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ration portant qu'il désirait conserver la qualité de Français (art. 2 de la loi du 14 octobre 1814). Or, la femme devant suivre la condition de son marij, aux termes de l'art. 19 dụ Cod. civ., il en résulte que la dame de Masbourg a perdu sa qualité de Française, et est devenue étrangère comme son

mari.

On objecte que l'art. 19 dispose pour le moment du mariage, mais ne va pas jusqu'à déclarer que la femme deviendra également étrangère dans le cours du mariage, si à une époque quelconque son mari perd la qualité de Français, et on invoque les articles 17 et 21 du Cod. civ. - Dans les différents cas prévus par ces articles, il y a, de la part du mari, délit, désertion du sol de la patrie; il y au moins un fait volontaire, une faute commise envers le pays auquel il appartient. La perte des droits civils en est la peine; et comme les peines sont personnelles, aussi bien que le délit, on peut concevoir que dans cette hypothèse la femme ne subisse pas le sort de son mari. Mais en est-il de même lorsque celuici devient étranger, moins par sa volonté que par l'effet d'une force majeure? Non, sans doute, parce que, dans cette hypothèse, il n'y a point de reproche à faire au mari. Qr cette hypothèse est celle dans laquelle se trouve l'appelant.

On objecte encore que, si le sieur de Masbourg n'est pas devenu ou resté Français en 1814, c'est par sa faute, puisqu'il n'avait qu'une simple déclaration à faire ; et ici se représentent les arguments que la femme peut faire valoir dans les cas prévus par les articles 17 et 21 du Cod. civ. Mais on ne pourrait accuser le sieur de Masbourg avec quelque apparence de raison qu'autant qu'il se serait obligé expressément ou tacitement à acquérir la qualité de Français. Or point d'engagement explicite. Quant à la condition tacite, elle ne peut même se supposer. Pourquoi, en effet, un mari serait-il censé vouloir abdiquer son pays natal, et se placer ainsi dans une position qui pourrait l'exclure des successions de sa famille, et l'obliger à porter les armes contre sa patrie d'origine ?

L'appelant invoquait l'arrêt de la cour de cassation du 14 avril 1818. Voy. tom. 2 de 1819, pag. 557, et nouv. édit., tom. 20, pag. 320. Il ajoutait qu'alors même que la dame de Masbourg serait restée Française, elle ne pourrait procéder que devant les juges des Pays-Bas, parce que le défendeur à

une action personnelle doit être assigné devant le juge de son domicile; que d'ailleurs la dame de Masbourg n'ayant, d'après l'art. 108 du Cod. civ., d'autre domicile que celui de son mari, elle ne pouvait, étant domiciliée à Bastogne, réclamer la juridiction d'un tribunal français.

la

Pour l'intimée on répondait : La dame de Masbourg, née Française, a épousé un Français: elle n'a donc pu perdre sa qualité que de la manière indiquée par les art. 17 et 21 du Cod. civ. Or aucun des cas prévus par cet article n'est applicable à la dame de Masbourg. Mais, dit-on, le sieur de Masbourg est actuellement étranger: dès lors sa femme est devenue étrangère, d'après l'art. 19 du Cod. civ. Il est inexact de dire que femme suit dans toutes les circonstances la condition de son mari. L'art. 19 ne fait perdre à la femme française sa qualité que lorsqu'elle épouse un étranger; mais quand elle épouse un Français, elle demeure Française à toujours. On ne peut assimiler à la femme qui épouse un étranger la Française dont le mari français abdique sa qualité pendant le mariage. La première connaît la condition qu'elle, embrasse; l'autre au contraire n'a pu deviner qu'il plairait un jour à son mari de se rendre étranger. Suivant les principes de l'ancienne législation, cette question ne faisait aucune difficulté; l'abdication du mari n'entraînait pas celle de la femme; celle-ci n'était pas même obligée de le suivre en pays étranger (Pothier, Traité du contrat de mariage, no 382, et Traité de la puissance du marï, art. 1er). Les auteurs modernes attestent que la doctrine n'a point changé sur ce point. Voy. M. Toullier, tom.fier, pag. 240, et M. Delvincourt. En vain le sieur de Masbourg oppose qu'il n'y a pas eu abdication volontaire de sa part; qu'il n'est devenu étranger que par force majeure. Puisqu'il suffisait au sieur de Masbourg, pour conserver sa qualité de Français, de faire une simple déclaration dans un délai fixé, il est vrai de dire qu'il a abdiqué volontairement cette qualité.

