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valable, doit contenir l'indication de l'espèce et de la situation des biens hypothéqués ; que ces formalités sont substantielles, puisque leur omission pourrait induire des tiers en erreur; - Attendu que, dans l'état d'inscription délivré par le conservateur des hypothèques de Saumur, le 20 mars 1825, il est dit que l'inscription du sieur Blanchet est assise sur différents immeubles situés dans les communes de Saint-Lambertdu-Lattay et de Beaulieu, c'est-à-dire sur divers biens, sis en plusieurs lieux; que cette inscription, n'ayant point frappé én termes généraux la totalité des biens situés dans lesdites communes, appartenant à Pierre Mondain et à Jeanne Ciret son épouse, aurait dû nécessairement et de rigueur contenir l'espèce de ceux hypothéqués, par exemple qu'ils consistaient en bâtiments, terres labourables, prés, vignes, bois, etc.; que de pareilles omissions, étant de nature à porter préjudice à des tiers, doivent faire prononcer la nullité de l'inscription;

Attendu que le défaut d'élection de domicile dans un lieu de l'arrondissement de Saumur n'emporte pas essentiellement la nullité de l'inscription, parce qu'il ne peut préjudicier aux tiers, mais seulement à l'inscrivant ; - Attendu que le bordereau mis au bas du contrat du sieur Blanchet a été dans la forme prescrite par la loi; qu'au pied de ce bordereau, le conservateur a certifié en avoir fait l'inscription conforme sur le registre; que, de plus, le lendemain il a délivré un état général des inscriptions, dans lequel il a référé celle de la veille prise par ledit Blanchet, et dans les mêmes termes que le bordereau et le certificat d'inscription placés à la suite dudit contrat ; qu'il résulte de ces actes que le conservateur n'a pas transcrit sur son registre l'inscription dudit Blanchet telle qu'elle devait être; que, par cette omission, il a compromis les intérêts de Blanchet, ce dont il est responsable, en conformité de l'art. 2197 du Cod. civ.; Le tribunal déclare nulle et de nul effet l'inscription comprise dans l'état délivré par le conservateur des hypothèques de Saumur, le 20 mai 1825; - Ordonne que le règlement provisoire de l'ordre sera réformé en cette partie; qu'en conséquence, Blanchet rejeté de l'ordre, les héritiers de Louis Mondain, se trouvant alors les premiers en hypothèque, seront colloqués les premiers ; - Et faisant droit sur la demande en garantie formée par Blanchet, condamne le conservateur des

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hypothèques à lui payer toutes les sommes qui seront distribuées d'après la clôture de l'ordre. >>

Le sieur Blanchet et le conservateur des hypothèques, chacun de son côté, interjetèrent appel de ce jugement devant la cour royale d'Angers. Le premier soutenait que son inscription, telle qu'elle existait, satisfaisait suffisamment au vœu de la loi sur la publicité et la spécialité des hypothèques ; que la jurisprudence en cette matière s'était relâchée de sa rigueur primitive, et qu'il suffisait que les biens sur lesquels un créancier voulait conserver son hypothèque fussent désignés de manière à ce qu'on ne pût s'y méprendre. - Enfin, et en dernière analyse, il se retranchait dans la garantie que la loi lui accordait contre le conservateur, et qu'il avait obtenue des premiers juges.

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Le conservateur des hypothèques faisait valoir les mêmes moyens que le sieur Blanchet pour écarter les reproches d'irrégularité élevés contre l'inscription. Il essayait de repousser la garantie qui était exercée contre lui, en disant que les deux bordereaux qui lui furent remis par le sieur Blanchet n'étaient point conformes ; que, si celui qui avait été mis par ce créancier à la suite de son contrat d'obligation, et au pied duquel il avait certifié en avoir fait l'inscription, réunissait toutes les conditions voulures par la loi, il n'en était point de même de celui qui lui était resté entre les mains et d'après lequel il avait fait plus tard cette inscription; qu'il avait été induit à erreur par la confiance où il était que ce second bordereau était semblable au premier, dont il n'était plus à même de vérifier la conformité lorsqu'il en fit l'inscription sur ses registres, et qu'il ne devait pas être responsable d'une méprise qui n'avait été occasionée que par le fait de ce créancier.

