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1811, bien qu'ils eussent été enregistrés en France le 4 février 1817: elle a donc violé l'art. 23 de la loi du 22 frimaire an 7, qui dispense de la formalité les actes passés hors de l'île Bourbon, jusqu'à ce qu'il en ait été fait un usage public sur son territoire; l'art. 26, qui proclame la validité de l'enregistrement dans tous les bureaux, sans distinction; l'art. 38, qui ne frappe du double droit que les retardataires; enfin, l'art. 69, qui n'est applicable qu'au seul cas où l'euregistrement a lieu dans la colonie.

L'arrêt dénoncé est d'autant moins excusable que les héritiers Desaunay avaient pleinement satisfait à la loi. En effet, les deux actes du 6 avril 1811 ayant été valablement enregistrés à Paris, il s'ensuivait nécessairement que le droit fixe, le seul exigé et le seul exigible, ne pouvait plus être aggravé. Dès que l'art. 26 de la loi de frimaire validait l'enregistrement en France, la maxime Locus regit actum s'éten dait non seulement à la forme, mais encore à la condition sine qua non de cette forme. Or la condition fiscale de la formalité en France se bornait au droit fixe: donc tout était consommé sous ce rapport.

La régie a si bien compris ce moyen de cassation, qu'elle a cherché un refuge dans une loi qui n'existait même pas au moment où les contraintes du 6 janvier 1818 ont été décernées contre les sieurs Desaunay. C'est l'art. 25 de l'ordonnance du 1er mars 1818, qui soumet effectivement à un supplément de droit tous les actes passés en France ou dans les colonies françaises, avant qu'il puisse en être fait un usage. public à l'île Bourbon, à moins qu'ils n'aient payé un droit égal à celui fixé par l'ordonnance. Mais une réponse péremptoire dissipe l'argumentation qu'on voudrait tirer de cette disposition: La loi n'a point d'effet rétroactif. Tel est le principe reconnu par l'art. 2 du Cod. civ.: par conséquent, l'ordonnance du 1er mars 1818 ne pouvait pas régir des actes déjà notoires auparavant dans la colonie, déjà mis publiquement en usage contre Archambault à la fin de 1817, déjà produits avant la date de leur enregistrement à Paris du 4 février 1817, dans l'instance d'opposition aux contraintes de la régie, enfin déjà livrés à la justice elle-même avant l'apparition de l'ordonnance du 1er mars 1818. C'est donc vainement qu'on cherche à sauver de la cassation l'arrêt attaqué,

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par un moyen qu'il n'aurait pu admettre qu'en violant le principe fondamental de la non-rétroactivité des lois.

La régie repondait, sur le premier moyen, qu'en principe la prescription ne court pas contre celui qui ne peut agir; que par conséquent on ne pouvait la lui opposer, puisque le seul acte qui pût éveiller son attention et provoquer sa poursuite était un acte du 31 mai 1817, qui établissait régulièrement les droits des héritiers.

Elle répondait, sur le second moyen, que, bien que la cour royale n'ait pas invoqué dans les motifs de son arrêt l'ordonnance du 1er mars 1818, elle avait dû nécessairement la prendre pour règle de conduite, parce que cette ordonnance était un règlement spécial pour l'île Bourbon, et qu'aux termes de l'art. 25, tous les actes antérieurs ou postérieurs, sans distinction, étaient soumis à un supplément de droit, avant qu'il en soit fait un usage public dans la colonie, du moment qu'ils n'avaient été enregistrés qu'au droit fixe.

Du 24 janvier 1827, ARRÊT de la section civile, M. Brisson président, MM. Guillemin et Delagrange avocats, par lequel: « LA COUR, - Sur les conclusions de M. Cahier, avocat-général; -Et après en avoir délibéré en la chambre du conseil; Statuant d'abord sur le moyen de cassation proposé contre la disposition de l'arrêt « qui condamne les demandeurs à payer le droit et le demi-droit en sus de la mutation par décès du sieur Desaunay, mort en France en 1811; Considérant qu'en jugeant que la prescription établie par la loi du 22 frimaire an 7 n'a pas pu courir contre la Régie avant le 31 mai 1817, jour du dépôt fait chez le notaire Chauvet de la procuration des héritiers Desaunay, qui a mis la Régie à portée de connaître régulièrement le décès dudit Desaunay, l'arrêt a fait une juste application des lois de la matière ;* REJETTE CE moyen ;