-

Du 25 août 1825, ARRÊT de la cour royale de Metz, M. Gérard d'Hannoncelles premier président, MM. Dommanget et Charpentier avocats, par lequel :

« LA COUR, Sur les conclusions contraires de M. Pyrot, avocatgénéral; Attendu qué le sieur de Masbourg est incontestablement étranger, puisqu'il n'a point obtenu de lettres de déclaration de naturalité, ni

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même continué de résider en France, étant retourné dans les Pays-Bas, à Bastogne, lien de sa naissance, où il demeure et où il exerce même des fonctions publiques depuis plusieurs années; - Attendu que la dame de Masbourg, étant ainsi la femme d'un étranger, est étrangère elle-même, puisqu'aux termes de l'art. 19 du Cod. civ., la femme française mariée à un étranger suit la condition de son mari; Attendu, d'un autre côté, que, d'après l'art. 108 du même Code, la femme mariée n'a point d'autre domicile que celui de son mari;

« Attendu qu'il importe peu que le sieur de Masbourg ait eu la qualité de Français à l'époque de son mariage : sans doute il l'avait alorɛ; mais sa condition a changé, il a perdu cette qualité, et on ne peut aujourd'hui le juger d'après un état politique qu'il n'a pas conservé;

« Attendu qu'à la vérité il aurait pu se conformer à l'art. 2 de la loi du 14 octobre 1814; mais s'il ne l'a pas jugé à propos, s'il a voulu suivre le sort de son pays, s'il a préféré sa patrie d'origine à une patrie d'adoption, ce n'est là qu'une chose toute naturelle, et il est impossible de lui en faire aucun reproche;

« Attendu qu'un tel changement n'est sans doute pas sans inconvénient pour la dame de Masbourg, qui n'était guère à même de le prévoir lors de son mariage; mais ce serait de la part des magistrats tomber dans un inconvénient bien plus grave que de s'autoriser de cette considération pour porter atteinte à l'association conjugale et la soumettre à des modifications dont elle n'est point susceptible;

« Attendu qu'il suit de là que le déclinatoire proposé par le sieur de Masbourg est fondé, et qu'il y a lieu de réformer la sentence des premiers juges; En conséquence, A Mis l'appellation et ce dont est appel au néant; émendant, faisant droit sur ledit déclinatoire, renvoie la cause et les parties devant qui de droit, etc. »

COUR D'APPEL D'ANGERS.

S.

L'inscription prise en vertu d'une obligation contenant hypothèque spéciale sur divers immeubles séparés ne formant point corps de domaine, et situés dans différentes communes, est-elle régulière lorsqu'elle ne désigne ni l'espèce ni la nature des biens hypothéqués, mais seulement les communes où ces biens sont situés? (Rés. nég.) Cod. civ., art. 2146.

Le conservateur qui, au lieu de donner au créancier qui requiert inscription une reconnaissance des bordereaux à lui remis, a prématurément certifié au pied de l'un de ces bordereaux, régulier dans sa forme, l'inscription qu'il a faite plus tard à l'aide de celui qui était resté en

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tre ses mains, et qui contenait des irrégularités, peut-il se soustraire à la responsabilité du préjudice qu'il a porté à ce créancier en faisant une inscriptiont irrégulière, sur le fondement qu'il a été induit en erreur par le bordereau qui lui était resté et auquel il s'était conformé dans cette inscription? (Rés. nég.) Cod. civ., art. 2197 et 2200.

Blanchet et Lieutaud, C. Les HÉRITIERS MONDAIN.

La publicité de l'hypothèque par l'inscription serait une mesure illusoire, si elle n'était accompagnée de l'indication de l'espèce des biens qui en sont grevés: aussi le législateur a-t-il exigé cette formalité comme substantielle de l'inscription, et dont l'absence emporte nullité.