Le 16 août 1826, ARRÊT de la cour d'appel d'Angers, MM. Janvier, Chedevergne et Deleurie avocats, par lequel :

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« LA COUR, En ce qui touche l'appel interjeté par le sieur Blanchet contre les héritiers de Louis Mondain, Considérant que l'inscription de l'acte du 16 mars 1822, prise au bureau des hypothèques de Saumur, par le sieur Blanchet, le 4 avril, est conçue en ces termes : « Dif« férents immeubles situés en les communes de Saint-Lambert-du-Lattay « et de Beaulieu, dans l'arrondissement du bureau des hypothèques de Sau>> mur.»; - Que ces expressions ne désignent point l'espèce des immeubles

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hypothéqués; qu'elles n'indiquent pas non plus suffisamment leur situa-tion, attendu qu'elle se confond avec celles des autres biens situés dans les enclaves des mêmes communes; que ces expressions, différents immeubles, laissent dans le vague et l'incertitude la question de savoir si c'est la totalité des biens de Pierre Mondain, situés dans lesdites communes, qui a été soumise à l'hypothèque, ou si ce n'en est qu'une partie; et, dans ce dernier cas, quels sont ceux de ces immeubles qui y ont été assujettis, et quels sont ceux qui en ont été exempts;

<«< Considérant que l'acte du 16 mars 1822 constituait une hypothèque conventionnelle; que, dès lors, l'inscription, pour être valable, devait satisfaire à la condition prescrite par le no 5 de l'art. (2148 du Cod. civ., qui veut que l'inscription contienne l'indication de l'espèce et de la situation des biens; que la loi a établi cette spécialité, ainsi que la publicité, dans l'intérêt des tiers, afin que, par la scule inspection des inscriptions, ils puissent reconnaître l'état de la fortune de leur débiteur, sans avoir recours à d'autres investigations; qu'elle en a fait une condition substantielle de cette espèce d'inscription, ainsi qu'il résulte de la combinaison des art. 2129, 2134 et 2148 du Cod. civ.: d'où il suit que, lorsque cette condition n'est pas accomplie, l'inscription doit être regardée comme nulle;

« Considérant que les immeubles dont il est question dans l'acte du 16 mars ne forment point un corps de ferme qui puisse être désigné par un nom collectif; mais qu'ils se composent de plusieurs objets séparés, indépendants et de nature différente; que par conséquent ils étaient plus particulièrement assujettis aux désignations spéciales voulues par la loi, et qu'ainsi, sous ce rapport, on ne peut se prévaloir des exemples d'une jurisprudence moins sévère ; - Considérant que, la nullité de l'inscription procédant de la force de la loi, on ne doit faire aucune attention ni à l'exception déduite de ce que les créanciers postérieurs auraient connu le vice de l'inscription, ni même au reproche de non-sincérité de leur créance, qui n'a point été attaquée par les voies légales ;

<< En ce qui touche l'appel interjeté par le sieur Lieutaud contre le sieur Blanchet, au chef où il a été déclaré responsable de la nullité dont il s'agit, Considérant qu'il est constant et reconnu que l'acte du 16 mars 1822, remis le 4 avril suivant, par le sieur Blanchet au sieur Lieutaud, contenait au bas un bordereau pour que ce dernier en opérȧt l'inscription sur ses registres; que ce bordereau, conforme à l'acte, spécialisait suffisamment les biens hypothéqués; que le sieur Lieutaud a certifié s'y être conformé en faisant l'inscription; Considérant que le sieur Lieutaud est contrevenu à l'art. 2200 du Cod. civ. en délivrant, le 4 avril 1822, un des bordereaux qui lui étaient remis par le sicur Blanchet, au lieu du récépissé prescrit par ledit article; qu'il en est résulté qu'il a attesté prématurément une inscription qui n'existait pas encore, et qu'il a certifié, entre le bordereau qu'il rémettait et l'inscription faite postéricurement, une conformité qu'il n'était plus à mêine de vérifier, et qui n'a pas existé;

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Considérant que toutes ces circonstances prouvent que la nullité de l'inscription dont il s'agit est provenue d'une négligence inexcusable de la part du sieur Lieutaud, et de ce qu'il ne s'est pas conformé à la marche tracée par la loi; que conséquemment elle doit entraîner contre lui la responsabilité prévue par les art. 2197 et 2202 du Cod. civ.; - Qu'en vain il allègne avoir été induit en erreur par le sieur Blanchet, qui lui aurait remis un second bordereau non conforme au premier; - Que ce fait, fût-il prouvé, expliquerait l'erreur dans laquelle il est tombé, mais ne la justifierait pas; - MET les appellations au néant; ordonne que, sur le tout, ce dont est appel sortira son plein et entier effet, etc. »

J. L. C.

COUR DE CASSATION.

