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garantir à son cohéritier l'existence des objets compris dans son lot, puisque autrement il n'y aurait plus d'égalité, et par conséquent plus de partage. La loi a fait, il est vrai, une exception à ce principe d'égalité; elle a pensé qu'admettre indéfiniment l'action en rescision, quelque minime que pût être la lésion, ce serait souvent jeter le désordre dans les familles en conséquence l'art. 887 a dit que les partages ne pourraient être rescindés que pour cause de violence ou de dol, ou lorsqu'un des héritiers établirait à son préjudice une lésion de plus du quart. Tel est l'article que les adversaires prétendent avoir été violé par l'arrêt de la cour royale de Paris, attendu que le partage n'était attaqué ni pour violence ni pour dol, et que la lésion était moindre du quart. Les adversaires vont plus loin: ils soutiennent que l'arrêt a faussenient appliqué à la cause l'art. 884 du cod., parce que le marquis de Montmort ne se plaignait pas d'une éviction par lai soufferte depuis le partage, mais d'un simple déficit dans la mesure des objets compris dans son lot.

Ce système repose évidemment sur une pure équivoque que repoussent les motifs mêmes de l'arrêt attaqué. En effet la cour royale a eu soin d'expliquer qu'il ne s'agissait point d'une demande en rescision de partage pour cause d'éviction ou de lésion, mais d'une action en garantie formée pour raison d'un déficit de 54 hectares déclarés comme existants, quoique de fait ils n'existent plus. Tout le procès est dans cette distinction: en effet, M. de Montmort ne se plaint pas de l'évaluation qui aurait été donnée au bois de la GrandeLaie; mais il dit : « Le partage m'attribue un bois de 336 heetares; il ne m'en a été donnée que 282: je suis donc fondé à réclamer les 54 hectares de déficit. » Telle est la demande que l'arrêt a consacrée, et cette seule observation suffirait pour démontrer qu'il n'a pu violer aucun des principes, aucune des lois invoquées par le demandeur, puisqu'il n'a fait qu'admettre l'action en délivrance d'un objet compris dans le lot d'un héritier, et qui cependant ne lui avait pas été délivré, en quoi il a fait la plus juste application des principes de la matière.

Deux actions naissent du partage: la première concerne la garantie que se doivent les cohéritiers entre eux, relativement à l'existence des objets compris dans leur lot; la se

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conde est relative à l'évaluation donnée à ces mêmes objets. Ces deux actions n'ont rien de semblable; elles diffèrent et quant à leur but et quant à leurs effets.

L'objet de la première est de faire jouir chaque cohéritier de ce qui lui a été promis. Elle résulte du partage lui-même ; elle en est la condition; elle est aussi bien inhérente au partage qu'au contrat de vente ou d'échange. De même que celui qui vend contracte l'obligation de livrer la chose, de même le cohéritier qui partage se soumet à l'obligation de garantir l'existence des objets compris dans le lot de son cohéritier. Vous me donnez une maison: il ne suffit pas qu'elle existe sur le papier, il faut qu'elle me soit réellement délivrée. Vous m'attribuez une forêt de 336 hectares: si elle n'en a que 282, j'ai action contre vous pour la différence.

Au contraire, l'action en rescision pour cause de lésion n'est relative qu'aux effets ultérieurs du partage. Elle n'a pour but que de réparer le préjudice dans l'évaluation qui aurait été faite d'un objet existant. Ainsi on a placé dans mon lot une maison estimée 100,000 fr. Cependant elle n'en vaut que 80,000. Je ne serai point fondé à demander la rescision du partage pour cause de lésion, parce que la lésion est moindre du quart: voilà le cas auquel s'applique l'art. 887. Mais cet article est sans application lorsque; comme dans l'espèce, c'est la chose même qui lui a été attribuée par le partage que demande le cohéritier. Dans ce cas il suffit que la différence de la mesure réelle à celle exprimée dans le contrat soit du vingtième. Là s'appliquent les dispositions relatives au contrat de vente. Or la première règle, en matière de vente, est l'obligation de livrer la chose vendue. Aussi voit-on que tous les auteurs ont traité dans des chapitres séparés et l'action en garantie, et l'action en rescision, parce qu'en effet ce sont deux choses tout-à-fait diffé

rentes.

