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thèses. Celui à qui le dol ou la violence a causé quelque préjudice est nécessairement présumé en avoir consenti la remise volontaire, lorsqu'en connaissance de cause, ou dans l'état de parfaite liberté, il dispose des objets compris dans son lot. Mais il n'en est pas de même de la lésion résultant de l'inégalité du partage: l'aliénation postérieure à cet acte n'emporte pas seule l'idée d'une remise volontaire, parce que la lésion ne s'aperçoit le plus souvent que long-temps après le partage; que cette découverte est presque toujours le résultat de circonstances fortuites, le produit de comparaisons que le temps et le hasard peuvent seuls permettre. Il faut donc restreindre l'application de l'art. 892 au cas qu'il a prévu, et ne pas l'étendre à un cas d'une nature différente, et qui ne présente aucune analogie.

Inutile de rappeler la défense de l'intimé, qui s'identifie avec les arguments de M. Chabot, dont nous avons précédemment exposé la doctrine.

Du 25 avril 1826, ARRÊT de la cour d'appel de Bourges, première chambre, M. Sallé président, MM. Bourrion et Mater avocats, par lequel:

<< LA COUR, Sur Jes conclusions de M. Torchon, avocat-général; Considérant, sur la première question, qu'à la vérité l'aliénation prouvée des héritiers des liens partagés exclut l'action en rescision du partage pour cause de dol et de violence, si la vente en avait été faite après la découverte du dol ou la cessation de la violence; mais qu'ici la rescision n'est pas demandée par ces motifs; qu'elle l'est pour cause de lésion; qu'aucune loi n'interdit cette poursuite après l'aliénation qu'un de ces cohéritiers a pu faire de sa part; que la loi ádmet en termes généraux la demande en rescision contre les partages, et n'y a mis obstacle que dans une espèce, cas spécialement posé dans l'art. 892 du cod. civ., et que cette défense ne peut s'étendre du cas qu'elle exprime à celui dont elle ne parle parle pas;

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<< Considérant, sur la seconde question, que la donation faite le 20 mars 1821, par l'appelante à l'intimé, des biens qui lui sont échus par ce partage, en est, dit-on, la ratification; mais que cette donation n'est qu'un acte de bienfaisance et n'a aucun des caractères indiqués par la loi pour en induire une ratification; Qu'il en est de même de l'objection prise de son irrévocabilité ; - Que, dans le cas d'aliénation des biens avant la demande en rescision, ils ne se rapportent point en nature, mais seulement sont estimés et le prix rapporté à la masse ; qu'ainsi le donataire ne sera pas dépouillé; - Que, les meubles de la succession de la mère étant, au moment de son décès, confondus avec ceux de l'intimé, avec lequel elle demeurait}

et leur partage ayant été fait en nature, la cour ne se dissimule pas la difficulté de reconnaître ceux qui ont été partagés ; que cette difficulté augmentera par la nécessité d'une liquidation, pour connaître ce qui appartient à la mère dans sa communauté avec son défunt mari; mais que ce ne peut pas être un motif pour rejeter une action autorisée par la loi;

<< Considérant au' surplus que tous les biens de la succession compris dans le partage de 1820 sont entre les mains de l'intimé par l'effet du partage et de la donation;

« A Mis le jugement dont est appel au néant; émendant, ordonne que, par trois experts dont les parties conviendront dans le mois de ce jour....., il sera procédé à la recherche et estimation des biens dépendants de la succession de la mère commune. »>

B.

COUR D'APPEL DE BORDEAUX.

Est-il interlocutoire, et par conséquent susceptible d'appel avant le jugement définitif, le chef d'un jugement qui, sur une contestation élevée entre deux propriétaires, dont l'un dispute à l'autre le droit de détourner les eaux d'un ruisseau, commet un juge pour se transporter sur les lieux contentieux, et y rechercher les moyens de conserver simultanément aux deux parties l'usage des eaux qui leur sont nécessaires? (Rés. aff.) Cod. de proc., art. 451 et 452.

