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Noël-Justin; qu'étant revenu en France en 1812, sa femme, prévenue de son arrivée, fit aussitôt enlever l'enfant, son berceau et tous les effets à son usage; que le tout fut transporté chez une dame Sauret, parente et amie de la mère, que le petit Noël-Justin y resta caché pendant le séjour de Paulard à Paris, et qu'il ne revint dans leur maison, rue Mouffetard, no 252, qu'après le départ de ce dernier ; qu'enfin Paulard avait constamment ignoré la naissance de l'enfant qui prenait indiscrètement son nom, et qui venait aujourd'hui réclamer des droits qui n'appartiennent qu'au fruit honorable du mariage.

De la part de Noël-Justin on oppose à la demoiselle Paulard plusieurs fins de non recevoir : 1° L'héritier ne peut agir en désaveu de l'enfant qu'en prouvant le décès du mari, et ici rien ne prouvait que Paulard fût décédé. 2o L'action en désaveu doit être formée pår l'héritier dans le délai de deux mois, à compter de la prise de possession ou du trouble, conformément à l'art. 317 du Cod. civ., et, dans l'espèce, il s'était écoulé plus d'une année depuis la requête en déclaration d'absence, qui, de la part de Noël-Justin, était une véritable prise de possession. 3o Enfin la demoiselle Paulard ne pouvait plus contester la légitimité de Noël-Justin, après l'avoir reconnu, par des actes géminés, comme son frère et son cohéritier.

Le 28 juin 1825, jugement du tribunal civil de Paris, qui rejette toutes ces fins de non recevoir, et prononce au fond dans les termes que voici: Attendu que la question du recel de la naissance de Noël-Justin est une question préjudicielle à celle du désaveu; qu'ainsi il n'y a pas lieu, quant à présent, d'admettre la preuve des faits articulés à l'appui du désaveu de paternité; mais attendu que les faits articulés pour établir le recel sont pertinents et admissibles, le tribunal admet la fille Paulard à faire preuve, tant par titre que par témoins, 1o..... etc. (Ce sont les faits énoncés plus haut.)

Appel de ce jugement. On reproduit d'abord, dans l'intérêt de Noël-Justin, les fins de non recevoir qui avaient été rejetées par les premiers juges; mais, comme elles n'ont pas été mieux accueillies par le tribunal supérieur, il devient inutile d'insister à cet égard.

Au foud, le défenseur de l'appelant commence par com

battre le moyen pris de l'impossibilité physique de rappro chement. «Quand il serait vrai, disait-il, que Charles-Prosper Paulard eût été fait prisonnier en Espagne, et qu'il y fût encore retenu à l'époque de la conception, il n'en résulterait pas une impuissance absolue de cohabitation, et cependant c'est la seule exception qu'admet la loi. N'est-il pas possible que, dans l'intervalle de trois ans, Paulard se fût soutrait pendant quelques instants à sa captivité ? N'est-il pas encore dans l'ordre des choses possibles que sa femme, quittant Paris pour quelques jours, fût allée à la frontière pour voir son mari et le consoler dans sa disgrâce? L'impossibilité physique dont parle la loi est une impossibilité absolue, un obstacle invincible, et qui repousse toute idée de rapprochement possible.

Quant au désaveu fondé sur l'adultère de la mère et le · recel de la naissance de l'enfant, il n'est pas, ajoutait le défenseur, admissible dans le cas particulier, parce que les faits articulés par l'adversaire, en les supposant prouvés, ne rempliraient point la double condition qu'exige la loi pour la preuve de l'illégitimité. En effet, et le tribunal lui-même l'a reconnu, le mari qui exerce le désaveu doit, indépendamment de l'adultère, prouver, avant tout, que la naissance lui a été cachée. Eh bien! qu'a-t-on offert de prouver dans l'espèce? On prétend qu'à l'arrivée de Charles-Prosper Paulard à Paris, le berceau de Noël-Justin aurait été soustrait à ses regards, que l'enfant aurait été caché dans la maison d'une parente de la mère, et qu'il ne serait revenu au domicile conjugal qu'après le départ du mari. C'est à ces diverses allégations que se réduit la preuve offerte. Or il est évident que ces faits, en les supposant bien établis, constitueraient non pas un recel de la naissance, mais un recel de l'existence de l'enfant, ce qui est bien différent. Quand est-ce qu'il y a recel de la naissance? C'est lorsqu'au moment de l'accouchement l'enfant est arraché des bras de la mère pour être transporté ailleurs et confié à des mains inconnues; c'est lorsque la mère va accoucher dans une autre maison que la sienne, l'on , que donne à l'enfant soit un nom inconnu, soit un nom différent de celui du mari; c'est enfin lorsqu'à ces circonstances vient se joindre l'éducation de l'enfant hors du domicile conjugal. Mais on n'articule rien de semblable dans l'espèce: au contraire, il est

