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verbaux d'apposition et pour son transport dans les communes où étaient situés les immeubles saisis, le visa, le timbre et l'enregistrement de ces procès verbaux, s'élevant à 55 fr., les sommes qui devaient être allouées pour tous les frais d'affiches formaient un total de 159 fr. Cependant, ajoutait le demandeur, le président du tribunal de Senlis a cru devoir allouer 520 fr. pour les frais d'affiches, et le jugement attaqué n'a réduit sur ces frais qu'une somme de 65 fr. Ainsi, en définitive, les frais d'affiches ont été portés à 454 fr.

Cette allocation, évidemment frustratoire, provient de ce que le tribunal a faussement interprété l'art. 684 du Cod. de proc., en considérant que cet article n'était qu'indicatif, et nullement limitatif du nombre des affiches qui devaient être apposées. Les rédacteurs du Code, lorsqu'ils délibérèrent sur le titre de l'Expropriation forcée, eurent, ainsi qu'ils nous l'apprennent, deux écueils à éviter. Ils devaient craindre que le débiteur ne fût dépouillé trop facilement de sa propriété, et que son sort ne fût aggravé par des formalités ruineuses. Cet esprit de réserve et de prudence, qui a présidé à la confection du Code, ne permet pas de présumer qu'aucune des dispositions relatives à l'expropriation forcée ait le caractère simplement indicatif supposé par le tribunal de Senlis, caractère qui ouvrirait la porte à tous les abus qu'on voulait détruire, puisque les officiers ministériels auraient la faculté de multiplier à l'infini les actes et les procédures.

Aussi l'orateur du conseil d'état s'exprimait-il dans les termes suivants, qui ne laissent aucun doute sur le point qui nous occupe: « Vous avez remarqué, disait-il, que c'est en évitant les excès opposés, et en conciliant les intérêts différents du saisi, du saisissant et des tiers, que nous avons fixé le nombre des actes, des formalités de cette poursuite ( l'expropriation forcée); nous nous sommes tenus également éloignés et d'ane parcimonie qui, anéantissant toute publicité, aurait compromis tous ces intérêts, et d'une prodigalité qui, multipliant sans mesure ces formalités et ces actes, aurait sacrifié tous ces intérêts à l'intérêt des officiers ministériels. Mais cette modération méme nous a permis d'exiger avec sévérité que chacun de ces actes nc pút étre la cause ou l'occasion de quelques abus. »i

Nous pouvons donc conclure avec certitude qu'aucune des dispositions du Code de procédure sur les expropriations forcées n'est ni facultative ni purement indicative; que toutes, au contraire, sont impératives; que le législateur a fixé et la forme et le nombre des actes de cette procédure; qu'il n'a voulu ni plus ni moins; que, par cela seul que l'art. 684 énonce en détail les lieux où les affiches doivent être apposées, on ne peut, sous aucun prétexte, augmenter le nombre de ces affiches. Le tribunal de Senlis a donc mal interprété cet article lorsqu'il lui a supposé un caractère purement indicatif.

Le défendeur à la cassation opposait d'abord une fin de non recevoir fondée sur ce que le jugement attaqué était susceptible d'appel, attendu qu'il avait statué sur une taxe de frais s'élevant à plus de 1,000 fr. Mais le demandeur répondait que l'art. 6 du décret du 16 février 1807, qui porte que les jugements rendus en matière de taxe de dépens ne sont pas susceptibles d'appel, à moins qu'il n'y ait appel de quelque disposition sur le fond, ne' distingue point entre les jugements qui statuent jusqu'à la valeur de 1,000 fr. et ceux qui statuent au-dessus; que cet article interdisait l'appel de tous ces jugements sans exception; que dès lors la voie de la cassation était ouverte, car la cour suprême a jugé qu'on est recevable à se pourvoir en cassation contre un arrêt rendu contre une taxe de dépens. (Voy. tom. 3 de 1812, pag. 18, et nouv. éd., tom. 15, pag. 472.)

