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de la même manière que les Français: d'où il suit que, l'exercice des droits des étrangers à cet égard devant être réglé par la loi française, il n'appartient qu'aux tribunaux français de reconnaître si cette loi a été observée ou mé

connue.

Ainsi, dans l'espèce, le sieur Thornton étant décédé en France, les tribunaux français étaient compétents pour connaître de ses dispositions testamentaires, soit quant à ses biens meubles en général, par le fait de son domicile en France avec autorisation du Roi; soit quant aux immeubles existant seulement en France, par le fait de son décès en France, quand même il n'y eût pas été domicilié.

Quels sont les motifs qui ont porté la cour de Paris à juger contrairement à ces principes? Cette cour, sans contester ni le fait du décès en France du sieur Thornton, ni le fait de son domicile en France, se fonde, pour déclarer les tribunaux français incompétents, d'abord sur ce que le sieur Thornton n'avait pas été naturalisé Français. Ce motif ne repose que sur une confusion erronée de ce qui est relatif aux droits politiques et de ce qui est relatif aux droits civils, objets parfaitement distincts. Sans doute la naturalisation est nécessaire à un étranger, en ce qui concerne l'exercice des droits politiques; mais elle n'est nullement nécessaire en ce qui concerne les simples droits civils. Il suffit, pour ces derniers, que l'étranger ait été autorisé par le Roi à établir son domicile en France: c'est ce que porte formellement l'art. 15 du Cod. civ. Or la faculté de disposer de ses biens par testament, le droit de jouir de la juridiction française quant à sa personne et aux biens meubles, qui sont réputés l'accessoire de la personne, sont des objets entièrement dépendants du droit civil. L'étranger admis par le Roi à établir son domicile en France et à y jouir des droits civils est donc, par une juste réciprocité, soumis aux lois qui règlent l'exercice de ces droits civils: car on ne concevrait pas qu'il pût en jouir et ne pas y être soumis, qu'il pût se couvrir de leur protection et s'affranchir des conditions qu'elles lui imposent.

Décédé dans cet état de domicile et de jouissance des droits civils, la juridiction française saisit sa succession. -- De même que, pendant sa vie, son domicile lui donnait droit à

la juridiction française, sans que sa non-naturalisation eût aucune influence sur cette juridiction; de même, après sa mort, son domicile règle la juridiction française sur les biens de sa succession, à l'exception des immeubles situés en pays étranger, sans qu'il y ait à s'occuper de sa non-naturalisation, qui, encore une fois, ne concerne que l'exercice des droits politiques.

La dame Thornton, ajoute l'arrêt attaqué, était elle-même étrangère. Il suffit, sans doute, pour écarter ce motif, de faire observer que la juridiction en matière de succession se détermine par le domicile du défunt, de sorte que la personne de l'héritier est tout-à-fait indifférente à la question de compétence. Mais d'ailleurs la dame Thornton était domiciliée en France; c'est à Paris qu'elle demeurait, c'est à Paris qu'elle a fait nommer un subrogé tuteur à son fils. Son domicile en France était en outre sous l'influence de l'autorisation royale accordée au sieur Thornton son mari, soit parce que la déclaration faite par celui-ci à la mairie du cinquième arrondissement de Paris, en 1816, comprenait son épouse et son fils, soit parce que la femme et ses enfans suivent le sort du mari, et n'ont pas d'autre domicile que sien. Puisque la dame Thornton était domiciliée en France, elle avait droit à la juridiction française; c'était un droit civil dont elle devait jouir.

