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deuxième chambre, du 14 février 1826, M. d'Aldeguié président, MM. Génie et Cazeneuve avocats, par lequel :

« LA COUR, Sur les conclusions de M. Cavalié, avocat-général ; — Attendu que l'art. 2277 du Cod. civ. embrasse généralement dans la prescription de cinq ans tout ce qui est payable par année ; que les inté rêts dont il s'agit, quoique représentatifs des fruits, doivent être rangés dans cette catégorie, surtout en ayant égard aux circonstances de la cause, qui, quoique favorables, sous le rapport du droit, aux parties de Bressolles, militent, relativement à l'équité, en faveur de celles de Derrouch: — Par ces motifs, disant, quant à ce, droit sur l'appel, restreint le paiement des intérêts de la somme de 1,500 fr., montant du billet à ordre du 14 messidor an 3, aux années qui ont couru depuis la date dudit billet jusqu'à la publication de l'art. 2277 du Cod. civ., aux cinq années qui ont précédé l'introduction de l'instance, et à ceux qui ont couru depuis; bien entendu, quant aux années durant lesquelles le papier-monnaie a cù cours, qu'ils seront réduits conformément aux lois rendues sur cette matière. »

V. Z.

COUR D'APPEL DE METZ.

L'art. 313 du Cod. civ., qui autorise le désaveu du mari pour cause d'adultère de la femme, et lorsqu'elle a recélé la naissance de l'enfant dont elle est accouchée, exige-t-il la preuve préalable et juridique de l'adultère et du recèlement? (Rés. nég.)

En conséquence, les faits relatifs aux trois conditions prévues par cet article, L'ADULTÈRE DE LA FEMME, LE RÉCELEMENT DE LA NAISSANCE DE L'ENFANT, LA NON-PATERNITÉ, peuvent-ils être établis simultanément par le méme acte, et ne faire que l'objet d'une seule et méme enquête? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 313, 316 et 317..

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LHOSTE, C. LA DAME ET LE MINEUR LHOste.

En 1791, mariage des sieur et dame Lhoste. Plusieurs enfants naissent de ce mariage. — En 1803, la dame Lhoste forme une demande en divorce contre son mari. Elle articule diverses injures graves consignées dans des lettres écrites par lui, soit à elle, soit à ses parents. Le 27 juillet 1805, jugement du tribunal de Charleville qui écarte cette demande. Appel de ce jugement; et, le 20 décembre suivant, arrêt de la cour royale de Metz qui le confirme.

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Si les époux n'étaient pas d'accord sur le fait de divers rapprochements qui auraient eu lieu pendant l'instance en divorce, il demeurait du moins bien constant entre eux que, depuis l'arrêt du 20 décembre 1803, la dame Lhoste était rentrée dans le domicile conjugal; qu'ayant eu de nouveau à se plaindre de son mari, elle s'était retirée chez sa mère, Sedan, et de là dans une autre maison: d'où résultait, comme point incontestable, que, depuis cette retraite, les époux avaient vécu séparés de fait. — Enfin, le 15 janvier 1804, la dame Lhoste, se trouvant à Thionville, où on l'accusait de s'être réfugiée pour cacher son accouchement, donne le jour à un enfant qui est inscrit sur les registres de l'état civil sous le nom d'Auguste, fils de Jean-François Lhoste, et né en légitime mariage. Il est confié à une nourrice, et placé plus tard au collége royal de Metz. En 1822, il revient à Charleville. -- Le sieur Lhoste, qui prétendait n'avoir jamais connu ni la naissance ni l'existence de cet enfant, forme une demande en désaveu contre lui (après lui avoir fait nommer un tuteur ad hoc) et contre la dame Lhoste. - Il articule dans le même acte des faits d'adultère contre sa femme, de recèlement de la naissance de l'enfant, et divers autres faits tendant à établir qu'il n'en était pas

le père.

Le tuteur du jeune Lhoste et la dame Lhoste soutiennent sa demande non recevable.

