Page images
PDF
EPUB

Premier Consul et Sa Sainteté, par l'intermédiaire du cardinal de Verceil, et il en est résulté l'envoi de votre personne comme délégué du Saint-Siège. Votre mission renfermait donc quelque chose de plus que des explications à donner, puisque les deux gouvernements se les étaient déjà réciproquement fournies.

Quel pouvait donc être leur but dans la mission dont ils nous ont chargés, si ce n'est d'arriver, après des conférences mutuelles, à un résultat commun, signé des deux agents et soumis à la sanction des deux gouvernements? Ce n'est ni votre opinion personnelle, ni la mienne, que nous émettons. Nous ne sommes rien pour nous, et tout pour les puissances qui nous emploient. Aucune répugnance personnelle ne peut ni ne doit donc vous

arrêter.

En vain dirait-on que cette signature prévient le jugement de Sa Sainteté. Il n'y a point de prévention de jugement, quand il y a réserve expresse du droit de sanction. Vous préparez seulement et vous signez, comme délégué, l'énoncé des articles sur lesquels les deux puissances doivent définitivement prononcer. Vous laissez à chacune le droit de rejeter ou d'admettre. Qui pourrait donc, en cela, blesser ou votre conscience personnelle, ou les droits du Saint-Siège ?

Le gouvernement a su, dans le temps, que vous alléguiez le défaut de pouvoirs. Je n'ai manqué, sous aucun rapport, de lui en faire part. Toutes vos notes lui ont été soumises. Mais il a cru, et dù croire, qu'il ne s'agissait que de pouvoirs définitifs, et n'a pas trouvé mauvais, que, quoique Sa Sainteté eût été prévenue par le cardinal de Verceil de ce qu'on devait lui demander, elle se soit néanmoins réservé le droit de sanctionner. Mais le gouvernement ajoute que, quand bien même vous n'auriez reçu que le pouvoir de conférer, il emporterait par là même celui de signer le résultat des conférences, sauf le droit qu'ont les puissances qui veulent contracter, de le rejeter ou de le sanctionner.

Enfin il se présente une troisième question, qui est celle-ci : quand bien même Sa Sainteté ne vous aurait pas expressément délégué le pouvoir de signer, dont on exige que vous fassiez usage, ne pourriez-vous pas interpréter ses intentions par la nécessité, et prendre sur vous de le faire, pour éviter une rupture

ouverte entre les deux puissances, qui sera la suite infaillible d'un refus de votre part. Vous connaissez mieux que moi la condescendante sagesse du Pontife actuel. Est-il probable, est-il même possible, qu'il soit dans ses intentions de consentir à ce que la France soit exposée de nouveau aux horreurs du schisme, d'une manière indéfinie; et cela pour ne pas apposer une signature au bas d'un projet qui, par là même, lui est soumis avec la clause expresse qui lui réserve le droit de sanction?

Pesez, Mgr, ces réflexions dans votre sagesse. Comptez un peu plus sur la confiance qu'a en vous Sa Sainteté, et considérez surtout les tristes suites d'un refus opiniâtre. Veuille le Ciel nous en préserver! Il m'est témoin que j'ai tout fait pour les épargner à la France, au Souverain Pontife et à l'Église ! Couronnez, Mgr, par un consentement, dont la nécessité, la plus impérieuse de toutes les instructions, semble vous faire une loi, un ouvrage sublime, qui doit éterniser votre nom. Souffrez que le projet de traité, signé par vous, parvienne jusqu'à Rome, et je suis persuadé que Sa Sainteté, instruite par vous et par nous des circonstances qui vous pressent, vous applaudira.

Le gouvernement m'ordonne de vous demander de suite une réponse précise, sur laquelle je ne me permettrai plus d'autre réflexion que celle-ci, c'est que de cette réponse dépendra la rupture ou la continuation d'un ouvrage, dont j'aimais à me promettre pour la religion et la France le plus heureux succès.

Recevez, Mgr, l'assurance de mon profond respect, et du plaisir que j'aurais à voir ce dernier effort de mon zèle couronné par un heureux succès.

(Arch. du Vatican).

847. Spina à Eernier.

Paris, 22 janvier 1801.

Je reçois à l'instant votre lettre d'aujourd'hui, à laquelle vous me demandez de suite une réponse précise. Il m'est impossible de répondre sur le champ catégoriquement à tout ce que contient votre lettre. Je le ferai sûrement en tout, demain. Mais en attendant, M', est-il possible que la magnanimité du Premier Consul veuille me refuser ce que l'on accorderait, en pareil cas,

à tout ministre d'une puissance quelconque, c'est-à-dire de dépêcher sur le champ un courrier pour demander des instructions et des facultés précises, pour un traité qui par soi-même est de la plus grande importance, et d'autant plus qu'il contient des articles, qui à une des puissances contractantes sont [tout] à fait inconnus?

Au nom donc du droit des gens, au nom de la religion, au nom de Sa Sainteté, au nom enfin de Dieu, je vous conjure, employez tous les moyens qui vous sont possibles, pour engager le Premier Consul à vouloir m'accorder ce bref délai, et le ministre des relations extérieures [à] me fournir le passeport nécessaire pour que mon courrier soit bientôt dépêché. J'aime encore à me flatter que la justice, la magnanimité, et la religion du Premier Consul voudra bien m'accorder la grâce que je réclame1.

