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position certaine, la simultanéité dans les preuves relatives aux trois conditions qu'elle impose pour fonder la demande en désaveu.

2o La preuve préalable de l'adultère et du recèlement serait frustratoire: car il est incontestable, que la preuve de non-paternité devant résulter de l'accomplissement des trois conditions imposées par la loi, si son vœu est satisfait sous ces trois rapports, la preuve générale relative au désaveu entraînera nécessairement la preuve de l'adultère et celle du recèlement de la naissance.

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3o En admettant la preuve juridique et préalable de l'adultère de la femme, on dénierait aux héritiers du mari l'action en désaveu dans les cas prévus par l'art. 317. En effet, ces héritiers n'ont pas le droit de poursuivre la femme pour délit d'adultère, et ils ont directement celui de faire prononcer le désaveu. Mais comment parviendront-ils à ce résultat s'ils sont obligés de rapporter la preuve juridique et préalable d'un délit dont la loi leur interdit la poursuite? Et ce qui doit servir comme de complément de preuve à cette vérité, c'est que, la loi, dans les cas prévus par les art. 316 et 317, déterminant un délai précis, pendant lequel devra être intentée l'action en désaveu, le mari ou ses héritiers seront dans l'impossibilité constante de rapporter les preuves préalables exigées, le délai déterminé étant beaucoup trop court pour mettre à fin les procédures en adultère ou en recèlement.

5o Enfin, l'action en désaveu est propre au mari comme toute autre action dont l'exercice lui est garanti par la loi. Or, si sa femme est morte avant qu'il ait été à portée de former son action, il ne pourra plus la poursuivre pour délit d'adultère. Décidera-t-on néanmoins que l'action en désavea, qu'il tient de la loi, lui sera interdite, parce qu'il se trouvera, par un fait étranger, indépendant de sa volonté comme de sa vigilance, dans l'impossibilité de rapporter la preuve juridique et préalable de l'adultère?

Du 29 décembre 1825, ARRÊT de la Cour royale de Metz (audience solennelle), M. Gérard d'Hannoncelles premier président, MM. Oulif, Parant et Dommanget avocats, par lequel :

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<< LA COUR, Sur les conclusions de M. Julien, premier avocat

général; — Sur la fin de non recevoir, attendu que l'art. 313 du Cod. civ. ne dit point que le mari demandeur en désaveu devra rapporter la preuve juridique de l'adultère de sa femme, et que la naissance de l'enfant lui a été cachée, avant d'être admis à la preuve des faits de non-paternité; — Attendu qu'il en doit être du désaveu pour cause d'adultère comme de la demande en séparation de corps pour la même cause, demande pour l'admission de laquelle on n'a jamais prétendu que la preuve juridique de l'adultère dut être préalablement acquise;

« Attendu, d'autre part, que la loi n'a établi aucune action particulière à l'effet de constater le recèlement de la naissance; et l'on conçoit d'ailleurs que, si une telle action existait, elle ne pourrait être exercée par le mari qu'autant qu'il y aurait de sa part aveu et reconnaissance de l'enfant ; « Attendu que l'art. 317, en attribuant dans certains cas l'action en désaveu aux héritiers du mari, n'y a pas mis pour condition que celui-ci aurait fait juger avant sa mort l'adultère et le recèlement; - Attendu que l'action en désaveu pour cause d'adultère peut être intentée après la mort de la femme comme pendant sa vie; - Attendu enfin que la loi qui a introduit cette action en faveur des familles n'a certainement pas voulu que l'exercice en fût à peu près impossible ni faire une concession frustratoire;

« Attendu qu'il résulte évidemment de ces diverses observations qu'il suffit que le demandeur pose des faits graves et pertinents, propres d'une part à établir l'adultère et le recèlement de la naissance de l'enfant, et d'autre part à justifier la non-paternité, et que rien ne s'oppose à ce que ces faits soient admis par un seul et même jugement, pour être prouvés simultanément: ainsi la fin de non recevoir opposée à la demande dont il s'agit doit être rejetée;

