Page images
PDF
EPUB

fendu de mener sur le terrain d'autrui des bestiaux d'aucune espèce, et en aucun temps, dans les prairies artificielles, dans les vignes, oseraies, dans les plans de capriers, dans ceux d'oliviers, de mûriers, de grenadiers, d'orangers et arbres du même genre, dans tous les plants ou pépinières d'arbres fruitiers ou autres faits de main d'homme. »

Il est évident qu'il s'agit dans cet article d'un pâturage indûment exercé. C'est ce que démontre l'expression mener: en telle sorte que, s'il y avait eu dépaissance par des animaux laissés à l'abandon, c'est-à-dire sans la volonté du propriétaire, ce serait un cas de simple police. C'est ce qui est très clairement expliqué dans un arrêt de la cour, du 31 décembre 1818.

Quoi qu'il en soit, le fait actuel est un simple passage.Or le passage est prévu par l'art. 475, no 10, du Cod. pén. -Cet article déclare punissable d'amende, depuis 6 francs jusqu'à 10 francs inclusivement, « ceux qui auraient fait ou laissé passer des bestiaux, animaux de trait, de charge ou de monture, sur le terrain d'autrui ensemencé ou chargé d'une récolte, en quelque saison que ce soit, ou dans un bois taillis appartenant à autrui ».

Ce considéré, il plaise à la cour, etc. Signé MoURRE. Du 3 juin 1826, ARRÊT de la section criminelle, M. Portalis président, M. Gary rapporteur, par lequel:

« LA COUR,

[ocr errors]

-

Sur les conclusions de M. Laplagne-Barris, avocatgénéral; Vu les art. 525, 526 et suiv. du Cod. d'inst. crim. ; — Vu l'art. 475, no 10, du Cod. pén., conçu dans ces termes : « Seront punis « d'amende, depuis 6 fr. jusqu'à 10 fr. inclusivement,.... ceux qui auront << fait ou laissé passer des bestiaux, animanx de trait, de charge ou de « monture, sur le terrain d'autrui ensemencé ou chargé d'une récolte, en << quelque saison que ce soit, ou dans un bois taillis appartenant à au« trui. »; Vu le jugement du tribunal de police de Meaux, du 20 mars dernier, par lequel ce tribunal s'est déclaré incompétent pour prononcer sur l'action intentée par le ministère public contre le sieur Michon, prévenu et convaincu, par son propre aveu, d'avoir fait passer une charrette sur une pièce de terre appartenant à autrui et ensemencée de luzerne; Vu le jugement du tribunal de police correctionnelle de Meaux, du 1er mai suivant, par lequel ce tribunal s'est aussi déclaré incompétent, attendu qu'il s'agit d'un fait prévu par l'art. 475, no 10, du Cod. pén., dont la connaissance appartient aux tribunaux de simple police;

« Attendu que de l'existence de ces deux jugements résulte un conflit négatif qui arrête le cours de la justice;

[ocr errors]

<< Attendu que c'est par une fausse application de l'art. 24, tit. 2, de la loi du 6 octobre 1791, que le tribunal de police de Meaux s'est refusé à prononcer contre la contravention qui lui était déférée; que cet article ne se rapporte évidemment qu'à la dépaissance ou au pâturage indûment exercé par des bestiaux sur le terrain d'autrui ; que le fait qui était l'objet des poursuites était d'avoir fait passer une charrette sur une terre ensemencée ou chargée d'une récolte, fait prévu et spécifié par l'art. 475, no 10 du Cod. pén.: d'où il suit que le tribunal de police a méconnu les règles de sa compétence, et violé l'art. 475, no 10, précité; Faisant droit sur

le réquisitoire du procureur-général du Roi, et statuant par règlement de juges, sans s'arrêter ni avoir égard au jugement du tribunal de police de Meaux, du 20 mars dernier, lequel est regardé comme non avenu, RENVOIE la cause et les parties par devant le tribunal de simple police du tribunal de La Ferté-sous-Jouarre, pour y être procédé et statué sur la prévention dont il s'agit, conformément aux lois. »

COUR DE CASSATION.

