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l'exécuter; et cette obligation devient aujourd'hui celle des adversaires qui le représentent.

Enfin, disait-on, les demoiselles Lefebvre avaient à prétendre, sur les biens d'Ecoville, un mariage avenant, que la loi du 6 février 1797 leur donnait le droit d'exiger en corps héréditaires. Il faudrait done, dans l'hypothèse la moins favorable, reconnaître la validité du legs, au moins jusqu'à concurrence de la portion de biens qui devait revenir aux demoiselles Lefebvre pour leur légitime.

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Le 12 mars 1824, jugement qui déclare le testament nul et sans effet, « Attendu que, le sieur Lefebvre se trouvant dans la catégorie des prêtres qui s'étaient volontairement déportés (1), la remise de ses biens aux mains de ses héritiers ne leur avait conféré qu'une propriété éventuelle, qui n'ayrait pu se consolider entre leurs mains que par sa mort naturelle ou sa non-restitution à la vie civile; que l'abbé Lefebvre, rendu au contraire à la vie civile, avait été réapproprié de ses biens, et que par conséquent le legs qui en avait été fait postérieurement par sa sœur était nul, aux termés de l'art. 1021 du Cod. civ.; Que les filles normandes, à raison de leur mariage avenant, n'avaient qu'une simple créance, et non un droit de copropriété, et que la loi du 6 février 1797, en leur accordant la faculté de se faire payer en corps héréditaires, n'avait rien changé à la nature de leur droit ».

Appel. Et, le 4 juin 1826, ARRÊT de la cour royale de Caen, 2 chambre, M. Sauvage président, MM. Delisle et Thomine avocats, par lequel:

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« LA COUR,-Sur les conclusions de M. Pigeon-de-Saint-Pair, avocat. général; Attendu que le but de l'art. 1021 du Cod. civ. a été d'anéantir cette foule de contestations qui naissaient de la différence introduite par le droit romain entre le legs de la chose de l'héritier et le legs de la chose

(1) On n'entend pas bien ce que le tribunal veut dire par ces mots, s'étaient volontairement déportés. Cela même n'est pas exact. L'abbé Lefebvre était curé de Cuverville, et, comme tel, soumis au serment; la loi de 1792 condamnait à la déportation ceux qui avaient refusé de le prêter; le sieur Lefebvre était dans cette catégorie : il ne s'est donc pas déporté volontairement.

d'autrui, et que la généralité des expressions du Code ne permet pas de douter que le legs de la chose de l'héritier ne soit nul, puisque la chose de l'héritier n'est pas celle du testateur; - Que l'exception contenue dans l'art. 1423 doit être restreinte au seul cas spécifié dans cet article, au legs d'un effet de la communauté; -- Qu'il convient dès lors d'examiner, en droit et en fait, si la testatrice était propriétaire des biens légués, ou si au moins elle n'était pas copropriétaire avec l'abbé Lefèbvre, son frère, d'une quotité quelconque desdits biens;

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« Considérant, à cet égard, que, lorsque l'abbé Lefebvre, prêtre déporté, fut frappé de mort civile, et que ses biens furent confisqués, la demoiselle Lefebvre avait droit de demander au gouvernement, non pas un simple mariage avenant, mais le partage des biens des successions de ses père et mère ; — Que, lorsque, par la renonciation du gouvernement à la confiscation et l'envoi en possession au profit des héritiers des prêtres déportés de leurs biens, la demoiselle Lefebvre fut envoyée en possession de ces biens, elle confondit en sa personne ses droits personnels sur les biens avec ceux qui lui étaient dévolus comme héritière du prêtre ; - Que, lors de la rentrée de l'abbé Lefebvre en France, il fut, par le fait seul de sa rentrée et de sa réunion à son évêque, restitué dans tous ses biens et ses * droits; qu'ainsi, vis-à-vis de lui̟ la demoiselle Lefebvre n'ayant plus d'autres droits que d'exiger mariage avenant, elle n'était plus dès lors que créancière de sa légitime, dont cependant elle avait le droit d'exiger le paiement en biens héréditaires; que cette créance lui donnait bien une expectative de propriété des biens qui devaient lui être donnés en paiement, mais ne lui conférait aucun droit de propriété actuelle; qu'ainsi, si les choses étaient restées en cet état, la demoiselle Lefebvre n'aurait eu ni propriété ni copropriété des objets compris au testament; — Que l'abbé Lefebvre, qui rigoureusement pouvait réduire sa sœur à une simple créance de mariage avenant, pouvait renoncer à son droit et lui accorder partage;