constant et reconnu par toutes les parties que la femme Paulard est accouchée dans sa maison, au vu et au su de tous ses voisins, que deux de ces voisins ont figuré comme témoins à l'acte de naissance, et qu'enfin Noël-Justin a été inscrit aux registres de l'état civil comme fils légitime de Charles-Prosper Paulard et de Marie Magny son épouse. Voilà autant de faits qui, loin d'établir le recel de la naissance, repoussent victorieusement une pareille supposition. Qu'importe, après cela, que le berceau de l'enfant ait été soustrait aux regards du mari dans le premier moment de son arrivée. Ce fait, en le supposant vrai, que prouverait-il ? Que la dame Paulard a pu craindre, malgré son innocence, d'exciter la jalousie de son époux; qu'elle a cru prudent de ne pas offrir tout à coup sa vue un enfant qui, par cela même qu'il était le fruit d'un rapprochement instantané, pouvait faire naître dans l'esprit d'un mari ombrageux des soupçons que la confiance aurait dissipés dans un temps plus opportun. Mais il n'en résulte pas le recel de la naissance proprement dit ; et comme c'est la condition sine qua non imposée par l'art. 313 du Cod. civ., il est évident qu'en admettant une preuve de faits qui ne conduisaient pas nécessairement à ce résultat, le tribunal civil a mal jugé.

à

L'art. 512 du Code, répondait l'intimée, dit en termes positifs que le mari pourra désavouer l'enfant si, pendant le temps légal de la conception, il était, pour cause d'éloignement, dans l'impossibilité physique de cohabiter avec sa femme. Ici la loi ne détermine ni l'étendue de la distance ni la cause de l'éloignement; elle s'en rapporte sur ce point à la prudence du juge. Eh bien! peut-on, de bonne foi, se flatter de convaincre la justice qu'un militaire prisonnier de guerre à trois cents lieues de son pays, retenu dans une forteresse, ou tout au moins gardé à vue, a pu briser ses chaînes, tromper ses surveillants, pour venir visiter sa femme à Paris? Impossible d'admettre une pareille allégation, à moins qu'on suppose que, comme un autre Régulus, l'armurier Paulard ait obtenu sur parole la permission de faire un voyage dans sa patrie, et qu'ensuite il soit allé reprendre ses fers au fond de la Péninsule. Il est donc certain que, soit à raison de l'éloignement, soit à cause de l'état de captivité de Paulard, il y a eu impossibilité physique de cohabitation entre sa femme et lui

en 1811, époque de la conception de Noël-Justin: d'où la conséquence que, si le jugement attaqué était susceptible de quelque reproche, ce serait pour n'avoir pas adopté de plano ce moyen de désaveu, qui est péremptoire et sans réplique.

Au surplus est-il vrai que le tribunal civil ait mal jugé en admettant la preuve des faits articulés par la demoiselle Pau-' lard? Oui, dit l'adversaire, parce que ces faits tendent uniquement à prouver le recel de l'existence, tandis que la loi exige la preuve du récel de la naissance. Mais c'est jouer sur les mots ; c'est équivoquer gratuitement : car il faut faire at tention que, dans la circonstance, cacher l'existence de NoëlJustin, né pendant l'absence du mari, c'était un fait plus grave encore que de lui en avoir caché la naissance, s'il eût été présent, et le tribunal devait d'autant moins hésiter à recevoir la preuve des faits articulés, que déjà le recel de la naissance ou de l'existence (ce qui, dans l'espèce, est une seule et même chose) était prouvé par les lettres de Paulard écrites en juin et juillet 1812, lettres dans lesquelles il consacrait plusieurs lignes à sa fille, sans dire un mot de Noël-Justin.