Lorsqu'en formant une société universelle de gains, les parties se réservent la propriété du capital de leur fortune mobilière et ne s'interdisent pas la faculté de contracter des engagements individuels, l'un des associés, en s'engageant sous sa signature isolée, oblige-t-il les autres associés ? (Rés. nég.) Cod. civ., art. 1838.

L'acte de dissolution d'une société, bien que fait sous seing privé, a-t-il une date certaine à l'égard des créanciers de l'un des associés, en ce que ces créanciers sont les ayanıcause de leur débiteur? (Rés. aff. ) Cod. civ., art. 1328.

LES SYNDICS IMBERT, C. IMBERT PÈRE.

Les sieur et dame Imbert en mariant leur fils formèrent avec lui une société universel de gains, par contrat du 12 janvier 1819. Il était stipulé que les revenus seulement entraient dans la société; que les contractants restaient propriétaires de leur fortune mobilière. Ils ne s'étaient pas d'ailleurs interdit, par cet acte, la faculté de contracter des engagements individuels.

Cette société ne fut pas rendue publique, et elle fut dissoute, un mois après sa formation, par acte sous seing privé,

du 15 février 1819, qui ne fut pas non plus rendu public. En 1823, Imbert fils tomba en faillite. Ses créanciers demandèrent que le jugement qui déclarait la faillite fut commun avec le sieur Imbert père : ils se fondaient sur les art. 42 et 46 du Cod. de comm., qui refusent aux associés le droit de se prévaloir à l'égard des tiers de la nullité résultant du défaut de publicité de l'acte social, et qui autorisent ces tiers à invoquer la nullité résultant du défaut de publicité de l'acte de dissolution de la société. Ainsi, disaient-ils, l'acte de société, bien que nul à défaut de publicité, ne l'est point à notre égard, tandis que l'acte de dissolution, non rendu public, ne peut nous être opposé.

Le 29 août 1823, jugement qui déboute les syndics de leur demande.

Appel.

Le 25 janvier 1824, arrêt de la cour royale de Bourges qui confirme cette décision, « attendu que la société n'a pas été rendue publique, qu'elle a été dissoute par un acte sous seing privé ayant date certaine; que, depuis 1819, Imbert père ne s'est livré à aucune opération; que Imbert fils a géré seul, s'est engagé en son nom seul, et qu'Imbert père a cautionné personnellement les engagements du fils, ce qui n'aurait pas été nécessaire si la société eût été notoire. >>

Les syndics de la faillite Imbert se sont pourvus en cassation contre cet arrêt. Ils ont soutenu qu'il avait violé l'art. 1858 du Cod. civ. en décidant qu'un membre d'une société universelle de gains n'oblige point ses associés, lorsqu'il s'engage en son nom personnel. La société universelle de gains, disaient-ils, renferme tout ce que les parties acquerront par leur industrie, à quelque titre que ce soit, aux termes de l'art. 1838 du Cod. civ. Il suit de là que les gains provenant d'une gestion séparée tombent dans la société : dès lors les engagements contractés par les associés sous leur signature isolée sont à sa charge, car la société ne pourrait en même temps recueillir les fruits de l'industrie de l'un des associés et s'affranchir du paiement des dépenses auxquelles cette industrie a donné lieu. L'arrêt attaqué, en déclarant les créanciers d'Imbert fils non recevables dans leur action contre Imbert père, sous prétexte que le premier ne s'était pas obligé sous la désignation collective de la raison sociale, a donc contrevenu aux principes qui tiennent à l'essence des associations univerTome Ier de 1827. Feuille 3.

selles de gains. Telle est la doctrine de Pothier, Traité du contrat de société, chap. 2, sect. re, art. 2.

Les demandeurs prétendaient en outre que la cour royale de Bourges avait violé l'art. 46 du Cod. de comm. et l'art. 1328 du Cod. civ. en maintenant à leur préjudice l'acte de dissolution, qui ne pouvait leur être opposé, puisqu'il n'avait pas été rendu public, et en jugeant que cet acte avait à leur égard une date certaine avant la faillite, bien qu'il fût sous seing privé. Des créanciers, disaient-ils, ne sont pas les ayantcause de leurs débiteurs: ils sont des tiers, dans le sens de l'art. 1328 du Cod. civ. et il suffit pour s'en convaincre de consulter les art. 1 165 et 1166 du même Code. Or, d'après l'art. 1328, les actes sous seing privé n'ont de date certaine contre les tiers que du jour de leur enregistrement, du jour de la mort de l'un des contractans, ou du jour que leur substance a été constatée dans un acte authentique. Aucune de ces circonstances ne se rencontrant dans l'espèce, l'arrêt attaqué a violé cet article en décidant que l'acte de dissolution avait une date certaine contre les créanciers, demandeurs en cassation.

