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« LA COUR, Sur les conclusions de M. Chalrel-Durieu, avocat— général; Attendu que, si l'arrêt du 2 mai 1825 a été rendu faute de défendre de la part de tous les avoués des intimés, il a été rendu à la suite de deux arrêts de défaut joint, dont chacun avait déclaré qu'il serait statué au fond par un même arrêt, c'est-à-dire par un arrêt commun toutes les parties;

« Attendu que, d'après l'art. 153 du Cod. de proc. civ., cet arrêt est non seulement commun à toutes les parties, mais contradictoire avec elles, sans distinction de celles qui avaient constitué avoué avant le défaut joint, et de celles qui n'ont constitué avoué que sur le réassigné, ou qui, même, ont continué de rester défaillantes, puisqu'il n'est pas susceptible d'opposition;

« Attendu que telle est l'interprétation de l'art. 153, consacrée par les arrêts récents de plusieurs cours royales et par un arrêt de la cour de cassation;

a Attendu que cette interprétation repose sur le principe que, par l'art, 53, la loi a voulu prévenir la multiplicité des oppositions et la contrariété des jugements;

<< Attendu que les parties qui, lors du défaut joint, avaient constitué avoué, sont moins favorables que le défaillant réassigné, puisqu'il serait absolument possible que celui-ci n'eût pas connaissance du litige, tandis que les autres, par leur coucours au jugement de défaut joint, ont été toutà-fait en mesure de fournir leurs défenses;

« Attendu que ce même principe écarte encore la distinction qu'on veut faire dans la cause, entre le jugement qui suit le défaut joint et un jugement postérieur;

« Attendu que si le premier de ces jugements n'évacue pas entièrement le procès, et les points déjà en litige lors du défaut joint, le jugement qui suit, et qui statue définitivement sur tous ces points ou sur ceux encore en question, doit être contradictoire comme le premier, puisqu'il n'est pas d'une nature différente, qu'il n'appartient pas à un autre procès; qu'en outre, la loi ne distingue pas;

« Attendu qu'enfin on retomberait dans les inconvénients que la loi a voulu éviter, puisque, si l'un des jugements qui suit le défaut joint n'était pas contradictoire, les successions d'oppositions et les contrariétés des décisions deviendraient fréquentes;

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« Que cette doctrine est d'autant plus applicable à l'espèce, qu'il y a été poursuivi deux arrêts de défaut joint; que, dans l'un ou dans l'autre de ces arrêts, les avoués de ceux qui sont aujourd'hui opposants ont été ouïs; que la cause a été longuement instruite; que l'arrêt du 10 mars 1824, loin d'évacuer l'entier procès, était interlocutoire sur des points capitaux, tels que la quantité de fournitures, l'époque de ces fournitures, le montant de Paugmentation du prix; qu'en outre, il réservait une partie des dépens; qu'enfin, après que les seules prétentions accueillies par l'arrêt du 2 mai 1825 eurent été chaudement et contradictoirement débattues devant le

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commissaire de la cour, les in tirés avaient obtenu plusieurs ajournements;

<< Attendu qu'il faut conclure de ces principes et de ces faits que les oppositions envers l'arrêt du 2 mai 1825 ne sont pas recevables;

Attendu que, les oppositions 1 1'étant pas recevables, la cour n'a pas à s'occuper de leur mérite;

<< Attendu, etc....; Vidant le renvoi au conseil, et disant droit aux parties, REJETTE l'opposition formée par les frères Faseuille, etc...., envers l'arrêt contradictoire du 2 mai 1825; déclare, moyennant ce, n'y avoir lieu d'examiner le mérite desdites oppositions; ordonne que ledit arrêt sortira son entier effet, etc. »> J. L. C.

COUR D'APPEL DE TOULOUSE.

La prescription de cinq ans, établie par l'art. 2277 du Cod., civ., s'applique-t-elle aux intérêts du prix d'une vente de droits successifs? (Rés. aff.)

BLANQUIÈRE, C. Fauré.

