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existante, puisqu'au contraire le législateur moderne, comme l'ancien, regarde d'un œil peu favorable les secondes noces, ainsi que le prouvent plusieurs articles du Code (1). Enfin, la condition de viduité n'est point contraire aux bonnes mœurs, surtout quand il existe des enfants du premier mariage, puisque son principal objet est de leur conserver dans l'époux survivant un protecteur et un ami, d'empêcher que sa tendresse pour eux s'affaiblisse par des affections nouvelles. Au surplus, dans le doute, on ne peut rien faire de mieux que de s'en référer aux règles établies par le droit romain. Or on a vu que le dernier état de la législatiou était favorable aux conditions prohibitives des seconds mariages: donc le tribunal civil a bien jugé en prononçant la déchéance du legs, du moment que la légataire avait enfreint la condition à laquelle il était subordonné.

Du 25 avril 1826, ARRÊT de la cour royale de Toulouse, première chambre, M. de Cambon président, MM. de Feral et Decamps avocats, par lequel:

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« LA COUR, Sur les conclusions de M. Chalret-Durieu, avocat-général; Attendu que le testament de Jean Biau, et le convol en secondes noces d'Elisabeth Fabre sa belle-soeur, ont eu lieu sous l'empire du Code civil; Attendu que, suivant l'ancienne législation, la condition de ne pas se marier était considérée comme illicite, contraire aux mœurs, et par conséquent nulle ou comme non écrite, tandis que la condition de ne pas se remarier était considérée comme licite et valable, ce qui s'évince notamment de la novelle 22, chap. 44; que la différence entre la nature et le sort de ces deux conditions provient, entre autres causes, de ce que, dans le premier cas, la condition de ne pas se marier est purement gratuite, et sans intérêt pour des tiers, tandis que, dans le second cas, l'inté rêt des enfants du premier mariage, ou le vœu du premier époux, ont pa légitimer la condition de ne pas se remarier; que les lois transitoires des 5 septembre 1791, 17 nivôse et 9 fructidor an 2, furent les premières qui regardèrent comme non écrite même cette dernière condition de ne pas se remarier; mais que, ces lois ayant été abolies par le Code civil, on ne doit considérer comme contraires aux mœurs, suivant l'art. 900, que les conditions qui étaient considérées comme telles par l'ancienne législation aussi morale que celle qui nous régit aujourd'hui; que l'arrêt de la cour du 14 mars, invoqué par la veuve Biau, ne saurait être d'aucun poids dans la cause actuelle, puisqu'il fut rendu dans une espèce soumise aux lois transitoires, tandis que Merlin, Chabot, et même Toullier, invoqué

(1) Art. 380, 381, 394, 599 et 1098.

par ladite veuve Biau, et l'arrêt que ces auteurs citent, ont consacré la 571 doctrine de l'ancienne législation; - Par ces motifs, A DEMIS et DEMET Elisabeth Fabre et Carayon, mariés, de leur appel...... »

Nota. L'arrêt émané de la cour de Toulouse s'accorde avec l'opinion des commentateurs. On peut voir ce que disent sur cette question M, Toullier, tom. 5, pag. 266; M, Merlin,' Répertoire, vo Condition, sect. 2, § 5, et M. Pailliet, dans son Manuel de droit français, pag. 202. M, Grenier est lé seul qui hésite à considérer comme valable sous l'empire du Code civil la condition de ne pas se remarier. Pour éviter la difficulté, ce jurisconsulte pense que l'on fera sagement de convertir le don ou le legs en un usufruit pendant la viduité seulement. (Traité des Donations, tom. 1er, pag. 362, 1 édit.) (1)

COUR D'APPEL DE BOURGES,

B.

Entre les parties l'hypothèque conventionnelle subsiste-telle dans toute sa force, indépendamment de l'inscription? (Rés. aff.)

En conséquence, celui qui, ayant stipulé une hypothèque pour garantie d'une convention, laisse vendre l'immeuble affecté à cette garantie, sans prendre inscription, peut-il exiger une autre sûreté? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 1134, 2129, 2134.

GRÉGOIRE, C. LES HÉRITIERS DEVILLARS.

