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relevé et par conséquent l'instruction porterait de meilleurs fruits, les parents des recrues pourraient se procurer des bons chevaux dont ils ne paieraient qu'une partie du prix en argent et le reste en prestations militaires, le prix serait déjà reduit parce que personne n'aurait prélevé de bénéfice dessus.

Je suis convaincu que de cette façon nous lèverions biens des difficultés, nous faciliterions l'entrée dans le corps à bon nombre de jeunes gens parfaitement qualifiés, mais peu fortunés.

Mais l'Etat doit aussi faire valoir ses droits. Un exemple fera mieux comprendre notre pensée. D'après nos calculs et la comparaison avec le coût des chevaux de l'armée prussienne, un cheval reviendrait à 1000 francs et s'il est plus fin à 1200 francs. On déduirait de ce prix pour les recrues la subvention de service de fr. 700; il n'aurait donc à payer que 300 à 500 francs. Le cheval deviendrait ainsi la propriété collective du cavalier et de l'Etat, ce dernier ayant le droit de requérir le cheval avec le cavalier pour le service, et celui-ci pouvant s'en servir dans l'intervalle pour ses besoins particuliers. La recrue signerait un reçu de l'indemnité de 700 francs pour ses sept années de service. Chaque année on lui retrancherait une somme de cent francs ensorte qu'au bout des sept ans le cheval deviendrait sa propriété exclusive. Pendant la durée du service, le cavalier ne pourrait pas vendre son cheval sans l'autorisation de l'Etat et il devrait le maintenir en bon état d'entretien. L'Etat s'en assurerait par des inspections périodiques. On peut cependant admettre en général, que dans son propre intérêt le cavalier entretiendra convenablement son cheval. Mais comme il y a partout des exceptions, on trouvera parfois des chevaux en mauvais état, soit qu'il aient été mal nourris, soit par suite de fatigues exagérées. Dans ce cas le cheval serait retiré, taxé par une commission d'expert, et la moins value serait déduite de la somme due à l'homme pour ses années de service.

Supposons un autre cas; un cavalier vient à mourir avant la fin de son temps, par exemple après quatre ans de service. Dans ce cas les héritiers pourraient ou bien garder le cheval en payant les trois cents francs représentant les trois ans de service non effectué, ou bien rendre le cheval au dépôt contre remboursement de la somme payée pour l'achat. Il en serait de même d'un soldat qui pour une raison ou pour une autre serait exempté du service avant le temps.

Supposons le cas où le cheval viendrait à périr avant la fin du service. Les chevaux retirés par le dépôt seraient destinés au remplacement. Un dragon par exemple a perdu son cheval après quatre ans de service, il prend au dépôt celui de l'homme qui est mort. Celuici coûte au dépôt 1000 francs, le défunt avait payé 300 francs en espèces et 400 francs par son service de quatre années, soit 700 francs; le cheval redoit à l'Etat 300 francs, plus les 300 francs remboursés au propriétaire 600 francs. Le dragon recevra ce cheval plus âgé pour le prix de 600 francs, mais il n'en paiera que trois cents et servira encore trois ans, après lesquels le chevai deviendra sa propriété.

Ce ne sont là que des exemples tout à fait incomplets, destinés simplement à exposer le système qui, cela va sans dire, devrait être

retravaillé dans ses détails. Ce système est tout à fait analogue à celui qui est suivi dans les armées allemande et autrichienne pour les chevaux des cadres. Dans les deux armées les officiers reçoivent leur cheval gratuitement, et après un service de cinq ans dans la première et de sept dans la seconde, le cheval devient leur propriété exclusive et on leur en délivre un nouveau.

Cette manière de procéder aurait en outre l'avantage, qui n'est point à dédaigner, de permettre d'établir un contrôle de tous les chevaux de la cavalerie et d'introduire un tout autre mode d'estimation à l'entrée et à la sortie du service, ce qui économiserait beaucoup d'argent. Je n'ai sous les yeux que le rapport de 1864, où l'on a payé 39,599 francs de dépréciation.

L'ARTILLERIE ESPAGNOLE EN 1873.