Cette question a déjà été agitée bien des fois pour les intérêts du prix de ventes d'immeubles et pour ceux des condamnations judiciaires. Elle doit se décider dans tous les cas suivant la même règle; mais elle a divisé les esprits; et il existe des arrêts de cours royales en sens opposés, les uns pour restreindre l'application de l'art. 2277 dans les termes les plus resserrés de son expression littérale, les autres pour juger de sa lettre par son esprit et l'appliquer comme disposition générale aux positions semblales à celles que l'article indique. Ces difficultés se présentant fréquemment, il est à regretter qu'elles n'aient pas encore été soumises à la cour de cassation ce n'est que par les arrêts de ce tribunal régulateur que la jurisprudence pourra se fixer.

La prescription quinquennale a étendu successivement son empire dans le royaume, et il lui reste des progrès à faire. L'ordonnance de 1510 ne lui avait soumis que les rentes constituées en perpétuel. L'ordonnance de 1629 lui livra les prix de loyer et de ferme; mais cette loi ne fut pas reçue par tous les parlements. La loi du 20 août 1792 la fit porter sur les rentes et redevances foncières perpétuelles. La loi du 25 août 1795 a voulu que les arrérages de toutes rentes dues par l'état ne pussent être réclamés que pour les cinq

dernières années. Cette disposition comprenait implicitement les rentes viagères; mais elle ne s'appliquait point entre particuliers. Aucune loi n'avait rien réglé positivement sur les intérêts des sommes prêtées, et en général on pensait que ces intérêts et ceux des condamnations judiciaires ne se prescrivaient que par trente ans. Cependant au parlement de Dijon les intérêts adjugés par sentence ou par arrêt ne couraient que pendant cinq ans, à moins qu'on en eût formé une nouvelle demande judiciaire. « Cette jurisprudence, dit M. Merlin (Répertoire de jurisprudence, au mot Intérét, §4), était calquée sur l'art. 150 de l'ordonnance de 1629, que le parlement de Dijon avait enregistrée purement et simplement, mais qui, d'après l'art. 7 de la loi du 3o ventôse an 12, ne

fait plus loi, même pour l'ancien ressort de cette cour. Il est seulement à remarquer qu'aujourd'hui, les intérêts adjugés par sentence ou arrêt se prescrivent par cinq ans, comme les intérêts purement conventionnels. » Ainsi M. Merlin regarde la disposition de l'art. 2277 comme généralement applicable à toutes prestations et à tous intérêts qui, soit par la convention, soit par l'effet des jugements, se paient ou doivent se payer en attendant le remboursement du capital.

La cour de Montpellier, le 25 février 1814, a fait l'application de l'art. 2277 aux intérêts d'anciennes condamnations judiciaires. La cour de Bourges, le 18 mars 1825, a de même appliqué la prescription quinquennale à des intérêts de condamnations judiciaires. La cour de Metz le 29 mai 1818, celle de Colmar le 26 juin 1820 et celle de Limoges le 17 juillet 1822, ont aussi jugé que les intérêts de prix de vente d'immeubles sont sujets à la prescription de l'art. 2277 (1).

Mais, par arrêt des 2 mai et 27 juin 1816, la cour de Paris a jugé que les intérêts moratoires courus à défaut de paiement de condamnations judiciaires n'étaient pas sujets à la prescription quinquennale de l'art. 2277. Deux arrêts, l'un de la cour de Bordeaux du 13 mars 1820, l'autre de la cour d'Agen du 18 mars 1824, présentent des décisions semblables. La cour de Paris a même jugé le 23 juin 1818 que les in

(1) Voy. ce Journal, nouv. édit., tom. 18, p. 97, et les arrêts qui y sont indiqués; anc. coll., tom. 3 de 1820, p. 538, tom. 1er et 3 de 1822, p. 256 et 347, et tom. 1or de 1826, p. 535.

"térêts d'une dot constituée ne devaient pas subir cette prescription. --- Quant aux intérêts du prix de vente, il y a contre la prescription de cinq ans un arrêt de la cour de Metz du 15 février 1822, opposé à celui de 1818; un arrêt de la cour de Paris du 30 janvier 1818, un autre du 12 décembre 1823, et un quatrième de la cour de Poitiers, du 22 juin 1825. -Enfin, la cour de Paris a confirmé, le 18 mai 1825, un jugement du tribunal de la Seine qui avait rejeté la prescription de cinq ans opposée à la demande des intérêts d'avances faites entre négociants (1).