Lorsque l'art. 645 du cod. civ. laisse aux juges une certaine latitude pour la distribution des eaux entre les propriétaires, suppose-t-il, par une suite de l'art. 644, que la `contestation existe entre deux propriétaires riverains, et n'est-il applicable qu'à cette hypothèse ? (Rés. aff.)

MARSAC, C..LES SIEURS CONSTANT.

Le sieur Constant a fait établir sur sa propriété un moulin au-dessus de celui du marquis de Marsac. Le terrain sur lequel ce moulin était construit ne bordait pas le ruisseau de la Beoune, qui devait servir à l'alimenter, en sorte que le sieur Constant avait détourné les eaux de leur cours naturel, pour les faire arriver jusqu'à son usine, par un canal qu'il avait creusé dans la prairie d'un sieur Bourgès, qui lui en avait donné l'autorisation.

Le marquis de Marsac fit assigner Constant devant le tribunal civil de Sarlat, et conclut à ce qu'il fût condamné à

détruire la digue et à combler le canal qu'il avait pratiqué pour donner aux eaux une direction contraire à leur cours naturel.

Les héritiers du sieur Constant, décédé depuis l'instance, répondent que le marquis de Marsac, n'étant point proprié taire du ruisseau de la Beoune, est sans droit et sans qualité pour s'opposer à la prise d'eau nécessaire à l'activité de leur moulin. Subsidiairement ils provoquent la nomination d'un commissaire qui se transportera sur les lieux, pour examiner s'il ne serait pas possible de pratiquer un fossé ou canal quelconque pour conduire les eaux jusqu'à leur usine, sans nuire au moulin du marquis de Marsac.

-

Le tribunal rendit, sur les conclusions respectives des parties, un jugement dont le dispositif est ainsi conçu :

<< Condamne les enfants Constant à fermer le fossé qui conduit les eaux du ruisseau de la Beoune au lieu du Banquet; leur ordonne de rendre lesdites eaux à leur cours naturel, en supprimant la digue construite par leur auteur sur l'ancien lit; et néanmoins faisant droit de leurs conclusions, tendant à établir un nouveau règlement des eaux dudit ruisseau dans l'intérêt de toutes les parties, le tribunal commet le sieur Molesne à l'effet de se transporter sur les lieux contentieux, recueillir toutes les notoriétés, prendre tous les renseignements convenables, soit sur la quantité d'eau coulant ordinairement dans le ruisseau de la Beoune, soit sur celle nécessaire à l'entretien de chacun des moulins de Calvimont et de Constant, et rédiger du tout, à la requête de la partie la plus diligente, un mémoire détaillé, dans lequel il proposera les moyens les plus propres à conserver simultanément l'u-d sage des deux moulins, de manière toutefois que les droits du sieur de Marsac n'en éprouvent pas le moindre préjudice, et que ses propriétés riveraines ne soient exposées à aucune autre submersion que celles auxquelles elles étaient soumises avant la construction de la digue supprimée. »

Le marquis de Marsac a déféré ce jugement à la censure de la cour royale. Inutile d'insister sur les moyens de défense qu'il a développés, puisqu'ils ont été accueillis par la et qu'ils font la base de son arrêt.

cour,

Quant aux héritiers Constant, ils ont d'abord opposé à l'ap pel de leur adversaire une fin de non recevoir fondée sur la

de

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nature du jugement, qui, suivant eux, n'était que préparatoire, la mesure ordonnée n'ayant d'autre but que de faire connaître au tribunal l'état des lieux. Au fond ils soutenaient que l'art. 645 du cod. civ., en laissant aux tribunaux un pouvoir en quelque sorte discrétionnaire pour la distribution des eaux entre les propriétaires auxquels elles peuvent être utiles, avait suffisamment autorisé la nomination d'un commissaire, et justifié l'utilité d'un rapport.

