Page images
PDF
EPUB

est régulier. Cependant, si la cour n'est pas tenue de motiver son arrêt, il ne lui est pas défendu de le faire lorsque cela peut être utile: le silence de la loi, sur ce point, lui laisse toute latitude à cet égard; et la cour, suivant qu'elle en reconnait l'avantage ou l'inconvénient, peut et doit, en pareil cas, motiver ses arrêts, ou se borner à citer la loi qui autorise le déplacement, sans indiquer les motifs qui l'ont déterminée à adopter cette

mesure.

Lorsque le ministère public a requis et que la cour royale a ordonné, sur sa réquisition, dans une audience solennelle, que les assises ordinaires d'un département se tiendront dans un autre lieu que celui qui en est le siége habituel, on doit nécessairement y porter toutes les affaires qui sont en etat, puisque ce déplacement, loin de devoir apporter des entraves à l'administration de la justice criminelle, n'est autorisé par la loi que pour assurer de plus en plus et faciliter cette administration; mais si les motifs qui paraîtraient susceptibles de déterminer l'emploi de cette mesure n'étaient applicables qu'à une seule affaire, les assises ordinaires pourraient s'ouvrir, pour toutes les affaires, dans le lieu de leur siége ordinaire et en la manière accoutumée, sauf à la cour à ordonner qu'il serait tenu une assise extraordinaire dans le lieu qui serait jugé convenable, | et sauf au ministère public à ne porter à cette assise que l'affaire pour laquelle le déplacement aurait été jugé nécessaire, si, au moment de cette convocation, cette affaire était la seule en état. La marche que nous indiquons n'est prohibée par aucune loi; et puisque les membres qui forment la cour aux assises extraordinaires sont les mêmes que ceux de l'assise ordinaire (1); puisque les jurés sont choisis pour la tenue des assises extraordinaires, et soit qu'il y ait ou non déplacement du siége des assises, comme ils le sont pour les assises ordinaires, le déplacement dont le but et le résultat seraient le jugement d'une seule affaire, ne donnerait point à la cour et au jury, qui concourraient à ce jugement le caractère d'une commission.

La cour royale, en usant, sur la réquisition du ministère public, du droit de changer momentanément le siége ordinaire des assises

d'un département, ne peut en transférer le siége que dans une autre ville du même dépar tement; un déplacement qui aurait pour objet de faire juger, dans un autre département que celui dont on veut déplacer les assises, les affaires qui doivent y être portées, serait un véritable renvoi d'un tribunal à un autre, et la Cour de cassation est seule compétente pour prononcer et ordonner de pareils renvois (2). Quoiqu'on ne puisse pas prétendré que la cour royale soit astreinte à ordonner le déplacement quand il est requis par le ministère public, il est vrai de dire qu'elle ne doit pas, en géné ral, hésiter à le prononcer, lorsque la réquisition lui en est faite, à moins que les motifs qui servent de base à cette réquisition, ne soient évidemment futiles et mal fondés, et que la cour ne puisse le démontrer dans son arrêt de rejet. En effet, le soin qu'a pris le législateur de ne permettre l'exercice du droit de déplacement que lorsque cette mesure est provoquée par le procureur général du roi ou par ses substituts en son nom, indique assez que c'est en quelque sorte sous la responsabilité spéciale du ministère public que ce droit doit être exercé, et il n'est guère possible de supposer que l'homme du gouvernement, le procureur de Sa Majesté, puisse provoquer une telle mesure sans que le besoin du service l'exige. Au reste, si la cour royale peut, par la nature de ses fonctions, et même comme chargée par la loi d'exercer une espèce de surveillance sur le ministère public (3), apprécier les réquisitions qui lui sont faites pour déplacer le siége des assises, comme toutes celles qui peuvent lui être soumises sur d'autres matières, et rejeter la réquisition dont l'inutilité ou les inconvenients lui paraissent sensibles, elle ne peut, en aucun cas, fixer, pour le siége extraordinaire, un autre lieu que celui qui est désigné par la réquisition du ministère public. Cela résulte évidemment de l'économie des dispositions législatives et réglementaires sur ce point (4); et puisque la cour royale ne peut statuer d'office en pareil cas, une conséquence nécessaire de cette prohibition est qu'elle ne puisse substituer un autre lieu à celui que propose le ministère public. Si elle n'adopte pas la proposition, elle doit se borner à la rejeter en ordonnant un déplacement autre que celui

(1) V. art. 81 du décret du 6 juill. 1810.

