Page images
PDF
EPUB

PARTIE XIV

SIGNATURE DU CONCORDAT

LE CLERGÉ CONSTITUTIONNEL

Le Premier Consul veut unir la proclamation de la paix religieuse à la fête du 14 juillet. Il reçoit à la Malmaison la troisième version du contre-projet de Consalvi au lieu de l'adopter, il arrête lui-même, le 12 juillet, un nouveau projet [no VIII], et nomme Joseph Bonaparte, Cretet et Bernier comme plénipotentiaires pour « négocier, conclure et signer. > Il revient à Paris dans la soirée. Son projet, celui du cardinal, et le décret de nomination sont transmis très tard au ministère des relations extérieures.

[ocr errors]

-

Journée du 13. La conférence, convoquée chez Joseph pour neuf heures du matin, est retardée notamment parce que les pouvoirs de la commission française ne sont pas expédiés. - Dans l'intervalle, le nouveau projet du gouvernement, aggravé probablement encore par d'Hauterive, est communiqué par Bernier à Consalvi. - Surprise et indignation du cardinal, qui croyait à l'admission de sa rédaction. Il se montre devant Bernier résolu à ne pas souscrire celle du gouvernement. Il se rend alors chez Joseph.

Les pouvoirs ayant été signés vers cinq heures, à l'issue de la séance du Conseil d'Etat, la conférence commence à huit heures du soir. Les plénipotentiaires français se prêtent à une discussion, article par article, mais exigent qu'elle porte sur le nouveau projet du gouvernement. Elle dure toute la nuit et la matinée suivante. Consalvi, satisfait sur la plupart de ses demandes, essaie d'aboutir. Echange des pleins pouvoirs. Au moment de conclure, Joseph se dit obligé d'en référer à son frère.

Dans un mouvement d'humeur, Bonaparte jette au feu les articles qui lui sont présentés. Néanmoins il ne repousse absolument que deux des concessions faites à Consalvi. — Un diner donné pour le 14 juillet et auquel assiste le cardinal, suspend la reprise des pourparlers. Propos sévère adressé à Consalvi en présence de M. de Cobenzl. Dernier projet [no IX] du Premier Consul. Efforts répétés de d'Hauterive et de Caillard pour le maintien intégral du projet VII, recommandé par Talleyrand.

[ocr errors]

Une seconde conférence s'ouvre le 15 juillet à midi, et se prolonge pendant douze heures. Le concordat est enfin signé.

Approbation du Premier Consul.

Les pièces de la négociation sont envoyées, le 16, à Rome.

On s'occupe aussitôt des mesures accessoires. Délai et forme des ratifications. Révision immédiate du projet romain de bulle. Circonscription des diocèses.

Il est entendu qu'un bref invitera les évêques à se démettre; qu'un autre bref réglera la condition des prêtres mariés, etc.

Consalvi, reçu en audience aux Thuileries, y défend les intérêts temporels du Saint-Siège, mais évite de s'engager sur la question des Légations. - Le Premier Consul parle de la mission d'un légat; il s'étend surtout sur le clergé constitutionnel, auquel il réserve plusieurs évêchés et qu'il prétend dispenser de toute rétractation. Les objections du cardinal n'ont d'autre effet que de motiver, le 22, une réunion officielle chez Joseph. Celui-ci soutient vivement la cause

des constitutionnels.

Le 25, au soir, Talleyrand arrive des eaux et Consalvi repart pour l'Italie.

L'ordre est envoyé à Murat de restituer Pesaro au Pape et d'évacuer l'Etat romain, sauf Ancône, où les troupes françaises cesseront d'être à la charge du SaintSiège. Première lettre de Bonaparte à Pie VII.

Conversation de Spina avec Grégoire. Suite du concile national.

