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V-Compulsoire, de Pigeau et de Carré ; que la voie du compulsoire était la seule à prendre; que l'art. 846 du Cod. de proc. n'empêchait pas qu'on ne pût y avoir recours hors d'une instance, quoique MM. Pigeau et Carré soient sur ce point d'avis contraire.

En réponse à ces moyens, la dame Destours a invoqué d'abord l'art. 23 de la loi du 25 ventôse an 11, portant : « Les « notaires ne pourront également, sans l'ordre du président a du tribunal de première instance, délivrer expéditions... » De là la dame Destours soutenait que, quelle que fût sa qualité, il suffisait qu'elle fût munie d'une ordonnance du président du tribunal civil pour que le notaire ne pût refuser la délivrance de l'expédition; que, déchargé de toute responsabilité par cette ordonnance, dont il ne pouvait pas se constituer juge, il ne lui restait plus qu'à s'y conformer. Ce n'est pas tout. Si le sieur Découché n'a pas été partie au contrat de 1767, il a depuis accepté la stipulation qui le concernait en recevant du sieur Lecamus les arrérages de la rente de 2,396 liv. Ainsi on ne peut lui contester la qualité d'ayantdroit du marquis de Lezeau, débiteur originaire de cette rente, qui a figuré dans l'acte comme partie. Or cette qualité suffit, d'après l'art. 859 du Cod. de proc., pour que la dame Destours, héritière de son père, ait le droit de se faire délivrer une expédition de l'acte de 1767.

M. l'avocat-général Lepetit a conclu à la confirmation. Du 15 mars 1826, ARRÊT de la cour d'appel de Rouen, première chambre, M. Eude président, MM. Chéron et Desseaux avocats, par lequel :

« LA COUR, - Vu l'art. 25 de la loi du 25 ventôse an 11, et les art. 839 et 846 du Cod. de proc.; Attendu que, dans les actes de notaires, il faut distinguer entre les parties intéressées et les tiers intéressés; que, dans le langage des lois sur le notariat, les parties intéressées en nom direct sont les parties contractantes, celles qui ont stipulé directement dans l'acte, et que les tiers intéressés sont ceux qui n'ont pas sisté au contrat, mais en faveur desquels les contractants ont passé des déclarations, des reconnaissances de droits, ou fait des stipulations quelconques ; Attendu que, dans le contrat de vente de la terre de Néville, du 5 mars 1767, il n'y a que trois parties contractantes, le sieur Angot, marquis de Lezeau,. et la dame sa mère, vendeurs, et le sieur Lecamus, acquéreur; que le sieur Angot-Découché, qui est aujourd'hui représenté par la dame veuve Destours sa fille, n'a pas sisté à cet acte; qu'ainsi cette dame ne se trouve

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pas au droit de son père, dans le cas de l'application de l'art. 839 du Cod. proc, civ.;

de

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« Attendu que, d'après les faits de la cause, la dame Destours est dans la catégorie des tiers intéressés à se faire délivrer une expédition du contrat du 5 mars, pour ce qui la concerne, mais en remplissant les formes en tel cas requises; Attendu celles établies aux art. 846 et suiv. du que Cod. de proc. ne s'appliquent qu'au cas où le compulsoire est requis dans le cours d'une instance, ce qui ne se rencontre pas ici; que le Code de procédure est muet sur la forme du compulsoire hors le cas d'instance liée entre les parties litigantes; qu'alors, dans l'espèce dont il s'agit, on doit se conduire d'après la règle tracée dans la loi du 25 ventôse an 11; Attendu que l'art. 23 de cette loi n'impose aux tiers intéressés dans un acte où ils n'ont pas été parties d'autre obligation que d'obtenir une ordonnance sur requête, qui les autorise à se faire délivrer une expédition de l'acte dont ils ont besoin ; Attendu que c'est au président du tribunal à qui la requête est adressée de décider si, d'après l'exposé et les pièces y jointes, il doit accorder de suite la demande, ou la renvoyer devant le tribunal, pour y être statué parties présentes ou dûment appelées; mais quand il a autorisé le compulsoire sans autre instruction, le notaire à qui · l'ordonnance d'autorisation est notifiée n'est pas juge du mérite de cette ordonnance; il trouve en elle sa garantie, et, dès lors, il doit s'y conformer; CONFIRME. D

COUR D'APPEL DE CAEN.