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<< Mais vu la loi sur l'enregistrement, publiée en France le 22 frimaire an 7, et à l'île Bourbon le 16 frimaire an 12;-Vu aussi l'art. 25 de l'ordonnance coloniale du 1er mars 1818, et l'art. 2 du Cod. civ., ainsi concus : Art. 25 de l'ordonnance du 1er mars 1818. « Tous actes qui ont subi la for<< malité de l'enregistrement en France, et qui n'ont pas payé un droit égal à << celui établi par la présente ordonnance, sont sujets à un supplément, avant « qu'il puisse en être fait un usage public dans la colonie. » Art. 2 du Cod. civ. << La loi ne dispose que pour l'avenir; elle n'a pas d'effet rétro<< actif. >> ; Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de la loi sur l'enregistrement, publiée en France le 22 frimaire an 7, et à l'île Bourbon le 16 frimaire an 12, que c'est aux bureaux indiqués dans le

tit. 3 que les actes doivent être enregistrés, en France, lorsque les actes ont été passés en France, ou dans les colonies, si les actes ont été passés dans les colonies, et que c'est dans les bureaux où ils sont enregistrés qu'ils doivent, avant de subir la formalité, acquitter les droits aux taux et quotités fixés par la loi; Attendu qu'aucune disposition de ladite loi sur l'enregistrement n'assujettit les actes qui ont été passés en France à subir de nouveau la formalité dans les colonies, et n'autorise les receveurs de l'enregistrement dans lesdites colonies à percevoir des droits, à quelque titre que ce soit, sur les actes passés et enregistrés en France, et, vice versa, n'autorise les receveurs de l'enregistrement en France à percevoir des droits sur des actes passés et enregistrés dans les colonies;

<<< Attendu que ce n'est que par l'art. 25 de l'ordonnance coloniale du 1er mars 1818 qu'il a été dit que tous actes qui ont subi la formalité en France, et qui n'ont pas payé un droit égal à celui établi par la dernière ordonnance, sont sujets à un supplément avant qu'il en soit fait usage à l'île Bourbon, et que cette ordonnance, introductive d'un droit nouveau (qui a fait cesser le préjudice que causait au trésor public l'application de l'avis du conseil d'état, du 15 novembre 1806, aux actes passés en France, et contenant vente d'immeubles dans la colonie), n'a pas pu, sans une violation expresse de l'art. 2 du Cod. civ., servir de règle pour le jugement d'une instance engagée par la contrainte du 6 janvier 1818, et par l'opposition que les héritiers Desaunay y avaient formée le 17 du même mois, avec assignation au tribunal civil de l'île Bourbon; - Qu'il suit de là qu'en déclarant valable, sous l'empire de la loi sur l'enregistrement, des 22 frimaire an 7 et 16 frimaire an 12, la contrainte décernée par le receveur de l'enregistrement de l'île Bourbon, et en condamnant les demandeurs à payer entre ses mains le droit et double droit proportionnel sur des actes de vente et revente d'immeubles situés dans la colonie, passés en France le 6 avril 1811, et enregistrés le 4 février 1817 dans les bureaux de Paris, où, avant l'enregistrement, ils avaient acquitté les droits fixés par la décision du ministre des finances, du 22 novembre 1816, la cour royale a commis une contravention expresse aux articles compris sous les * tit. 3, 4 et 5 de ladite loi sur l'enregistrement, fait une fausse application de l'art. 25 de l'ordonnance coloniale du 1er mars 1818, et expressément violé l'art. 2 du Cod. civ.; CASSE et ANNULE l'arrêt de la cour royale de l'île Bourbon, du 12 mai 1820, dans la disposition seulement qui condamne les héritiers Desaunay au paiement de la somme de 48,000 fr. pour les droit et double droit proportionnels sur les actes du 6 avril 1811. »

B.

COUR DE CASSATION.

L'existence d'un contredit fait, sur le procès verbal d'ordre, par un créancier, contre la collocation d'un autre, estelle suffisamment constatée par l'écriture du greffier,

par sa signature et celle du juge-commissaire, bien que ce contredit ne soit signé ni par son auteur ni par l'avoué qui le représente, surtout si le débiteur saisi a déclaré · lui-même se l'approprier? (Rés. aff.) Cod. de proc., art. 750, 755.

