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a-t-elle profité au grevé, donataire PAR ACTE ENTRE VIFS,
même dans le cas où le substituant n'est décédé
puis le code civil? (Rés aff. )

LA VEUVE GUIRAUD, C. BAGNÈRES.

que

La première question peut paraître délicate. Toutefois M. Rolland de Villargues, des substitutions prohibées, nos 81 et 255, 2e édit., nous semble avoir parfaitement démontré que, dans la rigueur des principes, la clause ne renferme qu'une disposition conditionnelle. Voici comment il s'exprime :

« Si l'on s'attache à la rigueur des principes, cette disposition ne renferme véritablement qu'un legs sous condition resolutoire.

. « Encore une fois, la substitution suppose essentiellement le concours de deux donations, de deux gratifiés, dont l'un soit donataire jusqu'à un certain temps, ad certum tempus, et sous une condition résoluble, dont l'autre soit donataire pour recueillir ensuite, c'est-à-dire après un certain temps, ex certo tempore, et néanmoins sous une condition suspensive, qui laisse reposer la propriété de la chose sur la tête du premier donataire, en attendant qu'elle aille se fixer sur celle du second. Tels sont les principes que nous avons développés chapitre 4.

« Or, comment trouver ici ces deux gratifiés, ces deux donataires successifs ? Nous voyons bien un légataire, à l'égard duquel la disposition a son effet à compter du décès du testateur, condition qui doit être résolue dans un cas prévu, celui de la mort de ce légataire sans postérité. Mais, lorsque sce cas arrivera, la propriété ira-t-elle s'asseoir sur la tête d'un autre donataire ou légataire appelé en second ordre? Non : elle reviendra aux héritiers ab intestat.

« Dira-t-on que ces héritiers doivent être considérés comme donataires ou légataires? Mais on ne pourrait leur attribuer cette qualité qu'autant qu'ils auraient été nommément et personnellement appelés; et, dans l'espèce, il est évident que l'exercice du retour n'est attaché qu'à la qualité d'héritier ab intestat; il n'y a pas d'institution, il n'y a pas de legs (1).

(1) L. ult., G., de legatis. Voy. sup., chap. 4, no 44.

« Et qu'importe encore que, la chose donnée ou léguée étant sujette à retour, le donataire ou légataire ne puisse l'aliéner, du moins d'une manière irrévocable? N'est-ce pas l'effet de toute condition résolutoire, et particulièrement de la stipulation de retour? Et quand il résulterait de là l'obligation de conserver et de rendre, ainsi qu'on l'a prétendu (1), encore faudrait-il que ce fût au profit d'un second gratifié; et nous venons de voir que les héritiers légitimes ne peuvent être considérés comme donataires ni légataires.

« Ainsi, dans la rigueur des principes, la donation avec clause de retour, stipulée au profit des héritiers du disposant, pour le cas du décès du donataire sans postérité, ne présente qu'une seule donation, une donation jusqu'à un certain temps, ad certum tempus, dont l'exécution, par consé quent, est présente, mais doit terminer sa durée et être résolue si l'événement prévu arrive. Point de seconde donation au profit d'un second gratifié, dont l'exécution aurait été différée jusque après cet événement, et dès lors point de substitution. >>

A la vérité ( et c'est aussi la remarque que fait M. Rolland de Villargues), la disposition dont il s'agit paraît offrir les mémes résultats qu'une véritable substitution. En effet, les héritiers recueillent la chose après que le donataire ou légataire en a joui pendant sa vie : d'où MM. Toullier (2) et Grenier (3) ont conclu qu'il y avait dans la clause un véritable ordre successif, constitutif de la substitution prohibée. Mais, comme le prouve fort bien l'auteur cité, la substitution suppose le concours de deux donations ou libéralités ; et l'on ne peut considérer comme donataires les héritiers ab intestat, auxquels la chose fait retour. Ce qui a toujours caractérisé les substitutions, c'est qu'elles constituent « un nouveau genre de succession, où la volonté de l'homme prend la place de la loi (4) ». Or il résulte de là que c'est uniquement la volonté de l'homme que l'on doit considérer pour

(1) M. Grenier, tom. 1er, pag. 120, 2o édit.; et M. Toullier, tom. 5, n.

48..

(2) Droit civil français, n. 48.

(3) Traité des Donations, n. 34.
(4) Préambule de l'ordonn. de 1747.

