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point ce dont il s'agit dans l'espèce, mais de savoir si le sieur Longuet peut assujettir à une servitude la maison contiguë à la sienne; en exécutant un arrêté étranger à cet objet, et duquel ne saurait résulter un droit aussi onéreux. Il n'est point contesté au préfet le pouvoir d'accorder au sieur Longuet l'autorisation d'établir un balcon au devant de sa maison; l'acte administratif qui donne cette autorisation n'est point attaqué; mais la présomption légale est que le préfet n'a fait que ce qu'il pouvait faire, et qu'il n'a point entendu que les droits des tiers pussent être lésés par son arrêté. Les termes dans lesquels cet acte est conçu, ceux même de la pétition sur laquelle il est intervenu, ne contiennent rien qui puisse servir à la prétention du sieur Longuet ; et le droit que celui-ci voudrait s'arroger est une véritable usurpation qu'il appartient sans contredit aux tribunaux de réprimer, sans qu'on puisse leur reprocher avec fondement d'empiéter sur les attributions de l'autorité administrative. · La dame Massienne invoquait, à l'appui de son système, la jurisprudence du conseil d'état, et deux décrets, l'un du 24 août 1808 et l'autre du 14 juin 1813, rendus dans deux espèces qui, à son avis, offraient de l'analogie avec celle dans laquelle était intervenu l'arrêt attaqué. — Cela posé, ajoutaitelle, il faudra convenir qu'au lieu de réformer le jugement dont était appel, la cour royale de Caen aurait dû le confirmer, et qu'elle est contrevenue par son arrêt aux art. 679 et 680 du Cod. civ., qui règlent la distance à laquelle doivent être établis les balcons, ou autre semblables saillies, sur l'héritage voisin, clos ou non clos.

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La demanderesse, a répondu le sieur Longuet, pourrait être fondée à invoquer les dispositions du Code de procédure civil, si la question ne présentait qu'un intérêt purement privé; mais il n'en est point aiusi; et la construction dont il s'agit devant avoir lieu sur la voie publique, sur une rue qui dépend du domaine public ou municipal, il faut nécessairement recourir aux lois spéciales, qui sont faites en pour régler l'usage permis aux particuliers. Cet objet rentre exclusivement dans les attributions de l'autorité administrative, qui est seule chargée de tout ce qui concerne la voirie; les tribunaux n'ont pas le droit de s'y immiscer. Le Code civil n'est applicable aux vues des maisons, dans les villes, que

lorsque ces vues sont prises sur des cours, des jardins, et en général sur des terrains clos; mais lorsqu'elles donnent sur des rues, on y suit d'autres règles, et l'on n'est plus obligé d'y observer les distances prescrites par les art. 679 et 680, invoqués par la dame Massienne. L'autorité administrative étant seule compétente pour régler l'exercice du droit des particuliers sur la propriété destinée au service commun, c'est à l'autorité administrative supérieure que doivent s'adresser ceux qui prétendent éprouver quelque préjudice de ses décisions, pour en obtenir la réformation. Or, la demande de la dame Massienne ayant pour objet de faire interpréter ou modifier l'arrêté du préfet du département du Calvados, celle-ci s'était adressée à une autorité évidemment incompétente, lorsqu'elle l'avait portée devant le tribunal de Caen: la cour d'appel a donc fait une juste application des principes en infirmant le jugement de ce tribunal, et en délaissant les parties à se pourvoir administrativement.

Le 31 janvier 1826, ARRÊT de la cour de cassation, section civile, M. Brisson président, M. Henry Larivière rapporteur, MM. Mandaroux-Vertamy et Nicod avocats, par. lequel:

« LA COUR, - Sur les conclusions conformes de M. Cahier, avocatgénéral; — Considérant qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le débat des parties s'est réduit à une interprétation de l'arrêté du préfet, en date du 26 août 1809; et qu'en les renvoyant devant l'autorité administrative pour obtenir cette interprétation, la cour royale, loin de violer les lois des 24" août 1790 et 16 fructidor an 3, en a fait au contraire une juste application; REJETTE, etc. » J. L. C.

COUR DE CASSATION.

Est-ce au procureur du Roi qu'il appartient de faire notifier les mandats décernés par le juge d'instruction, excepté dans les cas de flagrant délit, où ce juge peut les fuire notifier lui-même? (Rés. aff.) Cod. d'instr. crim., art. 28, 59 et 61.

LE MINISTÈRE PUBLIC', C. GUEMORD.