<< Au fond, attendu que les faits articulés par la partie de Dommanget sont pertinents et admissibles; Par ces motifs, A Mis l'appellation au

néant, avec amende et dépens. >>

Nota. Cet arrêt juge, en termes exprès, que le mari peut offrir simultanément la preuve des trois conditions prescrites par l'art. 313 du Cod. civ., pour fonder sa demande en désaveu; et en cela il va plus loin que l'arrêt de la cour de cassation du 8 juillet 1812 (tom. 1er de 1815, pag. 11), qui, par ces mots, « attendu que le recèlement de la naissance de l'enfant est la seule condition exigée pour rendre admissible l'action en désaveu, lorsqu'elle est fondée sur l'adultère», pouvait laisser des doutes sur la question de savoir, si du moins le mari ne devrait pas rapporter la preuve préalable du recèlement, pour être reçu ensuite à intenter l'ac

tion en désaveu.

Cependant nous pensons que l'arrêt de la Cour royale de Metz a consacré une saine doctrine sur cette matière. Sans doute que les arguments contraires sont très forts; ils sont présentés comme raisons déterminantes et conditions nécessaires pour fonder la demande en désaveu par les orateurs mêmes qui ont présenté la loi au tribunat et au corps législatif. Mais quelque plausibles que soient ces raisons, on est toujours forcé, lorsqu'on en vient à l'application, de faire concourir toutes les dispositions de la loi sur la matière, pour les entendre et les expliquer mutuellement (1); et c'est, à notre avis, l'argument le plus puissant qu'ait employé la cour royale de Metz pour motiver sa décision. C'est en effet en rapprochant les dispositions des art. 316, 317, 318 et 325, et en faisant résulter de ce rapprochement l'impossibilité d'admettre comme condition préalable la preuve juridique de l'adultère et du recèlement, qu'elle a établi invinciblement, selon nous, la solidité de son interprétation. Quant à l'autorité des orateurs rapporteurs du projet, elle ne saurait, quelque grave qu'elle soit, balancer la loi ellemême sainement entendue. « Entraîné par leur autorité, dit l'auteur du Répertoire de jurisprudence (2), plus que par ma conviction personnelle, j'ai soutenu la même chose (la proposition contraire à celle de l'arrêt ), mais sans succès. »>

d'une

Examinons rapidement l'argument le plus important de T'opinion contraire. L'adultère ne peut se prouver que manière, dit-on : la nature de ce délit, l'intérêt de la femme, celui des enfans, le veulent ainși. Si la loi a créé une exception unique dans l'art. 298, c'est qu'elle a voulu que tous les autres cas fussent soumis à la règle générale. Or ce cas est tellement placé par elle dans l'exception, qu'elle va jusqu'à régler les conséquences exorbitantes de cette disposition. C'est ainsi qu'elle attribue aux tribunaux civils le droit de prononcer une peine à raison du délit d'adultère, etc., etc.

On répond à cet argument 'que, pour bien entendre une loi, il faut s'attacher surtout à son véritable vœu, à son objet principal; que les accessoires doivent être interprétés

(1) Voy. le traité de l'Interprétation des lois, de M. A. Mailher de Chassat, p. 212.

(2) Vo Légitimité, p. 242 (note).

de la manière la plus conforme au but principal qu'elle se propose. Or quel est ce but dans l'espèce? Evidemment le désaveu: les autres parties de la loi ne sont que les conditions ou les moyens pour y parvenir.- Un jugement rendu sur le désaveu pourrait donc déclarer qu'attendu l'adultère de la femme et le recèlement de la naissance de l'enfant, le mari n'en est pas le père, sans qu'on fût autorisé à opposer à la femme ce jugement comme emportant condamnation sur le délit; et il n'y aurait en cela aucune contradiction avec le jugement qui l'absoudrait sur la prévention d'adultère, parce que la loi s'est proposé un but distinct dans les deux cas. Ce n'est, au contraire, qu'en confondant ce qui fait ainsi l'objet propre de chacune des dispositions que l'on arrive aux contradictions. « Il est dangereux, disent les docteurs, de détourner ce qui a été introduit pour un certain effet vers un autre effet. » Introducta ad unum effectum non debent ad alium inconvenienter torqueri. (Oldendorp., loc. argum. leg. ab effectis, no 6.)