Peut-on, sous le Code civil, léguer la chose de son héritier? (Rés. nég.) Cod. civ., art. 1021.

Au moins le legs doit-il avoir son effet jusqu'à concurrence de la portion indivise qui appartient au testateur dans la chose commune avec l'héritier? ( Rés. aff. )

Les prétres condamnés à la déportation, par la loi du 26 août 1792, ont-ils recouvré la propriété de leurs biens par le seul fait de leur rentrée en France et de leur restitution à la vie civile, malgré l'envoi en possession administrativement prononcé en faveur de leurs héritiers présomptifs? (Rés. aff.)

MOREL, C. COLTÉE.

La première question a été jugée dans le même sens par un arrêt de la cour de cassation, du 19 mars 1822 (1); la se

(1) Voy. notre nouv. édit., tom. 24, pag. 285, et l'anc. collect., tom. 2 de 1822, pag. 268.

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conde est sans difficulté. Mais on hésitera peut-être à partager l'opinion de la cour sur la troisième. Ce fut sans' doute une grave question que celle de savoir si les prêtres, qui s'étaient déportés en vertu de la loi du 26 août 1792,. avaient recouvré la propriété de leurs biens, par le seul fait. de leur rentrée en France. L'affirmative eut de nombreux par- ↑ tisans. L'intérêt touchant qu'inspiraient ces victimes trop long-temps dévouées à la proscription, le défaut de préci-· sion ou de stabilité des lois rendues contre eux et pour eux, tout semblait favoriser ce système de philanthropie, qui trouva des prosélytes et dans les hommes d'état et dans les personnages les plus distingués du barreau. Mais une décision supérieure vint lever les doutes qu'avaient fait naître les lois des 20 et 22 fructidor an 3. Un décret du 19 brumaire an 13 établit en principe « que l'abandon fait par les administra-⠀ tions centrales aux héritiers présomptifs, ayant été effectué * par une juste application des lois relatives aux prêtres déportés, avait, par là même, rendu ces héritiers propriétaires, et que leur titre de propriété n'avait pu éprouver la moindre altération par la restitution d'existence civile accordée aux ecclésiastiques, depuis leur retour en France (1) ». Cependant, comme un décret n'est pas une loi, la question a été depuis diversement jugée; elle l'a été quelquefois contre les prêtres, et le plus souvent en leur faveur. Il y avait d'ailleurs, dans l'espèce, cette circonstance particulière que, depuis son retour en France, l'ecclésiastique déporté s'était réuni à l'héritier présomptif qui avait obtenu l'envoi en possession; qu'ils avaient joui des biens en commun; qu'ils les avaient administrés conjontement, ce qui pouvait, aux termes d'un arrêt de cassation du 6 mars 1813, être considéré comme une sorte de restitution tacite, ou tout au moins comme une reconnaissance des droits du déporté à se ressaisir des biens qu'il avait laissés en France lors de son exil sur une terre étrangère. (2)

(1) Cette décision était fondée sur la considération que beaucoup de ces biens avaient été vendus, d'autres hypothéqués par les héritiers qui avaient obtenu l'envoi en possession, et que la revendication des déportés, si elle était admise, deviendrait une source de difficultés, de procès et de troubles. (2) Voy. l'arrêt de cassation, tom. 4, pag. 252, nouv. édit.; et tom, 1r de 1816, pag. 253, anc. collect.

Le sieur Lefebvre, prêtre insermenté, a été contraint de se déporter, aux termes de la loi du 26 août 1792. A l'époque de sa sortie de France, il était propriétaire de plusieurs immeubles qui furent séquestrés. Survint la loi du 22 fructidor an 3, qui voulut que les biens confisqués sur les ecclésiastiques en état de déportation fassent remis à leurs héritiers. Alors deux sœurs, que l'abbé Lefebvre avait laissées en France, firent lever le séquestre, et obtinrent de l'admi nistration centrale de la Seine-Inférieure l'envoi en possession des biens qui avaient appartenu à leur frère. Indépendamment des droits que cet envoi en possession pouvait leur attribuer, elles avaient à prétendre sur les biens un mariage avenant, que la loi du 6 février 1797 leur donnait le droit d'exiger en nature.