1o Le sieur Lhoste n'a pas fait constater par un jugement préalable l'adultère de sa femme; 2° il n'a pas fait constater, aussi préalablement, le fait du recèlement de la naissance de l'enfant ; 3 les faits par lui articulés ne sont ni pertinents ni admissibles.

Le 26 août 1824, jugement du tribunal de Rocroi, qui, écartant les fins de non recevoir, déclare constant le fait du recèlement de la naissance d'Auguste Lhoste; autorise le demandeur en désaveu à prouver l'adultère de sa femme et qu'il n'est pas le père de l'enfant; et admet, comme tendant à justifier ces deux points, les divers faits par lui articulés. Appel de la part du tuteur du mineur Lhoste et de la dame Lhoste. Il y a subversion, selon eux, ou mauvaise interprétation des dispositions de la loi dans le jugement attaqué. La règle souveraine de notre législation, en ma

tière de légitimité des enfants nés pendant le mariage, est la même que celle du droit romain et de notre ancienne jurisprudence: Pater is est quem nuptiæ demonstrant. — Mais notre législation est plus sévère encore dans l'application de cette règle que le droit romain, qui admettait le système des impossibilités morales de cohabitation entre époux (1); et elle s'est rapprochée à cet égard de notre ancienne jurisprudence, qui les rejetait. - Ce n'est qu'à trois conditions rigoureuses, tracées dans l'art. 313 du Cod. civ., que l'on parvient aujourd'hui à renverser le principe qui donne le mari pour père à l'enfant né dans le mariage. — Le mari doit fonder le désaveu sur l'adultère de sa femme, sur le recèlement de la naissance de l'enfant, sur des faits propres à justifier qu'il n'est pas le père de l'enfant.

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Mais dans quel ordre devront être remplies ces conditions? La preuve juridique du recèlement de la naissance de l'enfant, celle de l'adultère de la femme, devront-elles nécessairement précéder la preuve des faits tendant à établir que le mari n'est pas le père de l'enfant ? Pourront-elles, au contraire, être présentées simultanément par un même acte et ne faire que l'objet d'une seule et même procédure? Etudions les termes et l'esprit de la loi.

<< Le mari ne pourra, porte l'art. 313, en alléguant son impuissance naturelle, désavouer l'enfant ; il ne pourra le désavouer même pour cause d'adultère, à moins que la naissance ne lui ait été cachée, auquel cas il sera admis à proposer tous les faits propres à justifier qu'il n'en est pas le père.

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D'après l'ordre des termes mêmes et des idées, on doit dire que la première condition prescrite, la première pensée de la loi a été l'adultère, comme cause décisive de l'exception introduite; que la seconde a été le recèlement de la naissance de l'enfant. Ces deux conditions prises isolément ne laissent que le doute et le vague le plus absolu sur le fait de la légitimité de l'enfant. (Voy. liv. 11, § 7, ff, ad leg. Juliam, de adulter. Opinion de M. Roederer, à la séance du conseil d'état du 16 brumaire an 10.) Mais, réunies, elles prennent aux yeux de la loi un caractère suffisant pour la déterminer à permettre la preuve des faits de non-paternité.,

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(1) Voyez une espèce rapportée dans ce Journal, tom. 3 de 1826, p. 168.

Or il est impossible de méconnaître cette division formelle, cette progression dans l'ordre des preuves de la loi. Ainsi donc, avant d'être admis à prouver les faits de non-paternité, on devra nécessairement apporter la preuve juridique de l'adultère et du recèlement. Ce sont là les bases premières, les conditions préalables de 'coute demande en désaveu.

Conçoit-on les graves in convénients qui résulteraient du système contraire?

