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fille Marthe, prend à son tour possession de ce domaine, et, le 11 ventôse an 6, il le vend aux sieurs Couquiaud et Lespine.

Les enfants Dupuy, représentant les sieur et dame Lavialle, lors décédés, demandent la nullité de la vente, sur le fondement que, dans le ressort du parlement de Bordeaux, le délaissement par hypothèque n'est point translatif de propriété, qu'il n'attribue au créancier qu'une possession temporaire, dont l'effet se réduit à le remplir de ce qui lui est dû, au moyen de la perception des fruits, et qu'après l'extinction de la créance, le propriétaire peut toujours reprendre l'immeuble, et même se faire rendre compte des revenus.

Les acquéreurs, ou plutôt les enfants Fouignet, prenant fait et cause, répondent que le désistement ordonné par les sentence et arrêt de 1764 et 1766 a été pur et simple, et que son effet nécessaire a été de transmettre la propriété à Marthe Durret.

rien ne

Le 1er août 1816, jugement du tribunal civil de Bergerac qui rejette la demande en nullité de la vente formée par les enfants Dupuy, - Attendu qu'il résulte du procès verbal de prise de possession du domaine de Coutou, sous la date du 25 juin 1766, signé du sieur Lavialle et de son procureur, que la propriété de ce domaine fut transférée sur la tête de Marthe Durret par la sentence du 28 mars 1764 et l'arrêt du parlement du 4 juin 1766; que ladite fille Durret s'en est mise en possession le 25 du même mois de juin; que justifie que cette possession ne fût que précaire; que les termes mêmes de l'acte de prise de possession, et les différents baux à ferme consentis par Marthe Durret, prouvent au contraire que ce fut en qualité de véritable propriétaire que celle-ci prit possession, et jouit, pendant le reste de sa vie du domaine de Coutou; Que les enfants Fouignet justifient également que leur père possédait ce domaine animo domini long-temps avant la vente qu'il en consentit, le 1er mars 1798, aux sieurs Couquiaud et à Lespine, possesseurs actuels; que ce fait résulte de différents baux que ledit Fouignet consentit, en son propre et privé nom, après la mort de la fille Durret, à divers particuliers, et à la veuve Lavialle elle-même.....

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Les héritiers Dupuy interjettent appel de ce jugement.
Les enfants Fouignet, intimés, leur opposent une nou-

velle exception: ils prétendent que le sieur Lavialle, par suite de ses mauvaises affaires, a été admis au bénéfice de cession par un arrêt du parlement de Bordeaux, du 29 mai 1764, et que dès lors ses représentants sont non recevables, comme il le serait lui-même, à réclamer aucun des biens qui lui auraient appartenu antérieurement. Toutefois les intimés ne représentent point l'arrêt de cession; mais ils tirent la preuve de son existence de la mention qui en était faite dans une requête en séparation de biens, signifiée par la dame Lavialle.

Le 11 août 1825, arrêt de la cour royale de Bordeaux, qui rejette l'exception, infirme le jugement de première instance, et condamne les acquéreurs à remettre et délaisser aux enfants Dupuy le domaine de Coutou,

<< Attendu, quant à la fin de non recevoir opposée par les enfants Fouignet, et prise de ce que Jean Lavialle Saint-Avit aurait été admis, en 1764, au bénéfice de cession de biens, qu'elle n'est nullement justifiée; que l'arrêt d'où ils veulent faire résulter cette prétendue cession n'est point rapporté, et qu'ainsi il n'y a pas lieu d'examiner le mérite de l'exception; - Attendu au fond que les héritiers Fouignet n'ont pas produit devant la cour la sentence de l'ordinaire du Fleix, du 28 mars 1764, qui avait condamné Lavialle à payer à Marthe Durret une somme de 1,300 fr., à elle due, ou à lui délaisser le domaine de Coutou, ni l'arrêt confirmatif de cette sentence; qu'ils se sont hornés à produire un procès verbal, dressé par le juge du Fleix le 25 juin 1766, qui constate que Marthe Durret fut mise le même jour en possession du domaine de Coutou; que le procès verbal contient la requête qui avait été présentée par Marthe Durret pour obtenir cette mise en possession, et qu'on lit dans cette requête que par ladite sentence Lavialle Saint-Avit avait été condamné à lui délaisser ledit domaine, si mieux il n'aimait lui payer la somme de 1300 liv. en capital, et les intérêts d'icelle, suivant une transaction du 25 juin 1760, et ce dans huitaine, dans lequel délai il sera tenu de faire ladite option, et faute de quoi, et ledit délai passé, sans avoir égard à l'option réservée par la sentence, le condamne purement et simplement au délaissement dudit domaine, avec la restitution des fruits depuis la demande, qui seront compensés avec les intérêts; Attendu que les termes de cette requête démontrent suffisamment que l'action que