Au fond, le défendeur disait: Il y a nécessité, à peine de nullité, d'apposer le placard dont parle l'art. 684 aux lieux qu'il indique; mais cet article ne prohibe pas d'en afficher un plus grand nombre. Il est dans l'intérêt des créanciers et du débiteur qu'il y ait une publicité suffisante de la vente des immeubles saisis: sans cette publicité, la vente peut avoir lieu à vil prix;* et alors, au lieu d'avoir un excédant, les créanciers ne sont pas payés. Ce ne sont pas les visa du maire, les transcriptions sur des registres, qui procurent une publicité utile: cette publicité n'a lieu véritablement que par les affiches apposées. Pour qu'il ne puisse y avoir excès, tribunaux sont naturellement les appréciateurs de ce qui a été fait. Ils règlent, ils déterminent le nombre d'affiches suffisant pour la publicité. L'abus est donc impossible dès le

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moment que la justice est chargée d'y veiller. S'il fallait restreindre l'apposition des placards aux seuls lieux déterminés, toute publicité serait détruite. Lorsque la partie saisie a son domicile dans l'immeuble exproprié, et que cet immeuble est situé dans la ville où siège le tribunal, on ne devrait apposer que quatre affiches, en suivant rigoureusement les indications de l'art. 684. Pour un immeuble saisi à Paris sur un individu qui y aurait son domicile, il suffirait de l'apposition de six placards. Est-ce donc là cette publicité si né- cessaire dans les ventes forcées ? Pourrait-elle satisfaire à la fois les intérêts des créanciers et ceux de la partie saisie?

Si nous consultons maintenant le texte de la loi, il est évident que l'art. 684, loin de s'opposer à l'interprétation donnée par le jugement attaqué, s'y prête au contraire avec facilité. L'article ne se sert pas d'expressions prohibitives: il est au contraire conçu dans des termes déclaratifs. Il ne dit pas, Les placards ne seront apposés que dans tels et tels endroits; il dit au contraire, Le placard sera affiché dans tels et tels endroits. De ce que le placard doit nécessairement être affiché dans les lieux désignés, s'ensuit-il que, si, en obéissant au vœu de la loi, le poursuivant reconnaît que la publicité n'est pas assez grande, il ne puisse en apposer un plus grand nombre qu'à ses frais personnels? Dès le moment que la limite n'a pas été tracée, il appartient essentiellement aux tribunaux de la déterminer.

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Du 28 novembre 1826, ARRÊT de la section civile, M. Brisson président, M. Cassaigne rapporteur, MM. Rochelle et Gueny avocats, par lequel:

« LA COUR, Sur les conclusions de M. Cahier, avocat-général; Et après qu'il en a été délibéré dans la chambre du conseil; — Vu l'art. 684 du Cod. de proc. civ., ainsi conçu : « Extrait pareil à celui «prescrit par l'article précédent, imprimé en forme de placard, scra « affiché 1o à la porte du domicile du saisi; 2o à la porte principale « des édifices saisis; 3o à la principale porte de la commune où le saisi « est domicilié, de celle de la situation des biens, et de celle du tribu«nal où la vente se poursuit ; 4° au principal marché desdites commu→ «nes, et lorsqu'il n'y en a pas, aux deux marchés les plus voisins; 5o à porte de l'auditoire du juge de paix de la situation des bâtimens, et << s'il n'y a pas de bâtiments, à la porte de l'auditoire de la justice de paix « où se trouve la majeure partie des biens saisis; 6o aux portes extérieures « des tribunaux du domicile du saisi, de la situation des biens et de la

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<< vente. »; - Vu aussi l'art. 151 du décret du 16 février 1807, portant: « Les officiers ne pourront exiger de plus forts droits que ceux énoncés au << présent tarif.... » ; Attendu, 1° sur la fin de non recevoir proposée contre le pourvoi, que le jugement statue sur l'opposition à une taxe des dépens d'une poursuite d'expropriation dus en vertu d'une adjudication provisoire et reconnus par un acte authentique ; que, par une suite, il est en dernier ressort et passible du recours en cassation, d'après l'art. 6 du décret du 16 février 1807, relatif à la liquidation des dépens, quoiqu'il ait pour objet une valeur de plus de 1,000 fr.;

« Attendu, 2o au fond, qu'il ne résulte d'aucune des pièces produites dans la cause que les quatre premiers moyens dont le demandeur excipe aient été articulés et relevés devant les juges du fond; que par conséquent ils sont non recevables comme ouverture de cassation,

