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L'arrêt attaqué n'a donc pu condamner les demandeurs au paiement de la somme de 17,000 fr., sans réformer les arrêtés de l'administration, et, par suite, sans violer les lois citées. -Même observation quant à la créance de 15,000 fr. dont on demande le remboursement. Un arrêté administratif a compris cette somme dans la reconnaissance de la liquidation délivrée au sieur Tronche, et a décidé que ce dernier était réellement créancier du sieur de Bayly, en vertu de la quittance de 15,000 fr., mise par le porteur au bas de la lettre de change. L'arrêt attaqué, en jugeant au contraire que la créance de 13,000 fr. était fictive, a évidemment réformé les arrêtés de l'administration et contrevenu aux lois invoquées.

Pour la défenderesse on répondait : Sans doute les tribunaux ordinaires ne sont pas compétents lorsque l'action des émigrés tend à remettre en question les actes passés par le gouvernement, ou que la substance ou le fond de ces actes est atteint. Mais rien de semblable ne se présente dans l'espèce : loin d'attaquer les arrêtés administratifs, la dame de Sanzillon les a au contraire toujours invoqués comme des documents constants au procès. De quoi s'agissait-il? Il s'agissait de savoir 10 si les prétendus titres de créance du sieur Tronche contre le propriétaire émigré étaient réels ou simulés; 2o si le sieur Tronche, au lieu d'être créancier, n'était pas un simple mandataire, et mandataire infidèle; 5o si le bénéfice des compensations qu'il avait obtenues entre ses créances fictives et partie du prix de ses adjudications devait lui rester, ou si la succession était tenue d'en faire compte aux héritiers de Bayly. Or, en premier lieu, jamais a-t-on douté de la compétence exclusive des tribunaux pour vérifier la simulation d'un contrat ordinaire? En second lieu, comment l'autorité judiciaire pourrait-elle ne pas être compétente pour prononcer sur l'existence et l'abus du mandat donné au sieur Tronche par le sieur de Bayly? Enfin, en troisième lieu, lorsqu'il a fallu décider si les héritiers. Tronche conserveraient à leur profit, sans en tenir compte aux héritiers de Bayly, le résultat des compensations frauduleusement obtenues, la question s'est décidée, si non en l'absence des actes de l'administration, du moins sans avoir besoin d'y porter aucune espèce d'atteinte, mais en les res

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pectant au contraire dans leur intégrité. Sans doute il était indispensable de consulter les arrêtés de liquidation pour savoir quelles sommes et quelles valeurs avaient été admises en compensation de la part du sieur Tronche. Mais ce n'était là qu'une simple vérification, qui portait uniquement sur un point de fait irrévocablement arrêté par les décisions administratives, et ce fait était adopté par les juges civils tel qu'il se trouvait énoncé dans les actes des commissaires liquidateurs. Donc il ne s'agit ni d'interpréter, ni de modifier les actes administratifs, ni même d'en connaître en aucune manière, mais seulement d'en appliquer les résultats ; ou plutôt ces actes n'ont été consultés que comme renseignement sur une question de compte entre les héritiers d'un mandataire infidèle et ceux d'un mandant. La cour de Bordeaux s'est donc parfaitement conformée aux règles de compétence, et son arrêt est à l'abri de toute censure.

Du 5 février 1827, ARRÊT de la section civile, M. Brisson président, M. Piet rapporteur, MM. Mauroy et Guillemin avocats, par lequel:

