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river. Cette nouvelle pétition fut suivie d'un second arrêté, en date du 18 février, conçu dans les termes suivans : « Considérant, y est-il dit, que le préfet, propriétaire, comme représentant la ville de Paris, de la maison voisine de celle de la demoiselle Lebon, a pu la faire démolir, comme aurait fait tout autre propriétaire, et sans qu'il y ait lieu à récla mer de lui des indemnités; qu'administrateur de la grande voirie, il doit se conformer aux règlements qui ne permettent pas de consolider les maisons sujettes au retranchement; qu'ainsi, d'une part, l'isolement dont se plaint la demoiselle Lebon ne peut motiver aucune demande d'indemnité, puisque cet isolement est la conséquence de l'exercice d'un droit de propriété, et que, d'une autre part, l'arrêté du 19 janvier dernier est fondé sur les règlements de la matière ; Considérant en outre que la demoiselle Lebon était, il y a quelques années, propriétaire d'une boutique dépendante d'une maison située aussi à la grande halle, sur la même ligne et à peu de distance de la maison dont il s'agit aujourd'hui; que la demoiselle Lebon a vendu à la ville de Paris cette propriété, pour être démolie; qu'à cette occasion, ladite demoiselle a eu connaissance pleine et entière des projets de la ville; qu'en se rendant acquéreur de la maison dont il s'agit, elle a dû prévoir ce qui arrive; que, dans ce cas, tout ce que l'équité demande, c'est de rembourser la demoiselle Lebon des sommes qu'elle a dépensées pour l'acquisition de ladite maison; ladite demoiselle Lebon est requise de déclarer, dans les trois jours à partir de la notification du présent arrêté, si elle entend abandonner à la ville de Paris la maison sise rue de la Fromagerie, no 5, moyennant le remboursement des sommes par elle payées, en principal, intérêts et frais, pour l'acquisition dudit immeuble. En cas de refus de la part de ladite demoiselle Lebon, M. le préfet de police sera invité à continuer les poursuites dirigées contre ladite demoiselle, et dont la suspension arrête la démolition de la maison voisine. »>

Avant l'expiration du délai qui lui était assigné, la demoiselle Lebon déclara à M. le préfet qu'elle ne refusait point de faire à la ville de Paris l'abandon, pour cause d'utilité publique, de la maison dont il s'agit; mais elle prétendit que l'offre qui lui était faite de lui rembourser le prix

moyennant lequel elle l'avait acquise était insuffisante, et qu'elle avait droit au prix plus élevé et proportionné à l'augmentation de valeur des propriétés. Sans s'arrêter aux conditions par elle mises à son consentement, la maison fut démolie, et la demoiselle Lebon forma contre M. le préfet une demande judiciaire en paiement de la somme de 45,000 fr., à titre d'indemnité de l'expropriation par elle subie pour cause d'utilité publique; sur laquelle intervint, le 20 du mois d'août 1825, un jugement du tribunal civil de la Seine,

ainsi conçu : — « Attendu que la loi du 10 septembre 1807 a chargé les corps administratifs de prononcer sur les questions d'alignement et de démolition pour péril imminent des maisons comprises dans les rues et places; que ces dispositions n'ont été abrogées par aucunes lois postérieures; attendu qu'aux termes de l'art. 50 de la même lọi, il n'est dû, à titre d'indemnité, au propriétaire qui fait démolir volontairement sa maison, ou qui est forcé de la faire démolir pour cause de vétusté, que la valeur du terrain délaissé; Attendu que, s'il s'élève des difficultés sur la fixation de cette indemnité, c'est aux tribunaux qu'il appartient de la régler, conformément aux art. 16 et suivants de la loi du 8 mars 1810, dont le sens est fixé par plusieurs ordonnances royales, notamment par celles des 11 février, 24 mars et 25 août 1820;