Un acte sous seing privé, sans date certaine, par lequel le débiteur aurait acquiescé, avant l'expiration des six mois, au jugement par défaut, faute de comparoir, obtenu contre lui, peut-il étre opposé aux tiers intéressés à exciper de la péremption de ce jugement? (Rés. nég.) Cod. de proc., art. 156; Cod. civ., art. 1528.

SAUNIER, C. MATHIVET ET LEGRAS.

Un jugement par défaut, rendu commercialement par le tribunal d'Aubusson, le 21 février 1814, avait condamné Legras à payer au sieur Denis une somme de 1,452 fr. Celuici prend inscription sur les biens de son débiteur, qui, par un acte privé, sous la date du 24 juin, acquiesce au jugement, et reconnaît l'avoir exécuté quant aux intérêts et aux frais. Il faut noter que, Legras n'ayant point constitué avoué, cette précaution paraissait utile, et nécessaire, même pour soustraire la sentence du 21 février 1814 à la péremption prononcée par l'art. 156 du Cod. de proc.

Quoi qu'il en soit, Denis, ayant été désintéressé par un sieur Saunier, subroge celui-ci dans ses droits, et notamment dans l'effet de l'inscription qu'il avait prise sur les biens de Legras. L'acte de subrogation est du 28 avril 1818.

Dans ces entrefaites, Legras meurt. Les immeubles dépendants de sa succession sont vendus; et, le 5 avril 1821, l'ordre s'ouvre pour la distribution du prix. Saunier s'y présente, et se fait provisoirement colloquer à la date de l'inscription prise en vertu du jugement par défaut du 21 février 1814.

Mais, le 6 octobre, Mathivet, autre créancier, contredit sur le procès verbal du juge-commissaire cette collocation, par la raison que la créance de Saunier repose sur un jugement par défaut, qui est périmé faute d'exécution dans les

six mois.

Saunier demande à son tour la nullité du contredit, et se fonde sur ce qu'il n'est signé ni de Mathivet ni de son avoué. Cette prétention est contestée tout à la fois et par le contre

disant, et par les héritiers Legras eux-mêmes, qui déclarent sur le procès verbal s'approprier le contredit.

Le 29 août 1822, jugement du tribunal civil d'Aubusson, qui valide le contredit de Mathivet, et rejette de l'ordre la créance de Saunier.

Appel. Et, le 1er mars 1823, arrêt de la cour de Limoges, qui confirme, «Attendu qu'en prescrivant les formalités à observer dans les ordres et distributions de deniers, le législateur a voulu les rendre simples et le moins dispendieuses qu'il lui a été possible; que, dans cette vue, il a or donné que les débats qui auraient lieu entre les créanciers et avec la partie saisie, quoique faits et écrits à divers intervalles, fussent contenus dans le même procès verbal, qui, quoique composé de diverses parties, ne forme qu'un seul acte, dont le commissaire et le greffier sont aussi rédacteurs, et qu'ils rendent authentiques par la signature qu'ils apposent à la fin dudit acte d'où il suit qu'il fait foi jusqu'à inscription de faux, et que les contredits qu'il renferme ne sont pas nuls à défaut de signature de ceux par qui ils ont été faits; - Attendu que la disposition du Code de procédure qui veut que les jugements par défaut soient exécutés dans les six mois de leur obtention, faute de quoi ils seront réputés non avenus, et que cette exécution soit prouvée par des faits ou des actes desquels il résulte nécessairement que l'exécution desdits jugements a été connue de la partie défaillante, s'oppose à ce que l'on regarde comme une preuve suffisante de cette exécution des écritures et signatures privées qui peuvent avoir été mises après comme avant l'expiration dudit délai de six mois; qu'ainsi le jugement obtenu par l'appelant se trouve périmé ».

Saunier, s'étant pourvu en cassation contre l'arrêt de la cour de Limoges, a fait proposer deux moyens.

Le premier résultait de la violation des art. 755 et 756 du Cod. de proc. Le contredit autorisé par ces articles est nécessairement l'ouvrage du créancier ou de l'officier ministériel qui le représente il doit donc être signé de l'un ou de l'autre ; l'omission de cette formalité substantielle entraîne la nullité de l'acte. Cependant la cour d'appel a déclaré valable le contredit fait par Mathivet sur le procès verbal d'or dre, bien qu'il n'eût été signé ni par lui ni par son avoué.

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