L'arrêt qui déclare n'y avoir lieu d'ordonner la disjonction des poursuites dirigées contre deux individus en matière de délit d'usure est-il un arrêt d'instruction, contre lequel on ne puisse se pourvoir en cassation, aux termes de l'art. 416 au Cod. d'inst. crim.? (Rés. aff. ) Lorsqu'il y a présomption de complicité dans le délit d'usure et d'escroquerie, l'arrêt qui ordonne que les procédures resteront jointes et seront instruites en commun, viole-t-il les art. 226 et 227 du Cod. d'inst. crim.? (Rés. nég.)

L'arrêt qui fait entrer dans la supputation des sommes prétées à usure des renouvellements de prêts usuraires faits antérieurement à la loi du 5 septembre 1807, ATTENDU QU'A L'ÉPOQUE DE CES RENOUVELLEMENTS, IL Y A EU NOUVELLES CONVENTIONS USURAIRES ET PERCEPTION D'INTÉRÊTS.

EXCÉDANT LE TAUX LÉGAL, donne-t-il un effet rétroactif aux dispositions de cette loi? (Rés. nég.) Art. 5, loi du 5. septembre 1807.

De simples renouvellements tacites de prêts usuraires antérieurs à la loi du 5 septembre 1807, avec perception d'intérêts usuraires, forment-ils, comme CONVENTIONS NOUVELLES, des éléments légaux du délit d'usure, et peuventils entrer dans la supputation des sommes prétées à usure, pour déterminer la quotité de l'amende? (Rés. aff.) Art. 4, loi du 3 septembre 1807.

PIERRE ET ANTOINE MAS, C. LE MINISTÈRE PUBLIC.

Pierre et Antoine Mas, oncle et neveu, furent poursuivis

conjointement pour délit d'habitude d'usure. Devant la cour royale de Nismes, ils demandèrent à être jugés séparément, attendu que les prêts qui leur étaient reprochés avaient été faits séparément par chacun d'eux, et avec leurs deniers particuliers. Le 5 janvier 1825, arrêt qui déclare n'y avoir lieu à ordonner la disjonction demandée. Antoine Mas seul se pourvoit contre cet arrêt. La procédure se poursuit néanmoins; et, le 27 janvier 1826, arrêt définitif de la cour royale de Nismes qui condamne Pierre Mas à 31, 500 fr. d'amende, et Antoine Mas à 10,000 fr.- -Pierre Masse se pourvoit en cassation contre les deux arrêts par un seul et Antoine Mas ne se pourvoit alors que contre

même acte.

l'arrêt définitif.

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Ils attaquent les arrêts de la cour royale sous trois rapports:

1o Violation des art. 416, 226 et 227 du Cod. d'inst. crim. - Ces divers articles ne sont applicables que dans le cas où il s'agit de jugements préparatoires, dans eeux où il y a réellement connexité de délits. - Dans les cas contraires, lorsque les délits prétendus commis sont distincts et séparés, et qu'on ne peut les rattacher ensemble par un concert formé d'avance, il y a lieu d'ordonner la disjonction, pour prononcer séparément sur la culpabilité de chaque prévenu.

2o Violation de l'art. 5 de la loi du 3 septembre 1807. La cour royale de Nismes a mis au nombre des prêts usuraires reprochés aux prévenus des prêts antérieurs à la loi du 3 septembre 1807. Elle s'est fondée sur ce que les intérêts de ces prêts, perçus depuis la loi, sont comme autant de contrats nouveaux auxquels s'appliquent les dispositions de cette loi. C'est là une grave erreur. On conçoit bien que les prêts antérieurs qui se trouvaient formellement renouvelés par des actes passés depuis la loi fussent soumis à ses dispositions; mais comment admettre que de simples perceptions d'intérêts, qui n'étaient dans le vrai que l'exécution des contrats antérieurs, dussent être considérées comme des conventions nouvelles soumises aux dispositions de la loi du 3 septembre 1807. C'était, à l'aide de subtilités, donner un effet rétroactif à cette loi.

3o Excès de pouvoir et fausse application de l'art. 4, § 1er, de la loi du 3 septembre 1807, en ce que la cour royale a

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