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condamné le sieur Mas à une amende excédant la moitié des capitaux prêtés. En effet, cette cour, au lieu de compter les capitaux réellement prêtés pour déterminer ensuite l'amende, a vu des prêts nouveaux dans chaque renouvellement ou prorogation de délai, et a formé ainsi une masse de prétendus capitaux prêtés sur lesquels elle a fixé l'amende. C'est là une fixation arbitraire. - Les renouvellements ou prorogations de délais, lorsque le débiteur ne paie pas à l'échéance, ne sont pas de nouveaux prêts : ce sont des facilités, des conventions nouvelles, si l'on veut, mais dont tout l'effet se borne au terme même du prêt; les conventions primitives subsistent toujours dans leurs parties essentielles. Vouloir que de simples délais accordés pour l'exécution de ces mêmes conventions' soient de nouveaux prêts usuraires, c'est abandonner le sens propre de la loi pour s'attacher à de vaines distinctions. Il y a là excès de pouvoir.

Du 5 juin 1826, arrêt de la chambre criminelle (après délibération en chambre du conseil), M. Bailly faisant fonctions de président, M. Cardonnel rapporteur, MM. Barrot et Jacquemin avocats, par lequel:

« LA COUR, Sur les conclusions de M. Laplagne-Barris, avocat-général; — En ce qui concerne le pourvoi d'Antoine Mas,—Attendu que l'arrêt du 5 janvier, qui a déclaré n'y avoir lieu d'ordonner la disjonction des poursuites simultanément dirigées contre Pierre et Antoine Mas pour délit d'habitude d'usure et d'escroquerie, n'a rien préjugé sur le fond de l'affaire, et que, dès lors, il ne peut être considéré que comme un arrêt de simple instruction, contre lequel le pourvoi ne pouvait être fait qu'après l'arrêt définitif, aux termes de l'art. 416 du Cod. d'inst, crim.; — Qu'Antoine Mas s'est néanmoins pourvu contre l'arrêt du 5 janvier, le surlendemain du jour où il a été rendu et avant la prononciation de l'arrêt définitif du 27 janvier, qui a condamné ledit Antoine Mas et Pierre Mas son oncle; qu'il existe, conséquemment, contre le pourvoi particulier dudit Antoine Mas, une fin de non recevoir qui ne permet point d'admettre ce pourvoi, qui a été uniquement dirigé contre un arrêt d'instruction, et que ledit Mas ne s'est point pourvu contre l'arrêt définitif;

« En ce qui concerne Pierre Mas,—Attendu, sur le moyen pris de la viola tion des art. 226 et 227 du Cod. d'inst. crim., relatifs à la connexité des délits, que le tribunal de Béziers, par son jugement du 7 janvier 1825, déclara formellement que «les circonstances résultant des informations faites <«< contre Pierre et Antoine Mas, à raison des délits d'usure et d'escroquerie « à eux imputés, et pour lesquels ils avaient été renvoyés ensemble, et par « la même ordonnance de la chambre du conseil, devant la chambre de Tome ler de 1827. Feuille Ge.

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<< police correctionnelle, faisaient présumer leur complicité, dont les débats <<< pouvaient fournir la preuve, et que, d'après cela, ils ne devaient pas être « soumis à des procédures distinctes et séparées, lesquelles seraient sans « utilité et sans objet »; que cette décision, ainsi motivée par le tribunal de Béziers, a été partagée par la cour royale de Nismes, qui a adopté, sur ce point, les mêmes motifs, et qu'une pareille décision, qui ne tendait, au fond, qu'à un meilleur moyen de parvenir à la découverte et à la connaissance de la vérité, n'est contraire ui aux règles générales du droit et de la justice, ni à aucune disposition particulière de la loi; que les art. 226 et 227 du Cod. d'inst. crim. ne mettaient aucun obstacle à ce que les procédures pour délit d'usure et d'escroquerie, instruites conjointement contre Pierre et Antoine Mas, continuassent de l'être de la même manière, et que l'affaire pour délit commun fût réglée par des débats communs, et traitée par un seul et même jugement; qu'ainsi la cour royale de Nismes n'a commis ni contravention ni violation quelconque en maintenant la disposition du jugement du tribunal de Béziers qui avait déclaré n'y avoir lieu de séparer et disjoindre les poursuites;

