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les quarante autres myriamètres, en négligeant les quatre kilomètres restant, puisque l'art. 165 n'accorde un jour de plus que par deux myriamètres et demi. Le délai pour assigner le cédant était donc de trente et un jours. Le protêt ayant été fait le 12 avril, l'assignation devait ainsi être donnée, au plus tard, le 13 mai; cependant ce n'est que le 14 que l'action en garantie a été formée: elle est donc tardive et non recevable.

Le 7 juillet 1824, jugement qui décide que le recours en garantie a été formé en temps utile par le sieur MachenaudGaury, attendu que la fraction de quatre kilomètres doit faire augmenter d'un jour le délai, à raison de la distance. - Appel de la part du sieur de Laberge.

Le 8 juillet 1825, arrêt de la cour royale de Bordeaux qui confirme ce jugement par les motifs suivants : « Attendu, quant à la fin de non recevoir prise de ce que les sieurs Leboeuf et compagnie, ou qui que ce soit, les sieurs Machenaud-Gaury et compagnie, ne se seraient pas pourvus dans les délais fixés par le Code de commerce, que cette fin de non recevoir ne saurait être accueillie, puisque le recours a été exercé le trente-deuxième jour, à compter de celui du protêt; que la distance de Paris à Angoulême est de quarantecinq myriamètres quatre kilomètres ; qu'aux trente et un jours accordés pour les quarante-cinq myriamètres on doit nécessairement ajouter un jour de plus pour la distance qui excède, quoiqu'elle soit moindre de deux myriamètres et demi; qu'en effet, le législateur ayant accordé des délais, à raison de la distance à parcourir, il est juste que l'on tienne compte du temps que l'on doit employer à faire le chemin qui excéderait une quotité quelconque des deux myriamètres et demi, distance qui a été prise pour base de calcul pour le délai à accorder; qu'il paraît certain que c'est dans cet esprit d'équité que l'art. 165 a été conçu; qu'il ne renferme aucune expression qui repousse cette interprétation; qu'au surplus le défaut de recours, dans les cas déterminés par Vart. 165, entraîne la déchéance, et que toutes lois dont l'inexécution entraîne une peine ou une déchéance doivent être interprétées de la manière la moins rigoureuse. >>

Pourvoi en cassation de la part du sieu Marchais de Laberge pour violation de l'art. 165 du Cod. de comm., en ce

que l'arrêt attaqué a décidé que le délai donné au porteur pour citer son cédant en jugement doit être augmenté d'un jour pour une fraction de myriamètre, tandis que l'article cité n'accorde cette augmentation que que par deux myriamètres et demi. Le demandeur a fait remarquer que l'ordonnance de 1673, tit. 5, art. 3, contenait une disposition analogue à celle de l'art. 165 du Cod. de comm., et que l'on n'avait jamais prétendu qu'il fallût accorder un jour pour une fraction de cinq lieues. (Voy. la Jurisprudence consulaire de Roques, tom. 1er, pag. 376.) Il ajoutait que les auteurs du Praticien français, tom. 1er, pag. 30, interprètent dans le même sens l'art. 5 du Cod. de proc., qui accorde un délai supplémentaire d'un jour par trois myriamètres de distance; que telle est aussi l'opinion de M. Toullier, tom. 1, pag. 67, 4e éd.

Du 19 juillet 1826, ARRÊT de la section des requêtes, M. Botton de Castellamonte président, M. Rousseau rapporteur, M. Guillemin avocat, par lequel:

« LA COUR, Sur les conclusions de M. Joubert, avocat-général; Attendu que l'arrêt attaqué, en jugeant que les fractions de délai devaient profiter au porteur de la lettre de change, a fait une interprétation d'autant plus juste de l'art. 165 du Cod. de comm., qui seul devait servir à régler la difficulté élevée au procès, qu'il s'agissait d'une peine de déchéance, qui, loin d'être étendue, doit même, en cas de doute, s'interpréter d'une manière restrictive; REJETTE.>>

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Nota. La cour de Riom a jugé en sens contraire par un arrêt du 8 janvier 1824, rapporté au tom. 3 de 1825, pag. 492. Mais M. Lepage, dans ses Questions, pag. 50 et 69; M. Pigeau, tom. 2, pag. 55, et M. Carré, Lois de la procé dure, tom. 1or, pag. 12, professent une doctrine conforme à celle de la cour de cassation.

