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matoires pour sa mémoire. — Mais on s'était exactement tenu dans les limites du droit commun; la vie, le nom de Fouché, ses actes politiques, appartenaient à l'histoire; ils étaient tombés dans le domaine public; et chacun, ayant le droit de traiter la partie de nos annales où il avait figuré, avait aussi incontestablement le droit de parler de ce personnage, l'un des plus importants de cette époque. Du reste la forme à l'aide de laquelle on mettait dans sa bouches des récits auxquels son nom seul pouvait donner de l'autorité n'avait rien de répréhensible; plusieurs auteurs l'avaient adoptée dans la rédaction de leurs mémoires, afin de les rendre plus dramatiques et plus propres à piquer la curiosité publique, sans jamais avoir encouru l'animadversion des lois. — Au fond, il était impossible de statuer dans l'état actuel du procès; la question de diffamation n'avait été ni traitée ni instruite en première instance. Il fallait nécessairement, et avant toute chose, articuler des faits précis de diffamation, les discuter contradictoirement, en un mot, suivre les règles ordinaires de la procédure en cette matière; et rien de tout cela n'avait eu lieu : les héritiers du duc d'Otrante s'étaient bornés à dire que les mémoires incriminés étaient offensants et diffamatoires pour leur auteur; et, sans attendre ni ordonner qu'aucune discussion s'engageât à ce sujet, les premiers juges avaient prononcé qu'il y avait diffamation. Ainsi, ils ne devaient pas ordonner la suppression de l'ouvrage, ni condamner l'appelant à des dommages et intérêts.

L'action en désaveu, répondaient les héritiers du duc d'Otrante, a précisément tous les effets que vous lui déniez. Si ses résultats immédiats et nécessaires n'étaient pas la suppression des mémoires par vous injurieusement publiés, et des dommages et intérêts pour chaque volume non représenté, la condamnation sur le désaveu serait illusoire. La plupart des lecteurs en France, et tous les lecteurs étrangers, continueraient à croire que les mémoires mis si scandaleusement sous le nom de Fouché étaient en effet son ouvrage. Qu'importerait à ses héritiers une condamnation qui ne remplirait en rien le but de toute condamnation, qui est la réparation d'un tort ou d'une injustice. Il est donc de toute nécessité d'arriver jusqu'à la suppression complète de l'ouvrage; et elle est d'autant plus commandée dans l'espèce, que le

langage que l'on fait tenir à Fouché est celui d'un scélérat.

Sans doute, continuaient les intimés, nous avions aussi l'action en diffamation; mais si, dans la vue d'éviter d'affligeantes justifications dans une procédure où le diffamateur n'a rien à perdre, et la partie diffamée tant à souffrir, nous les effets avons préféré la voié civile, il ne s'ensuit pas que naturels de cette voie ne doivent être consacrés, et que, par suite, il n'y ait lieu à prononcer la suppression des mémoires dont il s'agit.

Quant aux dommages et intérêts, il fallait moins les considérer comme la réparation du préjudice causé à la mémoire du duc d'Otrante que comme le moyen le plus efficace d'arriver à la complète suppression des mémoires.

Le ministère public ne partageait pas le système des intimés sur les effets du désaveu. Selon lui, une condamnation pareille ne pouvait pas avoir des effets aussi éloignés que ceux de la suppression de l'ouvrage; mais il voyait dans la publication des mémoires incriminés une violation de propriété de nom; et la réparation naturelle de cette violation consistait dans la suppression des mémoires, la représentation de tous les exemplaires, et des dommages et intérêts pour chaque volume non représenté.