Attendu que, , par un arrêté du 26 décembre 1825, le conseil de préfecture, statuant en matière de police, après avoir fait constater le péril imminent que présentait la maison de la demoiselle Lebon, située rue de la Fromagerie, a ordonné que, dans huitaine de la signification dudit arrêté, la demoiselle Lebon serait tenue de faire démolir ou réparer sa maison, après avoir obtenu les autorisations nécessaires, sinon qu'il serait procédé à ses frais à ladite démolition; que, sur la pétition présentée par ladite demoiselle Lebon, afiu d'être autorisée à réparer ladite maison, le préfet de la Seine, comme administrateur de la grande voirie, a, par un arrêté du 19 janvier 1824, déclaré qu'il était interdit à la demoiselle Lebon de faire aucuns travaux, attendu que l'emplacement occupé par sa maison devait être réuni à la voie publique, en exécution du plan projeté pour la grande halle; Attendu que la demoiselle Lebon, qui avait le droit de se pourvoir contre ces arrêtés, ne l'a pas fait, ot que c'est en

exécution du premier desdits arrêtés que la démolition a été opérée ; Attendu que la demoiselle Lebon n'a pas accepté les offres à elle faites par le préfet de la Seine, suivant son arrêté du 18 février 1824, de lui rembourser, à titre d'indemnité, la somme par elle payée en principal, intérêts et frais, pour l'acquisition de sa maison; - Attendu enfin que le tribunal ne trouve pas dans les éléments du procès les renseignements suffisants pour fixer l'indemnité due à la démoiselle Lebou; - Avant faire droit, ordonne que Nepveu, architecte, procédera à l'estimation du terrain sur lequel était construite la maison rue de la Fromagerie, no 5, eu égard à la valeur des terrains de même qualité, situés dans le même quartier, si mieux n'aime la demoiselle Lebon accepter les offres à elle faites par le préfet, etc. »

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La demoiselle Lebon a appelé de ce jugement. Elle a soutenu que le tribunal de première instance avait donné à la loi du 16 septembre 1807 un sens qu'elle n'avait pas ; que, cette loi ayant pris soin de distinguer le cas d'alignement de celui où il s'agirait de faire démolir des maisons ou bâtiments pour cause d'utilité publique, on ne pouvait, sans contrarier son vou, confondre ces deux cas dans l'application de ses dispositions; - Que, pour qu'il y ait lieu à alignement, il faut qu'il soit donné par le maire, conformément aux plans qui doivent préalablement en avoir été dressés et arrêtés, aux termes de l'art. 52 de ladite loi, ce qui n'existait pas dans l'espèce, où il ne s'agissait pas d'aligner la maison de la demoiselle Lebon sur un plan donné, mais de la démolir en entier pour en réunir le terrain à l'emplacement destiné à la formation de la grande halle; - Que le cas présent rentrait dans la catégorie de ceux prévus par l'art. 49 de la même loi, où il s'agit de l'ouverture de rues, formation de places, et autres travaux reconnus d'une utilité générale; que, dans ces cas, l'art. 51 porte que les maisons et bâtiments qu'il serait nécessaire de démolir seront vendus par le propriétaire à l'administration publique, d'après une décision rendue en conseil d'état, en y observant les formes prescrites par la loi; que tel est aussi le vœu de la loi du 8 mars 1810, où sont déterminées (art. 13 et suiv.) les formalités à observer en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique ; et que ce n'était que lorsque cette cause avait été lé

que

galement constatée, et après une juste et préalable indemnité, réglée selon le mode indiqué par la loi précitée (art. 16 et suiv.), que les particuliers pouvaient être contraints à faire l'abandon de leur propriété; Qu'on ne pouvait soutenir la démolition de la maison dont il s'agit eût été ordonnée pour cause de vétusté ou de péril imminent, pour en induire que l'appelante n'avait droit qu'au paiement du prix du terrain qu'elle occupait, 1o parce que l'état de vétusté n'était point prouvé; 2o parce que, si la partie qui était adossée à la maison no 7, qui l'avoisinait, et qui avait été acquise et abattue par l'autorité municipale, menaçait ruine, ceci était le fait de cette autorité, qui provoquait aujourd'hui la démolition, et qui ne pouvait raisonnablement s'en prévaloir contre le propriétaire de la maison no 5; - Que le tribunal avait done faussement appliqué les dispositions de la loi relatives aux alignements, et mal à propos refusé l'application de celles qui ont pour objet l'expropriation pour cause d'utilité publique ; et qu'il y avait lieu, par toutes ces raisons, à réformer le jugement dont était appel.