Lors de l'abdication du roi Amédée (11 avril 1875), l'artillerie espagnole avait la composition suivante :

4 régiments à pied, 3 régiments de campagne et 2 régiments de montagne, formant un total de 9364 hommes.

A chaque régiment de campagne étaient attachés 30 canons (5 batteries) et 6 mitrailleuses (1 batterie), et chaque régiment de montagne possédait 24 canons. L'armement entre les mains des troupes se composait donc de 150 canons de campagne, 48 canons de montagne, 30 mitrailleuses, soit 228 bouches à feu.

Les officiers d'artillerie, au nombre de 800 environ, donnèrent leur démission en masse lorsque le roi, malgré l'opinion bien connue du corps de l'artillerie, au sujet de la conduite tenue par le général Hidalgo pendant les événements de 1868, crut devoir signer (8 février) un décret conférant à cet officier général un commandement supérieur (capitainerie générale de Vittoria). Ils furent remplacés par des sous-officiers d'artillerie et par des officiers tirés des autres armes. Le 16 août, les Cortés ayant décrété l'appel de 80,000 réservistes, l'effectif des troupes d'artillerie fut modifié ; les régiments d'artillerie à pied durent être portés à 1880 hommes, ceux de campagne à 600 et ceux de montagne à 700.

Après l'arrivée au pouvoir de M. Castelar (7 septembre), le gouvernement travailla activement à reformer l'armée et abrogea les décrets qui avaient amené la désorganisation de l'artillerie. Cette arme fut constituée sur les mêmes bases qu'avant le 8 février; le général Hidalgo ayant été démis de son commandement, les officiers d'artillerie démissionnaires reprirent leur service, et les officiers qui avaient été promus dans le courant de l'été furent classés dans les autres armes. Si les mesures arrêtées reçoivent leur complète exécution, l'artillerie espagnole sera donc formée de 5 régiments de campagne, 2 régiments de montagne et 4 régiments de forteresse, soit en tout 13,320 hommes et 228 canons.

NOUVELLES ET CHRONIQUE.

Allemagne. Des détachements du bataillon de chemins de fer ont été envoyés l'année dernière dans différentes parties de l'Allemagne pour se livrer à des exercices pratiques. Outre leur instruction technique courante, ils ont eu à construire des sections considérables de chemins de fer, entr'autres dans la Haute-Silésie, dans les environs de Belfort et à Koësen (chemin de la Saale). Deux mois entiers ont été consacrés à la construction d'une étendue de deux milles (environ quatre lieues). Pendant ces travaux les hommes ont reçu des entrepreneurs un supplément de solde de 1 fr. 90. Les officiers ont obtenu des indemnités correspondantes.

- Dans l'état-major allemand trois divisions sont chargées de l'étude des armées. étrangères. Chaque division a son chef, sous l'impulsion duquel travaillent des officiers et des employés dont le nombre varie incessamment.

La première division s'occupe des armées d'Autriche, de Russie, de Suède, du Danemark et de Turquie, de Grèce et d'Asie.

La seconde, des armées de Prusse, d'Allemagne, d'Italie, de Suisse.

La troisième, des armées de France, de Grande-Bretagne, de Belgique, de Hollande, d'Espagne, de Portugal et d'Amérique.

Autriche. Le recensement des chevaux fait en novembre dernier dans la circonscription de remonte de Vienne constate l'existence de 12,836 chevaux, appartenant à 8667 propriétaires, dont 644 étalons, 8543 hongres et 3739 juments. Dans ce nombre, 380 ne peuvent être réquisitionnés en vertu de la loi, 9599 sont impropres au service militaire, 2775 peuvent être employés pour les besoins de l'armée; dans ce nombre, on trouve 912 chevaux de selle, 1855 de de trait et 26 de bât.

Italie. En exécution de la loi du 30 septembre, le 1er régiment d'artillerie (pontonniers) a été dissout le 31 décembre 1873 et son effectif réparti entre les deux régiments du génie

A partir du 1er janvier 1874, les dix autres régiments existant actuellement formeront les dix premiers régiments d'artillerie. Chacun d'eux conservera son numéro à l'exception du onzième qui prendra le n° 1 et ils restent tous dans leurs garnisons actuelles.