(2) Le déplacement momentané du siége de la cour d'assises, quoique restreint aux arrondissements du même département, est bien aussi une espèce de renvoi d'un tribunal à un autre, puisque, si la cour d'assises n'est pas composée entièrement de membres de la cour royale, elle doit se compléter avec des membres du tribunal de l'arrondissement désigné pour la tenue des assises, au lieu de se composer de membres du tribunal de l'arrondissement du siège ordinaire: mais la loi l'a voulu ainsi; et l'on peut dire, d'ailleurs, que la disposi

[ocr errors]

tion de la loi qui autorise le déplacement momentaně du siège des assises, donne aux membres des divers tribunaux de chaque département, pour ce cas extraordinaire, un droit égal à ceux du tribunal du siége ordinaire, et que, par conséquent, il n'y a point de renvoi d'un tribunal à un autre.

(5). art. 11 de la loi du 20 avril 1810.

(4). art. 258, C. crim., 21 de la loi du 20 avril, et 90 du décret du 6 juill. 1810.

Bourguignon, dans ses notes sur l'art. 258, C. crim., émet l'opinion contraire.

pour compléter ce que nous avons à dire sur le déplacement du siége ordinaire des assises, il convient de faire remarquer que la faculté dont la cour royale est investie ne lui donne pas le droit de changer à demeure le siége habituel des assises de chaque département. Le législateur, en fixant ce siége, a consulté l'intérêt public et le besoin des localités : les cours royales ne peuvent substituer leur volonté à celle de la loi. Si des circonstances, dont le ministère public rend compte, nécessitent un déplacement des assises, ce déplacement est essentiellement momentané; il est restreint à l'assise ordinaire ou extraordinaire pour laquelle il est demandé et ordonné; et aussitôt après la session de cette assise, tout doit reprendre son cours ordinaire, sauf à recourir de nouveau à la même mesure, si de nouvelles circonstances en exigeaient encore l'emploi. La translation des établissements publics n'est point un objet de la compétence des cours de justice; et un acte postérieur à la nouvelle organisation judiciaire prouve que l'on est circonspect dans l'admission des demandes qui tendent à provoquer des changements de cette espèce (2).

qui serait demandé par le procureur général ou | manière à ne laisser aucune ambiguïté. Enfin, par ses substituts en son nom, la cour prendrait réellement une initiative qui lui est expressément interdite. Il résulte aussi des dispositions textuelles du Code, que le déplacement requis et ordonné par la cour ne peut jamais avoir pour objet de faire transférer la cour que dans une ville où il existe un tribunal de première instance, puisque la loi ne dit pas que les assises seront transférées dans un autre lieu, mais que la cour royale pourra désigner un tribunal autre que celui du chef-lieu (1). La cour pourrait, sans doute, d'après les pouvoirs dont elle est investie, déléguer un nombre suffisant de ses membres pour compléter la cour d'assises dans le lieu où elle serait momentanément transférée; le procureur général pourrait lui-même se déplacer, ou charger un de ses substituts d'exercer le ministère public auprès de la cour d'assises; la cour royale pourrait déléguer des huissiers pour le service des assises; on ne peut pas nier qu'elle n'eût aussi le droit d'enjoindre au greffier de se rendre auprès de la cour d'assises, ou d'y envoyer un de ses commis-greffiers: mais, outre que ces déplacements très-multipliés seraient fort onéreux au trésor royal, si le siége de la cour d'assises, momentanément déplacé, pouvait être transféré dans un lieu quelconque qui ne fût pas le siége d'un tribunal de première instance, il est évident que le service pourrait être entravé à chaque instant; que le président des assises n'aurait point les moyens de faire les délégations que la loi l'autorise à faire; que si, par quelque circonstance, l'un des membres délégués pour la tenue des assises se trouvait empêché, on n'aurait aucun moyen de faire pourvoir de suite à son remplacement, et qu'ainsi les intérêts de la société et ceux des accusés pourraient se trouver également compromis. C'est d'après ces considérations qu'a été rédigée la disposition qui autorise le déplacement de la cour d'assises c'est ainsi qu'elle doit être entendue et exécutée; et le transfèrement ne peut se faire alors, aux termes de la loi, que dans une ville où il existe un tribunal de première instance. L'article du Code d'instruction qui porte que, dans les départements du ressort de la cour royale, autres que celui du chef-lieu, la cour d'assises sera composée des plus anciens juges du tribunal de première instance du lieu de la tenue des assises, aurait encore offert une preuve sans réplique de la vérité de cette assertion (art. 255, C. cr.), si la disposition relative au déplacement n'avait pas été conçue elle-même de

