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sont tombés en faillite. Peu de temps après, les sieurs Leseiseigneur-Alexandre ont aussi déposé leur bilan.

En novembre 1824, les syndics de la faillite LeseigneurAlexandre citent devant le tribunal de commerce de Rouen les syndics des sieurs Picard pour voir déclarer qu'ils seront autorisés à revendiquer les marchandises expédiées à ces derniers, d'après l'art. 581 du Cod. de comm., qui porte: « Pourront être revendiquées, aussi long-temps qu'elles existeront en nature, en tout ou en partie, les marchandises consignées au failli à titre de dépôt, ou pour être vendues pour le compte de l'envoyeur.... >>

Les défendeurs répondent que la revendication n'est pas admissible, parce que les demandeurs n'offrent point de payer le montant des traites acceptées par les sieurs Picard, consignataires, et qu'aux termes de l'art. 570, en cas de revendication, le revendiquant est tenu de rendre l'actif du failli indemne de toute avance faite pour fret, voiture ou commission, et de payer les sommes dues pour mêmes causes, si elles n'ont pas été acquittées; qu'il y a donc lieu d'ordonner que les marchandises consignées seront vendues, et que le prix de la vente sera affecté au paiement des lettres' de change.

Le 3 janvier 1825, jugement qui accueille ces conclusions. Appel de la part des syndics Leseigneur.

Le 22 mars 1825, arrêt de la cour royale de Rouen qui confirme la sentence des premiers juges par les motifs suivants : « Attendu qu'il résulte de la combinaison de l'art. 581 avec les art. 93 et 579 du Cod. de comm. que le propriétaire de la marchandise ne peut la revendiquer aux mains du consignataire qu'à la charge de le rendre indemne des frais, droits et avances par lui faits, ainsi que des actions et répétitions qui pourraient être exercées contre lui à raison de la consignation; — Attendu qu'il est reconnu entre les parties que la maison Leseigneur-Alexandre, du Havre, a tiré sur la maison Picard frères, de Rouen, consignataires des marchandises, des traites; que ces traites ont été acceptées par la maison Picard frères, remises à la maison Leseigneur-Alexandre, qui les a négociées et en a reçu le montant, par l'effet de ladite négociation, depuis quoi les deux maisons sont tombées en faillite ; - Attendu que l'obéissance des syndics de la masse Leseigneur-Alexandre, à l'appui de leur revendication, de te

nir compte à la masse de Picard frères du dividende que cette dernière masse serait tenue de payer, pour cause des acceptations faites par les consignataires, est insuffisante pour leur indemnité complète, puisque, Picard frères étant débiteurs solidaires du total des lettres de change acceptées, le paiement d'un dividende ne les affranchirait pas, s'ils venaient à meilleure fortune, de la poursuite des tiers porteurs, pour ce qui leur resterait dû au delà des dividendes par eux touchés sur les deux masses;

« Attendu, d'une autre part, que, par le fait de la négocia tion des lettres de change acceptées par la maison Picard frères, Leseigneur - Alexandre ayant reçu des tiers porteurs le montant intégral desdites traites, leur actif commercial s'est accru d'une valeur égale aux sommes par eux ainsi touchées, et les syndics de leur masse retrouvent dans cet accroissement de l'actif de Leseigneur-Alexandre le prix des marchandises qui avaient été consignées à Picard frères; - Attendu que, si, dans cet état de choses, on admettait la revendication au profit de la masse Leseigneur-Alexandre, cette masse réunirait dans sa maison les marchandises consignées et le prix desdites marchandises, au préjudice de la masse des consignataires faillis; et qu'en pareil cas, la revendication ne serait recevable qu'autant que les demandeurs offriraient de remettre à la masse Picard frères leur acceptation des traites, comme quittes et vides d'effet. »

Les syndics de la faillite Leseigneur-Alexandre se sont pourvus en cassation contre cet arrêt. Ils ont prétendu qu'il avait faussement appliqué l'art. 579 du Cod. de comm. D'après les demandeurs, cet article, qui oblige le revendiquant à rendre l'actif du failli indemne de toute avance faite pour fret, voiture ou commission, n'était applicable que lorsqu'il s'agissait de la revendication de marchandises vendues au failli et non payées; il ne pouvait être invoqué contre celui qui revendiquait des marchandises simplement consignees. Cette prétention était fondée sur ce que les dispositions qui précèdent l'art. 579 ne sont relatives qu'à la revendication des marchandises vendues et non payées.