«< Mais que, sur le cinquième et dernier moyen, le jugement décide formellement, en droit, que l'art. 684 du Cod. de proc. n'est qu'indicatif des affiches dont les frais doivent être supportés par le saisi, et qu'en fait, il passe, en conséquence, expressément en taxe contre ce dernier les frais de plus d'affiches que celles exigées par le même article; - Que, néanmoins, cet article est de sa nature essentiellement limitatif des affiches dont le saisi est tenu de supporter les frais, sans préjudice au saisissant d'en faire apposer de plus amples à ses dépens, s'il le trouve convenable; Que cela résulte nécessairement du texte même de l'article, puisque, par cela scul qu'il indique et détermine les affiches dont la loi exige l'apposition pour opérer la publicité requise pour la validité de l'expropriation, il décide que de plus amples affiches sont surabondantes, et, conséquemment, que le saisi n'est pas tenu d'en supporter les frais; Que ce principe se trouve, d'ailleurs, confirmé par l'art. 683 du même Code, qui exige uniquement la preuve de l'apposition des affiches dans les lieux indiqués par la loi; par l'art. 686, qui défend de grossoyer les placards et les procès verbaux d'apposition, sous quelque prétexte que ce soit; par l'art. 703, qui dispose que l'addition aux placards du jour de l'adjudication sera manuscrite, et que, si elle donne lieu à une réimpression des placards, les frais n'entreront pas en taxe; enfin par les motifs de la loi, exposés par l'orateur du gouvernement, desquels il résulte expressément que c'est en évitant les excès opposés et en conciliant les intérêts différents du saisi, du saisissant et des tiers, que le législateur s'est tenu également éloigne d'une parcimonie qui, anéantissant toute publicité, aurait compromis tous ces intérêts, et d'une prodigalité qui, multipliant les formalités et les actes, aurait sacrifié tous ces intérêts à l'intérêt des officiers ministériels; mais que cette modération lui a permis d'exiger avec sévérité qu'aucun de ces actes ne puisse être la cause ou l'occasion de quelque abus;

«< Attendu, enfin, qu'il suit de là qu'en décidant que l'art. 684 n'est qu'indicatif des affiches dont le saisi doit supporter les frais, et en passant en conséquence en taxe contre celui-ci les frais de plus d'affiches que celles exigées par ce même article, le jugement attaqué violé formellement

cet article, et, par suite, la disposition de l'art. 151 du décret du 16 février 1807, concernant la taxe des frais et dépens, qui défend de passer en taxe de plus forts droits que ceux énoncés au tarif; — Sans s'arrêter aux fins de non recevoir proposées contre le pourvoi et contre le cinquième et dernier moyen, CASSE et ANNULE le jugement du tribunal de Senlis du 21 août 1825, dont est question, au chef seulement par lequel il passe en taxe contre le saisi les frais de plus d'affiches que celles exigées par l'art. 684 du Cod. de proc. (1) »

S.

COUR DE CASSATION.

Celui qui doit garantir peut-il évincer? (Rés. nég.)

PLUS PARTICULIÈREMENT, lorsque des héritiers ont reconnu un tiers pour leur cohéritier, dans l'acte de vente d'un immeable dépendant de la succession, et que, postérieurement à cette reconnaissance, ce tiers a vendu aussi sa portion dans cet immeuble au méme acquéreur, les héritiers sont-ils recevables, après avoir établi que ce tiers n'avait aucun droit sur la succession, à attaquer la vente qu'il a faite? (Rés. nég.) Cod. civ., art. 1585.

COURTOIS ET BAIMBRIDGE, C. LES HÉRITIERS DULUC. Marie-Reine Duluc décéda sans postérité et ab intestat, en 1804, laissant pour plus proches parents deux oncles, une tante et les enfants mineurs d'un autre oncle décédé..

Les oncles, la tante et le tuteur des mineurs de l'oncle décédé, tous se qualifiant d'héritiers présomptifs, chacun pour un quart, donnent procuration au même individu de faire, en leur nom, la vente d'une maison dépendante de la succession. Cette vente a lieu par acte notarié, et les acquéreurs, mis en possession, jouissent jusqu'en 1820. A cette époque, la dame Bernière, fille de l'un des vendeurs, assigne Courtois et Baimbridge en délaissement du

(1) Peut-on apposer un plus grand nombre d'affiches que celui qu'exige l'art. 684? « Oui, sans doute, dit M. Carré; mais on ne passerait en taxe que celles exigées par cet article: le coût des autres serait à la charge du poursuivant, qui ne pourrait pas même le comprendre au nombre des frais extraordinaires; en un mot il le supporterait seul, à moins que les autres créanciers eussent consenti à l'apposition. Voy. Delaporte, tom. 2, p. 192.>> Lois de la procédure, tom. 2, pag. 564.

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