Les assises doivent se tenir tous les trois mois dans chaque département (art. 259, C. crim.) (3); c'est-à-dire qu'il doit y avoir, dans chaque département, une assise ordinaire par trimestre. Il a paru convenable de ne pas les multiplier sans nécessité, pour éviter aussi de multiplier les déplacements de jurés ; et la loi, en autorisant à tenir des assises plus souvent que tous les trois mois, lorsque le besoin du service l'exige, a prévenu les inconvénients qui auraient pu résulter du long intervalle qui sépare ordinairement chaque tenue d'assises.

Sous l'empire du Code du 3 brumaire an Iv les cours criminelles tenaient chaque mois une session, et il est arrivé fréquemment, sur divers points de la France, qu'on n'y jugeait que deux affaires et quelquefois même qu'une seule. Une convocation de jurés, dont le résultat était si peu important, n'avait rien de solennel, et ne produisait aucune sensation sur l'esprit public. Dans le système actuel, au contraire, la tenue des assises est un événement précédé et accompagné des solennités remarquables qui fixent l'attention du peuple, et dont les résultats doivent avoir une grande influence sur la morale publique.

[ocr errors]

244. Nous avons dit que le vœu de la loi est rempli, pourvu qu'il soit tenu une assise ordi

(1). la 2e partie de l'art. 258, C. crim., et l'art. 21 de la loi du 20 avril 1810.

(2) V. l'avis du conseil d'État en date du 2 août 1811, approuvé le 6.

(3) En Angleterre, les assises se tiennent régulièrement deux fois par an dans chaque comté, et ne durent que quatre ou cinq jours.

naire par trimestre; c'est en effet, par le nom du trimestre que l'on distingue chaque assise (1), et l'ouverture doit en être fixée chaque fois d'après la quantité, l'importance ou la durée présumée des affaires qui doivent y être portées, et sans s'astreindre à faire ouvrir, dans le premier mois du trimestre suivant, l'assise d'un département qui s'est ouverte dans le premier mois du trimestre précédent. La loi du 20 avril 1810 (art. 19), a seulement réglé que, dans le ressort des cours royales qui ne se compose pas de plus de trois départements, les assises se tiendraient dans chacun d'eux de mois en mois, et de manière à n'avoir lieu dans le ressort que les unes après les autres. Cette règle doit, en général, être observée; mais comme elle a surtout pour objet de donner moyen de faire présider plusieurs assises par un même conseiller de la cour (ibid.), elle est susceptible de modifications, si l'intérêt de la justice ou des justiciables le réclame : je crois même devoir faire remarquer, à ce sujet, que, malgré la disposition de la loi qui ordonne la tenue d'une assise chaque trimestre dans chaque département, si l'on prévoyait qu'aucune affaire ne fût en état d'être portée à une assise, on ne devrait point en ordonner la convocation. Il est extrêmement rare qu'il en soit ainsi pour ce qui concerne les divers départements du royaume cependant le département des Hautes-Alpes a donné ce spectacle touchant; les assises d'un des trimestres de 1815 ont été ouvertes et fermées immédiatement sans qu'il y ait été porté aucune affaire; et la même circonstance s'est renouvelée, depuis, dans un autre département.

Les assises ne devant être closes qu'après que toutes les affaires criminelles qui étaient en état lors de leur ouverture, y ont été portées (art. 260, C. cr.), on a demandé si les séances des cours d'assises ne doivent point être interrompues les fètes et dimanches. Le

[ocr errors]

Code du 5 brumaire an iv (art. 351, 332, 345 et 418) contenait, à cet égard, une disposition formellement prohibitive: mais les articles de ce Code ne doivent plus servir de règle, et je pense qu'en général il est convenable de suspendre les audiences de la cour d'assises les dimanches et les jours de fêtes, sauf toutefois les cas où une affaire serait entamée; ce qui ne permettrait pas, à mon avis, d'interrompre les débats (2). Je dis, en général; car malgré les motifs religieux qui semblent exiger que les jours fériés soient observés par les cours d'assises mèmes, comme par les autres établissements publics et par les particuliers, il peut se rencontrer des circonstances impérieuses qui s'opposent à l'observation de cette règle, et l'appréciation de ces circonstances est nécessairement laissée à la sagesse et au zèle éclairé du président des assises (3).