A la vérité, la jurisprudence des cours s'est relâchée de sa rigueur primitive sur ce point important; mais c'est dans le cas seulement où la mention de la spécialité exigée par la loi se trouve résulter implicitement des termes dans lesquels l'inscription est conçue, et lorsque les tiers intéressés à connaître la position du débiteur peuvent y trouver des renseignements suffisants et propres à empêcher qu'ils puissent être induits à erreur à cet égard. Par exemple, si les biens hypothéqués, formant un seul corps de domaine, sont désignés en masse sous la dénomination de ce domaine; ou si, ne formant pas un corps, ils sont situés dans la même commune; s'ils sont tous grevés de l'hypothèque; et si, dans ce cas, le créancier inscrivant s'est borné à indiquer le lieu de leur sistuation, les arrêts ont décidé avec fondement, dans de semblables hypothèses, que les tiers étaient suffisamment instruits de tout ce qu'ils avaient intérêt de savoir, et que le vœu de la loi était rempli par ces énonciations (1). Toutefois nous pensons avec la cour d'appel d'Angers qu'il doit en être autrement lorsqu'il s'agit, comme dans l'espèce ci-après, d'immeubles séparés, situés soit dans la même commune, soit dans des communes différentes, où le débiteur posséderait d'autres immeubles qu'il n'aurait pas hypothéqués. Dans ce cas il ne suffirait pas d'indiquer seulement le lieu de la situa

(1) Voy. les arrêts de la cour de cassation des 6 avril 1819, 6 mars 1820, 6 février 1821, et 24 janvier 1825, recueillis dans ce Journal, tom. 3 de 1822, p. 161; tom. 3 de 1825, p. 200, el tom. 22 de la nouv. édit., p. 237.

tion des biens grevés: leur désignation par leur espèce et leur nature serait rigoureusement nécessaire, et, en l'absence de cette formalité, il y aurait lieu à prononcer la nullité de l'inscription.

• Louis Mondain et le sieur Blanchet figuraient parmi les créanciers hypothécaires de Pierre Mondain et de Jeanne Ciret sa femme. Les biens immeubles de ces derniers ayant été vendus, un 'ordre fut ouvert. Blanchet et Louis Mondain produisirent leurs titres de créances, et requirent leur collocation à la date de leur inscription. Blanchet fut placé au premier rang dans l'état dressé par le juge-commissaire. Sa collocation absorbait la totalité du prix à distribuer, et ôtait à Louis Mondain, qui venait immédiatement après lui, tout espoir d'être payé de ce qui lui était dû. ---Des contredits furent formés par ce dernier; il contesta la collocation de la créance de Blanchet; il donna pour motif que son inscription était irrégulière, 1o parce qu'elle ne contenait point l'indication de l'espèce et de la situation des immeubles sur lesquels il entendait exercer son hypothèque; 2° parce qu'elle ne contenait point élection de domicile dans un lieu de l'arrondissement du bureau où il l'avait requise, mais seulement dans un lieu situé hors de cet arrondissement, ce qui en entraînait la nullité, aux termes de l'art. 2148 du Cod. civ., nos 1o et. 5o.- Ces motifs ayant servi de base à ceux du jugement qui intervint sur la contestation, nous nous dispenserons d'entrer dans des détails qui seraient superflus.

Le sieur Blanchet, de son côté, appela en garantic le sieur Liétaud, conservateur des hypothèques, auquel il reprocha de n'avoir pas transcrit sur les registres le bordereau qu'il lui avait remis dans une forme régulière, d'être l'auteur de l'irrégularité qui était relevée contre son inscription, et de lui avoir inspiré une fausse sécurité par la délivrance d'un certificat contenant inscription régulière.

vants :

Le tribunal de première instance d'Angers rendit, le 6 du mois de mai 1826, un jugement conçu dans les termes sui« Attendu que, d'après l'art. 2154 du Cod. civ., l'hypothèque n'a de rang que du jour de l'inscription prise par le créancier sur les registres du conservateur, dans les formes et de la manière prescrites par la loi ; Qu'aux termes de l'art. 2148 du même Code, no 5, l'inscription, pour être

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