pas

Enfin, lors même que les faits articulés dans la cause, et que les premiers juges ont trouvé pertinents, ne paraîtraient tels à la cour, la demoiselle Paulard serait encore fondée invoquer contre Noël-Justin le défaut de possession d'état.. En effet, c'est, indépendamment du désaveu, un moyen d'attaque autorisé par la loi contre l'enfant dont on conteste la légitimité. «< Nul ne peut, porte l'art. 522, contester l'état de celui qui a une possession conforme à son titre de naissance. » D'où il suit que l'état de celui qui ne se présente qu'avec le titre seul, ou la possession seule, est susceptible d'être contesté. Il faut encore, pour que la possession puisse être invoquée avec succès, qu'elle existe vis-à-vis du père comme visà-vis de la mère. Or Noël-Justin ne peut pas se prévaloir de sa possession d'état du côté de Charles-Prosper Paulard, puisque celui-ci ne l'a jamais traité comme son fils, puisqu'il ne dit pas un seul mot de lui dans ses lettres, puisque enfin il est constant qu'il a ignoré jusqu'à son existence. Quant à la famille, loin de reconnaître l'état de Noël-Justin, elle le repousse, et l'oblige à chercher un asyle dans un hospice, tandis qu'on la voit recueillir avec empressement Marie-Désirée, comme le seul fruit du mariage. Sous ce point de vue, l'in

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valable, reconnaît que le sieur Lemaignen pouvait, nonobstant cette promesse, consentir un bail au sieur Pichard, et qui toutefois ordonne une expertise, afin de déterminer la valeur locative de l'immeuble, et de vérifier si le bail a été fait en fraude des droits de la dame Sonnerat. Les motifs de ce jugement portent: « Considérant que l'engagement de Lemaignen, encore bien qu'il différe de la promesse de vente caractérisée par l'art. 1589, et qui équivaut à une véritable vente, n'est pas prohibée par la loi, mais porte tous les caractères d'un contrat unilatéral, dans lequel seulement une des parties s'oblige envers l'autre; qu'on ne peut soutenir que cet engagement est nul, et prétendre qu'il est contracté sous une condition potestative, puisque l'art. 1174 ne prononce la nullité de l'obligation que dans le cas où la condition est potestative de la part de celui qui s'oblige; que, dans l'espèce, la réalisation de la vente n'est pas subordonnée à la volonté du sieur Lemaignen, qui, seul, contracte obligation, mais à celle de la dame Sonnerat, qui ne s'engage à rien;

« Attendu néaumoins que, malgré cette simple promesse de vendre, obligatoire seulement pour l'une des parties, Lemaignen restait propriétaire de sa chose, jusqu'à ce que la dame Sonnerat eût déclaré qu'elle voulait user du droit à elle accordé; qu'ainsi, il a pu valablement louer sa propriété, pourvu toutefois que la location n'ait pas été faite frauduleusement, et dans l'intention de préjudicier aux avantages qui peuvent résulter en faveur de la dame Sonnerat de la promesse de vendre consentie à son profit, etc... » (1)

Toutes les parties ont interjeté appel de ce jugement. Le sieur Lemaignen lui reprochait d'avoir décidé que la pro

n'a pas

(1) La doctrine de ce jugement, quant à la validité du bail consenti par un propriétaire qui a promis de vendre, est conforme à l'opinion de M. Toullier. « La simple promesse de vendre, dit cet auteur, l'effet de transférer la propriété, puisque celui qui promet seulement de vendre n'a pas la volonté de s'en dépouiller actuellement; il ne s'oblige qu'à la transférer par un nouveau contrat nécessaire pour cette translation. » M. Toullier établit ensuite fort clairement que, par ces mots de l'art. 1589, la promesse de vente VAUT VENTE, les rédacteurs du Code n'ont point cu l'intention d'attribuer à la promesse de vente l'effet de transférer la propriété. Voy. Droit civil français, tom. 9, pag. 163.

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