Les héritiers Devillars ont vendu au sieur Grégoire une naison, sise à Nevers, moyennant la somme de 6,400 fr., ui devait être payée à différents termes. Et comme pluleurs des héritiers étaient mineurs à l'époque du contrat, les endeurs, pour garantie de la vente et des paiements, hypoaéquèrent au sieur Grégoire une autre maison qu'ils posséaient dans la même ville.

Celui-ci ne prit aucune inscription pour la conservation e ses droits, et l'immeuble hypothéqué fut ultérieurement

(1) On prétend que dans les éditions subséquentes M. Grenier est revenu l'opinion de MM. Merlin et Toullier.

vendu par les héritiers Devillars à un tiers, qui, par la transcription de son contrat, s'affranchit des hypothèques non inscrites.

Dans cette situation, les héritiers Devillars ont fait au sieur Grégoire commandement de leur payer 1,197 fr., pour un terme échu de la vente qu'ils lui avaient consentie.

Celui-ci a formé opposition au commandement, et a refusé de payer avant qu'on lui donnât une nouvelle sûreté. Il disait aux héritiers Devillars: « Je n'ai consenti à solder le prix de mon acquisition, malgré la minorité de plusieurs d'entre vous, que sous la condition d'une hypothèque sur des biens libres et suffisants pour ma sûreté; vous avez souscrit à cette condition et m'avez donné une hypothèque sur votre autre maison de Nevers. Mais, bientôt après, vous avez détruit cette convention, vous avez brisé le contrat intervenu entre nous, en vendant l'immeuble sans déclarer l'existence de moù hypothèque, et sans obliger l'acquéreur à la respecter. Il faut donc ou me donner une sûreté nouvelle, ou attendre, pour le paiement, l'époque à laquelle les mineurs, parvenus à leur majorité, scront en mesure de ratifier. C'est en vain que vous m'opposez, comme une faute personnelle, mon défaut d'inscription: car cette formalité n'est nécessaire qu'à l'égard des tiers, et seulement pour conserver un rang avantageux. Mais entre les parties l'hypothèque existe par la stipulation; elle n'a pas besoin du secours de l'inscription, qui, encore une fois, n'est qu'une formalité extrinsèque, néces saire sans doute pour obtenir la préférence sur les autres créanciers, mais inutile entre les parties, le contrat étant déjà consommé à leur égard. Il n'était pas en votre pouvoir d'éluder par la vente l'effet de l'hypothèque que vous m'avez donnée, et vous n'êtes pas recevables à exiger votre paie ment, quand vous avez méconnu la condition sous laquelle il avait été promis. >>

« Notre devoir, répondaient les héritiers Devillars au sieur Grégoire, notre devoir était de vous donner une hypothèque Nous l'avons complétement rempli. Le vôtre était de veiller par tous les moyens que la loi a mis en votre pouvoir, à la conservation de cette hypothèque: avez-vous également ren pli cette obligation? Nullement. Vous n'avez pris aucune inscription sur les biens; vous n'avez fait, aucune diligence

pour maintenir dans votre intérêt personnel l'effet de la stipulation. Cependant vous ne pouviez pas ignorer la corrélation de l'hypothèque avec l'inscription. Vous saviez que l'inscription est une forme absolument nécessaire pour le développement de l'hypothèque, une forme qui lui donne la vie, et qui peut seule en assurer l'effet. Vous deviez donc remplir cette formalité essentielle. Car l'inscription n'est pas du fait du débiteur : elle est indépendante de sa volonté ; le contrat, comme vous le dites vous-même, est déjà formé à son égard. C'est donc celui qui a stipulé l'hypothèque qui peut seul l'inscrire utilement; et, parce que vous avez négligé cette précaution, parce que vous n'avez pas su conserver votre avantage, il faut que nous soyons victimes de votre inertie, de votre indifférence sur vos propres intérêts..! Il n'est pas de termes pour qualifier un système aussi révoltant. >>

Le 16 août 1814, jugement du tribunal civil de Nevers qui accueille cette défense, déboute Grégoire de son opposition, et ordonne la continuation des poursuites.