Du 12 juillet 1825, ARRÊT de la section des requêtes, M. Botton de Castellamonte président d'âge, M. Dunoyer rapporteur, M. Guillemin avocat, par lequel:

-

[ocr errors]

« LA COUR, Sur les conclusions de M. Lebeau, avocat-général; Attendu que l'arrêt attaqué, en interprétant le contrat de mariage d'Imbert Senly fils, du 12 janvier 1819, en a induit que tant lui que ses père et mère, avec qui il formait une société, restaient néanmoins propriétaires du capital de leur fortune mobilière, et qu'ils ne s'étaient pas interdit la faculté de contracter des engagements individuels;

« Attendu que, dans l'espèce, il s'agit d'effets souscrits par Imbert Senly fils, sous sa signature isolée, et sans emprunter même d'une manière équipollente la désignation collective de la raison sociale; qu'ainsi ils étaient, par leur contexte, tout-à-fait étrangers à Imbert père; — Qu'il devait même en être ainsi, puisque, lorsque le fils a souscrit ces mêmes engage¬® ments, la société d'entre son père et lui avait été dissoute; qu'à la vérité elle ne l'avait été que par un acte sous signature privée; mais que cet acte avait une date certaine, vis-à-vis des créanciers de Senly fils, comme visà-vis de leur débiteur, dont ils sont les ayant-cause, n'ayant pas été allégué de fraude, de concert, ni de dol entre le père et le fils; motifs suffisent pour écarter les moyens de cassation proposés par dics de la faillite du fils; - REJETTE. »

S.

Que ces les syn-

COUR DE CASSATION.

Un jugement interlocutoire lie-t-il tellement les juges que, lorsqu'ils ont ordonné une enquête, et que cette enquête n'a pas eu lieu, ils ne puissent, sans violer la chose jugée, et en l'absence de la preuve ordonnée, admettre l'existence des faits articulés, dont ils ont acquis la conviction par d'autres moyens? (Rés. nég.) Art. 1350-5° du Cod. civ. FABRE, C. DEleuil.

C'est un principe constant au palais que les jugements interlocutoires ne lient pas les juges; et déjà la cour de cassation avait eu plusieurs fois l'occasion d'en faire l'application. (Voyez, entre autres, un arrêt du 17 janvier 1810, rapporté dans ce Journal, jer sémestre de 1810, p. 337.) Celui que nous recueillons aujourd'hui ne fait donc que confirmer la jurisprudence précédemment établie.

[ocr errors]

Il résultait d'un procès verbal dressé par un garde champêtre que le sieur Fabre avait passé avec sa charrette sur une propriété appartenant au sieur Deleuil. Celui-ci se pourvut devant le juge de paix en réparation du dommage qu'il prétendit lui avoir été causé par ce fait, et demanda que Fabre fût condamné au paiement de la somme de 50 fr. à ce titre. - Un jugement, en date du 16 septembre 1822, condamna ce dernier, après vérification des lieux, à 25 fr. de dommages et aux dépens. - Fabre appela de cette décision devant le tribunal civil d'Aix; il prétendit qu'il n'était pas l'auteur du dégât dont se plaignait Deleuil; et le tribunal ordonna, avant faire droit, que Deleuil prouverait que le dommage dont il avait demandé la réparation lui avait été causé par le fait de Fabre. Deleuil ne remplit point cet interlocutoire; il poursuivit néanmoins le jugement du fond. Et, le 10 mars 1825, le tribunal d'Aix prononça définitivement en ces termes : « Considérant que le procès verbal du garde champêtre atteste que Fabre a conduit sa charrette, sur le chemin de la propriété de Deleuil, et qu'en ce moment, celui-ci lui a fait observer les dommages que sa charrette avait occasionés; que cette partie du procès verbal fait foi d'un dommage quelconque...;- Confirme, etc... »

« PreviousContinue »