M. l'avocat-général de Broé, qui a porté la parole dans cette affaire, a conclu à la confirmation du jugement.

Le 8 avril 1826, ARRÊT de la cour d'appel de Paris, Ire chambre, M. le baron Seguier premier président, MM. Lamy et Louault avocats, par lequel:

« LA COUR, — Adoptant les motifs des premiers juges,—A MIs et MET l'appellation au néant, ordonne que ce dont est appel sortira son plein et entier effet, etc.>>

COUR D'APPEL DE CAEN.

J. L. C.

Les obligations consenties par une femme mariée sous le régime normand sont-elles exécutoires à l'égard de son héritier sur les immeubles soumis à ce régime, lorsque cet héritier a disposé, sans inventaire préalable et sans précaution, des meubles et des immeubles aliénables dont la défunte était propriétaire dans d'autres coutumes? (Rés. aff.) (1)

(1) Voy. ce Journal, tom. 3 de 1826, pag. 349, arrêt de la cour de cassation, du 28 juin 1826.

DE TRAGIN, C. DE COURTEMANCHE.

En 1776 et 1781, les sieur et dame de Courtemanche ont contracté solidairement diverses obligations envers le sieur de Tragin.

Le sieur de Courtemanche est décédé le 9 mai 1784, laissant son fils pour héritier. La dame de Courtemanche est décédée le 4 août suivant, possédant divers immeubles en Normandie et dans le Maine.

Les immeubles normands ont été saisis à la requête d'un sieur de Monthulé; mais ce créancier ayant été désintéressé, les héritiers du sieur de Tragin, et d'autres créanciers, ont demandé à être subrogés à ses poursuites.

Le sieur de Courtemanche a résisté à cette demande. Il a prétendu notamment que, quand même il serait héritier pur et simple de sa mère, les obligations contractées par celle-ci ne seraient pas exécutoires sur les biens saisis, parce qu'ils étaient des immeubles de régime normand.

Jugement du tribunal civil d'Alençon, du 17 février 1825, qui décide qu'effectivement les immeubles expropriés n'ont pu l'être pour l'exécution des obligations de 1776 et 1781.

Mais, sur l'appel, les héritiers de Tragin ont observé que le sieur de Courtemanche n'avait point fait faire d'inventaire après le décès de sa mère ; qu'il ne présentait aucuns documents qui pussent faire connaître l'importance des meubles et des immeubles normands par elle laissés; que, dès qu'il s'était mis ainsi dans l'impossibilité d'établir ce qu'étaient devenus les biens qui étaient le gage des créanciers, il ne pouvait plus empêcher la saisie des biens dotaux; que c'est ce qui avait toujours été décidé contre l'héritier pur et simple de la femme séparée de biens, quoique mariée sous le statut normand (Flaust, tom. 1, pag. 509, et Roupnel, sur l'art. 591); que l'on avait même été jusqu'à déclarer que la femme elle-même, devenue veuve, ne pouvait réclamer ses immeubles dotaux normands aliénés, lorsqu'elle avait dissipé ses autres biens; que c'est ce qui avait été jugé par la cour de Caen, le 28 avril 1817, dans l'affaire d'Ormesson; que le sieur de Courtemanche pouvait d'autant moins se soustraire à cette jurisprudence, qu'il avait disposé en maître absolu du mobilier de la dame sa mère, mais qu'il avait encore aliéné les immeubles non normands qui lui ap

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