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On objecte qu'ici il y aurait seulement erreur de fait, et que l'erreur de fait se confond avec la lésion: d'où l'on conclut qu'elle n'est une cause de rescision que lorsqu'il en ́résulte une lésion de plús du quart.

La réponse à cette objection est facile. En effet, il faut distinguer l'erreur de fait qui tombe sur l'évaluation donnée à l'objet et celle qui se rapporte à l'existence de l'objet lui

même. L'erreur de fait, dans le premier cas, c'est la lésion: il faut qu'elle soit de plus du quart. Mais il n'en est pas de même de l'erreur de fait qui porte sur la substance de l'objet lui-même, comme lorsque le partage énonce comme compris dans le lot d'un cohéritier un objet qui n'existe pas, ou qui n'existe qu'en partie; cette erreur n'a rien de commun avec la lésion; elle vicie de droit la convention et le partage. II ne faut, pour s'en convaincre, que lire les discussions qui eurent lieu au conseil d'état sur l'art. 887 du cod.

Vainement dit-on encore que l'arrêt aurait fait une fausse application de l'art. 884, attendu que M. de Montmort n'avait éprouvé ni trouble ni éviction depuis le partage, et que c'est dans ce cas seulement qu'aux termes de cet article, les cohéritiers sont garants.

D'abord il y a bien certainement trouble lorsque, l'acte attribuant à l'héritier 556 hectares, il ne il ne jouit jouit que de 282. Le trouble existe sans une puissance matérielle. Il s'entend du droit. Il y a également éviction : car, l'héritier étant censé propriétaire depuis le décès, il est évident que, quand on ne lui donne par le partage que 282 hectares, et cela parce que, depuis le décès, le bien a diminué de contenance, c'est une véritable éviction qu'il souffre pour tout ce qui lui

manque.

Il convient d'ajouter que le défaut absolu de possession est plus fort que l'éviction. L'éviction en effet suppose que le partage a reçu son exécution, et que l'héritier a eu au moins une possession passagère, tandis que, dans le cas d'inexistence de l'objet qui lui a été attribué, le partage n'a pas même été exécuté. Cependant, dans le système des adversaires, il faudrait dire qu'il y aurait lieu à garantie, en cas d'éviction, après que l'héritier aurait été envoyé en possession de son lot, et que la garantie n'existerait pas lorsque l'héritier n'aurait pas été mis en possession. Un tel résultat blesse trop l'équité pour être conforme à la loi.

Du 8 novembre 1826, ARRÊT de la section civile, M. Brisson président, M.Zangiacomi rapporteur, MM. Rochelle et Scribe avocats, par lequel :

« LA COUR, Sur les conclusions conformes de M. Joubert, avocatgénéral; Considérant qu'il résulte des faits de la cause que, lors du partage arrêté entre le marquis de Montmort et ses cohéritiers, il a été con

venu que, pour le remplir d'une somme de 410,403 francs que l'on reconnaissait lui devoir, il lui serait délivré des bois d'une valeur égale à cette somme; Qu'il avait été précédemment calculé, dans un rapport d'experts, que 336 hectares de bois, estimés valoir 500 francs chacun, que les arbres et les taillis existants sur cette étendue de terrain, produisaient précisé ment la somme de 410,403 francs, et que c'est d'après cette expertise, cette évaluation et ce calcul que cette quantité de bois a été assignée au marquis de Montmort dans la forêt de Grande-Laie; qu'ainsi ce n'était pas cette forêt telle qu'elle peut se comporter qui a été mise dans son lot, mais un nombre d'hectares de bois qui ne pouvait être au-dessous de 336 hectares; - Considérant qu'un acte de partage est, comme, tout autre acte synallagmatique, obligatoire pour tous ceux qui l'ont souscrit, et, par conséquent, que chacun des copartageants a droit de demander, en ce qui le concerne, l'exécution du partage et la délivrance de la totalité des objets placés dans son lot; - Que la demande du marquis de Montmort contre ses cohéritiers n'a pas eu d'autre objet, puisqu'elle tendait uniquement à lui faire recouvrer la quantité de bois qu'une clause du partage lui avait attribuée en un nombre d'hectares déterminé d'une manière très-précise; Que cette demande, comme toutes celles qui naissent des obligations, était recevable, et qu'en le jugeant ainsi, la conr royale n'a violé aucune des lois citées, toutes applicables à la cause; REJETTE. B.