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Enfin l'arrêt dénoncé porte, pour dernier motif, que la disposition du mobilier d'un étranger, existant dans le lieu qu'il habite, est soumise à la législation de son pays. Ce principe, posé par la cour royale de Paris, est une erreur manifeste; et, tout au contraire, il faut reconnaître que la disposition testamentaire que fait un étranger de son mobilier est soumise à la législation du pays où il habite. C'est d'abord une règle généralement admise que le mobilier est régi par la loi du domicile. « Les meubles, dit Pothier (Traité des Personnes et des Choses, 2o part., § 3.), étant, par leur nature, transportables d'un lieu à un autre, n'ont de situation en aucun lieu, quand même ils y auraient toujours été, et, par conséquent, ne sont régis que par la loi du domicile de la personne à qui ils appartiennent. » On ne trouverait pas un auteur qui contestât cette règle: elle est enTome Ier de 1827. Feuille 21.

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seignée par Dumoulin, sur l'art. 24 de la coutume d'Orléans, sur l'art. 140 de celle de Senlis, sur l'art. 41, tit. 12, de celle d'Auvergne; par Bouhier, dans ses Observations sur la coutume de Bourgogne; par Lebrun, traité des Successions ; Bourjon, Droit commun de la France; Boullenois, traité des Statuts; Furgole l'applique particulièrement aux testaments; Voët, auteur étranger, en dit autant (Pandectes, liv. 1er, tit. 4, part. 2, no 11.), et il cite un grand nombre d'auteurs à l'appui.

Dira-t-on que ce n'est là qu'une règle de droit civil, applicable aux nationaux, et non aux étrangers. Remarquons d'abord qu'il s'agit ici d'un étranger domicilié en France, et admis à y jouir de tous les droits civils, de sorte que les règles du droit civil le régissent comme les nationaux. Nos auteurs n'hésitent pas au surplus à appliquer cette règle aux étrangers comme aux nationaux, en matière de succession et de testament. Voy. Brodeau sur Louet, lettre C, no 3, tom. 1o, pag. 293, et Poulain-Duparc, tom. 2, pag. 34, chap. des Aubains.

Ainsi point de doute qu'avant le Code civil, la loi du domicile régissait la disposition testamentaire de l'étranger; et que, domicilié en France, sa succession ou sa disposition était réglée par la loi française, quant à ses biens meubles. Le Code a-t-il apporté quelque changement à des principes si universellement reconnus? Non sans doute; et tous les auteurs qui l'ont interprété ou commenté reconnaissent, comme autrefois, l'empire de la loi, du domicile en cette matière.

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Objecterait-on que l'art. 3 du Cod. civ. ne soumet à la loi française que les immeubles possédés en France par les étran gers. Mais de ce que cet article ne parle que des immeubles il ne faut pas en conclure qu'il exclut les meubles de l'application de la loi française. Si le Code s'est occupé particulièrement des immeubles dans cet article, c'est parce que les immeubles sont beaucoup plus importants que les meubles, et que d'ailleurs le principe pour les immeubles est absolu. Dans tous les cas et sans exception, les immeubles situés en France sont régis par la loi française. — Il n'en est pas de même des meubles : par exemple, les meubles appartenant à l'étranger qui demeure hors de France, ceux d'un

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marchand qui décède en France, en foire, ceux des agents diplomatiques, demeurent soumis à la législation de leur pays.

C'est ce que M. Merlin explique fort bien dans ses Additions au Répertoire, vo Loi, tom. 16, pag. 691. - Il établit que l'art. 5, qui ne parle que des immeubles, n'exclut pas l'application de la loi française aux meubles. — « L'article, dit-il, ne dit rien pour les meubles des Français: il ne s'ensuit pas que les meubles des Français ne soient pas soumis à la loi française. - Il en est de même pour les étran

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gers. La loi des meubles, c'est le domicile. » Et il en conclut que la disponibilité testamentaire ou entre vifs de l'étranger, ou sa succession ab intestat des biens mobiliers, sont régis par la loi domiciliaire de l'étranger possesseur de

meubles en France.