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la formation ou l'établissement d'une substitution ; et la transmission qui s'opère au profit des héritiers légitimes est l'ouvrage de la loi seule, de la loi qui, loin d'entendre ici associer sa volonté à celle des disposants, refuse aujourd'hui son appui aux dispositions les plus précises (1).

Toutefois, les auteurs précités paraissent s'accorder sur ce point, que la nullité devrait être prononcée si le retour était stipulé pour le cas de décès du donataire et de ses descendants. Telle est l'opinion qu'enseignent MM. Toullier et Rolland de Villargues, et qui a été consacrée dans l'espèce suivante.

En 1785, contrat de mariage entre le sieur Teulat et la demoiselle Rose Bagnères, par lequel le sieur Jacques Bagnères, oncle de la future, lui fait donation d'une somme de 10,000 liv., payable deux ans après son décès, « lesquelles « 10,000 liv. (porte l'acte) serout réversibles à l'héritier « du donateur, au cas où ladite future épouse viendrait à « décéder sans enfants, et ses enfants sans enfants de légi« time mariage ».

Quelque temps après, le sieur Teulat est décédé, sans laisser d'enfants de son mariage. Sa veuve Rose Bagnères s'est remariée avec un sieur Guiraud, dont elle est devenue veuve sans enfants.

Décès du donateur en 1820. La veuve Guiraud a demandé le paiement des 10,000 liv. qui lui avaient été données par son contrat de mariage.

le

Le sieur Bagnères, héritier, a soutenu que la veuve Guiraud n'avait pas le droit d'exiger cette somme, parce que donateur avait entendu "qu'elle fît retour à son héritier, si elle décédait sans enfants; que, dès lors, elle ne pouvait réclamer que les intérêts de cette somme.

Jugement du tribunal civil de Tarbes, du 14 mars 1825, qui accueille cette prétention.

Mais, sur l'appel, ARRÊT de la Cour royale de Pau, du 4 janvier 1826, M. de Figarol premier président, MM. Abadie et Mondiet avocats, par lequel:

« LA COUR, -Sur les conclusions de M. Dufau, avocat-général;Considérant qu'il résulte, en fait, du contrat de mariage de Rose-Jacquette Bagnères, passé le 1er février 1785, devant Paris, notaire, qu'il lui

(1) M. Rolland de Villargues, loc. cit., n. 76 et 77.

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fut donné en dot, par Jacques Bagnères son oncle, une somme de dix mille livres payables deux ans après le décès de celui-ci, réversibles à son héritier au cas où la donataire viendrait à décéder sans enfants, ou ses enfants, sans enfants issus de légitime mariage; considérant que, cette clause appréciée en droit, il en résulte incontestablement qu'au moment de son contrat de mariage, Rose Bagnères acquit un droit certain et actuel sur les biens de son oncle, quoiqu'elle ne dût en obtenir la délivrance qu'à une époque postérieure au décès de celui-ci, par la raison que cette donation fut faite à cause de noces et à titre de dot, circonstances qui lui imprimèrent, dès ce moment, un caractère d'irrévocabilité tel, qu'il ne fut plus au pouvoir du donateur de la rendre inefficace;

