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déclarait en fait que la mention de la réception faite par la femme du prix de la vente était une fraude qui avait pour but de faire profiter le mari du prix de la vente, sans que ses biens fussent responsables envers la femme.

Mais en admettant même l'absence de toute garantie pour la femme, le défaut de remploi pouvait-il entraîner la nullité de la vente à l'égard de l'acquéreur? Nullement. -- La vente et l'obligation du remploi sont deux choses très distinctes. L'acte de vente est parfait dans tous les cas vis-à-vis de l'acquéreur. - On pourrait tout au plus discuter avec lui la question de savoir s'il a valablement payé, faute de remploi. - Peut-être pourrait-il alors se voir exposé à payer une seconde fois.

2o Relativement à la demande subsidiaire en restitution de la somme de 5,550 fr., montant du prix de la vente, la cour royale de Riom avait encore violé la loi. --- L'art. 1449 du Cod. civ. porte textuellement « que la femme séparée de biens peut disposer de son mobilier et l'aliéner ». Or la dame Chaumeil était séparée de biens à l'époque de la vente.

Elle pouvait donc librement disposer de son mobilier, et elle pouvait tout aussi librement disposer du prix de la vente qu'elle avait été autorisée à faire par son mari, puisqu'il faisait réellement partie de son mobilier. - Comment admettre dès lors qu'elle n'eût pas capacité pour restituer le prix d'un immeuble dont elle recouvrait la propriété? - Les principes du droit étaient ici d'accord avec la bonne foi, qui ne permet pas que l'on retienne en même temps et la chose et le prix. Mais en admettant encore la nullité de la vente, d'une part, de l'autre l'incapacité de la femme, quoique séparée de biens, pour disposer du prix, l'on accordera du moins, comme exempt de toute espèce de doute, qu'elle pouvait s'obliger sur son mobilier et sur les revenus de ses immeubles. Cette faculté se trouvait formellement consacrée dans la loi. - La dame Chaumeil avait donc pu valablement s'obliger soit à la restitution du prix de la vente, soit à la garantie stipulée dans l'acte au profit de l'acquéreur.

Du 9 novembre 1826, ARRÊT de la section des requêtes, M. Henrion de Pansey président, M. Pardessus rapporteur, M. Mandaroux-Vertamy avocat, par lequel:

« LA COUR, Sur les conclusions de M. de Vatimesnil, avocat-gé

--

néral ;

Attendu que la circonstance de la séparation de biens ne change pas la nature de dotalité des biens d'une femme, ce qui fait qu'elle doit être écartée;

<<< Attendu que le contrat de mariage des époux Chaumeil déclarait les biens de la femme dotaux, et seulement les déclarait aliénables sous la condition de remploi du prix; que celui qui veut acquérir les biens propres d'une femme engagée dans les liens du mariage doit s'assurer par l'inspection du contrat de mariage si les biens sont dotaux ou paraphernaux, et, au premier cas, à quelle condition l'aliénation en a été autorisée; qu'ainsi, en annulant la vente, l'arrêt dénoncé s'est conformé à la fois aux dispositions de la Coutume d'Auvergne et aux clauses du contrat de mariage;

« Attendu, en ce qui concerne la dispense de restitution du prix prononcée au profit de la femme, que la cour dont l'arrêt est dénoncé a déclaré que le paiement de ce prix à la femme seule avait été le résultat d'une fraude dont le demandeur était complice; que le dol et la fraude font exception à toutes les règles, et que l'arrêt dénoncé, en ne prononçant pas la condamnation d'une somme qui, d'après les faits constatés, ne paraissait pas avoir tourné au profit de la femme, a fait une juste application des règles du droit; REJETTE,>> A. M. C,

COUR DE CASSATION.

Existe-t-il une loi sur l'enregistrement qui soumette indistinctement à un droit proportionnel les sommes qui figu rent, soit en recette, soit en dépense, dans un compte rendu? (Rés. nég.)

Le reliquat du compte, dans ce cas, est-il SEUL soumis à ce droit? (Rés. aff.)