COUR DE CASSATION.

Les administrations d'octroi sont-elles civilement responsables du dommage causé par les préposés de l'octroi dans l'exercice de leurs fonctions, encore que ces préposés soient à la nomination du ministre des finances et des préfets, et que le dommage ait été commis pendant que l'employé agissait dans l'intérêt de la régie des contributions indirectes? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 1584.

Les administrations sont-elles civilement responsables du dommage résultant d'un crime commis par l'un de leurs préposés dans l'exercice de ses fonctions, encore qu'elles puissent prétendre que le préposé, en commettant le crime, a cessé d'agir conformément au mandat qui lui était donné? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 1584 et 1998.

L'OCTROI DE MARSEILLE, C. LIEUTAUD.

Deux employés de l'octroi de la ville de Marseille, les sicurs Ollivier et Tricon, mettaient en sûreté des marchandises saisies par l'administration des contributions indirectes. Le

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sieur Ollivier, croyant qu'un individu qui était près de lui voulait enlever ces marchandises, tira un coup de fusil, et blessa grièvement le sieur Lieutaud.

Les.sieurs Ollivier et Tricou ayant été traduits, à raison de ce fait, devant la cour d'assises d'Aix, le premier a été condamné aux travaux forcés, le second a été acquitté; les deux accusés ont été condamnés solidairement à payer au sieur Lieutaud une somme de 1,000 fr., à titre de dommages et intérêts. Celui-ci a demandé devant le tribunal civil de Marseille que l'administration de l'octroi de cette ville fat tenue de payer ces dommages et intérêts, comme civilement responsable des actes de ses employés. (Cod. civ., art. 1384.)

L'administration de l'octroi a résisté à cette demande, qui a été accueillie par le jugement suivant : « Attendu que tout commettant répond civilement des dommages causés par ses préposés dans les fonctions auxquelles il les emploie ; — Qu'ancune loi n'excepte de ce principe tutélaire la régie ou les administrations publiques; qu'il est tellement dans l'esprit de la législation de les assimiler, quant à ce, aux simples particuliers, que l'art. 158 de l'acte du gouvernement du 18 juin 1811 veut que, comme toute autre partie civile, elles fassent les avances en supportant les frais des procès intentés ou à soutenir par elles ou même soutenus d'office pour leur intérêt; - Que, de fait, la loi du 22 août 1794, art. 19, proclame le principe que la régie des douanes est responsable des faits de ses préposés dans l'exercice et pour raison de leurs fonctions, sauf son recours coutre eux; Que, loin que les régies établies postérieurement puissent invoquer aucun privilége à elles accordé au préjudice de la société et de tous ses membres, les art. 29 et 50 de l'acte du gouvernement du 1er germinal an 15 (22 mars 1805) veulent que la régie des contributions indirectes soit, en cas de saisie mal fondée, condamnée non seulement aux frais du procès et de fourrière, mais encore à une indemnité proportionnée à la valeur des objets saisis, et même à payer leur valeur ou l'indemnité de leur dépérissement, s'ils en avaient essuyé quelqu'un avant leur remise ; que l'administration des octrois, qui est moins publique que celle des douanes et des contributions indirectes, dont elle n'est qu'un démembreancut, peut d'autant moins repousser l'application de cette

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