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qui avaient assisté le notaire dans la réception du testament. Mais ces témoins sont reprochés par les sieurs Michault et

consorts.

L'art. 283 du Cod. de proc., ont-ils dit, n'est pas limitatif, mais simplement démonstratif; et, dans le système de notre jurisprudence actuelle, tout témoin est reprochable, dès que sa position ou ses rapports avec l'une des parties l'obligent à des ménagements inconciliables avec l'indépendance du témoin et le besoin impérieux de dire toute la vérité. C'est pour cela que les domestiques et serviteurs sont reprochables. Ils sont dans la dépendance de leurs maîtres : cela suffit pour rendre leur déclaration suspecte. Le même motif milite contre le fermier, et il est évident que la déposition du sieur Acloque, ci-devant fermier de la veuve Varlet, et aujourd'hui de son légatairė universel, ne peut pas inspirer à la justice la même confiance qu'un témoignage complétement désintéressé. Le sieur Acloque a dû nécessairement craindre d'indisposer son propriétaire par une déclaration franche et naïve des faits qui pouvaient être à sa connaissance. C'en est assez pour écarter sa déposition.

Des raisons plus péremptoires encore s'opposaient à l'audition des sieurs Garbe et Plé: témoins instrumentaires du testament, ils ont affirmé que la testatrice leur avait parų saine d'esprit et d'entendement. Impossible dès lors de supposer qu'enchaînés par leur première déclaration, ils vinssent se contredire, en faisant à la justice une nouvelle déclaration destructive de la première. Les sieurs Garbe et Plé se trouvaient donc dans une catégorie plus défavorable encore que ceux qui ont donné des certificats sur des faits relatifs au procès, et si ceux-ci peuvent être reprochés, aux termes de l'art. 285 du Cod. de proc., à bien plus forte raison peut-on exercer le même droit d'exclusion contre les témoins d'un testament, quand il s'agit de vérifier un fait sur la moralité duquel ils se sont expliqués dans l'acte même.

Du 10 novembre 1825, ARRÊT de la cour d'appel d'Amiens, M. de Maleville président, par lequel:

« LA COUR, -Sur les conclusions de M. Bosquillon de Fontenay, ayocat-général...;—En ce qui touche les reproches proposés par Michaut et consorts contre les 6o, 7° et 8e témoins de l'enquête,-Considérant que ces reproches ne sont fondés sur aucune disposition du Code de procédure qui soit ·

applicable à la cause ni sur aucun motif suffisant;-ORDONNE, sans s'y ar rêter, qu'il sera passé outre au jugement du procès. »

B.

COUR DE CASSATION.

Le prêt à la grosse fait à un associé en participation dans la cargaison d'un navire donne-t-il privilége au créan cier, pour le remboursement des sommes prétées, sur la part revenant à l'emprunteur dans les marchandises qui font l'objet de la cargaison, au préjudice mémè des engagements que cet associé avait pris avec ses coassociés, lorsqu'il n'est pas établi que le contrat de prêt eût une date antérieure à l'acte d'association? (1) L'arrét qui a décidé en fait que la société existait à une épo que antérieure à celle du prêt à la grosse, et que les moindres recherches eussent suffi pour procurer au créancier la connaissance de l'existence de cette société antérieurement au prét, échappe-t-il à la censure de la cour de cassation? (Rés. aff.)

LES HÉRITIERS JULLIEN, C. Olive.

Une société en participation fut formée en 1820 entre les sieurs Ballot, Olive fils et Deyglun, pour l'affrétement du navire la Lydia, partant de Marseille pour la Nouvelle-Orléans, et devant revenir de cette destination dans un port de France. L'acte qui constate l'existence de cette société fut fait sous signature privée ; il ne fut enregistré que le 8 juin 1823. On y lit qu'Olive était seul armateur du navire, seul gérant et maître de l'opération, et seul propriétaire de la cargaison d'aller et de retour. — Les marchandises parties de Marseille furent embarquées par Olive; il en paya les droits de douanes; le connaissement fut fait en son nom. Hen fut de même de celles qui furent expédiées de la NouvelleOrléans pour la France; celles-ci furent achetées avec le produit de la vente des premières, dont elles n'étaient que la représentation.

Par acte du 5 mars 1821, le sieur Jullien, de Marseille,

(1) Résolu négativement par l'arrêt attaqué.

prêta à la grosse aventure, au sieur Ballot, une somme de 2,024 fr., au paiement de laquelle ce dernier affecta les marchandises qui seraient reconnues lui appartenir dans le chargement du navire tant en allant qu'en retournant. Cet acte fut enregistré au greffe du tribunal de commerce, dans les dix jours de sa date, aux termes de l'art. 312 du Cod. de

comm.

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Le sieur Jullien étant mort, ses héritiers firent assigner le sieur Ballot devant le tribunal de commerce de Marseille, en paiement de la somme qui lui avait été prêtée par leur auteur. Olive, de son côté, assigna ses coassociés en liquidation de la société qui avait existé entre eux. Il intervint şur cette double demande, le 2 mai 1823, un jugement par lequel il fut ordonné, entre autres choses, que les héritiers Jullien seraient payés par privilége sur les retraits du navire avant toute liquidation de l'avoir social de Ballot.