Le Premier Consul pense à obtenir la ratification pour le jour de l'Assomption, mais l'absence de Joseph, en faisant ajourner l'envoi d'un courrier, rend ce projet impossible. Le courrier part seulement le 3 août, avec le plan de circonscription diocésaine, et le texte de la bulle, corrigé une fois encore par Bernier et d'Hauterive. Il emporte aussi une dépêche, où Talleyrand n'hésite pas à déclarer que, si la bulle ou le bref contiennent des expressions offensantes pour les constitutionnels ou les prêtres mariés, le gouvernement refusera sa ratification.

635. Nomination des plénipotentiaires français.

Paris, 23 messidor an IX (12 juillet 1801). Bonaparte, premier consul de la République, arrête ce qui suit :

Art. 1. Les citoyens Joseph Bonaparte, conseiller d'État; Cretet, conseiller d'État, et le citoyen Bernier, sont chargés de négocier, conclure et signer une convention avec le cardinal Consalvi, l'archevêque de Corinthe et le père Caselli, revêtus des pleins pouvoirs et instructions de S. S. le pape Pie VII.

Art. 2. Le ministre des relations extérieures est chargé de l'exécution du présent arrêté 1.

(Arch. nat., AF iv 38).

[ocr errors]

1 Cet arrêté, écrit par Maret sous la dictée du P. Consul, a été inséré dans la Corr. de Nap., no 5636. - En même temps, Maret préparait pour le Moniteur du lendemain une note disant : « M. le cardinal Consalvi a réussi dans les négociations dont il a été chargé par le Saint-Siège auprès du gouvernement. » La veille, le général avait rédigé une proclamation aux Français pour la fête du 14 juillet. Faisant allusion à la signature imminente du concordat, « Bientôt, disait-il, cessera le scandale des divisions religieuses » (Corr., nos 5633 et s.).

[blocks in formation]

Paris, 23 messidor an IX (12 juillet 1801).

J'ai eu l'honneur de me rendre chez vous, cit., pour vous remettre l'expédition de l'arrêté qui vous nomme, avec les cit. Cretet et Bernier, ministre plénipotentiaire pour traiter avec la cour de Rome des matières ecclésiastiques actuellement en discussion.

Le Premier Consul désire que cette négociation soit terminée dans les vingt-quatre heures. Il attache un grand prix à ce que la convention à intervenir porte la date du 14 juillet : vous jugerez sans doute, en prenant connaissance de cette affaire, qu'elle est parvenue à un point de maturité tel, qu'une prompte conclusion peut être demandée à la sagacité et au zèle des plénipotentiaires.

Les cit. Cretet et Bernier se rendront demain chez vous, à neuf heures du matin, pour l'ouverture des opérations.

(Pap. de Joseph Bonaparte)1.

Maret à Cretet.

Paris, 23 messidor an IX (12 juillet 1801).

Je me suis rendu chez vous, cit., pour vous remettre l'expédition d'un arrêté qui vous charge, avec les cit. Joseph Bonaparte et Bernier, d'une négociation avec les plénipotentiaires de S. S. Pie VII.

Le ministre des relations extérieures vous fera connaitre l'objet des opérations qui vous sont confiées, et l'état actuel de cette négociation qui, préparée depuis longtemps, recevra de vos travaux la dernière sanction. Le Premier Consul désire qu'elle soit terminée et la convention à intervenir signée après demain matin, 14 juillet.

La réunion des plénipotentiaires français aura lieu demain chez le cit. Joseph Bonaparte, dès neuf heures du matin. (Pap. du Cte Cretet).

Cette lettre a été publiée par Du Casse (Mém, de Joseph, t. I, p. 201).

637.

Maret à Caillard.

Paris, 2[3] messidor an IX (12 juillet 1801).

2

Je vous envoie, mon cher compatriote', une lettre et un arrêté que vont suivre de très près deux pièces que l'on copie 3 sous mes yeux.