A. M. C.

COUR D'APPEL DE METZ.

Une Française qui s'est mariée en France à un Belge d'origine, mais devenu Français long-temps avant le mariage, par la réunion de la Belgique à notre territoire, a-t-elle perdu sa qualité de Française et de justiciable des tribunaux de France, depuis que, par l'effet des traités, le pays de son mari et ce dernier lui-même sont devenus étrangers? (Rés. aff.)

En conséquence, cette femme est-elle obligée de porter sa demande en séparation de biens devant les tribunaux étrangers? (Rés. aff.)

DE MASBOURG, C. SA FEMME.

Le sieur de Masbourg, né à Bastogne, dans le grand-duché de Luxembourg, était devenu Français par la réunion de ce duché à la France. En 1813, il fut nommé conseillerauditeur à la Cour d'appel de Metz, et épousa, bientôt après, *la demoiselle Rolland, Française née en cette ville.

Après le traité de Paris, du 30 mai 1814, le sieur Mas

bourg donna sa démission, et se rendit à Bastogne, sa ville natale. Son épouse l'y suivit; mais elle retourna peu de temps après à Metz, et depuis, les époux vécurent séparés.

En 1821, le sieur de Masbourg accepta les fonctions de membre du conseil de régence de la ville de Bastogne. En 1822, il fut nommé membre des états provinciaux et de la commission d'instruction publique, fonctions qui, a-t-on dit, supposaient la qualité de sujet du roi des Pays-Bas.

En 1824, la dame de Masbourg, résidant à Metz, a formé contre son mari, devant le tribunal de cette ville, une demande en séparation de biens. Le sieur de Masbourg a décliné la juridiction du tribunal français, en se fondant sur sa qualité d'étranger, et sur ce que son épouse était devenue étran– gère, aux termes de l'art. 19 du Cod. civ., qui porte qu'une femme française qui épouse un étranger suit la condition de son mari.

Jugement qui rejette ce déclinatoire. -- Appel.

Dans l'intérêt du sieur de Masbourg, on a soutenu que la réunion à la France des pays conquis n'avait pas suffi pour attribuer aux personnes nées dans ces pays la qualité de Français, parce qu'on ne peut devenir Français que de deux manières, ou par la naissance, ou par lettres de naturalisation ; que, si les traités de Campo-Formio et de Luneville avaient voulu consacrer un principe contraire, le traité de Paris du 30 mai 1814 n'avait point sanctionné ces actes émanés d'un gouvernement usurpé; qu'aux termes de ce traité, tous les individus nés dans les pays momentanément réunis à la France étaient réputés étrangers, qu'il leur était seulement permis de devenir Français en remplissant certaines formalités qui furent ultérieurement déterminées par la loi du 14 octobre 1814. On concluait de ce système que le sieur de Masbourg n'avait jamais cessé d'être étranger; que sa femme était dès lors devenue étrangère par le mariage, d'après l'art. 19 du Cod. civ.; qu'ainsi les juges français étaient incompétents.

En admettant, ajoutait-on, que le sieur de Masbourg soit devenu Français par la réunion du duché de Luxembourg à la France, et qu'au moment de son mariage il eût cette qualité, l'incompétence du tribunal n'en serait pas moins certaine, car le sieur de Masbourg est redevenu étranger par suite du démembrement de la Belgique et à défaut de décla

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