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4° La traduction des livres sacrés des Hébreux en langue grecque, remontant à plus de deux siècles avant la venue du Messie et depuis lors à la portée de tous les savants du paganisme (1). Les anciens Docteurs de l'Église affirmaient positivement, d'accord avec les témoignages des païens eux-mêmes, que plusieurs des sages et des philosophes païens profitèrent des livres de Moïse et puisèrent à la source des écrits des Prophètes (2). Or, s'instruisant eux-mêmes des croyances et des espérances des Juifs, ces sages purent aussi bien donner connaissance aux autres des mêmes croyances et des mêmes espérances, et les préparer ainsi à l'intelligence du mystère du salut, qui devait bientôt se révéler.

Nous devons ajouter que ces moyens de préparation des gentils à recevoir le Rédempteur ne leur furent point inutiles. Et d'abord il est connu par la sainte Écriture que, même en dehors du peuple élu de Dieu, l'homme ne resta pas tout à fait étranger au salut dans la foi au Messie à venir, comme le confirment les récits de la Genèse sur Melchisédech (Gen., xv, 18 et suiv.), l'histoire de Jéthro, prêtre de Madian, beau-père de Moïse (Ex., II-IV, XVIII), et l'histoire de Job, du pays de Hus, décrite dans son livre. Rappelons aussi Balaam, qui prophétisa sur le Messie (Nombr., XXII-XXIV); les expressions de la prière de Salomon à l'inauguration du temple (III Rois, vin, 41, 42), qui peuvent faire supposer que déjà du temps de Salomon il y avait des adorateurs du vrai Dieu d'Israël même en dehors d'Israël; le récit sur Naaman, ce général syrien qui rendit hommage au Dieu d'Israël en cherchant secours auprès de son Prophète (IV Rois, v, 1 et suiv.), et le récit concernant le prophète Jonas, que Dieu lui-même envoya dans l'impie Ninive, et qui, par sa prédication, amena les Ninivites à la repentance. (Jon., I, etc.) En second lieu il est reconnu que, le

(1) Vid. apud Clem. Alex. Strom. 1, cap. 22; Euseb. Præparat. evang., VI, cap. 6.

(2) Justin. Cohort. ad Græc., cap. 14; cf. Apolog., 1, cap. 20; II, cap. 13; Tertull. Apolog., cap. 47; Clem. Alex. Strom., 1, cap. 15, 21; Theophil. Ad Autol., II, 37; Euseb. Præparat. evang., Ix, 1; Augustin. de Civit. Dei, VIII, 12.

temps où devait venir le Messie étant arrivé, Il était attendu non-seulement par les Juifs, mais aussi par les païens, et que cette attente était jadis répandue dans tout l'Orient (1). Il est reconnu, enfin, qu'il arriva à notre divin Sauveur Jésus-Christ, aux jours de son ministère, de rencontrer chez les païens une foi qu'il ne trouvait pas même chez les Juifs (Matth., vIII, 10), et que, par la prédication des Apôtres, l'Église du Christ fut promptement répandue dans toutes les parties du monde païen. (I Pierre, 1, 1; Rom., x, 18; xv, 19.)

§ 130. Application morale du dogme.

I. - En méditant sur la nécessité du secours divin pour le rétablissement ou la régénération de l'humanité déchue, sur ce que l'homme pécheur est par lui-même incapable de satisfaire · personnellement à la justice divine, d'effacer le péché dans son ètre et d'en détruire les suites funestes, apprenons l'humilité; car nous sommes tous naturellement « enfants de colère» (Eph., II, 3); nous sommes tous conçus dans l'iniquité, enfantés dans le péché; nous sommes tous pauvres, misérables, faibles, et nous avons également besoin du secours divin pour notre régénération et notre sanctification, aussi bien que pour nous relever après chacune de nos chutes personnelles, qui sont si fréquentes.

II. En nous représentant ensuite comment le Seigneur notre Dieu a réellement manifesté son puissant secours pour la rédemption de l'humanité déchue, comment cette Rédemption était déjà décrétée avant les siècles, comment y ont participé les trois personnes de la sainte Trinité, et cela uniquement par leur infinie bonté et leur amour pour nous, pauvres pécheurs, apprenons à payer un si grand amour de NotreSeigneur par un amour réciproque. « Aimons donc Dieu, puisque c'est Lui qui nous a aimés le premier » (I Jean, IV,

(1) Comme l'attestent Tacite (Hist., lib. v, cap. 13); Suétone (Vila Vespasiani, cap. 4); Flavius Josèphe (de Bello jud., III, cap. 28; IV, cap. 31), et Egésippe (de Excidio Hierosol., v, cap. 44).

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19), et en même temps apprenons à nous rappeler cet autre enseignement de l'Apôtre : « Mes bien aimés, si Dieu nous aime de cette sorte, nous devons aussi nous aimer les uns les autres. (Ibid., 11.)