«< Considérant, en fait, qu'il résulte d'un grand nombre d'actes produits au procès que l'abbé Lefebvre, voulant traiter favorablement sa sœur, avec laquelle il vivait dans la plus étroite amitié, n'a pas voulu qu'elle fût réduite à une simple créance légitimaire, et a voulu qu'elle eût sur les biens de ses père et mère des droits d'hérédité; qu'en effet elle figure avec l'abbé Lefebvre dans tous les actes, tant d'aliénation que d'administration, comme propriétaire indivisément avec lui, et que celui-ci lui donna cette qualité, ce qui ne pouvait avoir lieu que parce qu'il avait renoncé à la réduire à un simple mariage avenant et lui avait accordé droit à partage; Qu'on ne peut pas dire que les déclarations multipliées de l'abbé Lefebvre, que sa sœur et lui étaient copropriétaires indivis, n'étaient dues qu'à l'ignorance où il était de ses droits, nul ne pouvant être présumé ignorer la loi; que dès lors ces déclarations ne peuvent avoir d'autre cause qu'une volonté bien prononcée de sa part d'admettre sa sœur à partager; — Attendu que dès lors la demoiselle Lefebvre, propriétaire

des biens de ses père et mère, jusqu'à concurrence de sa part héréditaire dans ces biens, restés indivis entre elle et l'abbé Lefebvre, en en disposant par testament, n'a pas légué la chose d'autrui, et que le legs est valable, mais seulement jusqu'à concurrence de sa part héréditaire dans lesdits biens ;

« Attendu que, dès qu'il est décidé que la demoiselle Lefebvre avait un droit héréditaire, et non pas simplement un mariage avenant, il est inutile d'examiner si, dans le cas où elle n'aurait été que légitimaire, elle en aurait eu la propriété ou seulement l'usufruit, question qui d'ailleurs n'est plus problématique, d'après les lois de ventôse et fructidor an II, interprétatives de celle du 17 nivôse de la même année, qui décident que la légitime des filles normandes leur appartient en propriété..,.. ; RÉFORME...... >>

Nota. Un arrêt du 23 mars 1825, rendu en la première chambre, a jugé que les héritiers d'un prêtre déporté avaient pu, en lui faisant la remise volontaire de ses biens, stipuler qu'il n'en approprierait pas l'un de ses héritiers au préjudice des autres, et qu'une pareille convention n'avait rien d'illicite, surtout à l'époque de l'an 15, parce qu'alors il était au moins très-douteux que les prêtres rentrés eussent le droit de forcer leurs héritiers présomptifs, envoyés en possession, à leur remettre les biens qu'ils possédaient avant leur exil. B.

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COUR DE CASSATION.

Lorsque le jury a déclaré, à la majorité simple, un accuse
coupable d'une tentative d'émission de pièces qu'il savait
Étre fausses, et QU'IL N'AVAIT PAS REÇUES POUR BONNES, la
cour d'assises peut-elle scinder cette réponse, en admet-
tant, d'une part, l'existence de la tentative, et en décla-
rant, de l'autre, QUE LES PIÈCES AVAIENT ÉTÉ REÇUES POUR
BONNES? (Rés. nég.) Cod. d'instr. crim., art. 551.
La tentative du délit d'émission de pièces qu'on sait étre
fausses, mais qu'on a reçues pour bonnes, est-il punissa-
ble? (Rés. nég.)

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M. le procureur-général expose les faits suivants : — Le nommé Schmitt avait été accusé de fabrication et d'émission de fausse monnaie. La question fut ainsi posée: « L'accusé