Marthe Durret avait intentée contre Lavialle, et qui fut accueillie par la sentence du Fleix, était une véritable action en désistat hypothécaire, qui tendait à contraindre le tiers détenteur du domaine de Coutou à le délaisser ou à payer la créance de ladite Marthe Durret, qui y était hypothéquée; que, bien qu'îl paraisse que Lavialle, d'après la transaction par acte public, que toutes parties conviennent avoir été passée entre lui et Marthe Durret, le 25 juin 1766, au sujet de ladite créance, s'était personnellement obligé à en effectuer le paiement et aurait pu y être contraint différemment que par voie d'action en désistat hypothécaire, il n'en est pas moins certain que telle a été l'espèce de l'action qui a été introduite contre lui, et que c'est en sa qualité de tiers détenteur qu'il a été condamné à délaisser à Marthe Durret le bien dont ensuite elle se fit mettre en possession: d'où il résulte évidemment que le délaissement que fit alors Lavialle constituait un délaissement par hypothèque ;

« Attendu que l'effet d'un semblable délaissement n'est pas de rendre le créancier hypothécaire propriétaire de l'immeuble qui a été abandonné; que tous les auteurs s'accordent à enseigner que celui qui délaisse l'héritage pour les hypothèques n'en cède pas absolument la propriété et la possession comme en déguerpissement, mais seulement la détention et occupation; qu'il est de principe que le créancier n'est censé posséder qu'à titre d'engagement le bien qui lui a été délaissé; qu'il doit être tenu de l'abandonner au propriétaire originaire et de lui rendre compte des fruits, distraction faite de ce qui lui revient; que ces principes, qui sont incontestables, sont fondés sur plusieurs textes du droit romain, et notamment sur la loi 5, ff., de cessione bonorum; Que la jurisprudencé du parlement de Bordeaux s'y est conformée, notamment par un arrêt rapporté par Salviat, au mot Hypothèque, et qu'il en résulte qu'en pareil cas, la possession du créancier qui ne peut prétendre avoir joui à titre de propriétaire n'est qu'une possession purement précaire et révocable; Attendu qu'en appliquant à la cause ces principes, qui, au reste, ont été consacrés par les art. 2172 et suiv. du cod. civ., il y a nécessairement lieu de reconnaître que Marthe Durret, et après elle le sieur Fouignet Verboule, son légataire particulier quant à la créance hypothécaire dont il s'a