<< LA COUR, Sur les conclusions conformes de M. Cahier, avocatgénéral ; - Considérant la demande introductive d'instance contenait que d'une manière explicite la répétition des sommes dont le sieur Tronche pouvait être redevable envers le marquis de Bayly, par suite de la confiance que ce dernier avait eue en Tronche, son homme d'affaires, et du mandat qui s'était formé d'après les actes et les faits que les juges ont appréciés; qu'il était de leur compétence de statuer; que l'arrêt par lequel ils ont prononcé définitivement sur cette compétence a reçu sou exécution; que ce même arrêt, en rejetant la fin de non recevoir tirée de ce qu'en la Cour on présentait une demande nouvelle fondée sur le moyen pris du mandat, et en motivant le rejet de cette fin de non recevoir sur ce qu'il n'y avait point lå de demande nouvelle, mais seulement une manière d'appuyer celle portée dans l'exploit introductif, ledit arrêt p'a pu violer l'article 464 du cod. de proc. civ., puisque cette demande syor trouve en effet;

<< Considérant que, les juges appréciateurs des actes et des faits n'ayant prononcé que d'après les contre-lettres, déclarations, baux, arrêtés et actes par eux cités, ainsi que d'après les faits constants pour eux dans la cause, et ayant pris soin de constater eux-mêmes qu'aucune atteinte n'était portée aux actes administratifs dont le maintien est recommandé par les lois, ils n'ont point violé celles invoquées par les demandeurs à l'appui de leur pourvoi contre les deux arrêts attaqués;

REJETTE. >>

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COUR DE CASSATION.

Un jugement doit-il être déclaré nul, pour défaut de publicité, parce que la mention QU'IL A ÉTÉ RENDU EN Audience PUBLIQUE ne se trouve qu'à la fin et après le mandement de justice? (Rés. nég.) Cod. de proc., art. 87.

Un arrêt est-il suffisamment motivé, bien qu'il ne donne point de motif spécial sur un chef de conclusions, s'il résulte soit des motifs des premiers juges, que la cour déclare adopter, soit d'un motif général de l'arrét, une appréciation au moins implicite de ce chef? (Rés. aff.) Cod. de proc., art. 141.

La preuve acquise que la valeur réelle de billets à ordre a été fournie par le porteur rend-elle inutile et sans objet la preuve offerte par le souscripteur de l'irrégularité des endossements et avals? (Rés. aff.)

DOUBLIER, C. Durand ET FILS.

Le 27 mars 1823, Doublier souscrit à l'ordre de Probi quatre billets, payables le 31 août suivant. Probi les passe à l'ordre d'Argentier le 30 mars. Le lendemain (51) celui-ci les négocie contre argent à la maison Durand et fils. La uégociation est attestée par les registres de cette maison. Toutefois l'endossement est surchargé. Le chiffre 3 paraît, dans le millésime de 1823, avoir remplacé le chiffre 4.

Quoi qu'il en soit, en considération des avals d'Argentier et de Probi, des délais sont accordés au souscripteur pour le paiement des effets. Mais Argentier ayant fait faillite au mois de mai de 1824, Doublier et Probi sout assignés pour se voir condamner solidairement au remboursement des billets.

Doublier, qui les avait souscrits, se présente, et soutient que, lors de la faillite d'Argentier, les billets étaient en blanc dans la maison Durand et compagnie, qu'en tous cas ils n'ont été négociés qu'après l'échéance, ce qui se prouve par a surcharge des endossements, surcharge qui n'a eu lieu, suivant lui, que pour régulariser l'opération. De tout ceci Doublier conclut que les effets n'ont jamais cessé d'être la propriété d'Argentier, et qu'étant devenu créancier de celui-ci avant sa faillite, il est fondé à opposer la compensation, soit à lui, soit à ceux qui le représentent.

Tome Ier de 1827.

Feuille 32°.

Le 23 juillet 1824, jugement qui rejette ce système de défense, --- Attendu que la surcharge du millésime n'a été que l'effet de l'erreur; que la régularité des endossements est prouvée par celle des avals;-Que'd'ailleurs il résulte des livres de la maison Durand que les billets ont été négociés par Argentier, pour une somme de 20,320 fr., contre celle de 19,698 fr. en espèces, à la date du 31 mars 1823.....