On a formé pour le 1er janvier, quatre nouveaux régiments portant les nos 11, 12, 13 et 14; ils auront pour garnisons respectives Gênes, Ancône, Mantoue et Gaëte.

Le régiment sera composé de trois brigades, les deux premières à trois compagnies et la troisième à quatre compagnies, soit dix compagnies au régiment.

Les quatre nouveaux seront formés en tirant des dix anciens le personnel d'artillerie de place qui en fait actuellement partie.

Les dix premiers régiments formeront l'artillerie de campagne et les quatre nouveaux l'artillerie de place.

La société de cavalerie de la Suisse centrale a décidé dans sa dernière réunion la fondation d'une société de tir au revolver et à la carabine. Au terme des statuts adoptés, il y aura au moins un jour de tir par année. Un certain nombre de prix seront effectés à ces exercices.

Berne. Le chef du corps de la cavalerie bernoise, M. le capitaine Feller Beck, et M. Grossenbacher, vétérinaire, sont partis pour l'Allemagne du Nord et le Danemark pour acheter, au nom de l'Etat, un certain nombre de chevaux de cavalerie, lesquels seront revendus aux recrues de cette année au prix coûtant.

La Revue militaire suisse paraît deux fois par mois à Lausanne. Elle publie en supplément, une fois par mois, une Revue des armes spéciales. Prix: Pour la Suisse, 7 fr. 50 c. par an. Pour la France, l'Allemagne et l'Italie, 10 fr. par an. Pour les autres Etats, 15 fr. par an. Pour tout ce qui concerne l'Administration et la Rédaction, s'adresser au Comité de Direction de la Revue militaire suisse, à Lausanne, composé de MM. F. LECOMTE, colonel fédéral (absent); Ch. BOICEAU, capitaine fédéral; CURCHOD, capitaine d'artillerie. Pour les abonnements à l'étranger, s'adresser à M. Tanera éditeur, rue de Savoie, 6, Paris, ou à la librairie Georg, à Genève.

LAUSANNE.

IMPRIMERIE PACHE, CITÉ-DERRIÈRE, 3.

No 3.

SOMMAIRE.

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Lausanne, le 2 Février 1874.

XIXe Année.

Hygiène militaire, par L. Rouge, médecin de division. (Suite.) Organisation et fonctionnement du service des étapes dans l'armée allemande. Fin.) - Nouvelles et chronique

HYGIÈNE MILITAIRE

par le Dr Rouge, médecin de division. (Suite).

III. Alimentation.

La guerre est une affaire de cuisine. La forme triviale de cette assertion n'exclut point sa justesse. Le soldat bien nourri battra celui qui ne l'est pas. La troupe pourvue de la meilleure alimentation aura toujours les rangs les plus complets. Et s'il faut, comme on dit, donner un coup de collier, s'il survient un surcroît de fatigues, augmentez la ration, veillez sur sa qualité, variez le régime, et tout en développant l'entrain, la bonne humeur, en maintenant la santé, vous obtiendrez plus de force physique et morale de vos soldats (1).

D'une manière générale, on a remarqué que dans les populations, le chiffre de la mortalité s'élève ou s'abaisse parallèlement au prix du blé, à celui des denrées. Ce qui se passe en grand dans le monde entier, se reproduit à l'armée dans des proportions réduites.

On a bien souvent fait l'observation, que les troupes qui résistent le mieux en campagne, sont celles commandées par des chefs soigneux de leur bien-être. Exemple: deux régiments, partis à la même époque du camp de St-Omer, arrivent en Crimée en octobre 1855; ils campent l'un à côté de l'autre, ayant subi les mêmes vicissitudes atmosphériques et fait un service pareil; l'un avait conservé le 1er avril 1856, 2,024 soldats sur un effectif de 2,224 hommes; l'autre sur 2,327 hommes, n'en comptait plus que 1,839; les malades seuls sont ici comptés comme absents; il n'est pas question de blessures de guerre. Le premier régiment avait un colonel, un corps d'officiers, qui s'occupaient avec soin du bien-être et de l'alimentation de leurs hommes, ce qui n'avait pas lieu dans le second.

