commencés et plusieurs fois interrompus; qu'en effet, de même qu'il n'y a de jugement ou d'arrêt que par la décision qui intervient à la dernière séance, de même l'œuvre de l'expropriation n'est consommée que par l'adjudication définitive, qui est le complément de l'adjudication préparatoire et des actes antérieurs, et qu'alors seulement doit être faite la signification non seulement de l'adjudication définitive, mais du cahier intégral, qui est la vraie minute de ce long jugement, dont il ne doit être fait qu'une seule délivrance, comme il n'en est dû qu'une seule signification;

se

<< Considérant que, s'il est du devoir des tribunaux de faire

respecter religieusement les formes prescrites par les lois, il est contre ce même devoir de s'exercer péniblement à créer des nullités, et que ce n'est pas sans quelque effort d'esprit que l'on parvient à voir dans une simple adjudication préparatoire un jugement tel que le législateur l'a conçu en faisant l'art. 147 du Cod. de proc. civ. ; qu'en effet, soit qu'il doive ou ne doive pas être permis d'en appeler comme d'un jugement, toujours estil que ce prétendu jugement n'est pas susceptible d'opposition lorsqu'il est rendu en l'absence du saisi; toujours est-il encore que, lorsqu'il ne prononce pas en même temps sur des nullités, il n'offre ni question à décider, ni motifs à exprimer; qu'à la vérité on peut, à la rigueur, qualifier dispositif l'adjudication qui est faite, au dernier euchérisseur, de la propriété résoluble de l'immeuble saisi; mais que cette disposition est moins le fait du tribunal que le résultat nécessaire des formalités antérieures et précédemment validées; que le surplus n'est que le procès verbal de ce qui se fait devant le tribunal de la réception de l'enchère, s'il y en a; qu'il est par conséquent impossible qu'il y ait jamais d'appel pour mal-jugé au fond par ce prétendu jugement, mais seulement pour irrégularité, pour faux commis dans le procès verbal, ou pour renvoi de l'adjudication définitive à trop court ou trop long terme, ce qui ne serait encore qu'une irrégularité, et ce qui n'est pas allégué dans l'espèce: d'où il faut conclure que l'adjudication préparatoire n'a qu'un rapport très imparfait avec l'idée qu'on se forme d'un jugement, et qu'il n'y a pas à s'étonner que le législateur ait pu la réputer étrangère aux dispositions de l'art. 147 du Code; - Confirme... »

Restout se pourvoit en cassation. On a violé, selon lui, les art. 147, 733 et 734 du Cod. de proc.

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Le premier de ces articles prescrit la signification de tout jugement provisoire ou définitif emportant condamnation. -L'adjudication préparatoire est évidemment un jugement de cette espèce ; il est qualifié tel par les art. 733 et 734. La signification de ce jugement était donc de rigueur. — En étudiant d'ailleurs les effets de ce jugement, tracés dans la loi elle-même, on demeure de plus en plus convaincu de la nécessité de sa signification. Le premier de ces effets est de dépouiller immédiatement le saisi de son droit de propriété. L'adjudication peut, aux termes des art. 707 et 108, et

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à défaut de plus fort enchérisseur, rester acquéreur définitif, sans que rien soit changé aux conditions de la vente. Quant au système sur lequel s'est fondé la cour royale, savoir, que l'unique pensée du législateur, en cette matière, a été que les divers actes de procédure dont se compose l'expropriation forcée ne formassent chacun qu'une partie intégrante de cette longue formalité, dont il a voulu environner le contrat judiciaire, où la justice stipule pour l'exproprié, etc., ce système est intolérable. -- On n'aperçoit là qu'une confusion gratuite de quelques formes d'instruction insignifiantes ou ayant pour unique but de faciliter la marche de la justice, avec des actes importants ayant pour effet nécesaire de priver les individus de droits certains. -Sans doute, la série des actes dont se compose la procédure en expropriation est calculée pour un but particulier, et chacun d'eux est coordonné pour atteindre facilement ce but; mais cela ne détruit le caractère même de ces actes, et les jugements rendus, soit pour la garantie des droits du débiteur, soit pour la garantie de ceux des créanciers, soit enfin pour résoudre les incidents qui peuvent s'élever pendant le cours de cette procédure, sont soumis à la règle commune de la signification,