M. Duranton, dans son Cours de droit français, no 90, tom. Jer, pag. 52, en dit autant relativement à cet art. 3. - Enfin M. Chabot de l'Allier (Commentaire sur les successions, tom. 1er, pag. 92.) établit que les étrangers ne peuvent succéder en France que conformément à la loi française ; qu'on ne peut, sans violer les règles du droit public, faire régir par des lois étrangères leurs successions ouvertes. en France, soit qu'il s'agisse des immeubles, soit qu'il s'agisse de mobilier.

L'arrêt attaqué viole donc ces règles du droit public; il viole aussi les art. 59 du Cod. de proc. et 110 du Cod. civ., lorsqu'il juge que la disposition du mobilier d'un étranger domicilié et décédé en France est régie, non par la loi française, mais par la loi étrangère, et que les tribunaux français sont incompétents pour en connaître.

Le sieur Bunce-Curling a fait défaut.

Du 7 novembre 1826, ARRÊT de la section civile, M. Brisson président, M. Zangiacomi rapporteur, M. Petit de Gatines avocat, par lequel:

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« LA COUR, Sur les conclusions de M. Joubert, avocat-général; Vu les art 13 et 110 du Cod. civ.; Vu aussi l'art. 59 du Cod. de proc. civ. ; — Considérant 1° que le jugement de première instance, non contredit en ce point par l'arrêt attaqué, reconnaît en fait que Thornton avait été autorisé par une ordonnance royale à établir son domicile en France', qu'il l'y avait effectivement établi et conservé, enfin qu'il est mort à Paris, et qu'ainsi, aux termes de l'art. 110 du Cod. civ., c'est à Paris que sa

succession s'est ouverte; 2o Que le procès actuel s'est élevé entre le fils de Thornton, son héritier naturel et légitime, et Curling, en sa qualité d'héritier testamentaire, et qu'il s'est agi de prononcer sur la validité où l'invalidité du testament du défunt, et qu'aux termes de l'art. 59 du Cod. de proc. civ., ce différend devait être porté devant le tribunal du lieu où Thornton avait acquis son domicile, et par conséquent devant le tribunal de la Seine; -3° Que ces principes sont d'autant plus applicables à l'espèce, quoique Thornton n'ait pas été naturalisé français, que l'ordonnance qui l'a admis à établir son domicile en France lui conférait, conformément à l'art. 13 du Cod. civ., la jouissance des droits civils; qu'ayant été, par suite de cette disposition, soumis pendant sa vie à la juridiction du tribunal français, quant à sa personne et aux biens qu'il avait en France, les difficultés relativement à la succession de ces biens sont nécessairement soumises à la même juridiction: - - D'où il suit qu'en renvoyant les parties devant d'autres juges, l'arrêt attaqué a violé les lois ci-dessus citées, ce qui dispense d'examiner le premier moyen, lequel demeure réservé aux parties; CASSE. » S.

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COUR DE CASSATION.

Peut-on, en matière d'enregistrement, considérer comme indúment perçus, et par conséquent restituables, des droits payés sur un jugement portant résolution d'une vente d'immeubles pour défaut de paiement du prix, si, depuis, ce jugement a été infirmé sur l'appel? ( Rés. nég.) Loi du 22 frimaire an 7, art. 60.

LA RÉGIE, C. LOUBEAU.

Loubeau avait vendu une maison aux sieurs Cavallo père et fils, moyennant une rente viagère de 3,900 francs. A défaut de paiement des arrérages, il demande la résolution du contrat, qui est effectivement prononcée par un jugement du tribunal civil de Baïonne, rendu le 9 août 1822.

Ce jugement est présenté, dans les vingt jours de sa date, à l'enregistrement, et le droit proportionnel est payé par Loubeau, conformément à la loi du 22 frimaire an 7.

Postérieurement, la sentence qui avait prononcé la résiliation est infirmée par arrêt de la cour d'appel de Pau, du 5 février 1823.

Loubeau se pourvoit alors contre la régie, et lui demande la restitution d'une somme de 2,659 fr., que le receveur

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