Le premier président de la cour royale est investi du droit de nommer le président des assises et les membres de la cour royale qui doivent composer la cour d'assises dans chaque département (4). Ce droit était attribué à la cour royale elle-même par une disposition du Code d'instruction (art. 254): mais le législateur a senti que, cette délégation étant confiée à une cour entière, il pourrait en résulter des difficultés, des entraves, des obstacles nuisibles au bien du service; et le premier président a, en conséquence, été chargé de représenter la cour dans l'exercice de ce droit.

Le premier président ne nomme toutefois lui-même le président et les membres des assises, que comme suppléant le ministre de la justice en cette partie; et le ministre peut, dans tous les cas, procéder à cette nomination (art. 16, loi du 20 avril 1810) (5). L'époque des nominations est fixée par la loi. Le président des assises ayant des fonctions à remplir avant l'ouverture de la session, il était nécessaire que sa nomination précédât cette ouverture; en conséquence, lorsqu'elle n'a pas

(1) Le ministre de la justice a rectifié par des instructions l'erreur dans laquelle étaient tombés quelques premiers présidents de cours royales, qui, prenant pour point de départ le mois dans lequel la cour avait été installée, empiétaient toujours d'un trimestre sur l'autre, et par conséquent aussi d'une année sur la suivante pour former le trimestre des assises du ressort, au lieu de suivre la division naturelle de l'année, et de désigner le trimestre de janvier, celui d'avril, celui de juillet et celui d'octobre.

(2) Un arrêt de la Cour de cassation, rendu en 1816, a rejeté néanmoins le recours en cassation d'un individu condamné par la cour d'assises du département de la Dordogne, et qui se faisait un moyen de ce que la cour avait interrompu, pendant les journées des 20 et 21 janvier, les débats commencés auparavant; mais l'objet des solennités religieuses de ces deux journées indique assez les motifs de la décision, et autorise à penser que c'est une exception.

(5) Dans une affaire de longue haleine, un président

[ocr errors]

d'assises ayant annoncé à la fin de l'audience du samedi que, le lendemain dimanche, il n'y aurait point de séance parce que messieurs les jurés seraient sans doute bien aises de se reposer et d'aller à la campagne, «M. le président, s'écria l'un des accusés, notre campagne à nous, c'est la prison,» et l'on ne peut se dissimuler que cette apostrophe était en quelque sorte autorisée, sinon par le renvoi lui-même, du moins par la manière dont il était indiqué et motivé. (Cass., 10 juin 1826, et 26 mai 1826; S., 27, 177.)

(4) En cas d'absence ou d'empêchement du premier président de la cour royale, le plus ancien des présidents de chambre présents remplit les fonctions qui lui sont attribuées.

(5) L'ordre judiciaire formant aujourd'hui un pouvoir à part dont la constitution a voulu assurer toute l'indépendance, il est permis de douter que la disposition de l'art. 16 de la loi du 20 avril 1810, puisse encore être invoquée en Belgique.

été faite par le ministre de la justice, pen- par le ministre puissent être contestées (1). dant la durée d'une assise, pour le trimes- D'après le même principe, si, à raison de tre qui suit celui de la tenue de cette assise, l'éloignement du lieu où se tiennent les assises, le premier président doit la faire dans la hui- ou à raison de la difficulté des communicataine qui suit la clôture de cette assise. L'in- tions, le premier président d'une cour royale dication de ce délai peut faire naître la ques- n'est pas informé, dans le délai détermine par tion de savoir si le ministre pourrait user de les lois (2), de l'époque à laquelle ces assises son droit après l'expiration de ce terme, si, sont terminées, il n'a aucun reproche à se malgré la nomination du premier président, faire en se tenant aussi rapproché que les cirmalgré la publicité qui aurait pu être donnée constances le permettent, du terme prescrit à l'ordonnance de ce magistrat conformément pour la fixation des assises suivantes et pour à la loi, la nomination du ministre devrait la nomination du président et des membres avoir son effet et prévaloir sur celle du pre- qui y siégeront, et son ordonnance, quoique mier président; mais la solution de cette ques-rendue après les délais, n'en est pas moins tion n'est pas susceptible, à mon avis, de la régulière et n'en doit pas moins avoir son moindre difficulté. En effet, aux termes de la effet. loi du 20 avril 1810, le ministre de la justice peut exercer son droit de nomination dans tous les cas; et cette disposition suffit pour démontrer que, tant que la session des assises n'est pas ouverte, le ministre est autorisé à nommer, et qu'aussitôt que la nomination faite par lui est connue officiellement, elle confère à celui qui se trouve nommé tous les droits, tous les pouvoirs attachés à la délégation. Le délai fixé par la loi n'a d'autre objet, je le répète, que d'assurer le service et de prévenir les retards dans les opérations antérieures à l'ouverture des assises; mais il ne peut établir contre le ministre une espèce de prescription relativement à l'exercice d'un droit qui lui est attribué en première ligne, qui est inhérent à sa dignité, qu'il peut exercer dans tous les cas, et dont le premier président de la cour royale ne peut user que comme étant appelé par la loi à le suppléer, à cet égard. Si, independamment de cette raison péremptoire tirée des termes précis de la loi, et des motifs d'ordre et d'intérêt public qui ont déterminé l'attribution faite au ministre de la justice, on considère que le ministre ne peut pas connaître la durée de chaque assise; que la négligence d'un premier président ou d'un procureur général pourrait même lui en laisser ignorer la tenue, et qu'il serait obligé, par conséquent, d'user ordinairement de son droit avant l'ouverture ou au moment de l'ouverture de l'assise, même à une époque incertaine, et que, malgré l'exactitude qu'il apporterait en cette partie, son ordonnance ne pourrait souvent parvenir au procureur général en la cour royale qu'après la nomination faite par le premier président, on sera convaincu que l'esprit de la loi, d'accord avec son texte, s'oppose à ce qu'en aucun cas, et à quelque époque que ce soit, la régularité et la légalité du choix fait