Appel. Et, le 6 janvier 1815, ARRÊT de la cour royale de Bourges, 2 chambre, M. Delamétherie président, MM. Mater et Devaux avocats, par lequel :

« LA COUR, Sur les conclusions de M. Jouslin-de-Noray, avocatgénéral; Considérant que, dans l'acte du 21 messidor an 11, le sieur Grégoire, achetant des héritiers Devillars leur maison sise à Nevers, exigea une garantie pour la sûreté de son acquisition, parce que quelques uns des vendeurs étaient encore dans les liens de la minorité; Que les vendeurs lui donnèrent une hypothèque spéciale sur une autre maison qui leur appartenait dans la même ville, et l'autorisèrent à prendre inscription; —Que, depuis, les héritiers Devillars ont, à l'insu du sieur Grégoire, vendu cette seconde maison qu'ils lui avaient hypothéquée; Que le sieur Grégoire, qui avait déjà fait quelques paiements dans les termes de son contrat, ayant appris que ses vendeurs avaient mis hors de leurs mains le gage qu'ils lui avaient affecté, a refusé de payer le surplus et exigé qu'on lui donnât préalablement une sûreté nouvelle;

« Considérant que cette demande du sieur Grégoire n'est que l'exécution littérale de sa convention, et que les héritiers Devillars n'ont pu s'y refuser; Qu'en vain ils opposent qu'ils avaient autorisé l'acquéreur à prendre une inscription sur la maison qu'ils lui avaient hypothéquée, et qu'il a à se reprocher d'avoir négligé cette précaution;

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<< Considérant que le but de l'inscription est de faire connaître à des tiers la créance qui grève l'objet hypothéqué, et de fixer le rang de l'hypothèque, dans le cas où le créancier aurait à lutter contre d'autres cré

anciers hypothécaires; mais que l'hypothèque est tout-à-fait indépendante de l'inscription; que, sans elle, elle subsiste dans toute sa force, relatives ment à celui qui l'a constituée : d'où il suit que les héritiers Devillars, qui ont enlevé au sieur Grégoire la garantie d'une acquisition que peut-être il n'eût pas faite sans elle, l'ont autorisé à en refuser le paiement jusqu'à ce qu'ils lui aient donné une sûreté quivalente; A Mts l'appellation et le jugement dont est appel au néant; émendant, et faisant ce que les premiers juges auraient dû faire, ordonne que les héritiers Devillars donneront à Grégoire, pour garantie de son acquisition, une caution de valeur égale à celle de la maison qu'ils lui avaient hypothéquée; jusqu'à sa réception, surseoit à toutes poursuites qu'ils pourraient exercer contre lui, et les condamne aux dépens. » (1)

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COUR D'APPEL DE ROUEN.

B.

L'erreur de date dans un testament authentique peut-elle étre réparée? (Rés. aff.)

BRISSET ET CONSORTS, C. GROSPOISSON.

Le 10 octobre 1824, décès de la dame Campion à sept heures du matin. Elle laissait un testament authentique dans lequel, après avoir institué plusieurs légataires, elle disait : «Je leur fais ce legs en sus de tous autres que je pense leur avoir faits précédemment. » — Cette disposition se référait à un testament olographe antérieur de peu de jours, dans lequel elle les avait gratifiés de quelques dons. - Enfin, ce testament authentique se terminait ainsi : « Fait, passé, écrit, reçu et lu en ladite commune de Heudebouville, au domicile de la testatrice, dans une chambre où nous avons trouvé la testatrice alitée pour cause de maladie, le samedi 10 octobre 1824, après midi, en présence des témoins ci-dessus nommés; et ont lesdits témoins signé avec nous notaire, la testatrice ayant déclaré ne le pouvoir, etc. »

Il y avait évidemment erreur dans la date de ce testament, puisqu'il énonçait qu'il avait été fait le samedi 10 octobre 1824, après midi, tandis que la testatrice était morte le même jour à sept heures du matin. Les mineurs Grospoisson,

(1) Cet arrêt ne se trouvant ni dans l'ancienne ni dans la nouvelle collection, nous avons cru devoir le recuçillir, malgré l'ancienneté de sa date, à raison de l'intérêt qu'il présente.

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