<«< L'intention de la loi, dit M. Carré, est évidemment de donner à la partie à laquelle un acte est signifié tout le temps nécessaire pour parcourir la distance qui la sépare du lieu où elle doit comparaître. Or, dès que la loi a prononce qu'il fallait à cette partie un jour pour parcourir trois myriamètres, elle présume, d'un autre côté, que celle-ci ne peut faire dans un jour plus de trois myriamètres, et par conséquent elle a entendu accorder cette augmentation de délai

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même pour le cas où la distance n'est pas complète. Nous convenons que l'opinion contraire peut être foudée sur le texte de l'art. 1033, pris dans la rigueur des termes, et que l'on peut argumenter d'un sénatus-consulte du 13 brumaire an 13 (Voy. Bulletin des lois, 4e série, tom. 1, pag. 110.), qui décide implicitement que les fractions de dix à vingt myriamètres, ou de vingt à trente, ne doivent pas être comptées dans la progression du délai à l'expiration duquel les lois sont exécutoires, conformément à l'art. 1er du Cod. eiv.; mais on remarquera que les termes de cet article diffè-rent de ceux dans lesquels l'art. 1035 est conçu. On lit dans le premier que le délai sera augmenté d'autant de jours. qu'il y a de fois dix myriamètres d'où l'on peut conclure qu'il faut nécessairement qu'il y ait un nombre complet de dix myriamètres pour qu'il y ait lieu à l'augmentation. L'art. 1055 n'est pas aussi positif: il porte seulement que le délai sera augmenté d'un jour à raison de trois myriamètres. C'est bien dire que ces trois myriamètres seront la base de cette augmentation; mais ce n'est pas formellement exprimer qu'il faudra nécessairement trois myriamètres pour qu'elle ait lieu. Il suffit donc qu'une distance excède trois myriamètre pour que l'on accorde un autre jour pour l'excéS.

lant. »

COUR DE CASSATION.

La femme mariée sous le régime dotal, mais avec la clause que le mari pourra vendre les biens dotaux, à la charge de les remplacer, a-t-elle sur les immeubles de celui-ci une hypothèque légale, indépendante de l'inscription, pour sûreté du remploi ?

Et cette hypothèque date-t-elle du jour du mariage, et non pas seulement de celui où les biens ont été aliénés sans, remploi? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 2135.

DURAND ET COMPAGNIE, C. LA DAME DELEYTERMOZ. La demoiselle Grobon et le sieur Deleytermoz se marient sous le régime dotal. Toutefois, par le contrat destiné à régler les conditions civiles du mariage, il est convenu que le mari pourra vendre les biens dotaux de sa femme, sous la condition de les remplacer. Celui-ci vend effectivement plu

sieurs propriétés appartenant à son épouse, en touche le prix, et ne fait point de remploi. Il faut noter que le mariage est de 1813, et que les aliénations ont eu lieu en 1817 et 1818. En 1819, Durand fils et compagnie, créanciers de Deleytermoz, font saisir et vendre les biens propres de ce dernier; l'ordre s'ouvre, et la dame Deleytermoz, ayant obtenu sa séparation de biens, demande à être colloquée à la date de son contrat de mariage, pour le prix de ses biens dotaux aliénés sans remploi.