Les demandeurs présentaient un second moyen, fondé sur une prétendue violation de l'art. 581 du Cod. de comm., qui autorisé la revendication en tout ou en partie des marchan

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dises consignées. Ils disaient que l'arrêt avait contrevenu à cet article en rejetant la revendication, qui dans tous les cas devait être accueillie pour une partie des marchandises. Ils ajoutaient que la Cour de Rouen avait en outre violé les articles 93 et 94 du Cod. de comm. Ces articles, disaient-ils, n'accordent au consignataire un privilége sur les marchandises consignées que pour le remboursement de ses avances, intérêts et frais. Or, la cour ne pouvait point comprendre sous la dénominatiou d'avances l'acceptation de lettres de change dont les sieurs Picard frères n'avaient pas fait les fonds: car des traites ne sont que des promesses de payer, et ne peuvent être assimilées à des avances faites.

Du 4 juillet 1826, ARRÊT de la section des requêtes, M. Botton de Castellamonte président d'âge, M. Favard de Langlade rapporteur, M. Isambert avocat, par lequel:

« LA COUR,— Sur les conclusions de M.Joubert, avocat-général;—Considérant, sur le premier moyen, que les art. 576 et suiv. du Cod. de comm. autorisent la revendication tant dans les cas de vente de marchandises non payées que dans le cas de dépôt et de consignation de marchandises; que ce titre comprend des dispositions communes aux deux espèces de reven – dication, et des dispositions particulières à chacune d'elles ; Que l'on doit nécessairement ranger parmi les premières l'art. 579, qui accorde une indemnité à l'actif du failli pour fret, voiture et avances; - Que cet article ne doit pas être restreint au cas de la revendication des objets consignés, parce que ces mots, en cas de revendication, qui sont les premiers de l'article, s'appliquent indistinctement aux deux cas, et même au privilége accordé par les art. 93 et 94 précédents;

cée

Considérant, sur le deuxième moyen, que la cour royale a jugé, en fait, que la totalité des marchandises consignées était nécessaire pour indemniser les consignataires de leurs frais et avances, et que la revendication exerpar les demandeurs en vertu de l'art. 581 devait être rejetée; Considérant, sur le troisième moyen, que la cour royale a jugé également, en fait, qu'il était reconnu par les parties que les traites avaient été acceptées par la maison Picard, et négociées par la maison du Havre; que cette maison en avait encaissé la valeur; qu'elle ne pouvait revendiquer les marchandises dont elle avait touché le prix; que la cour, partant de ces faits, a déterminé l'indemnité due, et a pu rejeter la revendication comme rendant illusoire le droit qu'avait le consignataire d'être rendu indemne; - Que, si les fonds ont été encaissés par suite de l'acceptation faite par la maison Picard, cette maison est censée en avoir fait l'avance et doit profiter du privilége qui lui est garanti par les art. 93, 94 et 579 du Cod. de comm., pour être indemnisée;

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REJETTE.»

S.

COUR DE CASSATION.

Les peines de discipline établies par l'art. 50 de la loi du 20 avril 1810 peuvent-elles étre appliquées, encore que les faits imputés au magistrat n'aient pas donné lieu à un avertissement préalable, ou que l'avertissement qui lui aurait été donné ne serait pas resté sans effet? ( Rés. aff.) L'art. 50 précité s'applique-t-il non seulement aux faits qui ne font que compromettre la dignité du magistrat, mais encore à tous les faits plus graves qui pourraient motiver des poursuites criminelles ou correctionnelles ? (Réş. aff.)