Dans son traité des Prescriptions, no 567, M. Vazeille dit : « La loi est conçue dans des termes qui laissent douter si les intérêts de prix de ventes et du montant des condamnations prononcées par des jugements peuvent subir la prescription de cinq ans, ou s'ils ne doivent être assujettis qu'à celle de trente ans. Une vente n'est pas un prêt; le jugement qui ordonne un paiement est encore plus éloigné du prêt; cependant la raison de la loi s'applique aux circonstances, et sa lettre peut également s'y accommoder. Si l'obligation contractée pour prix d'une acquisition se distingue de l'obligation pour cause de prêt, il y a néanmoins une sorte de prêt ou de location d'argent dans la stipulation qui atermoie le prix de la vente. Le vendeur ne dit-il pas à l'acquéreur, expressément ou implicitement: Je vous laisse mon capital jusqu'à telle époque; et aussi long-temps que je l'attendrai, vous m'en payerez l'intérêt en représentation des fruits ou de l'utilité de la chose que je vous vends? L'acquéreur qui prend cet engagement est dans une position semblable à celle de l'emprunteur, du locataire et du fermier. L'accumulation des intérêts serait aussi fâcheuse pour lui que pour eux; la prescription doit être la même. Le jugement qui condamne un débiteur au paiement de sa dette ne constitue pas un prêt, sans doute; mais si le créancier met du retard à poursuivre l'exécution de son jugement, ou s'il accorde par écrit, ou verbalement même, des délais au débiteur, ne se place-t-il pas dans une position semblable à celle d'un prêteur ? ne met-il pas le débiteur dans la position de l'emprunteur ? L'intérêt

(1) Voy. anc. coll., tom. 2 de 1816, p. 473; tom. 2 de 1817, p. 180; tom. 3 de 1818, p. 315; tom. 2 de 1818, p. 91, et tom. 1er de 1824, p. 34.-

court; mais le créancier qui laisse écouler cinq années san le réclamer est bien négligent! Ce débiteur mérite bien autant que le fermier et l'emprunteur réel la sauvegarde de la prescription quinquennale. ».

L'auteur voit un préjugé dans les circonstances de l'arrêt rendu par la cour régulatrice le 30 janvier 1816, sur la demande en cassation d'un chef de l'arrêt précité de la cour de Montpellier du 25 février 1814 .Les juges de Castelnaudary statuant sur une réclamation d'environ trente années d'intérêts faite en septembre 1810, n'avaient accordé que les cinq dernières années; et l'arrêt confirmatif de Montpellier ne fut dénoncé et cassé que parce qu'il avait étendu l'application de l'art. 2277 aux intérêts échus avant sa publication. A l'examen du pourvoi, il ne se fit aucune observation qui puisse faire croire qu'on ait eu la pensée que les intérêts postérieurs au Code ne fussent pas compris dans sa disposition. Si la décision de la cour de Montpellier eût paru violer la loi sur ce point, le ministère public l'aurait certainement attaqué d'office. Voy. nouv. édit., tom. 18, pag. 97; anc. col., tom. 2 de 1816, pag. 369.

Voici l'affaire jugée par la cour de Toulouse.

La dame Blanquière vendit, en l'an 3, ses droits successifs au sieur Fauré son frère. Le contrat porte quittance du prix de la cession; mais il a été reconnu par le sieur Fauré qu'il n'avait pas payé réellement tout le prix, et que pour 1,500 fr. il fit un billet à ordre, payable à volonté. La dame Blanquière est décédée sans avoir réclamé ni le capital ni les intérêts. En 1822 ses héritiers en ont formé la demande contre les héritiers de Fauré, décédé aussi. Les défendeurs, accordant le capital et les intérêts des cinq dernières années, ont invoqué la prescription pour les années antérieures. On leur a opposé que la prescription de l'art. 2277 se borne aux objets qu'il énonce, qu'il est tout-à-fait étranger aux intérêts du prix de vente d'immeubles, qui, représentant des fruits et des jouissances, ne sont, comme toutes restitutions de jouissance, prescriptibles que par trente ans; qu'au surplus l'art. 2277, ne devant pas avoir d'effet rétroactif, ne pourrait pas frapper les intérêts échus avant sa publication. Les juges de première instance out accordé tous les intérêts depuis l'an 3. Sur l'appel de ce jugement, ARRÊT de la cour de Toulouse,

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