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tion, & empêchent que l'efpece ne revienne au contribuable, pour entrer dans le trefor public par les voies. ordinaires. La crainte s'empare aufitôt des efprits; chacun referre fa depenfe, & le peuple vendant moins en quantité, payant néanmoins tout ce qu'on lui demande, vexé d'ailleurs par la fubfiftance ou le paffage des fe trouve bientôt épuifé. Exemple troupes, qui prouve Par exemple, fi l'on fupofe que la cette pro- guerre du Prince d'Orange, conmenpofition. cée en 1688 & terminée en 1697, a

employé au fervice du Roi, pendant les neuf années qu'elle a duré,

tant fur mer que fur terre, fix cent

mille hommes qui auront couté chacun quinze fols par jour en vivres, en folde, habits, armes, chevaux, équipages, vaiffeaux, artillerie, le tout par proportion, depuis le General d'armée jufqu'au dernier Tambour, & au Mouffe du vaiffeau, la depenfe de chaque année a monté à 164250000 livres, mais le revenu ordinaire ne paffoit pas 116000000 de livres.

Confe

rée de cet

Cela fupofé, il falut recouvrer de nouveaux fonds pour l'entretien de quence tila dignité Royale, les rentes, les ga- exemple. ges & les autres depenfes publiques. Cependant tout s'eft fait, mais pour en venir à bout, il falut emprunter par des creations d'offices, des alienations, des conftitutions de rente, & de nouvelles impofitions fur le. Public deja chargé des impofitions ordinaires, & de plus par la capitation impofée en Janvier 1695. Ainfi cette guerre a porté ces charges à près de 600000000 de livres au deffus des revenus ordinaires, pendant les neuf années de guerre.

Il eft vrai que ces grandes fommes les contriPourquoi ne font pas entrées en entier dans butions le Trefor.

pour la guerre r'entrent

pas toutes

I. Parce que ceux qui ont été chargés de la recette, ont des gages, des dans le taxations, des remifes, des interêts Trefor. de leurs avances, parce que le peuple ne paye pas au jour prefix.

II. Parce que pour fournir aux be

foins preffans, qui ne fouffrent point de delai, on a rendu le produit des recouvremens à des conditions qui ont autant diminué ce que le Roi auroit du recevoir. Mais il eft bon de remarquer que le peuple n'en a pas moins payé. On articule point les abus en detail; mais on croit pouvoir affurer qu'il n'eft point de Traitant qui n'ait malverfé du plus au moins, fans que le Miniftre l'ait pu empêcher, parce que l'abus eft infeparable de la neceffité des conjon&tures, & tel qui crie contre eux, en auroit fans doute toleré de plus forts, contraint par la dureté du tems & des évenemens.

Ufures Mais entre les abus, il n'y en a pratiquées point eu de plus grands que l'ufure dans les que le Public s'eft permife, parce affaires du qu'elle a été hautement pratiquée

Roi.

pour les affaires du Roi. Les gens des finances font fi ardens fur cet article, qu'ils comptent à rien une charge ou un emploi, qui ne rend pas dix pour cent par année ; & fur

ce pied-là eft fixé le prix & l'achat de l'office de Fermier General ou Receveur des deniers publics, qui donnent cinquante mille livree de rente en obtenue, pour une finance de quatre à cinq cent mille livres. Ils s'obligent en confequence, de fournir dans les tems les fommes impofées; mais prenant des termes plus éloignés que les recouvremens effectifs, ils ont toujours occafion de fupofer qu'ils payent par avance, & tirent ainfi du Roi des interêts au denier 10 de ce qu'ils ont à lui dans leurs mains.

billets de

Les billets de monnoie ont pro- Tort que duit, depuis quelques années, des font les gains immenfes aux gens d'affaires, monnoie, par la facilité qu'ils ont eu de donner les billets de monnoie pour efpeces; billets qu'ils ont reçu du Public avec un profit de deux cinquièmes au moins. Jamais le billonage n'a été porté fi loin, auffi jamais les Financiers n'ont-ils été fi riches, quelque femblant qu'ils faffent de ne l'être point.

revien

nent aux

Financiers

extraordi

Profits qui Ceux qui traitent du recouvrement des taxes extraordinaires, font encore plus avantagés, puifqu'on leur accordu recou- de le fixiéme des fommes principales vrement & les 2 cinquièmes pour livres par des taxes deffus. Si, par exemple, un Trainaires. tant fe charge du recouvrement de 6000000 de livres, il en retient un pour fon profit, & a de plus 600000 livres pour les deux fols pour livres, Il y a encore les frais du recouvrement eftimés à vingt pour cent : & enfin quoique le recouvrement foit fouvent affez facile, fi le Traitant veut payer à titre d'avance, il retire les interêts à dix pour cent ; d'où il arrive que le Roi ne tire que quatre millions & demi, de ce dont le peuple paye 7 à 8000000 de livres; ce qui ne peut être toleré que par l'excès de la neceffité des affaires. L'on ne doit donc pas être furpris de voir tout à coup des fortunes immenses. Les plus hautes charges de l'Etat ne raportent pas le denier 40, & celles des finances vont à 10 & 15 pour cent, fans les autres facilités qu'elles

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