-

Schmitt est-il coupable d'avoir, dans le mois de juillet der-. nier, tenté d'émettre plusieurs pièces de cinq francs contrefaites, ayant cours légal en France, qu'il savait être fausses, et qu'il n'avait pas reçues pour bonnes, en cherchant à les donner en paiement au nommé Victor Vigney, tentative manifestée par des actes extérieurs, suivie d'un commencement d'exécution, et qui n'a manqué son effet que par des circonstances fortuites et indépendantes de la volonté dudit Schmitt?» La réponse fut: « Oui, à la majorité simple, l'accusé Schmitt est coupable du crime compris dans la position de la question, avec les circonstances qui y sont mentionnées. — La cour délibéra, conformément à l'art. 551 du Cod. d'instr. crim., et conformément à la loi du 24 mai 1821. Il est résulté de sa délibération, porte l'arrêt, que la cour, se réunissant à la majorité des jurés, a déclaré: « Oui, l'accusé Schmitt est coupable d'avoir, dans le mois de juillet dernier, tenté d'émettre plusieurs pièces de cinq francs contrefaites, ayant cours légal en France, qu'il savait être fausses, tenta-. tive réunissant les caractères mentionnés dans la position de la seconde question; mais la cour a déclaré en méme temps, à la majorité, qu'il n'est pas constaut que le nommé Schmitt n'ait point reçu ces pièces pour bonnes. » Par suite de cette déclaration, la cour d'assises s'est contentée d'appliquer à Schmitt l'art. 135 du Cod. pén., ainsi conçu: « La participation énoncée aux précédents articles ne s'applique point à ceux qui, ayant reçu pour bounes des pièces de monnaic contrefaites ou altérées, les ont remises en circulation. Toutefois, celui qui aura fait usage desdites pièces après en avoir vérifié ou fait vérifier les vices sera puni d'une amende triple au moins, et sextuple au plus, de la somme représentée par les pièces qu'il aura rendues à la circulation, sans que cette amende puisse, en aucun cas, être inférieure à 16 fr. » Le premier vice de cet arrêt est d'avoir scindé la déclaration du jury. — Et pour se faire une juste idée de l'irrégularité dans laquelle la cour d'assises est tombée, il faut observer que la réponse du jury a été donnée à la simple majorité dans tout son contenu, en sorte que l'opinion de la minorité a été incontestablement négative sur tous les points. — Cela posé, on ne peut pas dire que la cour d'assises s'est réunie à

la majorité sur tel point et à la minorité sur tel autre. Il n'y avait que deux opinions: celle de la majorité, littéralement relatée dans l'arrêt, et qui constituait un crime; celle de la minorité, contraire sur tous les points, et qui tendait à l'acquittement. Il n'y avait donc que deux opinions, et il ne peut jamais y en avoir davantage. -- Il faut qu'une cour d'assises se décide entre les deux. Il faut qu'elle prenne l'une ou l'autre dans leur totalité.

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La cour d'assises du département du Calvados s'est permis d'émettre une troisième opinion, et a donné d'office, sur le point de savoir si l'accusé avait reçu ou n'avait pas reçu les pièces de monnaie pour bonnes, une déclaration qui n'était ni dans la réponse de la majorité, ni dans le sentiment de la minorité. - Cette manière de procéder est tout-à-fait contraire à l'art. 351 du Cod. d'instr. crim., et à la loi du 24 mai 1821. De plus, en se prêtant un instant à la théorie adoptée par la cour d'assises, on trouve qu'elle a mal conçu le sens de l'art. 155 du Cod. pén. Il faut relire cet art. 135. (Vide supra.) Ici on ne voit plus qu'un délit, et ce délit est punissable quand il a été consommé. Mais la simple tentative n'est punissable que dans les cas déterminés par une disposition spéciale de la loi (art. 3 du Cod. pén.). Or, dans l'espèce, la seconde question posée contre Schmitt ne présentait qu'une simple tentative. Il n'y avait donc, dans le système de la cour d'assises, aucune peine à appliquer.

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Ce considéré, etc.

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Signé MoURRE. Du 15 avril 1826, ARRÊT de la section criminelle, M. Portalis président, M. Brière rapporteur, par lequel:

<< LA COUR, Sur les conclusions de M. Fréteau, avocat-général ; — Vu le réquisitoire du procureur-général ; Vu la lettre de S. Exc. le garde des sceaux, ministre de la justice, adressée au procureur-général le 4 de ce mois, par laquelle il le charge formellement de requérir la cassation de l'arrêt rendu le 29 novembre 1825, par la cour d'assises du département du Calvados, dans le procès des nommés Joseph Schmitt et Marie Lagniel; Vu l'art. 441 du Cod. d'inst. crim.; Adoptant les motifs développés dans le réquisitoire, CASSE et ANNULE, dans l'intérêt de la loi seulement. >>

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