« Sur le moyen de cassation pris de la violation de l'art. 5 de la loi du 3 septembre 1807, en ce que l'arrêt attaqué aurait, par un effet rétroactif, fait revivre des prêts antérieurs à ladite loi, lesquels étaient éteints et hors de toute poursuite, Attendu que la cour royale de Nismes, en déclarant que, dans la supputation des sommes prêtées à usure, « elle devait faire en« trer celles provenant de renouvellements de prêts usuraires, parce que, « à l'époque de ces renouvellements, il y a eu nouvelles conventions usua raires et perception d'intérêts excédant le taux légal, et que le délit d'usure << était établi par le seul fait de cette nouvelle convention usuraire», n'a fait que consacrer les principes établis par la loi du 3 septembre 1807; qu'en effet, le délit d'usure se composant de faits successifs qui se lient et se rattachent les uns aux autres, la stipulation et la perception d'intérêts usuraires, provenant de prêts ou de renouvellements de prêts antérieurs, sont des éléments légaux du délit d'usure; qu'ainsi l'arrêt attaqué ne contient point l'effet rétroactif qui lui est imputé, et qu'il n'a contrevenu en aucune manière aux dispositions de l'art. 5 de la loi du 3 septembre 1807;

<< Sur le troisième moyen, pris d'’uri excès de pouvoirs et de la violation de l'art. 4 de la loi du 3 septembre 1807, en ce que l'arrêt aurait fait entrer dans la supputation des capitaux prêtés à usure des sommes provenant de simples renouvellements tacites d'anciens prêts dont les termes auraient été seulement prorogés, et aurait, par suite de cette supputation exagérée, prononcé une amende plus forte que la moitié des sommes réellement prêtées à usure; Attendu que la Cour royale de Nismes, après avoir reconnu que dans la supputation des sommes prêtées à usure ne devaient point entrer les sommes retenues sur l'escompte de certains effets de commerce, ni le montant des cessions à pacte de rachat, reconnut en même temps que dans la supputation des sommes réellement prêtécs à usure devaient entrer les sommes provenant de renouvellements de prêts faits à usure, lorsque, pär suite

de ces renouvellements, il y aurait eu nouvelles conventions usuraires et nouvelle réception d'intérêts excédant le taux légal; que, quoique l'obligation usuraire primitive remontat à une époque antérieure à la loi du 3 septembre 1807, il y avait délit toutes les fois que, postérieurement à cette loi et après l'échéance du terme stipulé il y avait eu perception d'intérêts · usuraires, parce que, dans ce cas, il y a eu convention et perception nouvelles d'intérêts usuraires; — Attendu que cette décision n'est nullement contraire aux principes de la matière ; qu'en effet, après l'échéance des termes d'un premier prêt usuraire, le prêteur reprend la disponibilité de ses fonds, qu'il est le maître de les prêter de nouveau, soit aux mêmes emprunteurs, soit à d'autres; et que, quoique, par une nouvelle convention, il laisse aux mêmes emprunteurs les sommes antérieurement prêtées à usure, il n'existe pas moins un prêt nouveau, lequel, étant fait à usure, à quelques individus que ce soit, forme une convention usuraire ;

« Attendu d'ailleurs que, dans l'espèce particulière, la cour de Nismes, après avoir apprécié elle-même les différents prêts usuraires imputés à Pierre Mas, a déclaré en fait que les sommes réellement prêtées à usure par Pierre Mas se portaient à 141,955 fr.; et que l'arrêt, ayant expressément reconnu les prêts usuraires faits par Pierre Mas à soixante-onze différents individus dénommés dans cet arrêt, lequel contient également le détail des sommes prêtées à chacun d'eux et le taux des intérêts auxquels elles ont été prêtées, doit faire foi relativement à la supputation de ces sommes; - Attendu que, les sommes prêtées à usure par Pierre Mas ayant été fixées à 141,955 fr., l'amende encourue par Pierre Mas aurait pu être portée à 70,900 fr. pour la moitié de cette somme, tandis qu'elle n'a été portée qu'à 31,500 fr., et que conséquemment cette amende est loin" d'avoir été exagérée, eu égard à la masse des capitaux réellement prêtés à usure; que, dès lors, il n'y a eu, dans l'arrêt attaqué, ni erreur, ou exagération de principes, ni excès de pouvoirs, ni violation de l'art. 4 de la loi du 3 septembre 1807, ni d'aucune autre loi de la matière; —— REJETTE.»

Nota. La plupart des solutions contenues dans cet arrêt se rattachent à des arrêts antérieurs rendus par la cour de cassation sur la même matière et dans le même sens. Voy. tom. 3 de 1826 de cette coll., pag. 214 et suivantes. A. M. C.

COUR DE CASSATION.

Ya-t-il acceptation TACITE de la part de l'héritier bénéficiaire qui néglige de faire inventaire, lorsqu'il est constant en fait qu'il existait un mobilier dans la succession, et qu'il en a disposé? Une pareille omission, dans ces circonstances, suppose-t-elle nécessairement l'intention d'ac

cepter purement et simplement? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 778 et 794.