Le 20 mars 1826, ARRÊT de la cour d'appel de Paris, 2e chambre civile, M. Cassini président, MM. Berryer fils et Dupin l'aîné avocats, par lequel:

<< LA COUR, Sur les conclusions de M. d'Esparbės, conseilConsidérant, en droit, ler-auditeur, faisant fonctions de substitut; que le nom des familles est leur propriété exclusive; qu'à chacun de leurs membres seulement appartient le droit d'attacher ce nom à Considérant que l'emploi abu des productions de l'esprit ou de l'art; sivement fait du nom d'autrui, par l'attribution mensongère d'un ouvrage, constitue aussi une violation de propriété, dont le préjudice ne peut être réparé que par la suppression de cet ouvrage, c'est-à-dire par la décomposition des formes d'impression et la représentation de tous les exemplaires ; - Mais considérant que la condamnation à représenter tous les exemplaires imprimés serait illusoire si l'on ne fixait pas en même temps une somme à payer pour chaque exemplaire non représenté;—Considérant, en fait, que Lerouge a publié, sous le nom du duc d'Otrante, des mémoires dont il ne justifie pas avoir acquis la propriété, et que les enfants d'Otrante déclarent ne point émaner de leur père...; — MET les appellations au néant; ordonne que le jugement dont est appel sera exécuté, mais par les voies ordinaires de droit seulement. »

A. M. C.

COUR D'APPEL DE BOURGES.

L'héritier contre lequel il n'a été pratiqué ni dol ni violence dans le partage fait avec lui, et qui a vendu ou donné les immeubles compris dans son lot, est-il ensuite recevable à exercer contre ce partage l'action rescisoire pour cause de lésion? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 887 et 892.

ARNOUX, C. DELAGE.

« L'aliénation des biens qui ont fait l'objet du partage, dit M. Toullier, n'empêcherait pas la demande en rescision pour cause de lésion, et les biens rentreraient dans le nouveau partage libres des hypothèques et autres charges créées par celui qui les aurait aliénés, parce que ceux qui n'ont sur un immeuble qu'un droit sujet à rescision ne peuvent consentir que des droits soumis à la même rescision. » (1)

Cela ne veut pas dire, comme on l'a supposé dans la discussion de cette cause, que l'aliénation faite par l'héritier des biens compris dans son lot ne l'empêche pas de demander ultérieurement la rescision du partage pour cause de lésion : cela signifie seulement que la vente faite par un héritier des immeubles qui lui sont échus ne s'oppose point à ce qu'un autre cohéritier exerce l'action rescisoire contre le partage, s'il présente pour lui une lésion de plus du quart, et qu'alors les biens rentrent dans le nouveau partage libres des hypothèques et autres charges créées par l'héritier qui les aurait aliénés.

Ce passage de M. Toullier, ainsi entendu, se trouve en harmonie avec l'opinion émise par M. Chabot dans son traité des Successions. (2)

Quant à la question de savoir si l'héritier, après avoir vendu ou donné les biens compris dans son lot, peut encore être admis à provoquer la rescision du partage pour lésion, M. Chabot la résout négativement, parce que, suivant lui, l'exécution volontaire d'un acte emporte la renonciation aux moyens et exceptions qu'on pouvait opposer contre, et que

(1) Droit civil, tom. 4, n. 573. (2) Voy. le tom. 3, pag. 700.

c'est exécuter volontairement un partage que de disposer, comme propriétaire définitif, des biens que ce partage vous attribue. « Pourquoi, dit ce commentateur, l'héritier qui n'a aliéné qu'après la découverte du dol ou la cessation de la violence est-il déclaré non recevable par l'art. 892 à intenter l'action en rescision? C'est parce qu'il doit être présumé avoir volontairement renoncé à cette action, en exécutant le partage dans un temps où il en connaissait le vice, dans un temps où il avait la pleine liberté d'agir et de réclamer. Or la même raison ne s'applique-t-elle pas nécessairement à l'héritier contre lequel il n'y a eu ni dol ni violence, et que rien n'empêche de vérifier s'il y a eu dans le partage lésion à son préjudice? Il peut, il doit même faire cette vérification, avant d'aliéner son lot, avant d'exécuter le partage; et ne doit-on pas présumer; ou qu'il l'a faite, ou qu'il y renonce dans ses intérêts, lorsqu'au lieu de réclamer, il aliéne et exécute? Cette exécution n'est-elle pas tout aussi volontaire de sa part, n'est-elle pas tout aussi libre, et conséquemment ne doitelle pas produire tous les mêmes effets que celle qui a lieu de la part d'un autre héritier, après la découverte du dol ou la cessation de la violence dont il aurait été victime?