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Le 10 juin 1824, jugement du tribunal civil de Grenoble qui accueille cette demande. Les premiers juges ont considéré que les art. 2121 et 2155 du Cod. civ. confèrent aux femmes une hypothèque légale, à compter du jour du mariage, pour sûreté de leurs dot et conventions matrimoniales, expressions qui embrassent dans leur généralité toutes les répétitions, de quelque nature qu'elles soient, et quelle que soit leur cause. Appel. Et, le 30 juin 1825, arrêt de la cour de Grenoble qui confirme << Attendu que le contrat de mariage dont il s'agit, passé le 8 février 1813, renferme en faveur du mari l'autorisation expresse d'aliéner les immeubles dotaux, et d'en recevoir le prix, à la charge toutefois par lui de faire remploi, en acquisition d'immeubles, des deniers en prove nants; -Que de l'inexécution de cette condition de remploi, insérée dans les conventions matrimoniales de la femme Deleytermoz, et pour sûreté de sa dot, il résulte en sa faveur, et conformément à l'art. 2135 du Cod. civ. une hypothèque légale sur les biens de son mari, chargé spécialement par son contrat de mariage, et encore par des conventions parti culières avec les acquéreurs desdits immeubles, de procurer le remploi des sommes qu'il lui avait payées. »

Pourvoi en cassation de la part des sieurs Durand et compagnic, pour violation de l'art. 2154 du Cod. civ., et pour fausse application des art. 2121 et 2135 du même Code.

La légalité de l'hypothèque, disaient les demandeurs, tient uniquement à l'inaliénabilité des biens dotaux; elle a pour objet de conserver les dots, et de prémunir les femmes contre les mesures que les maris pourraient prendre, même de concert avec elles, pour les dépouiller de leurs biens. Or ce motif unique de la loi disparaît et s'évanouit lorsque, par contrat de mariage, les biens dotaux sont déclarés aliénables

le

La faculté de vendre, réservée au mari, replace les époux et les biens dans les termes du droit commun, et si la femme mariée en communauté n'a d'hypothèque que du jour de la vente de ses propres, il doit en être de même de la femme mariée sous le régime dotal, mais avec la clause que les immeubles pourront être aliénés. On pourrait même soutenir avec beaucoup de raison que dans cette hypothèse les sommes provenant des aliénations et touchées par le mari sont extradotales, et qu'à leur égard, la femme n'a d'hypothèque utile que du jour de l'inscription. Dans l'espèce, la vente des biens de la dame Deleytermoz n'a eu lieu que dans le cours des années 1817 et 1818; cette dame n'a d'ailleurs pris aucune inscription: donc l'arrêt attaqué, en la colloquant à la date de son contrat de mariage, pour le prix de ces diverses aliénations, a doublement violé la loi.

Du 27 juillet 1826, ARRÊT de la section des requêtes, M. Henrion de Penser président, M. Lassagny rapporteur, M. Buchot avocat, par lequel:

« LA COUR, — Sur les conclusions de M. Lebeau, avocat-général; Attendu, en droit, que les droits et créances auxquels l'hypothèque légale est attribuée sont, entre autres, ceux des femmes mariées sur les biens de leurs maris; - Que cette hypothèque existe, même indépendamment de toute inscription, et à compter du jour du mariage, pour raison de leurs lot et conventions matrimoniales (Art. 2121, et 2155, § 2, du Cod. civ. ); « Et attendu qu'il a été reconnu, en fait, par l'arrêt attaqué, 1o que, par le contrat de mariage du 8 février 1813, la femme Deleytermoz a donné à son mari le mandat de vendre ses biens dotaux, mais sous la condition expresse de faire le remploi de leur prix; 2o que le mari a consommé la vente de ces biens, sans cependant faire le remploi de leur prix ;- Que, dans ces circonstances, en accordant à la femme Deleytermoz une hypothèque, à compter du jour du mariage, sur les biens de son mari, pour assurer ainsi, en faveur de la première, l'accomplissement et les effets des couventions matrimoniales, l'arrêt attaqué a fait une juste application de la loi ; - REJETTE. »

B.

COUR DE CASSATION.

Y a-t-il nullité dans la composition du jury, lorsque, par l'adjonction de deux JURÉS SUPPLÉMENTAIRES, et qualifiés tels dans le procès verbal d'audience, le nombre de ses membres a été porté à quatorze, au lieu de douze, si les

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