<< Considérant, en ce qui touche les motifs d'opposition à la délivrance de cette somme, malgré l'échéance du terme du paiement stipulé par le donateur, qu'ils sont subordonnés à la décision qui sera portée sur le genre de contrat intervenu entre parties dans la clause subséquente à la donation dont s'agit: or, à cet égard, s'il était vrai, comme les premiers juges l'ont décidé, que cette clause affectât la chose donnée du droit de retour, ce droit étant essentiellement personnel au donateur, il faudrait que cette somme fût destinée, par la condition, à lui revenir, en sorte qu'il lui restât une action à exercer par lui-même, et éventuellement par ses héritiers, condition qui non seulement ne se retrouve pas dans le contrat, mais qui même était physiquement impossible, puisque la chose donnée devait rester au pouvoir du donateur pendant son vivant, et n'était délivrable que deux ans après son décès; vainement alléguerait-on, en s'étayant des auteurs et des lois, que, la chose donnée étant stipulée réversible à l'héritier du donateur, c'est tout comme si celui-ci avait dit qu'elle lui serait rendue à lui-même. Ce que disent les lois et les auteurs n'est évidemment applicable qu'au cas où il s'agit de régler l'étendue ou les effets du droit attaché à la qualité d'héritier, et parce que l'on raisonne de celui-ci en tant qu'il a succédé à tous les droits du défunt; mais, dans l'espèce, la stipulation dont s'agit, n'étant pas directement faite en faveur du donateur, devient, par cela même, exclusive d'une affectation de retour, avec lequel elle implique ouvertement, puisqu'elle n'a plus pour objet de faire revenir la chose donnée au donateur lui-même, et qu'elle le prive, au contraire, de l'expectative d'un pareil événement, et parce qu'enfin feu Bagnères, n'ayant stipulé aucun droit en sa faveur, n'en avait aucun de ce chef à transmettre à titre successif à son héritier; si néanmoins celui-ci était appelé à recueillir l'effet d'une pareille stipulation, ce n'était plus comme en ayant trouvé le droit dans la succession de son oncle, mais, au contraire, comme ayant été créé en sa faveur dans le contrat de donation de 1785, droit par conséquent qui l'appelait, comme tiers, à recueillir la chose donnée à défaut de descendants légitimes de la donataire, et qui établissait en sa faveur une véritable substitution, suivant la définition qu'en donne Despeisses (tom. 2, pag. 121, 1re col., éd. in-folio ), qui a écrit particulièrement pour le ressort du parlement de Toulouse, et qui décide qu'il était de jurispru

dence de reconnaître une substitution non seulement dans la clause par la quelle le testateur ou le donateur avait dit textuellement, Je substitue, mais encore lorsqu'il avait dit que, dans le cas par eux prévu, les biens donnés retourneraient à leurs héritiers. «Caren cet endroit, selon l'expres<sion propre de cet auteur, les mots de retour ou de réversion équipollent « à celui, Je substitue »; ce qui se trouve, d'ailleurs, conforme à la définition qu'en a donnée Serres, dans ses Institutes, et même M. Grenier, dans son Traité des Donations, dans lequel l'on lit, tome 1er, pag. 119, « que « l'on reconnaîtra une substitution dans le legs fait par un particulier à on « tiers, avec condition que, si le légataire décède sans enfants ou descen«dants, l'objet légué retournera aux héritiers du disposant. >>

« Ainsi, et d'après les auteurs anciens et d'après les modernes, les mots retour ou réversion, à eux seuls, ne constituent pas ce que l'on appelle k droit de retour; et, au contraire, lorsque celui-ci n'a pas été directement stipulé en faveur du donateur, ils rentrent dans ce qui constitue une substitution, et puisqu'elles ont été abolies par les lois des 25 octobre et 14 novembre 1792, en ce qui touche les temps antérieurs, il en résulte évidemment que Rose Bagnères a acquís, par l'effet de ces lois, la propriété absolue de la chose qui lui fut donnée par son contrat de mariage.

« Considérant, en ce qui touche l'appel incident de la partie de Sicabaig, qu'il faut distinguer la législation de 1792 de celle introduite l'art. par 896 du code, en ce que l'une n'atteignit que la substitution non encore ouverte, et consolida sur la tête du grevé la propriété de la chose substituée, tandis qu'au contraire l'article cité frappe de nullité la donation elle-même; et dans l'espèce, la donation de dix mille livres ayant été irrévocablement acquise à Rose Bagnères du jour de son contrat de mariage, l'époque du décès du donateur ne peut apporter aucun changement à cette donation, et le contrat qui la contient doit, au contraire, recevoir son exécution en tout ce qui n'a point été modifié par lesdites lois de 1792, ce qui rend l'appel incident évidemment mal fondé :

« Par ces motifs, DECLARE avoir été mal jugé, bien appelé ; réforme en conséquence ledit jugement; emendant, condamne la partie de Sicabaig à payer à celle de Biraben les dix mille livres que feu Jacques Bagnères, son oncle, lui avait constituées dans ledit acte du 1er février 1785, de laquelle somme celle-ci est déclarée propriétaire incommutable; la condamne aussi au paiement des intérêts qui ont légitimement couru,

etc. >>

COUR D'APPEL DE CAEN.

Les intérêts du prix de vente d'un immeuble, qui ont couru de puis le jour du contrat jusqu'au jour de la sommation faite au tiers détenteur de payer ou délaisser, appartiennent-ils aux créanciers chirographaires du vendeur, et non à ses créanciers hypothécaires? (Rés, aff.) Cod. civ., art. 2176,

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