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git, n'étaient pas propriétaires du domaine de Couton; qu'ils n'en jouissaient pas à ce titre; que leur possession n'était que précaire; qu'ils ne pouvaient changer le titre qui lui servait de fondement, et que, dès lors, Fouignet n'a pu, quelque durée qu'ait eue la jouissance par lui exercée sur ledit domaine, en acquérir la propriété par la prescription, ni par conséquent transmettre cette propriété à Pierre Couquiaud, soit au préjudice de Lavialle Saint-Avit, qui en avait fait le désistement par hypothèque, soit au préjudice de Jeanne Durret, sa veuve et son héritière, soit enfin au préjudice des autres auteurs des enfants Dupuy; - Attendu que Pierre Couquiaud lui-même n'a point acquis non plus, par le moyen de la prescription, la propriété du domaine de Coutou; qu'aux termes de l'art. 2281 du cod. civ., les prescriptions commencées à l'époque de la publication de ce code doivent être réglées conformément aux lois anciennes; que la possession de Pierre, Couquiaud à lui consentie depuis l'époque de la vente par Fouignet, le 11 ventôse an 6 ( 1er mars 1798), jusqu'au 14 août 1809, jour de la demande en délaissement contre lui formée par Simon Durret, comme représentant de feu Jeanne Durret, femme Lavialle, n'a duré que onze ans et quelques mois ; qu'elle n'a pu suffire pour lui acquérir la prescription, étant en effet de principe et de jurisprudence constante dans le ressort du parlement de Bordeaux que le juste titre et la bonne foi, suivis d'une possession moindre de trente ans, ne suffisent pas pour mettre le tiers acquéreur à l'abri de l'action en désistat ou revendication de la propriété, lorsqu'il l'avait acquise de celui qui n'en était pas le maître;

« Attendu que, Marthe Durret, et après elle Fouignet père, ayant dû, tant au moyen du prix de ferme du domaine de Coutou, qu'ils ont perçu ou dû percevoir depuis le 25 juin 1766 jusqu'au 2 mars 1798, qu'au moyen des autres sommes par eux reçues, soit de Lavialle Saint-Avit, soit de Jeanne Durret sa veuve, se trouver plus que remboursés, tant en capital qu'en intérêts, de la créance hypothécaire des 1300 liv. que ladite Marthe Durreţ avait sur cet immeuble, il ne peut y avoir aucune raison pour la justice de ne pas accueillir dès à présent la demande en délaissement formée par les enfants de Dupuy, comme représentant Simon Durret, leur aïeul et

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leur auteur immédiat, puisqu'il est vrai qu'eux seuls, en cette qualité, sont aujourd'hui légitimes propriétaires dudit domaine...... **

Pourvoi des héritiers Fouignet. Les demandeurs proposent deux moyens de cassation. Le premier résultait d'une prétendue contravention à l'art. 1520 du cod. civ. Aux termes de cet article, l'acte, soit authentique, soit sous seing privé, fait foi entre les parties, non seulement des conventions qu'il renferme, mais encore des énonciations qu'il contient, pourvu qu'elles aient un rapport direct à la disposition. Cette règle s'applique aux exploits, aux requêtes, et généralement à tous les actes judiciaires qui, par la signature des officiers ministériels, acquièrent un degré d'authenticité et de vérité qu'on ne peut méconnaître. Or, si l'arrêt qui avait admis Lavialle au bénéfice de cession n'était pas représenté, il était au moins énoncé d'une manière très expresse dans la requête en séparation de biens signifiée par la femme Lavialle. Évidemment cette mention suffisait pour prouver son existence, et, en lui refusant cet effet, la cour royale a méconnu et violé la disposition précitée du code civil.

Le second moyen était pris de la violation de l'art. 1351 du même code, en ce que la cour royale avait méconnu l'autorité de la chose jugée par l'arrêt de 1766. Ce n'était point seulement en qualité de détenteur que Lavialle était obligé à la dette de Marthe Durret, mais bien comme débiteur personnel, en vertu de l'acte du 25 juin 1760: ce n'était donc point l'action aut cede aut solve qui appartenait à la fille Durret. Elle avait tout à la fois et l'action personnelle et l'action réelle. C'est à ce double titre que l'arrêt de 1766 avait prononcé un délaissement pur et simple, tel que celui qui aurait eu lieu sur une demande en revendication. Un pareil délaissement était donc translatif de propriété; et, quand il serait vrai que le délaissement par hypothèque ne fût que temporaire dans le ressort de l'ancien parlement de Bordeaux, la cour d'appel n'en aurait pas moins violé la loi et méconnu l'autorité de la chose jugée, puisque encore une fois Marthe Durret n'avait point exercé l'action hypothécaire, et que ce n'est point un simple délaissement par hypothèque qu'avait ordonné l'arrêt du 4 juin 1766.

Du 14 novembre 1826, ARRÊT de la section des requêtes,

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