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on

En premier lieu, il bles serait les règles les plus positives en matière de compétence. Or cette matière est, comme sait, d'ordre public, c'est-à-dire de droit étroit; et il n'est pas permis de sortir par voie d'extensfon ou d'analogie des limites précises qui lui sont assignées par les lois. - Aux tribunaux correctionnels seuls appartient le droit de constater le délit d'adultère. Une exception à cette règle est introduite, il est vrai, par l'art. 298 du Cod. civ., lorsqu'il s'agit d'une demande en séparation de corps; mais la preuve que la loi a voulu, cette fois seuler nent, s'écarter, pour des motifs spéciaux, de la règle générale, c'est qu'elle a attribué exorbitamment aux tribunaux. civils la faculté d'appliquer une peine, comme suite nécessaire de la connaissance qu'elle leur attribue du délit d'adultèr e.

2o La loi n'a manifesté nulle part l'intention où elle serait de priver la femme des droits naturels de la défense et des moyens qu'elle a mis à la disposition de tous les prévenus. Or comment admettre que la femme soit condamnée pour délit d'adultère par voie d'enquête faite en chambre du conseil souvent sur commission rogatoire, et devant des juges étrangers à la demande du fond? C'est seulement devant les tribunaux de police correctionnelle que sa défense est entière; c'est là qu'elle peut entendre et contredire les témoins à charge, qu'elle peut en produire à décharge; c'est là que, tous les éléments de la procédure se trouvant réunis dans un même but, celui d'atteindre un délit, il est réellement permis aux juges qui en connaissent de saisir la vérité et de condamner ou d'absoudre en toute sécurité.

3o On suppose qu'en statuant sur le désaveu, les tribunaux civils statueront nécessairement et implicitement sur l'adultère, et qu'il est dans l'esprit de la loi que le jugement sur le désaveu emporte aussi jugement sur l'adultère; mais en ad

mettant que le désaveu soit prononcé, s'il arrive, comme dans l'espèce, que le mari fasse des réserves pour poursuivre correctionnellement sa femme, à raison de l'adultère, et qu'en définitive l'innocence de la femme soit proclamée, cominent expliquera-t-on la contradiction choquante qui s'élèvera alors entre le jugement sur le désaveu et le jugement d'absolution?

4° Aux termes de l'art. 318, l'action en désaveu doit être dirigée contre un tuteur ad hoc donné à l'enfant, ẹn présence de la femme. Si l'adultère est déjà jugé vis-à-vis de la femme, cette disposition de la loi est claire et simple; si, au contraire, la femme n'a été encore l'objet d'aucune poursuite, à raison de l'adultère, il est impossible d'en déterminer le sens.

Enfin les orateurs du conseil d'état, du tribunat et du corps législatif, dans leurs rapports sur cette partie du Code civil, ne laissent aucun doute sur la nécessité d'un jugement préalable pour constater l'adultère et le recèlement de la naissance, avant d'être admis à prouver les faits de non-pater-, nité. Cette opinion est, en outre, partagée par MM. de Maleville (1), Toullier (2), Merlin (3) et Locré (4).

L'art. 313, répondait l'intimé, ne dit pas ce qu'on lui fait . dire. Il ne prescrit pas, comme condition indispensable et préalable, la preuve juridique de l'adultère ou du recèlement; il introduit une simple exception à l'art. 312, et décide qué, lorsque le recèlement de la naissance de l'enfant sc trouvera fondé sur l'adultère de la mère, le mari pourra offrir la preuve de sa non-paternité. C'est là tout son objet, et cet objet est indivisible par son essence même comme dans l'esprit de la loi. Vouloir le diviser et exiger des preuves juridiques préalables pour constater l'adultère ou le recèlement, c'est évidemment placer dans le texte de la loi une fin de non recevoir qu'elle ne laisse pas même soupçonner. L'économie de sa rédaction, au contraire, offre, comme dis

(1) Analyse du Code civil, tom. 1er, pag. 309.
(2) Droit civil français, tom. 2, no 812 et 815.

(3) Répertoire de jurisprudence, 4o édit., v° Légitimité, p. 242, note. (4) Esprit du Code civil, tom. 5, p. 35 et suivantes.

Tome Ier de 1826.

Feuille 5.

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