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veau Pape prit le nom de Pie VII, qu'il devait rendre si glorieux.

Barnabé-Louis Chiaramonti était né à Césène, le 14 août 1742, du comte Scipion Chiaramonti et de la comtesse Jeanne Ghini qui, depuis sa mort, a été déclarée vénérable. Il fit ses premières études à Parme. En 1758, il entra dans l'ordre des Bénédictins. Distingué par Pie VI, dont il était parent, il se vit cependant en butte à des calomnies auxquelles il n'opposait que la douceur et la patience. On alla jusqu'à demander son exil de Rome : « Dans peu, répondit Pie VI, Chiaramonti quittera Rome en effet, mais ce ne sera pas pour l'exil. » Pie VI le nomma évèque de Tivoli, puis évêque d'Imola, enfin cardinal, le 14 février 1785. Ses ennemis reconnurent alors leurs torts et rétractèrent leurs calomnies; quant à Chiaramonti, il ne s'occupa plus que des devoirs de sa charge. Il se fit aimer et bénir de tous ses diocésains. En 1798, quand la ville d'Imola, enlevée à son sou

verain légitime, eût été comprise dans la république cisalpine, il fit tous ses efforts pour calmer l'effervescence des esprits et pour prévenir des collisions sanglantes. C'est dans ces circonstances qu'il publia une célèbre homélie, datée du jour de Noël; on y lit entre autres choses:

pas

« Frères très-chéris, vous ne comprenez la vraie idée de liberté ! Ce nom, qui a son sens droit dans la philosophie et dans le catholicisme, ne dénote pas un dévergondage ou une licence effrénée qui permet de faire tout ce qu'on veut, soit le bien, soit la mal, soit l'honnête, soit le honteux. Gardons-nous d'une si étrange interprétation qui renverse tout l'ordre divin, et dénature l'humanité, la raison et tous les glorieux avantages que nous a distribués le Créateur. La liberté chère à Dieu et aux hommes est une faculté qui fut donnée à l'homme, un pouvoir de faire ou de ne faire pas, mais toujours soumis à la loi divine et humaine. Il n'exerce pas raisonnablement

sa faculté de liberté, celui qui, rebelle et impétueux, s'oppose à la loi; il n'exerce pas sa faculté, celui qui contredit la volonté de Dieu et la souveraineté temporelle; car, comme dit saint Paul, qui résiste au pouvoir résiste à l'ordre de Dieu... La forme du gouvernement démocratique adoptée parmi nous, ô très-chers frères, n'est pas en opposition avec les maximes exposées ci-dessus et ne répugne pas à l'Évangile; elle exige, au contraire, toutes les vertus sublimes qui ne s'apprennent qu'à l'école de Jésus-Christ, et qui, si elles sont religieusement pratiquées par vous, formeront votre félicité, la gloire et l'esprit de votre république... Que la vertu seule, qui perfectionne l'homme et qui le dirige vers le but suprême, le meilleur de tous, que cette vertu seule, vivifiée par les lumières naturelles et fortifiée par les enseignements de l'Évangile, soit le solide fondement de notre démocratie! »

On a reproché cette homélie à l'évêque

d'Imola. Quand on la lit attentivement, on reconnaît qu'aucun principe n'y est compromis. Le conclave la connaissait, et les cardinaux qui le composaient avaient pesé avec le plus grand soin le pour et le contre au sujet de chaque candidat; l'homélie de Chiaramonti ne fut l'objet d'aucun blâme, on peut même croire qu'elle fut l'un des motifs qui contribuèrent à déterminer le choix des électeurs.

L'Autriche se montra blessée d'un choix pour lequel on ne l'avait pas consultée; elle refusa de laisser couronner Pie VII dans l'église Saint-Marc; le couronnement eut lieu dans l'église Saint-Serge, le 21 mars. Déjà le Pape était dans une espèce de captivité; on parlait de le retenir à Venise, et même de l'engager à fixer son séjour à Vienne. Mais la Providence voulait le ramener à Rome. Voici que Bonaparte, de retour d'Égypte et maître du pouvoir en France, fait franchir à ses troupes le mont Saint-Bernard, et, le 14 juin 1800, la vic

toire de Marengo annonce à l'Europe que la fortune des batailles va encore une fois changer.

A l'approche de Bonaparte, l'Autriche avait renoncé à ses projets sur le Pape. Le 6 juin, Pie VI s'embarqua sur une frégate autrichienne, et prit terre à Pesaro. Le 21 juin, il fit son entrée dans Ancône au bruit d'une salve d'artillerie. Les vaisseaux russes qui stationnaient dans le port donnèrent le salut impérial, d'après l'ordre du czar Paul Jer. Six cents Anconitains, qui se relayèrent tour à tour, dételèrent les chevaux de la voiture pontificale, et y ayant attaché des cordes garnies de rubans de diverses couleurs, ils la traînèrent jusqu'au palais épiscopal. Il y avait huit mois que les Français avaient été obligés de rendre Rome aux Napolitains, coalisés avec l'Angleterre, l'Autriche et la Russie. Les ennemis de la république française ne pouvaient refuser Rome à son souverain légitime; Pie VII y fit son entrée le 3 juillet, par la

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