III. Enfin, en réfléchissant avec le plus profond respect au moyen extraordinaire dont Dieu fit choix pour notre rédemption, au motif de l'incarnation du Fils de Dieu nommément pour cette œuvre importante, au but de sa venue sur la terre seulement « en ces derniers jours » (Hébr., 1, 1), et à la manière dont Dieu, en ses trois hypostases, prépare à le recevoir les Juifs et les gentils durant des siècles, apprenons à révérer sa sagesse infinie et à nous écrier du fond de notre âme avec le saint Apôtre : « O profondeur des trésors de la sagesse et de la science de Dieu! Que ses jugements sont incompréhensibles et ses voies impénétrables!» (Rom., x1, 33.)

DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST EN PARTICULIER.

§ 131. Liaison avec ce qui précède et parties de la doctrine.

Déjà depuis l'éternité, et par conséquent avant notre naissance et notre chute, l'Etre omniscient et infiniment bon avait décrété de nous sauver par son Fils unique. Ensuite, aussitôt après la chute de nos premiers parents, Il commença à préparer le genre humain par tous les moyens, naturels et surnaturels, à recevoir le Sauveur. Enfin, au terme fixé d'avance, lorsque les temps furent accomplis, Dieu envoya son Fils, formé d'une femme et assujetti à la loi, pour racheter ceux qui étaient sous la loi » (Gal., IV, 4, 5), parut Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui consomma réellement l'œuvre de notre salut.

Cette dernière idée sur Notre-Seigneur Jésus-Christ, idée exprimée en peu de mots, et dont le développement va nous occuper, se compose évidemment de deux parties: 1° l'idée de la personne même du Seigneur Jésus, c'est-à-dire du mystère de l'Incarnation, et 2° l'idée de la consommation de notre salut par le Seigneur Jésus, c'est-à-dire du mystère de la Rédemption.

ARTICLE I.

DE LA PERSONNE DU SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST OU DU MYSTÈRE
DE L'INCARNATION.

$132. Importance et incompréhensibilité du dogme; court exposé de son histoire; doctrine de l'Église sur ce sujet et parties de cette doctrine.

La doctrine concernant la personne de Notre-Seigneur Jésus-Christ forme l'un des dogmes les plus importants et les plus incompréhensibles du Christianisme. L'importance de ce dogme se comprend, en ce que le Seigneur Jésus-Christ est

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« l'Auteur même de notre foi» (Hébr., XII, 2), « le Pontife de la religion que nous professons » (III, 1), et que « nul autre nom sous le ciel n'a été donné aux hommes par lequel nous devions être sauvés.» (Act., Iv, 12.) L'incompréhensibilité du même dogme, le saint Apôtre l'attestait en disant : « C'est quelque chose de grand que ce mystère de piété, qui s'est fait voir dans la chair. (I Tim., III, 16.)

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Telle étant l'importance de ce dogme, il est bien naturel que de tout temps, depuis les premiers jours de l'Église chrétienne, les chrétiens qui réfléchissent s'en soient particulièrement occupés; mais aussi, telle étant son incompréhensibilité, il n'est pas moins naturel que tous ceux qui se permirent de « s'élever » par rapport à ce dogme au delà de ce que l'on doit >> (Rom., XII, 3), et qui cherchèrent à l'entendre et à l'expliquer suivant leurs idées, soient tombés dans des erreurs et des hérésies. Hormis le dogme de la Trinité trois fois sainte, aucun dogme chrétien n'a été exposé à autant de contradictions et d'altérations de la part des hérétiques, et n'a été aussi bien défendu par les pasteurs de l'Église que celui qui concerne la personne de l'Homme-Dieu. Pour saisir plus facilement toutes ces nombreuses erreurs, contre lesquelles l'Église orthodoxe s'élevait autrefois, déjà le bienheureux Augustin les subdivisait en trois classes principales, savoir: 1o erreurs sur la divinité de Jésus-Christ; 2° erreurs sur son humanité; et 3o erreurs sur l'union de la divinité et de l'humanité en sa personne (1).

I. Les erreurs sur la divinité de Jésus-Christ se subdivisent à leur tour en trois plus particulières.

La première et la plus ancienne de toutes, c'est l'erreur de ceux qui niaient complétement la divinité en Jésus-Christ et le considéraient comme un simple homme; ainsi enseignèrent, du temps des Apôtres, Cérinthe et Ébion, signalés déjà par saint Jean le Théologien, qui écrivit contre eux son Évan

(1) « Error hæreticorum de Christo tribus generibus terminatur: aut enim «de divinitate ejus, aut de humanitate, aut de utroque falluntur? » Quæst. evangel., lib. 1, quæst. 45, in Patrolog. curs. compl., t. XXXV, p. 1332, 1.)

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