Du 8 avril 1826, ARRÊT de la cour royale de Bordeaux, deuxième chambre, M. de Galaup président MM. Hervé et Gergeres avocats, par lequel :

« LA COUR, Sur les conclusions de M. Bouquier, avocat-général ; Attendu que le chef du jugement qui a nommé le sieur Molesne à l'effet de se transporter sur tous les lieux qui ont été l'objet des contestations entre le sieur de Marsac et les enfants Constant, et de proposer un moyen propre à conserver simultanément les eaux pour faire tourner les deux moulins, n'est pas seulement préparatoire, qu'il est, au contraire, interlocutoire, puisqu'il fait dépendre l'usage des eaux du ruisseau de la Beoune pour les deux moulins du rapport de ce commissaire délégué, disposition qui préjuge le fond; qu'ainsi, la fin de non recevoir proposée par les intimés n'est pas fondée; -Au fond, attendu que l'art. 645 du code a une relation directe avec celui qui le précède, et qui suppose une contestation existante entre des personnes dont les propriétés bordent une eau courante, et qui peuvent s'en servir à son passage pour l'irrigation de ces propriétés; que, dans l'espèce, les propriétés des enfants Constant ne bordent pas le ruisseau de la Beoune dans l'endroit où il a été fait, par leur père, un fossé ou prise d'eau dans la prairie du sieur Bourgès, en vertu de l'acte public du 3 pluviôse an 5, qui lui en conférait le droit moyennant une indemnité de 100 fr. qui fut comptée à Bourgès; que c'est donc par une fausse application des art. 644 et 645 que le tribunal de Sarlat a cru pouvoir se permettre de régler l'usage des eaux de ce ruisseau, puisque les parties n'étaient pas dans la position où la loi laisse aux juges cette faculté ; qu'il y a donc lieu à réformer ce chef du jugement;- Sans s'arrêter à la fin de non recevoir proposée par François Constant et Constant cadet, émendant, DÉCLARE qu'il n'y a lieu de procéder à un règlement entre le marquis de Marsac et les intimés, relativement aux eaux du ruisseau de la Beounc. >>

Nota. Un arrêt de la cour de cassation, du 11 avril 1815, juge une question analogue. Il décide que, lorsque la rivière a changé de lit, l'ancien riverain a perdu le droit de prise d'eau, et qu'il ne peut, pour rétablir ce droit, pratiquer

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un canal au travers de l'ancien lit, ce qui prouvé que le droit de prise d'eau n'appartient qu'aux propriétaires riverains, et que, comme l'a dit la cour de Bordeaux, l'art. 645 ne doit s'entendre que du cas où les contestations s'élèvent entre des personnes dont les propriétés bordent une eau cou

rante.

On peut au surplus consulter sur cette matière les observations que nous avons faites, en rapportant dans ce recueil l'arrêt de cassation du 11 février 1815 (1), et surtout la Pratique des cours d'eau, par M. Daviel, avocat distingué à la cour de Rouen, ainsi que le Traité des rivières et des cours d'eau, par M. Garnier, avocat aux conseils du Roi et à la cour de cassation. (2)

COUR D'APPEL DE BORDEAUX.

B.

Le débiteur par acte authentique peut-il, au civil, être admis à prouver par témoins que dans la somme portée le en l'obligation il a été compris des intérêts usuraires? fa (Rés. aff.) Cod. civ., art. 1553. Loi du 3 septembre 1807, ti

art. 2.

La preuve de l'habitude d'usure est-elle admissible en matière civile? (Rés. nég,)

VEUVE CHARLES, C. BOURRUT FLORIMOND.

ay

Le 6 décembre 1817, la veuve Sarrazin et la dame Charles de sa fille se reconnaissent, par un acte authentique, débitrices solidaires envers un sieur Bourrut Florimond de la somme de 1,000 fr., payable sans intérêts le 24 août 1818. Il est stipulé que, dans le cas où cette somme ne serait point acquit tée à l'échéance, elle produira intérêt à 5 pour 100.

Le sieur Bourrut Florimont n'a fait aucune diligence jus qu'au 14 mai 1825; mais, à cette époque, il a notifié à la dame Charles, dont la mère était alors décédée, l'obligation du 6 décembre 1817, avec commandement de payer la somme portée dans cet acte et les intérêts tels que de droit.

(1) Voy. nouv. édit., tom. 14, pag. 187. Ancienne coll., tom. 3 de 1813, pag. 89.

(2) Voy. aussi M. Toullier, Droit civil, tom. 2, tit. 2, chap. 2, no 131.

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