(Arch. du Vatican).

848. Bernier à Spina.

Paris, 4 pluviose an IX (24 janvier 1801). J'ai vu le Premier Consul. Il consent à votre demande : vous pouvez adresser à Rome un courrier extraordinaire. Qu'il parte le plus tôt possible. Tout délai serait préjudiciable. Le gouvernement veut terminer une négociation déjà trop prolongée. Il demande que Sa Sainteté ne se borne pas à vous adresser le pouvoir de signer, mais encore d'échanger les ratifications ici, sans être obligé de recourir à Rome; ce qui très certainement ne serait pas accordé une seconde fois par le Consul. Avisez donc, Mgr, aux moyens d'obtenir de Sa Sainteté une réponse secrète, prompte et précise, qui ne laisse rien à désirer. L'état actuel de la France lui en fait une loi, et Sa Sainteté le sentira comme lui. Je suis flatté en particulier que le Consul ait daigné condescendre à vos désirs. Ces égards de sa part pour le Premier Siège, dans un moment où l'armée française est maîtresse d'une grande partie de l'Italie, prouveront de plus en plus sa

1 Cf. t. I, p. 301.

2 Cf. t. I, p. 302, 316, etc.

sagesse, sa modération, et le prix qu'il attache à la paix religieuse de la France.

Le ministre des relations extérieures, qui partage les sentiments du Consul, vous verra avant le départ de votre courrier, et vous dira, de la part du Consul, ce qu'il croira devoir communiquer à Sa Sainteté.

Recevez, Mgr, l'assurance constante du respect que j'ai voué au Saint-Siège, et à vous en particulier.

(Arch. du Vatican).

Spina à Bernier.

Paris [24 janvier 1801].

Vous me comblez de joie, M', par votre lettre d'aujourd'hui, parce que vous m'annoncez le consentement du Premier Consul, pour que je puisse envoyer à Rome un courrier extraordinaire. Ce n'était qu'avec la plus grande peine que je voyais menacée une rupture d'une négociation, qui est du plus grand intérêt pour la religion catholique et pour l'Eglise en général. Le courrier sera bientôt dépêché. Assurez le Premier Consul que je ferai de ma part tout ce qui me sera possible, pour que soit terminée de la manière à lui plus agréable une affaire qui doit éterniser son nom et rallier pour jamais la France au SaintSiège.

Sa Sainteté ne pourra qu'être très sensible à l'intérêt que vous prenez pour tout ce qui tient à la religion. Je vous assure de ma part que je vous dévouerai toujours mon profond respect.

(Arch. du Vatican).

849. Talleyrand à Spina.

Paris, [9 pluviose an IX (29 janvier 1804)]1.

Le ministre des relations extérieures désirant confier quelques dépêches au courrier que Mgr Spina doit expédier à Rome, il le prie de vouloir bien avoir la complaisance de retarder son

1 Cf. t. I, p. 355 et 377 pr.

départ jusqu'à primidi prochain', jour auquel son passeport lui sera délivré. Le ministre compte entièrement sur l'obligeance de Mgr Spina, et lui renouvelle les assurances de sa considé

ration.

(Arch. du Vatican).

Spina à Talleyrand.

Paris, 9 pluviose an IX (29 janvier 1801). Rien n'est plus agréable à l'archevêque de Corinthe que de pouvoir témoigner son respect au ministre des relations extérieures. Le courrier ne partira qu'après avoir reçu ses dépêches et ses ordres, et sera chargé de les exécuter très exactement. L'archevêque de Corinthe saisit avec empressement cette nouvelle occasion pour renouveler au ministre des relations extérieures l'assurance de sa haute considération.

(Arch. du Vatican).

850. Bernier à Spina.

Paris, 17 pluviose an IX (6 février 1801).

Je remercie V. E. du renvoi qu'elle m'a fait de la lettre du cardinal de Verceil. Je vais en faire l'usage qu'elle désire. Puissé-je être assez heureux pour réussir!

Je presserai avec un zèle égal l'envoi du courrier, dont je sens que le départ importe à la tranquillité de l'Eglise et à celle de Sa Sainteté ".

(Arch. du Vatican).

1 Le 11 pluviôse (31 janvier).

2 Sans doute une lettre du card. Martiniana, datée de Verceil le 9 janvier (et non le 19, comme il a été dit par erreur, t. II, p. 68, note 1). Le card. remerciait Spina d'avoir soutenu auprès du P. Consul la cause de la religion en Piémont. Déjà, les effets de cetté intercession se faisaient sentir dans une proclamation du général Soult; mais combien le mal était grand ! Il fallait empêcher la suppression complète des chapitres, l'expulsion des religieux, la réunion forcée des religieuses dans des maisons communes. L'enseignement n'était plus chrétien dans les écoles; on ôtait aux évêques le droit et les moyens d'avoir des séminaires. Pour faire enseigner la théologie, le card. était taxé à une redevance de 10.000 livres. Les biens ecclésiastiques étaient entre les mains du gouvernement etc (Arch. du Vatican).

3 Cf. t. I, p. 358 et 372 pr.

« PreviousContinue »