pas

La justice, ajoute la cour royale, stipule pour l'exproprié. Il est vrai; mais elle ne peut pas se charger pour lui de tout ce qui est placé hors de son pouvoir. Elle peut bien s'assurer, dans son intérêt, de l'accomplissement des formes, mais elle ne saurait deviner les faits'; elle ne connaît pas les ressources du débiteur saisi. - Elle ne se charge pas de faire valoir les exceptions péremptoires, par lesquelles il peut combattre la saisie. Elle ne peut même pas proposer d'office les nullités de l'expropriation. Elle peut encore moins chercher pour lui des enchérisseurs pour l'adjudication définitive. - Voilà les motifs qui rendent indispensable la signification de l'adjudication préparatoire. Enfin le demandeur rappelait un arrêt de la cour de cassation (section civile), du 8 décembre 1823, qui avait déjà tranché la difficulté. (Voy. tom. 1er de 1824, pag. 449.)

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Le défendeur reproduisait la plupart des moyens développés dans l'arrêt, et ajoutait que la signification de l'adjudication préparatoire n'était ni utile ni nécessaire.

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La loi

spéciale sur les adjudications avait tout prévu, tout réglé pour arriver à la plus grande publicité. — Les parties intéressées pouvaient toujours consulter le cahier des charges, où se trouvait mentionné l'acte d'adjudication préparatoire. Si elles apercevaient quelques griefs d'appel dans cet acte que T'on veut appeler jugement d'adjudication préparatoire, la jurisprudence admettait que l'on fût recevable à les faire valoir même après l'adjudication définitive, c'est-à-dire lorsque l'adjudication préparatoire est signifiée avec l'adjudication définitive, qui se trouve dès lors convertie en jugement.

Le 27 décembre 1826, ARRÊT de la chambre civile, M. Brisson président, M. Henry Larivière rapporteur, MM. Guillemin et Leroi de Neufvillette avocats, par lequel:

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« LA COUR, Sur les conclusions conformes de M. Joubert, avocatgénéral; - Vu les art. 147, 733 et 734 du Cod. de proc. civ., dont la teneur suit : « Art. 147. S'il y a avoué en cause, le jugement ne * pourra être exécuté qu'après avoir été signifié à avoué, à peine de nul« lité. Les jugements provisoires et définitifs qui prononceront des con« damnations seront en outre signifiés à la partie, à personne ou domicile, « et il sera fait mention de la signification à l'avoué. - Art. 733. Les << moyens de nullité contre la procédure qui précède l'adjudication pré<«< paratoire ne pourront être proposés après ladite adjudication; ils sc« ront jugés avant ladite adjudication, et si les moyens de nullité sont rejetés, l'adjudication préparatoire sera prononcée par le même juge- Art. 734. L'appel du jugement qui aura statué sur ces nullités << ne sera pas reçu, s'il n'a été interjeté avec intimation dans la quin« zaine de la signification du jugement à avoué; l'appel sera notifié au « greffier, et visé par lui. »; - Considérant la disposition irritante de que l'art. 147 est générale, absolue; qu'elle ne souffre aucune exception, aucune distinction, et qu'elle est applicable à tout jugement susceptible d'exécution : d'où il suit que l'acte par lequel le tribunal de première instance prononce l'adjudication préparatoire de l'immeuble saisi, et fixe le jour de l'adjudication définitive, doit être, à peine de nullité, signifié à avoué, si la partie saisie a constitué avoué, si non à la personne ou au tomicile de cette partie, si l'acle est susceptible d'exécution;

<< ment.

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<< Considérant que l'acte est qualifié de jugement par les articles 733 et 734 du Cod. de proc. civ., et que l'art. 734 en prescrit formellement la signification à avoué, ou au saisi, quand il n'a pas constitué avoué, pour faire courir le délai de l'appel; qu'à la vérité ces deux articles ont aussi pour objet le cas où le tribunal a statué sur les nullités proposées contre les actes de la poursuite antérieurs à l'adjudication préparatoire, mais que la prononciation de cette adjudication et la fixation du jour de l'adjudi- " cation définitive toutes seules, comme dans l'espèce, n'en constituent et Tome 1er de 1827. Feuille 17.

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