Page images
PDF
EPUB

V.

Ce menu peuple eft comme le Soldat qui mange tout, & qui n'épargne rien de fa paye. Or fur la paye du Soldat on retient fon habillement & armes, & il n'y pense pas, n'aïant d'attention, que fur le peu qui lui revient du refte. Il en eft de même de l'artifan journalier, fitôt qu'il a reçu fes journées, ou le prix de la façon de fon ouvrage, il va le depenser au cabaret & à peine en donne-t-il pour faire vivre fa famille ; fi bien qu'il eft difficile de faire payer à ces fortes

de gens la moindre impofition ; aulieu que fi on faifoit > comme aux Soldats, une retenue fur fes journées ou façons, tant pour payer fa part d'impofitions, que pour l'éducation de fes enfans & foulager lui & fa famille, dans les maladies qui peu, vent leur arriver, il eft certain qu'aucun d'eux ne s'y oppoferoit, & qu'ils payeroient la meilleure partie des impofitions, fans en être incommo

dés, & même fans s'en appercevoir; d'autant que cet retenue fe feroit fur les hommes, les femmes, enfans, domeftiques, valets & fervantes, & generalement fur tous ceux qui gagneroient quelque chofe, en quelque forte & maniere que fe puifle être, & tous ceux fur qui cette retenue seroit faite, en ayant connoiffance, feroient comme le Soldat, ils n'auroient d'attention qu'à ce qui leur en reviendroit de refte, & s'eftimeroient heureux de fe voir, au moyen de cette retenue, exempts de collecte & de toute forte d'impôts, dont l'aprehenfion les empêche de vivre un peu largement, dans la crainte d'une augmentation de cote au premier rôle prochain.

VI.

Comme dans l'arrangement qu'on pourra prendre pour la Taille proportionnelle, il eft affez difficile de taxer l'induftrie du menu peuple, qui fe trouve répandue dans une infinité

de

de profeffions lucratives dans un
tems, & qui ne leur produifent rien
dans un autre; ou enfin plus lucrati-
ves les unes que les autres, & dans
une province, une ville, ou village
plus que
dans un autre, on eftime que
l'établiffement des chambres & bour-
fes communes, propofé en chaque
paroiffe, eft fort utile pour parvenir
à taxer l'industrie du menu peuple, à
l'éducation des enfans & au foula-
gement des vieillards caducs & eftro-
piés, & des uns & des autres, lorf-
qu'ils feront malades, qui eft une
attention que les Rois doivent avoir
par preference à l'augmentation de
leur revenu, puifque c'eft du nom-
bre de leurs Sujets qu'ils tirent leurs
forces & leur puiffance.

bres en ce

Ces chambres ainfi établies, les Utilité de perfonnes qui les compoferont, fe- ces chamront à portée de connoître les diffeque les ou. rentes profeffions des habitans des vriers feparoiffes de leur demeure; & ce que ront bien chacun gagne par jour, ou par fa- occupés & bien payés çon ou entreprifes, & s'il arrive qu'ils ne le fachent pas parfaitement,

Tome I.

G

ceux qui feront travailler, les inftruiront; au lieu que fi on ne fait pas cet établiffement, on ne parviendra que très- imparfaitement à taxer l'induftrie on ne foulagera point les pauvres dans leurs befoins; la dureté continuera dans les riches, qui feront leurs ouvrages eux-mêmes, plûtôt que d'occuper de pauvres journaliers, ou s'ils les occupent, ils les forceront à donner leur tems & leur travail pour une vie très frugale qu'ils leur donneront, & croiront encore leur faire charité; en forte que pendant que le pauvre homme gagnera fa vie d'un côté, il faudra que fa femme & fes enfans aillent mandier leur pain de l'autre. Cela n'arrivera abfolumenr pas, fi cet établisfement eft fait; d'autant que plus les ouvriers gagneront & plus il y en aura d'occupés, plus la retenue fera confiderable; & la bourfe commune de la paroiffe ayant de gros fonds, elle fera en état de payer les impofitions non-feulement des pauvres, mais encore des riches qui les auront occu

pés. Cela eft d'une finguliere attention, pour que perfonne ne foit oiff, qu'il n'y ait aucun pauvre qui mandie, & que les enfans foient bien élevés.

tion des

pourvue.

Il n'y aura plus qu'à ordonner que L'éducatous les journaliers, manœuvriers, enfans du ferviteurs , domeftiques, compa- commun, gnons & tous gens de métier, de quelque âge, fexe & qualité qu'ils foient, qui travaillent à journées, façons & entreprises, gages ou apointemens, qui voudront être exempts des impôts, collecte d'iceux, folidité & rejets, chacun dans les paroiffes où ils feront leur refidence, pour faire-inftruire & élever leurs enfans jufqu'à l'âge de dix ans, & être foulagés dans leurs befoins étant malades, eftropiés ou devenu caducs, feront tenus de fe faire infcrire à la chambre de Direction de la paroiffe de leur demeure, fur le livre que le Commiflaire infpecteur tiendra à cet effet.

Soin qu'on Que la chambre & Direction de aura que chaque paroiffe, ou les perfonnes les gens de la paroifle préposées pour la composer, auront

« PreviousContinue »