Du 29 avril 1826, ARRÊT de la section criminelle, M. Portalis président, M. Ollivier rapporteur, par lequel:

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« LA COUR, Sur les conclusions de M. Laplagne-Barris, avocatgénéral; Après délibéré en la chambre du conseil ; Vu 1o les art. 28, 59 et 51 du Cod. d'inst. crim., portant: « Art. 28. Ils (les procureurs du « Roi) pourvoiront à l'envoi, à la notification et à l'exécution des ordon<< nances qui seront rendues par le juge d'instruction, d'après les règles qui « seront ci-après établies au chapitre des Juges d'instruction.· Art. 59. « Le juge d'instruction, dans tous les cas réputés flagrant délit, peut « faire directement et par lui-même tous les actes attribués au procureur a du Roi, en se conformant aux règles établies au chapitre des Procureurs « du Roi et de leurs substituts. Art. 61. Hors les cas de flagrant a délit, le juge d'instruction ne fera aucun acte d'instruction et de pour<< suite qu'il n'ait donné communication de la procédure au procureur du « roi. Il la lui communiquera pareillement lorsqu'elle sera terminée, et le << procureur du Roi fera ses réquisitions comme il le jugera convenable, << sans pouvoir retenir la procédure plus de trois jours. Néanmoins le « juge d'instruction délivrera, s'il y a lieu, le mandat d'amener, et même « le mandat de dépôt, sans que ces mandats doivent être précédés des « conclusions du procureur du Roi. »;

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« Vu 2o les art. 45 et 47 de la loi du 20 avril 1810, sur l'ordre judiciaire, portant: « Art. 45. Les procureurs-généraux exerceront l'action « de la justice criminelle dans toute l'étendue de leur ressort. Art. « 47. Les substituts du procureur-général exercent la même action, dans é les mêmes cas et d'après les mêmes règles, sous la surveillance et la dia rection du procureur-général. »;

« Cousidérant qu'il résulte de la combinaison de ces divers articles que le principe général de la division des pouvoirs entre le juge d'instruction et le ministère public est que, si c'est au juge d'instruction qu'il appartient de rendre des ordonnances et de décerner des mandats d'amener et de dé ́pôt, après avoir communiqué la procédure au procureur du Roi, c'est aussi au procureur du Roi que la loi a confié le droit de pourvoir à l'envoi à la notification et à l'exécution de ces ordonnances et de ces mandats; le tout à moins que le législateur n'en ait autrement ordonné par quelque disposition exceptionnelle spécialement déterminée;

dans

« Considérant que, si, par son art. 59, le Code d'instruction criminelle, faisant exception à la règle posée par l'art. 28, a voulu que, tous les cas réputés flagrant délit, le juge d'instruction pût faire directement et par lui-même les actes attribués au procureur du Roi, en se confor mant aux règles établies au chapitre des Procureurs du Roi et de leurs substituts, cette extension spéciale doit être circonscrite dans les cas répu tés flagrant délit, hors desquels c'est à la généralité du principe de l'art. 28 que le juge d'instruction est tenu de se conformer;

« Considérant qu'à la vérité l'art. 61 du même Code, après avoir, dans son premier alinéa, défendu au juge d'instruction de faire, hors les cas de flagrant délit, aucun acte d'instruction et de poursuite, ayant d'avoir donné communication de la procédure au procureur du Roi, a voulu, par exception

à cette disposition, que néanmoins il delivrát, s'il y avait lieu, le mandat d'amener ou de dépôt sans conclusions préalables du ministère public; mais que cette exception, contenue dans le second alinéa du même art. 61, ne dispense éventuellement que des conclusions du procureur du Roi ou de son substitut préalables au mandat dont il s'agit, et se tait quant au pouvoir de le faire notifier et de l'exécuter: d'où la conséquence qu'à ce dernier égard, l'art. 61 n'a dérogé en rien à la généralité d'attributions conférée au procureur du Roi par l'art. 28 précité;

« Et attendu, en fait, que cependant, par son arrêt du 22 mars 1826, la chambre des mises en accusation de la cour royale de Rennes a rejeté, hors le cas de flagrant délit, l'opposition formée par le procureur du Roi près le tribunal de première instance de Quimper à l'ordonnance du 7 mars dernier, dans laquelle le juge d'instruction a prétendu avoir le droit de faire lui-même notifier et exécuter les mandats de dépôt par lui décernés ; — Attendu que ce rejet a été motivé sur ce que, d'après les art. 59 et 61 du Code d'instruction criminelle, c'était en effet au juge d'instruction décernant, comme dans l'espèce, sans conclusions préalables du ministère public, des mandats d'amener ou de dépôt, à les faire exécuter;