La cour en ordonnant ces poursuites doit-elle prononcer la suspension du magistrat? (Rés. aff.)

INTÉRÊT DE LA LOI.

M. le procureur-général expose ce qui suit : « Les faits graves déduits dans le réquisitoire ci-joint de M. le procureur-général pres la cour royale de Toulouse ont obligé ce magistrat à déférer à cette compagnie la conduite de M...., président du tribunal de première insance de....., et de requérir contre lui, par voie de discipline, en vertu de l'art. 50 de la loi du 20 avril 1810, une suspension provisoire de dix années. Les faits reprochés à ce magistrat par le ministère public ne sont malheureusement que trop bien

établis.

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Cependant, « attendu qu'une partie de ces faits ont été l'objet spécial d'un avertissement à lui donné en conformité de l'art. 49 de la loi du 20 avril 1810, avertissement qui n'est pas resté sans effet; Attendu, quant aux autres faits imputés au sieur**** , que, si on les considère comme ayant été implicitement l'objet de l'avertissement donné, ces faits n'ayant pas été renouvelés depuis, l'avertissement, à leur égard, ne serait pas resté sans effet; Attendu si l'on considère ces faits comme devant être l'objet d'un avertissement spécial, cet avertissement n'a pas été donné au sieur**** ; Attendu que, si on les considère comme n'ayant pas dû être l'objet d'un avertissement préalable, et comme dépassant en gravité ceux qui d'ordinaire ne font que compromettre la di

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que,

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gnité du caractère du magistrat, ils ne peuvent, dans ce cas,. être l'objet d'une poursuite devant la Cour, par forme de discipline »>;

Cette cour a déclaré, par sa délibération du 7 janvier dernier, n'y avoir lieu de prononcer la suspension requise.

Or cette décision est tout à la fois une fausse interprétation et une violation de l'art. 50 de la loi précitée

Fausse interprétation, puisqu'on a pensé que l'application des peines prononcées par cet article ne peut régulièrement avoir lieu qu'autant que les faits pour lesquels elle est requise ont été l'objet de l'avertissement prescrit par l'art. 49 de la même loi, et que cet avertissement serait resté sans effet;

Violation, en ce que, malgré que la disposition de l'art. 50 soit générale, absolue, et par conséquent applicable dans tous les cas où un magistrat peut l'avoir encourue, on a déque l'application de cet article doit être restreinte aux seuls faits qui ne font que compromettre la dignité du caractère.

cidé

Sous le premier rapport, la cour royale ne serait pas tombée dans une telle erreur si, avant que de statuer, elle avait pris connaissance de la circulaire émanée du ministère de la justice, le 12 décembre 1821, relativement à l'exécution du chap. 7 de la loi du 26 avril 1810.

« Il n'est pas douteux, porte cette circulaire, que l'avertissement préalable à la peine ne peut s'appliquer qu'aux fautes légères, qu'aux fautes successives qui tiennent aux habitudes et aux passions. Cet avertissement suppose une amélioration possible: aussi l'art. 50 dit-il que, si l'avertissement reste sans effet, le juge sera soumis, par forme de discipline, à l'une des peines établies.

« Mais si un officier de justice venait tout à coup à se rendre coupable d'une faute grave, qui n'eût point d'antécédents connus auxquels elle pût se rattacher et qui eussent autorisé l'avertissement, il est évident qu'une faute de cette nature ne devrait pas moins être réprimée, et que, dans une telle circonstance, l'avertissement serait une mesure insuffisante et même dérisoire.

« En effet, et s'il n'en était pas ainsi il faudrait ou qu'une faute grave demeurât sans punition pour n'avoir point été précédée d'un avertissement que rien n'aurait motivé ou que

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