LES DAMES MOURRE ET TRUC, C. BERTRAND.

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Le sieur Ricaud, ecclésiastique, et tuteur des demoiselles Ricaud ses nièces, avait vendu en 1812 au sieur Bertrand un immeuble leur appartenant. -Ayant négligé de se pourvoir d'une autorisation du conseil de famille, il s'était porté fort elles dans le contrat de vente. Il décéda en 1812. pour -Les demoiselles Ricaud prétendirent n'avoir accepté la succession de leur oncle que sous bénéfice d'inventaire: en conséquence, elles formèrent une action en revendication de l'immeuble vendu à Bertrand. Jugement qui rejeta leur demande; et, sur l'appel, arrêt, confirmatif de la cour royale d'Aix, en ces termes: « Attendu, que les femmes Mourre et Truc, héritières de Jean-Baptiste Ricaud leur oncle, ont bien déclaré n'accepter sa successión que sous bé-, néfice d'inventaire, mais que déjà elles avaient fait acte d'héritier en ne procédant pas à l'inventaire du mobilier dans la succession de leur oncle, et que Tropez Bertrand offre cette preuve, dans le plus grand détail, par ses conclusions subsidiaires; mais qu'il n'est pas même besoin d'ordonner cette preuve, étant indubitable qu'un, curé, de paroisse avait un mobilier quelconque, et qu'alors, n'avoir pas fait inventaire et avoir disposé du mobilier est nécessairement un acte d'héritier pur et simple. »>

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Pourvoi des dames Mourre et Truc.

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On avait violé, suivant elles, les art. 778 et 800 du Cod. civ. — Il faut un acte réel, un fait constant et explicite, d'où l'on puisse faire résulter l'intention formelle d'accepter une succession. L'omission de l'inventaire est précisément le 'contraire de ce fait, c'est l'absence de tout acte: ce n'est donc pas remplir le vœu de la loi que d'attacher à cette absence d'acte l'effet grave d'entraîner l'acceptation pure et simple.

Le 15 juin 1826, ARRÊT de la section des requêtes, M. Botton faisant fonctions de président, M. Lassagny rapporteur, M. Mandaroux Vertamy avocat, par lequel:

« LA COUR, Sur les conclusions de M. Lebeau, avocat-général ; Attendu, en droit, qu'il y a acceptation tacite d'une succession quand l'héritier fait un acte qui suppose nécessairement son intention d'accepter,

et qu'il n'avait droit de faire qu'en sa 'qualité d'héritier (art. 778 C. civ.); - Et attendu qu'il a été reconnu en fait, par l'arrêt attaqué, que les demanderesses en cassation, héritières de leur oncle, n'avaient pas fait inventaire de sa succession ; que dans cette succession il existait un mobilier; qu'enfin elles avaient librement disposé de tout ce mobilier; que, dans ces circonstances, les juges ont pu, sans se mettre en contradiction avec aucune loi, décider qu'il y avait eu, de la part des mêmes demanderesses en cassation, acceptation tacite de la succession dont il s'agit; — REJETTE. » A. M. C.

COUR DE CASSATION.

Celui qui revendique des marchandises consignées à un individu tombé en état de faillite est-il tenu de rendre l'açtif du failli indemne de toute avance faite pour fret, voiture ou commission, de méme que celui qui revendique des marchandises VENDUES au failli et NON PAYÉES? (Rés. aff.) God. de comm., art. 579.

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Une cour peut-elle déclarer un commettant non recevable dans sa demandé en revendication de marchandises consignées au failli avant la faillite, sous prétexte que la totalité des marchandises consignées est nécessaire pour indemniser le failli de ses avances ? (Rés. aff.) Id., art. 581. Un consignataire qui accepte des traites tirées par son commettant est-il censé avoir fait des AVANCES sur les marchandises consignées, encore qu'il n'ait pas payé les traites à leur échéance, attendu son état de faillite? et, par suite, le commettant est-il NON RECEVABLE à revendiquer les marchandises consignées, si, n'ayant pas acquitté les lettres de change, il n'a pas ainsi rendu l'actif de la faillite indemne des AVANCES faites par le consignataire failli? (Rés. aff.) Cod. de comm., art. 93 et 579.

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LES SYNDICS LESEIGNEUR-ALEXANDRE, C. LES SYNDICS PICARD.

Les sieurs Picard frères, de Rouen, avaient reçu en consignation des marchandises qui leur avaient été expédiéés du • Havre par les sieurs Leseigneur-Alexandre. Ceux-ci tirèrent sur les consignataires des lettres de change, qui furent acceptées, qu'ils négocièrent ensuite, et dont ils touchèrent le

montant.

Avant l'échéance des traites, les sieurs Picard, accepteurs,

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