Appel de ce jugement par Doublier. Il soutient d'abord qu'il est nul, parce qu'il résulte de la copie signifiée qu'il n'a pas été rendu publiquement, la mention de la publicité ayant été mise après coup et à la suite du mandement de justice. Au fond, il reproduit le moyen pris de l'irrégularité des endossements, et, pour lui donner plus de force, il en ajoute un nouveau, qu'il puise dans la nullité des avals, dont il offre de prouver les antidates.

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Mais, le 4 février 1825, arrêt qui, en la forme, rejette le moyen de nullité proposé contre le jugement du 25 juillet 1824, et, au fond, confirme les dispositions de ce même jugement par les motifs que voici : « Attendu, sur la première question, qu'il résulte des registres renfermant les jugements du tribunal de commerce de Grenoble, et de l'expédition, délivrée par le greffier de ce tribunal, du jugement dont est appel, que ce jugement a été rendu et prononcé en audience publique; - Attendu, sur la question relative aux endossements et avals de garantie, que ces endossements et avals, existant au dos des billets souscrits par Doublier en faveur de François Probi, constituent Durand et fils et compagnie propriétaires desdits billets; - Attendu que, si l'avo-b cat des sieurs Durand et fils et compagnie est convenu, à l'audience de la cour du 19 janvier dernier, que les endosse ments en faveur de ses parties leur avaient été présentés en blanc, cet aveu a été accompagné de l'assertion que Charles Durand et fils et compagnie avaient, au même instant, compté à Argentier le montant des quatre billets, sous la retenue de l'escompte convenu, ainsi que cela résultait de leurs livres de commerce, et de celle que, par suite de la remise des sommes exprimées aux billets, les endossements avaient été garnis le même jour ou le lendemain, en sorte qu'on ne peut rien induire absolument de l'aveu fait par l'avocat des sieurs Durand et fils et compagnie; Attendu

que, dès lors que lesdits billets n'ont passé dans les mains de la maison Durand que parce qu'elle en a fourni le montant, et qu'ils sont ainsi devenus sa propriété, il est incontestable que Doublier ne peut se soustraire au paiement de ces mêmes billets envers la maison Durand; - Adoptant au surplus, sur la même question, les motifs exprimés par les premiers juges......, ordonne que ce dont est appel sortira son plein et entier effet, etc. »>

Doublier demande la cassation de ce jugement, et présente trois moyens.

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Premier moyen. Violation des lois des 24 août 1790 et 20 avril 1810, sur la publicité des jugements; celui maintenu par l'arrêt attaqué ne portait pas avec lui la preuve qu'il eût été rendu en audience publique, cette preuve ne pouvant pas résulter de la mention placée après la formule du mandement d'exécution, qui doit nécessairement terminer les décisions des tribunaux et des cours supérieures.

Deuxième moyen. Contravention à l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810, en ce que, sur la nullité des avals, à laquelle le demandeur avait formellement conclu sur l'appel, la cour royale n'avait donné aucun motif, et s'était bornée à adopter ceux des premiers juges, bien qu'il n'eût pas été question de cette nullité devant eux, mais seulement de la nullité des endossements.

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Troisième moyen. ---་Violation des art. 136, 137, 442 et 443 du cod. de comm., et des art. 2003, 1330 et 1331 du cod. civ. Il était constaté en fait, et reconnu par la maison Durand elle-même, que les endossements lui avaient été remis en blanc. De cette circonstance de fait, ainsi établie, résultait en droit la conséquence que cette maison n'était point devenue propriétaire des effets, mais simple mandataire d'Argentier pour en toucher le montant. Or, comme le mandataire est passible de toutes les exceptions qui militent contre le cédant, il s'ensuit que le demandeur était fondé à opposer la compensation aux sieurs Durand et fils, comme il aurait pu le faire à l'égard d'Argentier lui-même.

Du 8 novembre 1826, ARRÊT de la section des requêtes, M. Botton-Castellamonte faisant fonctions de président, M. Chilaud de la Rigaudie rapporteur, M. Tesseyre avocat, par lequel:

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