L'aliment donne la force musculaire, il donne aussi la résistance aux agents nuisibles et favorise l'accroissement. Si l'on se rappelle que celui-ci n'est entièrement terminé qu'à 25 ou 30 ans, on comprend la nécessité de fournir à de jeunes hommes, soumis à de fåcheuses influences et à des fatigues souvent considérables, une alimentation largement réparatrice. Il est cependant singulier de constater sous ce rapport la parcimonie des administrations; et ce n'est pas avec moins de regret, qu'on signale trop souvent la sophistication des denrées et les fraudes des fournisseurs.

(On sait que la défaite de l'armée autrichienne à Solferino est attribuée à l'insuffisance de l'alimentation, le chef de l'intendance s'étant approprié les fonds confiés l'achat des vivres; mis en accusation il se suicida. pour Wellington attribuait ses succès militaires au soin qu'il avait toujours mis à bien nourrir ses troupes.

Les aliments sont des substances, qui, après avoir éprouvé certaines modifications dans l'appareil digestif, se mélangent au sang, fournissant les matériaux nécessaires au développement, à la réparation de nos tissus, ainsi qu'à l'entretien de la chaleur animale. On distingue donc deux catégories d'aliments: les aliments plastiques ou réparateurs, et les aliments respiratoires, ou combustibles, ou thermogènes. Les premiers sont constitués par les substances azotées (fibrine, albumine, caséine, gélatine, légumine). Les seconds comprennent les fécuculents, la graisse, le beurre, l'huile. Le vin, l'alcool, le sucre, relardant l'oxydation intime des tissus, rentrent dans la classe des aliments qu'on a nommés anti-déperditeurs, parce qu'ils soutiennent sans nourrir; ils ne font que retarder la désassimilation.

Le budget de la nutrition consiste pour l'adulte dans le balancement des dépenses organiques et des apports alimentaires. Pour l'enfant qui se développe et grandit, cet équilibre serait insuffisant; il faut un apport supplémentaire pour l'accroissement.

Ce budget cependant ne s'établit pas d'une manière mathématique, comme les chimistes ont tenté de le faire. Evaluant les pertes de l'or ganisme avec la balance et les réactifs, ils ont trouvé que l'homme perd en 24 heures, 20 à 25 grammes d'azote (15 à 20 par les reins, le reste par les exhalations pulmonaire et cutanée), et 310 grammes de carbone (250 par la respiration, 45 par les reins et 15 par les diverses exhalations); ils ont dès lors tiré de ces faits la conclusion suivante c'est que toute ration qui renferme ces équivalents suffit à l'alimentation. Malheureusement les chimistes ont laissé de côté quelques considérations de la plus haute importance, et sur lesquelles je veux attirer l'attention.

L'habitude joue d'abord un rôle indéniable dans l'alimentation.

On supportera bien les aliments auxquels on est accoutumé, lors même que la qualité n'en est pas bonne; et mal ceux auxquels on n'est pas habitué, même quand la qualité n'en est pas mauvaise; cette observation parfaitement juste, qui ne date pas de hier, puisqu'elle remonte à Hippocrate, est sanctionnée par l'expérience de chaque jour. A l'appui de ce dire, je ne citerai qu'un seul fait, qui ne touche que de très loin aux questions militaires, et ne s'observe guère dans les casernes.

Il arrive souvent que les nourrices de la campagne, grossièrement nourries chez elles, ont du lait en abondance; mais à peine sontelles soumises chez les particuliers à un régime plus substantiel et plus choisi, que leurs seins se tarissent; pour obvier à cet accident, il faut avoir la précaution de ne pas brusquer le changement de régime et d'alimentation.

Nos soldats nous permettent de faire des observations d'un autre genre, mais analogues; lorsqu'ils arrivent de chez eux, ils se jettent avec d'autant plus d'avidité sur la ration de la caserne, qu'ils ont faim, et que le régime succulent est nouveau pour eux; or au lieu de gagner en force, ils sont pris de diarrhée, maigrissent, et déroutent les calculs de nos savants. Ces exemples qu'on pourrait multiplier prouvent qu'il faut tenir compte de l'habitude et de l'individualité.

Ce qu'il faut aussi prendre en considération, c'est le volume, c'est

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