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Un nouvel orage allait éclater sur l'Église. Napoléon, qui aspirait à l'empire universel, s'étonna de trouver dans un faible vieillard une résistance que ses canons ne pouvaient briser; il voulut détruire une royauté qu'il ne pouvait asservir, et démentit ainsi, dans la seconde partie de son règne, l'œuvre de restauration qu'il avait jusque-là si heureusement accomplie.

C'est encore un problème de savoir si l'usurpation des domaines du Saint-Siége

1 Artaud, t. II, chap. XXI.

fut arrêtée de bonne heure dans l'esprit de Napoléon, et quelle en fut la véritable cause. Le cardinal Pacca, dans ses Mémoires, parle de deux causes probables; il pense que la seconde est plus sérieuse; on peut croire que les deux agirent ensemble. «Que Napoléon Bonaparte, dit-il, ait laissé voir ce projet sacrilége presque aussitôt qu'il a été assis sur le trône de France, les faits que nous allons exposer ne permettent pas d'en douter. Mais qu'est-ce qui le portait à cette spoliation si injuste? Selon les uns, son ambition insatiable, le désir de reculer de plus en plus les bornes de son empire, d'asseoir son second trône sur la ville des Césars, pour s'enivrer du titre fastueux d'empereur romain; selon d'autres, une suggestion de quelque secte ou faction ennemie de la Papauté, une condition que lui avait imposée cette secte pour prix de son concours à son élévation au trône de France. J'adopterais volontiers cette dernière opinion, qui me paraît plus vraisemblable.

Et, en effet, comment supposer que, de la hauteur de ses projets gigantesques, celui qui créait les rois et dispensait les royaumes, ait pu descendre de lui-même à la détermination de détrôner un prince ami, pacifique, sans défense, dont le petit territoire en Italie ne devait point accroître sa puissance et sa gloire, mais au contraire lui faire perdre cette renommée, cette faveur des catholiques, que lui avait si justement acquise le rétablissement du culte catholique en France? »

Cette longue lutte entre un vieillard désarmé et le plus redoutable conquérant du monde mériterait d'être racontée dans tous ses détails; elle renferme des leçons dignes d'être méditées par les hommes d'État et par les princes aussi bien que par les particuliers. L'espace nous manque, et nous devons nous borner à en marquer les principaux traits.

Quelques nuages précédèrent la tem

pête.

en

Napoléon demanda au Pape, en 1805, de déclarer nul le mariage que son frère Jéròme avait contracté aux États-Unis, Amérique, avec une protestante, Mlle Patterson. Pie VII examina cette demande avec une grande maturité, mais, ne trouvant aucun motif sérieux de nullité, il maintint les lois de l'Église avec autant de fermeté dans le fond que de douceur dans la forme. Napoléon passa outre, fit casser le mariage par les tribunaux civils et fit épouser à son frère une princesse de Wurtemberg. C'est de cette nouvelle union que naquit l'enfant connu maintenant sous le nom de prince Napoléon (Jérôme).

L'année suivante, le refus de Pie VII d'entrer dans le système du blocus continental contre l'Angleterre amena de nouveaux éclats. Napoléon avait pris le titre de roi d'Italie, il venait de gagner la bataille d'Austerlitz, il dictait la loi à l'Europe, et, sans aucune provocation de la part du gouvernement pontifical, qui avait hau

tement proclamé sa neutralité, il avait fait occuper Ancône, dès l'année précédente, par une garnison française. Pie VII avait protesté, comme c'était son devoir de souverain. Napoléon répondit insolemment, le 7 janvier 1806, trente-six jours après la bataille d'Austerlitz : « Votre Sainteté avait intérêt à voir la forteresse d'Ancône plutôt dans nos mains que dans celles des Anglais et des Turcs. Je me suis considéré comme le protecteur du Saint-Siége, et, à ce titre, j'ai occupé Ancône pour la mettre à l'abri d'être souillée par les Grecs et les Musulmans. » L'empereur disait encore : « Je protégerai entièrement le Saint-Siége, malgré les fausses démarches, l'ingratitude et les mauvaises dispositions des hommes, qui se sont démasquées pendant ces trois mois. Ils me croyaient perdu; Dieu a fait éclater, par le succès dont il a favorisé mes armes, la protection qu'il accorde à ma

cause. »

Il devenait évident que Napoléon ne cher

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