ou

Soit que le choix du président et des membres de la cour ait été fait par le ministre, ou qu'à son défaut le président ait fait la désignation, le président des assises doit toujours ètre pris parmi les membres de la cour royale (articles 252 et 253, C. crim.). On a demandé à ce sujet si les présidents de la cour royale peuvent être délégués pour présider les assises, et, quoiqu'ils ne soient pas expressément exclus de ces fonctions, le ministre de la justice a pensé que le service dont les présidents de la chambre sont chargés dans le sein de la cour royale, ne permet pas qu'ils soient délégués pour les assises; il a, en conséquence, donné des instructions pour prévenir ou faire cesser ces délegations, qu'il a jugées être un abus grave et dangereux, et il ne permet et ne tolère d'exception qu'à l'égard du président de la chambre des appels de police correctionnelle, et seulement pour la présidence des assises du cheflieu de la cour royale, attendu que dans ce cas, il n'y a point de déplacement, que le service de la cour royale ne peut pas en souffrir, et que la nature des fonctions habituelles et journalières du président des appels correctionnels peut même donner à ce magistrat, pour la direction des débats en matière criminelle, une facilité que n'ont pas toujours les conseillers délégués momentanément pour la tenue des assises.

La délégation du président d'assises est une partie bien importante des fonctions des premiers présidents des cours royales. Si Ton envisage le choix de ces présidents sous le rapport de l'intérêt général de la société et de la magistrature, ou sous celui de l'intérêt particulier de la compagnie à laquelle ces délégués appartiennent, l'influence qu'ils exercent est également remarquable. En effet, c'est par eux surtout que les tribunaux et le peuple des dé

(1) L'opinion que j'exprime ici me paraît fondée sur la législation existante; et après y avoir beaucoup réfléchi, je ne puis qu'y persister, malgré les objections dont elle peut être susceptible. Mais je ne dois pas dis

simuler qu'il est à ma connaissance qu'elle a été fortement contredite par plusieurs premiers présidents et magistrats des diverses cours du royaume.

(2) V. art. 99 du décret du 6 juill, 1810.

partements du ressort peuvent se former une ètre néanmoins beaucoup de force, si, bien idée de la dignité, du talent, de la sagacité pénétrés de l'esprit qui a guide le législateur, des magistrats de la cour royale; c'est à eux les premiers presidents des cours royales désique le gouvernement confie le ministère au- gnaient habituellement, à l'exclusion des auguste d'approfondir les accusations, de pré- tres, ceux des membres de leurs compagnies qui parer dans l'âme des jurés cette conviction qui sont propres aux travaux des assises, et surtout doit être la base de leurs déclarations, de les s'ils chargeaient le même conseiller de présider conduire, pour ainsi dire, par la main, à la successivement plusieurs assises, lorsque les découverte de la vérité, de distinguer l'inno-localités le permettent. Ce dernier mode, indi