Toutefois, si dans le compte il était fait mention de quittances ou autres pièces non enregistrées, qui ne seraient· pas de la nature de celles dont parle l'art. 537 du Cod.» de proc., y aurait-il ouverture au droit proportionnel sur ces pièces? (Rés, aff.)

ROBILLARD, C. LA RÉGIE DES DOMAINES, Le tribunal civil de Caen avait jugé que, dans un compte rendu par un héritier à son cohéritier de la gestion d'une succession commune, tous les articles de ce compte alloués en dépense, opérant libération au profit du comptable, étaient assujettis à un droit proportionnel de quittance, alors même qu'aucune pièce justificative n'était produite à l'appui de la

dépense. -Ce jugement, en date du 30 mai 1823, faisait une fausse application de l'art. 69, § 2, n° 11, de la loi du 22 frimaire an 7, et il violait l'art. 68, § 3, no 7, de la même loi; en conséquence, la cassation en a été prononcée par l'arrêt suivant.

Du 8 mai 1826, ARRÊT de la section civile, M. Brisson président, M. Boyer rapporteur, MM. Mandaroux et Teste-Lebeau avocats, par lequel:

« LA COUR, — Sur les conclusions de M. de Vatimesnil, avocat-général; — Attendu qu'aucune loi n'oblige un mandataire, ou tout autre comptable qui rend un compte, à appuyer, par la production de pièces justificatives, les divers articles de la dépense de ce compte, alors que ces articles de la dépense sont reconnus et non contestés par l'oyant-compte, et qu'à cet égard le jugement attaqué établit un principe qui n'est justifié par aucune disposition expresse de la loi;

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« Attendu, en second lieu, qu'aucun article des lois sur l'enregistrement n'assujettit indistinctement à un droit proportionnel toutes les sommes qui figurent soit en recette, soit en dépense, dans un compte rendu qu'il n'y a en effet ni obligation résultant de la déclaration que fait le comptable des sommes par lui reçues, ni créance résultant de l'emploi qu'il fait des sommes par lui dépensées, lorsque les sommes reçues et celles dépensées se compensent entre elles; que le résultat seul du compte constate si le rendant est créancier ou débiteur de l'oyant d'un reliquat quelconque, et que ce reliquat seul est susceptible d'un droit d'obigation ou de condamnation, suivant que l'apurement du compte est ›péré par un acte passé entre les parties, ou qu'il l'est par un jugement ou in arrêt ; Qu'à la vérité, si, dans un compte arrêté soit par un acte pulic ou privé, soit par un jugement ou arrêt, il est fait mention de quitances ou autres pièces justificatives de la dépense, comme les art. 41, 42. t 47 de la loi du 22 frimaire an 77 s'opposent à ce qu'il soit fait aucun 1sage en justice de pièces non enregistrées, et à ce qu'il soit fait aucun acte ivil ou judiciaire en vertu de semblables pièces, il en résulte bien que le Iroit proportionnel de libération est exigible sur le montant de ces quitances ou autres pièces justificatives de la dépense, à moins qu'elles n'aient té antérieurement enregistrées, ou qu'elles ne soient de la nature de celes que l'art. 537.du Cod. de proc. civ. exempte de cette formalité;

al

<< Mais attendu, dans l'espèce, que le jugement attaqué, s'appuyant ur le principe erroné dont on a établi plus haut la réfutation, a appliqué ndistinctement l'exigibilité du droit de libération à tous les articles de la lépense des comptes rendus par le sieur Louis-Adrien de Robillard, oués par le jugement du 12 juillet 1822, sous prétexte que ce jugement, en les allouant, avait constitué, à l'égard de tous ces articles, un acte de ibération au profit du comptable, disposition qui, par sa généralité, préTome 1er de 1827.. Feuille 27.

sente à l'égard des articles admis sans énonciation des pièces produites, une fausse application de l'art. 69, § 2, n. 11, de la loi du 22 frimaire, et une violation de l'article 68, § 3, n. 7, de la même loi; Par ce motif,

CASSE. D

COUR DE CASSATION.