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Sur l'appel de ce jugement par le sieur Olive, la cour royale d'Aix rendit, le 14 juillet de la même année, un arrêt conçu dans les termes suivants :

«< Considérant que les intimés, porteurs d'un contrat de prêt à la grosse, et l'appelant, membre et au nom d'une société en participation, paraissent d'abord devoir se présenter avec une égale faveur et des droits également recommandables, quoiqu'ils soient en opposition, puisque les emprunts à la grosse, d'une part, et les sociétés en participation, de l'autre, out pour objet d'aider et d'étendre le commerce, et méritent, sous ce rapport, qui est d'un intérêt général, une protection particulière que la loi leur a accordée, et que les tribunaux ne leur refusent jamais; que, néanmoins, quoique le prêteur à la grosse ait un privilége spécial et incontestable. sur les objets appartenant à son emprunteur, et qui servent de garantie et d'aliment à son prêt, on ne peut disconvenir que les membres d'une société en participation ont collectivement, sur les fonds ou les marchandises qu'ils ont mis en commun pour une opération commerciale, quelque chose de plus qu'un privilége, puisque, par l'effet même de leur association, ils deviennent tous copropriétaires des objets mis en commun, quoique les personnes et les avoirs de chaque sociétaire continuent de rester distincts et séparés; Considérant qu'il serait évidemment, impossible que les sociétés

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en participation autorisées par la loi passent subsister, si chaque membre de ces associations pouvait, au mépris de l'engagement qu'il a déjà pris, grever d'hypothèque, c'est-àdire aliéner, ce qu'il a déjà spécialement affecté à l'entreprise sociale; qu'inutilement objecterait-on que ces sociétés demeurent secrètes, à la différence de toutes les autres, et qu'ainsi elles seraient une espèce de piége toujours tendu à la bonne foi des prêteurs, qui ne pourraient en connaître l'existence; que cette objection, toute forte qu'elle paraisse, ne pouvait seule néanmoins l'emporter sur la foi due aux sociétés que le législateur a voulu encourager, parce qu'elles soutiennent et animent le commerce bien plus que les prêts à la grosse, qui, à l'exception de ceux auxquels on est obligé de recourir pendant le cours du voyage et pour les nécessités pressantes du navire, ne sont le plus souvent qu'une spéculation de l'avidité;

« Considérant que, dans l'espèce actuelle surtout, il n'est pas exact de dire que le prêteur à la grosse n'a pu connaître l'existence de la société qui liait déjà son emprunteur; que, quoiqu'il ne fût peut-être pas rigoureusement tenu de suivre l'emploi de ses deniers, au moins l'était-il de s'assurer que l'emprunteur présentait un aliment ou garantie à son prêt,

et

que les moindres recherches qu'il eût faites pour y parvcnir l'auraient facilement et promptement conduit à la découverte de cette société en participation elle-même ; qu'il aurait bien vu que le navire était déjà complétement chargé, aux frais de cette société, sous le nom d'un seul de ses membres, qui n'était pas son emprunteur; que celui-ci n'avait aucune pacotille qu'il pût personnellement engager, mais simplement ⚫ un intérêt à la cargaison en général, qu'il ne pouvait hypothéquer du moins que d'une manière subordonnée aux engagements qu'il avait pris avec elle, c'est-à-dire après que le compte de l'aller et du retour du navire aurait été liquidé entre les associés et soldé; que le connaissement du capitaine, et même la seule pièce que son emprunteur ait pu lui produire pour lui faire un moment illusion, lui auraient donné cette connaissance, et l'auraient ainsi préservé de tous les dangers auxquels il a exposé les fonds qu'il a prêtés; que ce n'est donc qu'à sa seule négligence qu'il peut en imputer la perte, si elle devait avoir lieu, et qu'elle ne saurait lui don

ner le droit d'anéantir ou même d'altérer ceux que la société aurait précédemment acquis, et auxquels son emprunteur s'était soumis ;

«

<< Par ces motifs, la cour met l'appellation et ce dont est appel au néant; émendant, ordonne que les héritiers Jullien ne seront payés du montant du billet de grosse sur les retraits du navire la Lydia qu'après la liquidation définitive des comptes sociaux entre Olive, Ballot et Deyglun, et qu'autant que, par le résultat de cette liquidation, et le paiement fait à Olive de tout ce qui pourrait lui être dû, à raison de la société, il reviendrait à Ballot une portion quelconque. »

Les héritiers Jullien se sont pourvus en cassation de cet arrêt, 1o pour violation des art. 311, 312 et suiv. du Cod. de comm.; - 2o Pour fausse interprétation de l'art. 48 du même Code. Ils ont dit, en premier lieu, que le prêteur à la grosse avait rempli l'unique formalité qui était exigée par la loi pour la conservation de son privilége, laquelle consistait dans l'enregistrement de son contrat au greffe dans les dix jours de sa date; qu'il n'avait point été astreint à détailler les marchandises sur lesquelles il entendait l'exercer, ainsi que l'enseigne Émérigon dans son Commentaire sur l'ordonnance maritime; que l'art. 511 du Cod. de comm., conforme à la doctrine de cet auteur, n'exigeait qu'une simple énonciation des objets sur lesquels le prêt était affecté; que l'art. 315 contenait une disposition semblable, et n'imposait l'obligation de les détailler que lorsque le privilége ne devait porter que sur une partie déterminée desdits objets; et qu'aux termes de l'art. 520, le chargement était également affecté au capital et aux intérêts de l'argent prêté à la grosse ; — Que la cour royale d'Aix avait rendu hommage à ces principes en recon-' naissant qu'il leur appartenait un privilége sur les marchandises appartenant au sieur Ballot, mais qu'elle s'en était écartée dans les conséquences, en leur en refusant l'exercice. Ils ont soutenu, en second lieu, qu'il y avait eu, tant de ́ la part du sieur Olive que dans l'arrêt attaqué, confusion des caractères qui distinguent la société en participation avec Ceux qui sont particuliers à la société en nom collectif; que, si, dans celle-ci, les intérêts des associés demeurent confondus jusqu'à ce que la liquidation en ait été définitivement opérée, il n'en était point ainsi de la première, qui n'a pour`

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