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« Si l'art. 392 s'est occupé particulièrement du cas où ily P a eu dol ou violence, c'est qu'on aurait pu croire que, dans ce cas, l'héritier lésé méritait assez de faveur pour que son action dût être admise, lors même qu'après la découverte du dol ou la cessation de la violence, il aurait exécuté le partage en aliénant son lot. Mais si le législateur a pensé que, même dans ce cas, la faveur devait cesser, quand il y avait eu exécution volontaire, peut-on supposer que, pour un autre cas beaucoup moins favorable, le législateur ait voulu cependant" conserver l'action à l'héritier qui aurait volontairement exécuté le partage? >>

Il est difficile de ne pas se rendre à des raisons si pleines de force et de solidité. Aussi la doctrine de M. Chabot a-t-elle été consacrée par un arrêt de la cour de Grenoble du 3 juillet 1822 (1). Toutefois, un arrêt de la cour royale de Paris, rendu le 6 avril 1807, (2) juge au contraire que l'aliénation de

(1) Voy. ce Journal, nouv. édit., tom. 24, pag. 572.

(2) Voy. nouv. édit., tom. 8, pag. 240; anc. collect., t. 1er, 1807, .p. 471

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puis le partage, par l'héritier qui se prétend lésé, des objets compris en son lot, ne fait point obstacle à l'action rescisoire. La même chose a été décidée par l'arrêt de la cour de Bourges dans l'espèce dont nous allons rendre compte, ce qui prouve que la question est controversée.

Par un acte authentique du 2 juin 1820, Antoine et Jeanne Delage font le partage des biens composant la succession de leur mère.

Le 20 mai 1821, Jeanne Delage donne à son frère, par contrat en bonne forme, divers corps d'héritage, notamment ceux qui lui étaient échus par le partage du 2 juin 1820; elle se réserve seulement l'usufruit de ces biens.

Postérieurement elle épouse le nommé Arnoux; et, le 3 mai 1823, elle forme, conjointement avec lui, une demande en rescision du partage fait entre elle et son frère, des biens provenant de la succession de leur mère commune, sur le motif que cet acte contient à son préjudice une lésion de plus du quart.

Antoine Delage répond qu'aux termes de l'art. 1338 du cod. civ., l'exécution volontaire d'un acte emporte renonciation à l'attaquer ultérieurement; qu'en donnant les objets compris dans son lot, sa sœur a non seulement approuvé, mais exécuté le partage, et que dès lors sa demande en rescision n'est point recevable.

Cette exception est accueillie par un jugement du 3 février 1824.

Appel de la part de la femme Arnoux.

Et d'abord, a-t-on dit pour l'appelante, il faut écarter de la discussion l'art. 1338 du code, qui, placé au titre des Actes récognitifs, est évidemment inapplicable à un partage de suecession, et chercher les raisons de décider dans l'art. 892, qui est la loi spéciale de la matière. Or l'art. 892 ne prononce de fin de non recevoir que contre l'héritier qui a disposé de tout ou de partie de son lot, après la découverte du dal ou la cessation de la violence. Il n'en prononce donc pas contre l'action rescisoire de celui qui ne se plaint que de lésion, d'après la maxime Qui de uno dicit de altero negat. On ne peut donc pas étendre à ce dernier une exception qui n'a été introduite que contre le premier. Au surplus, ce n'est pas sans raison que le législateur à fait une différence entre les deux hypo

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