Lorsqu'un arrêté administratif a autorisé un individu à construire un balcon dans toute l'étendue de la façade de sa maison donnant sur la rue, le propriétaire voisin peut-il se pourvoir devant les tribunaux en opposition à cet établissement, ou du moins pour faire ordonner que l'extrémité du balcon sera fixée à six décimètres (deux pieds) de distance de la ligne séparative des deux maisons, conformément à l'art. 679 du Cod. civ. ( (Rés. nég.) L'exercice de cette action se réduit-il à faire interpréter ou modifier l'arrêté dont il s'agit, et l'arrêt qui renvoie les parties devant l'autorité administrative a-t-il fait une juste application des lois de compétence? (Rés. aff.)

LA DAME MASSIENNE, C. LONGUET.

Le sieur Longuet et la dame Massienne possèdent chacun, dans la ville de Caen, une maison contiguë l'une à l'autre, et ayant sa façade sur la même rue. Le sieur Longuet, voulant faire établir un balcon au premier étage de la sienne, et dans toute l'étendue de la façade, présenta au préfet du département du Calvados une pétition tendant à en obtenir l'autorisation, sur laquelle il intervint, le 26 août 1809, ur arrêté conçu dans les termes suivants : « Vu.... les observations..... desquelles il résulte que le sieur Longuet ne veut point établir un balcon en pierre, mais bien une rampe en fer, qui longera la façade de sa maison, sera appuyée, sans la dépasser, sur la corniche en bois de son châssis, pour lui servir de couronnement, et dont la solidité ne sera assurée que par cette corniche et quelques corbeaux en fer; - Considérant que la maison du sieur Longuet est en anticipation de 86 centimètres sur l'alignement arrêté pour le redressement de la rue Saint-Jean, mais que sa façade, bâtie depuis environ trente ans, est en bon état; qu'elle durera longues années, et que le balcon, établi ainsi qu'il est ci-dessus dé taillé, ne lui donnera point un nouveau degré de solidité;

Arrête: Le sicur Longuet est autorisé à établir le balcon

dont il s'agit, à la charge par lui de ne faire aucun travail qui puisse augmenter la solidité de la façade de sa maison. » Avant le commencement de la construction, la dame Massienne prétendit que le balcon dont il s'agit donnerait au sieur Longuet une vue oblique sur sa maison: en conséquence, elle déclara s'opposer à son établissement, à moins que celui-ci n'observât la distance prescrite par l'art. 679 du Cod. civ.; et elle le fit citer devant le tribunal de première instance de Caen, pour voir ordonner que l'extrémité dudit balcon serait fixée à six décimètres (deux pieds) de distance de la ligue séparative des deux maisons.

Le sieur Longuet déclina la compétence du tribunal; il se fonda sur ce que la demande avait pour objet de faire modifier un acte administratif par l'autorité judiciaire, à laquelle les lois qui fixent les limites de leurs attributions respectives refusaient ce droit. Néanmoins, un jugement du 25 janvier 1815 accueillit la demande de la dame Massienne, et condamna le sieur Longuet à réduire son balcon et les saillies qui devaient lui servir d'appui, de façon qu'il y eût 6 décimètres de distance depuis la ligne extérieure jusqu'à la ligne intérieure.

Sur l'appel de ce jugement devant la cour de Caen, il intervint, le 8 août 1822, un arrêt qui le réforma, et renvoya les parties à se pourvoir devant qui de droit, par le motif « que les tribunaux ne pouvaient ni interpréter ni modifier les actes de l'administration; qu'ils étaient incompétents, dans l'espèce, pour juger la question relative au droit de vue, parce que cette question se rattachait à celle de savoir si le sieur Longuet pouvait construire son balcon, conformément à l'autorisation qui lui en avait été donnée, et si le préfet y avait ou non excédé ses pouvoirs. »

La dame Massienne s'est pourvue en cassation de cet arrêt, pour violation des lois du 24 août 1790 et du 16 fructidor de l'an 3, et pour contravention aux art. 679 et 680 du Cod. civ. Les tribunaux ne sont incompétents, a-t-elle dit, que lorsque l'affaire est de nature à ne pouvoir être jugée qu'administrativement, ou lorsque la question qui leur est soumise a déjà été agitée devant l'autorité administrative et décidée par elle: : alors, et dans ces deux cas seulement, il faut recourir à l'autorité administrative supérieure. Or ce n'est

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