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L'une des demoiselles Lefebvre est décédée en mars 1798, l'autre resta seule saisie des biens dont la re

en sorte que

› mise avait été ordonnée à leur profit.

Tel était l'état des choses, lorsque l'abbé Lefebvre rentra en France. C'était au commencement de 1801. Il alla demeurer avec sa sœur. L'accord le plus parfait s'établit entre eux; et, s'il n'intervint aucun règlement relatif aux biens que le prêtre avait possédés, il est au moins constant qu'ils en jouirent en commun, qu'ils les administrèrent conjointement, et que même ils prirent dans une foule d'actes la qualité de propriétaires de ces mêmes biens.

La demoiselle Lefebvre est décédée le 12 août 1821, après avoir fait un testament authentique, par lequel elle léguait aux enfants de Charles Morel sou cousin tous les biens immeubles qui lui appartenaient dans la commune d'Ecoville ( c'était la situation des biens de l'abbé Lefebvre ), à la charge toutefois d'en laisser la jouissance à son frère pendant sa vie.

Le sieur Lefebvre n'a pas survécu long-temps à sa sœur. Il est mort lui-même le 19 janvier 1823, sans avoir fait aucune disposition de dernière volonté. Le 18 février suivant, les enfants Morel ont fait signifier le testament fait à leur profit aux héritiers légitimes du défunt, avec commandement de délaisser les biens dont l'usufruit avait été laissé à leur auteur.

Ceux-ci ont alors demandé la nullité du testament. Avant

la déportation de notre parent, disaient-ils, la demoiselle Lefebvre sa sœur n'avait aucun droit de propriété sur les biens d'Ecoville; tout ce qu'elle pouvait y prétendre, c'était un mariage avenant, qui n'est qu'une simple créance. Il est vrai que, depuis la déportation, elle a eu momentanément la jouissance de ces biens, par suite de l'envoi en possession obtenu de l'administration centrale; mais cette jouissance a cessé du moment où l'abbé Lefebvre a remis le pied sur le sol natal. Il est hors de doute que, par le seul fait de leur rentrée en France et de leur restitution à la vie civile, les ecclésiastiques, condamnés à la déportation, ont recouvré la propriété de leurs biens, en sorte que l'héritier présomptif en a été totalement dessaisi et n'a pu ultérieurement disposer de rien.

Tout ce système, répondaient les enfants Morel, repose sur de graves erreurs. D'abord il est incontestable que les lois des 20 et 22 fructidor an 3 et l'arrêté d'envoi en possession, rendu conséquemment à ces lois, ont investi les héritiers présomptifs de la propriété des biens ayant appartenu aux prêtres déportés, dont ils prenaient la place; il est également certain que, saisis par une loi positive, ces héritiers n'ont pu être dépouillés que par une loi abrogatoire de la première. Or aucune loi, aucun arrêté du gouvernement, n'a prononcé au profit des prêtres rentrés la restitution des biens précédemment confisqués sur eux; les héritiers envoyés en possession n'ont donc pu les perdre que par l'effet d'un consentement spontané de leur part, exprimé dans un acte valable et régulier; mais dans l'espèce il n'existe de la part de la demoi selle Lefebvre aucun acte d'où l'on puisse même induire une restitution de propriété au profit de son frère. Elle a donc pu, sous ce premier rapport, disposer des biens d'Ecoville.

En second lieu, et dans l'hypothèse même où l'abbé Lefebvre aurait recouvré la propriété des biens dont il s'agit, le testament serait encore inattaquable sous un autre point de vue. En effet, il est de principe qu'on peut léguer la chose** de son héritier, parce que celui-ci peut donner la chose léguée tout aussi bien qu'un effet de la succession. Or l'abbé Lefebvre s'est trouvé l'unique héritier de sa sœur à son décès; il n'a point répudié sa succession ni attaqué le testament. Il a donc virtuellement contracté l'obligation de

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