cent du coupable, d'atteindre celui-ci, et de rendre celui-là à la société ; enfin c'est à eux qu'est remis momentanément le glaive de la justice répressive. Il importe donc de ne choisir pour ces fonctions que des hommes doués des qualités physiques et morales nécessaires pour répondre d'une manière convenable à l'espoir que l'on fonde sur eux. Les premiers présidents ne doivent pas prendre par tour, et, pour ainsi dire, au hasard, parmi les membres de leur compagnie. Ils ne doivent point examiner si cette délégation est considérée par les magistrats qu'ils délèguent comme une charge ou comme un avantage, si les conseillers propres à la présidence sont plus ou moins anciens dans la compagnie que d'autres conseillers ils doivent choisir exclusivement les plus dignes sans avoir égard à aucune considération particulière; et si le nombre des conseillers propres à la présidence des assises est peu considérable dans une cour royale, le premier président ne peut justifier lui-même la confiance du gouvernement et mériter la considération publique, qu'en circonscrivant son choix dans ce cercle, quelque étroit qu'il puisse être.

Dans les premiers instants de la mise en activité des nouveaux Codes, on a dû nécessairement faire quelques essais, quelques épreuves, et se livrer aux hasards d'un choix peu judicieux ; mais l'expérience a dû éclairer les cours royales et les chefs de ces compagnies sur l'aptitude des divers conseillers aux fonctions dont il s'agit, et l'on ne pourrait plus excuser et justifier aujourd'hui des délégations faites sans discernement.

On s'accorde assez généralement à blåmer le renouvellement des présidents des assises par trimestre, et l'on voudrait que ces présidences fussent permanentes, ou du moins plus longues; cette opinion, qui peut avoir quelque fondement quant à la trop grande brièveté des présidences d'assises, et sur laquelle le gouvernement, dans sa sagesse, attend sans doute les résultats de d'expérience, perdrait peut

qué formellement par la loi (1), est encore une conséquence naturelle de la disposition qui ordonne de tenir les assises dans chaque département, de manière qu'elles n'aient lieu dans le ressort de la même cour royale que les unes après les autres (2). Il familiarise les magistrats délégués avec les fonctions qu'ils ont à remplir; il a d'ailleurs l'avantage d'enlever à la cour royale un nombre moins considérable de ses membres pour le service des assises, et d'empêcher que les délégations ne puisent aux autres parties du service de la cour; et s'il était mis en usage et concurremment avec des choix restreints dans un petit cercle, ceux qui se plaignent du renouvellement des présidents d'assises par trimestre, n'auraient point à objecter, comme ils le font, que le changement continuel des magistrats délégués pour la présidence des assises ne leur permet pas de se pénétrer suffisamment des devoirs qu'ils ont à remplir; on obtiendrait tous les avantages que peut offrir la permanence des présidences, sans en redouter les inconvénients: et l'on serait obligé de reconnaître dans cette circonstance, comme on peut le remarquer trèsfréquemment, que la loi est bonne et sagement combinée, et que le vice n'est que dans l'exécution (3).

Le premier président, qui est chargé de nommer les présidents d'assises, à défaut de nomination de la part du ministre de la justice, est autorisé par la loi à les présider lui-même, lorsqu'il le juge convenable (loi du 20 avril 1810, art. 16); et quand ce magistrat se propose de présider l'assise entière, il doit l'annoncer par une ordonnance rendue dans la même forme que pour la désignation d'un autre président.

Le droit conferé au premier président, et dont il ne doit toutefois user qu'avec discrétion, lui donne, à plus forte raison, la faculté de présider la cour d'assises pour une ou plusieurs affaires, quoiqu'il y ait eu de sa part désignation d'un président d'assises pour la tenue (4). Le président de l'assise doit alors siéger auprès

(1)« Le même membre pourra être délégué pour pré→sider successivement, si faire se peut, plusieurs cours » d'assises. » (Art. 19 de la loi du 20 ayril 1810.) (2) 7. ibid.

(3) A une époque déjà ancienne, et quelques années seulement après la mise en activité du Code d'inst, crim., j'avais conçu l'idée de quelques modifications qui me sem

blaient propres à améliorer le service des assises; peu de temps avant de quitter la direction des affaires criminelles et des grâces, j'eus l'occasion de rappeler à Son Exc. M. le comte de Serre, le travail dont je m'étais occupé autrefois ; mais mon plan n'ayant point été adopté, ce n'est pas ici qu'il convient de le développer. (4) Décis. du minist, de la just, du 9 oct, 1812.

« PreviousContinue »