J'ai écrit au cit. Bernier de se rendre chez vous ce soir, à onze heures, pour que vous le mettiez au fait des formes de sa mission, et il faut au moins que l'arrêté vous parvienne avant qu'il soit chez vous. Il n'y attendra pas longtemps l'arrivée des pièces qui forment la substance de la négociation.

Vous voudrez bien l'inviter à se rendre demain matin, à neuf heures, chez le cit. Joseph Bonaparte, hôtel Marbeuf, rue du Faubourg-saint-Honoré, pour commencer sur le champ les opérations. C'est au cit. Joseph Bonaparte que vous remettrez les projets, les pièces et les instructions nécessaires.

L'arrêté servira provisoirement de pouvoirs aux plénipotentiaires français. Je vous enverrai des pouvoirs en règle, demain avant deux heures.

Le Premier Consul attache un grand prix à ce que cette négociation, qui ne consiste plus que dans l'adoption d'une rédaction à peu près convenue, soit terminée dans les vingt-quatre heures. Mille amitiés.

[ocr errors]

P.-S. Le cit. Cretet sera chez vous demain, à huit heures. (Aff. étr., Rome, vol. 931).

Maret à Caillard.

Paris, 23 messidor an IX (12 juillet 1801).

Vous trouverez ci-joint, cit., un arrêté qui nomme des plénipotentiaires pour terminer la négociation avec la cour de Rome.

1 Caillard, comme Maret, était originaire de Bourgogne.

[ocr errors]

2 La pièce suivante, qui est en forme officielle, sur papier spécial etc, tandis que la pièce présente est un billet particulier. Pour comprendre les incidents de cette soirée, il faut se rappeler que le P. Consul, après plusieurs jours de maladie, était revenu le soir même de la Malmaison et, afin de se montrer au public s'était rendu au théâtre des Arts.

3 Les deux projets de concordat, mentionnés dans la pièce suivante, et qui, en fait, n'ont été envoyés au ministère des relations extérieures que plus tard dans la soirée (voir la pièce no 638).

Je vous envoie en même temps deux projets de convention sur les affaires ecclésiastiques. L'un, coté A, a été remis par le cit. Bernier, provisoirement chargé de conférer avec les plénipotentiaires de la cour de Rome. L'autre, coté B, est la rédaction définitive adoptée par le gouvernement'. Il n'y a entre l'une et l'autre aucune différence essentielle.

La simple comparaison de ces deux pièces fera connaitre aux plénipotentiaires français les motifs des changements que le gouvernement a été forcé d'adopter. Le cit. Bernier, qui est parfaitement au courant de cette négociation, donnera à la commission tous les claircissements dont elle pourra avoir besoin. Le gouvernement verra avec plaisir que cette convention soit signée le 14 juillet.

(Aff. étr., Rome, vol. 931).

638.

- Maret à Caillard.

Paris, 23 messidor an IX (12 juillet 1801).

Je vous prie, mon cher compatriote, de demander ce soir au cit. Bernier les titres qu'il prend ordinairement, et qu'il désire qui soient ajoutés à son nom dans les pleins pouvoirs que je vous enverrai demain. Il me faut aussi ceux du cardinal Consalvi, de Mgor Spina et du P. Caselli. Veuillez me faire passer cette note ce soir même.

Mille amitiés.

P. S. Je vous envoie les pièces au nombre de cinq'.

Je vous prie, si le cit. Bernier est chez vous, de remettre au porteur la note des titres que j'ai besoin de connaître.

[merged small][merged small][ocr errors]

Paris, 24 messidor an IX (13 juillet 1801).

Je crois qu'il est de mon devoir de présenter au Premier

1 Le projet A est la pièce que nous avons essayé de restituer (p. 184, note 2). Quant au projet B, voir p. 201, note.

Probablement les projets A et B, et les trois expéditions de l'arrêté (pièce no 635), destinées à chacun des plénipotentiaires français (nous avons eu sous les yeux ces trois expéditions).

« PreviousContinue »