<< Attendu que, dans le cas où l'on voulût justifier cette manière de procéder par un usage conforme, on ne pourrait soutenir que cet usage, en le supposant existant, dût changer les attributions positivement déterminées par le Code d'instruction criminelle; Qu'un tel système serait en sens. inverse du texte clair et précis des articles de loi ci-dessus transcrits; que le mot ordonnances, dont se sert l'art. 28 du Cod. d'instr. crim., est générique, et par conséquent comprend tous les actes du juge d'instruction qui sont susceptibles d'envoi, de notification et d'exécution; et que l'allégation d'un usage contraire, en le supposant existant, ne doit point prévaloir sur la loi, parce qu'en effet il n'est point loi, et que, s'il était vrai qu'une loi fût défectueuse ou imparfaite, il appartiendrait au pouvoir législatif seul. de la modifier selon qu'il le jugerait à propos dans sa sagesse ;

<< Considérant enfin que, par la loi de son institution, la cour de cassation est appelée à maintenir les lois telles qu'elles sont, et à les faire régner uniformément dans les tribunaux: - De tout quoi il résulte que, par son arrêt du 22 mars dernier, la cour royale de Rennes a fait une fausse application de l'art. 61 du Cod. d'instr. crim., et formellement violé tant l'art. 28 de ce Code que les art. 45 et 47 de la loi du 20 avril 1810;-Par ces mo-. tifs, statuant sur le pourvoi du procureur-général du Roi près la cour royale de Rennes, CASSE ledit arrêt du 22 mars 1826. »

COUR DE CASSATION.

L'art. 165 du Cod. de comm., qui veut que le délai de quinzaine, donné au porteur d'une lettre de change pour citer son cédant en justice, soit AUGMENTÉ D'UN JOUR par

DEUX MYRIAMÈTRES ET DEMI, lorsque le cédant ne réside pas dans la distance de cinq myriamètres, accorde-t-il l'augmentation d'un jour pour une fraction de myriamètre excédant les deux myriamètres et demi? (Rés. aff.)

MARCHAIS, C. MACHENAUD-GAUREY.

Le 12 avril 1825, les sieurs Leboeuf et compagnie, négociants à Paris, avaient payé, par intervention, une lettre de change tirée d'Angoulême à l'ordre du sieur Marchaisde-Laberge, résidant en cette ville, et passée, par ce dernier, à l'ordre du sieur Brunet. Les sieurs Lebœuf, subrogés aux droits du porteur, tirèrent, le 10 mai suivant, une traite avec compte de retour sur le sieur Marchais-deLaberge, à l'ordre du sieur Machenaud-Gaury.

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Marchais-de-Laberge refusa de payer; et, le 14 mai, la lettre de change, le protêt et le compte de retour lui furent notifiés avec assignation en paiement.

Devant le tribunal de commerce d'Angoulême on a prétendu pour le défendeur que le recours exercé par le sieur Machenaud-Gaury était tardif et ne pouvait être accucilli. Le sieur Machenaud-Gaury, disait-on, agit comme représentant les sieurs Leboeuf et compagnie. Ceux-ci, ayant payé par intervention la lettre de change tirée à l'ordre du sieur Laberge, et protestée à Paris le 12 avril 1825, ont été subrogés aux droits du sieur Brunet, porteur, et tenus des mêmes devoirs, pour les formalités à remplir, aux termes de l'art. 159 du Cod. de comm. Or, d'après l'art. 165 du même Code, le porteur qui exerce individuellement son recours contre son cédant doit lui notifier le protêt et le faire citer en jugement dans les quinze jours qui suivent la date du protêt, si celui-ci réside dans la distance de cinq myriamètres; et ce délai, à l'égard du cédant, domicilié à plus de cinq myriamètres de l'endroit où la lettre de change était payable, est augmenté d'un jour par deux myriamètres et demi, excédant les cinq myriamètres. Dans l'espèce, de Paris, lieu où la lettre de change était payable, à Angoulême, résidence du cédant, il y a une distance de quarante-cinq myriamètres quatre kilomètres. Pour calculer le délai dans lequel le cédant devait être assigné, il fallait ajouter aux quinze jours acco dés pour les cinq premiers myriamètres seize jours pour

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